Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le harcèlement scolaire blesse, broie, brise et vole ce que la vie offre de plus précieux : l’enfance, ce terreau fertile où poussent les goûts, l’apprentissage et les prémices de la conscience morale, civique et donc sociale.
Dans ce pays où l’on prétend combattre l’endémie d’un mal par un numéro vert, il est temps de mettre un coup d’arrêt à une spirale que le développement des technologies rend bien souvent infernale.
Pour y parvenir, monsieur le ministre, c’est une culture de la vigilance qu’il nous faut instituer, une culture qui se pense et se déploie au plus près du terrain, c’est-à-dire des victimes potentielles ou avérées. Il s’agit de détecter rapidement, d’agir en local pour laisser les enfants le moins longtemps possible en situation de harcèlement. Les premiers témoins sont les enfants eux-mêmes, ils sont spectateurs ; libérons leur parole. Expliquons que l’idée est non pas de dénoncer un harceleur, mais de signaler un élève harcelé : c’est une assistance à personne en danger.
À cet égard, les applications intracollèges et lycées de type Pronote pourraient être utilisées comme plateformes internes d’alerte permettant aux témoins de signaler un élève en difficulté tout en préservant leur anonymat.
Premier rempart dans l’accompagnement psychosocial, nous devons également redresser une médecine scolaire en grand danger. Oui, j’y insiste, la médecine scolaire est abandonnée. Nous comptons seulement un médecin pour 12 000 élèves. C’est une situation que Dominique Bussereau qualifiait d’indigence devant le Sénat lors de sa dernière audition.
Plus encore, il convient de traiter ce fléau dans son intégralité. Le programme pHARe, dont vous avez annoncé le déploiement au lycée, n’est qu’une réponse partielle à un problème global. Ce qu’il nous faut, comme en Finlande depuis plusieurs générations, c’est un bouleversement culturel, l’avènement d’une société de grands témoins ; non de la suspicion, mais de l’attention portée aux autres où chacun est le maillon d’une chaîne de valeur trop souvent ignorée chez nous : le respect de l’autre, l’interaction sociale et la compréhension des émotions d’autrui.
Plus qu’un programme, la Finlande a développé cette culture de la vigilance que le temps long et surtout les moyens humains, comme financiers, font infuser au quotidien avec des résultats surprenants, marqués par la baisse de plus de 40 % du phénomène.
Enfin, comment peut-on penser lutter contre le harcèlement scolaire en faisant l’économie de son volet cyber ? Nous avons le devoir d’éviter la dissémination des comptes, la multiplication des identités factices et des comptes fantômes, qui prospèrent grâce à l’anonymat et au pseudonymat. Qu’attendons-nous pour corréler l’identité numérique à l’identité réelle des utilisateurs de réseaux sociaux ? Techniquement, c’est déjà possible.
Monsieur le ministre, les militaires, qui savent mieux que personne traiter l’urgence, ont une formule que je fais mienne : être à l’heure, c’est déjà être en retard. Du retard, nous en avons à rattraper. La France le peut, comme la Finlande l’a fait.