Dans la discussion générale, j'avais proposé que l'on réfléchisse pour l'avenir. Les dispositions adoptées ne seront pas d'effet immédiat, et, quelle que soit l'issue du vote de ce soir, nous serons obligés de revenir sur ces questions plus tôt qu'on ne le pense, car le présent texte ne résout pas les problèmes posés.
Le débat sur le présent projet de loi a été rendu très houleux par une polémique : les huit millions de Français pratiquant le téléchargement sans payer de droits d'auteur et de droits voisins sont-ils des contrefacteurs ?
D'un point de vue juridique, la question se pose effectivement. La jurisprudence, en l'état actuel du droit positif, est contradictoire. Cette question était d'autant plus brûlante - elle l'est d'ailleurs toujours - qu'elle en entraîne une autre : celle de la rémunération des auteurs, des artistes et des producteurs.
La polémique a conduit à des errements de part et d'autre : je récuse radicalement la notion de pirate, qui relève selon moi de la propagande et de l'amalgame déplacé. Pour autant, je ne suis pas présentement favorable à la gratuité, non plus que je ne le suis au compromis, de piètre qualité, envisagé un moment, à savoir la « licence globale ».
Tant que les auteurs vivront dans un monde payant, ils devront être eux aussi payés pour le travail fourni. Il en va de même pour les artistes et les producteurs. Il faut donc trouver autre chose que l'interdiction pure et simple d'un côté, la liberté libertaire de l'autre.
Cet amendement vise à procurer aux titulaires de droits une rémunération adaptée à l'environnement numérique. Le mécanisme qui nous avons imaginé implique les internautes, les fournisseurs d'accès, les titulaires de droits, les sociétés de perception et de répartition de ces droits ainsi qu'un nouvel établissement public à caractère administratif.
Les titulaires de droits cèdent leurs droits exclusifs aux fournisseurs d'accès, qui, devenant alors officiellement les diffuseurs, établissent à l'attention de l'internaute la facture correspondant au nombre d'oeuvres téléchargées.
Les fournisseurs d'accès perçoivent cette rémunération et la transmettent, via l'établissement public nouvellement créé, aux sociétés de perception et de répartition des droits, qui la répartissent aux titulaires de droits.
L'établissement public joue un rôle central, car il est chargé, grâce aux informations afférentes au régime des droits, d'évaluer la diffusion des oeuvres sur Internet et de calculer les droits correspondant à cette diffusion. Il n'effectue pas lui-même la répartition, mais transmet le résultat de ses calculs aux sociétés de perception et de répartition des droits, les SPRD, lesquelles se chargent effectivement de la rémunération.
Il faudra bien sûr que son activité soit contrôlée de près par la CNIL.
En outre, nous souhaitons l'intervention de l'État, des collectivités qui le souhaitent, voire des entreprises, avec des modalités de redistribution diversifiées, tels des mécanismes du type « carte orange », inventée par les transports franciliens. Je pense à une carte Internet qui prendrait en charge une partie significative de la facture des internautes les plus modestes, par exemple ceux qui ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu. C'est une idée.
Les intérêts de ce mécanisme sont les suivants : ce dernier sauvegarde le droit exclusif ; il permet une rémunération des auteurs, artistes et producteurs proportionnelle à la diffusion des oeuvres ; il ne va pas à l'encontre de l'accroissement de la diffusion des oeuvres permise par Internet, mais, au contraire, il soutient la démocratisation culturelle par l'intervention publique en soutien du paiement final de l'utilisateur.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de voter le présent amendement.