Depuis l'adoption de la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique, les tentatives de faire basculer les droits patrimoniaux de l'auteur salarié dans l'escarcelle de l'employeur ont été fort nombreuses.
Cette loi a heureusement posé le principe - codifié à l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle - que le contrat de travail n'emporte pas automatiquement cession des droits d'auteur du salarié à son employeur, protégeant ainsi les journalistes, les réalisateurs, les dessinateurs, bref, tous ceux qui sont auteurs et qui ont dans le même temps un statut salarié.
Mais un courant défend les intérêts des entreprises contre les auteurs et remet régulièrement en cause ce principe clair en tentant de faire admettre l'idée d'une cession automatique ou implicite des droits de l'auteur salarié à l'employeur.
La jurisprudence des juridictions civiles résiste à ce mouvement en s'appuyant sur la défense de l'auteur salarié, qui est prévue dans le code. Mais récemment, deux décisions de la chambre sociale de la Cour de cassation, en s'appuyant sur le fait qu'aucun article du code de la propriété intellectuelle ne réserve la compétence de son application aux juridictions civiles, ont considéré que la juridiction prud'homale serait compétente en matière de droit d'auteur.
Or les conseils de prud'hommes, juridictions professionnelles non averties des règles du droit d'auteur, n'ont pas la même rigueur dans l'application du code de la propriété intellectuelle. Ainsi, ils ont considéré que le producteur d'une oeuvre audiovisuelle est cessionnaire des droits d'une réalisatrice alors qu'aucun contrat, ni de travail ni de cession de droits, n'a été signé !
C'est faire basculer le droit des salariés en faveur de l'employeur, contre la volonté du législateur, en violation des dispositions les plus protectrices de l'auteur.
Quand on connaît la grande complexité du code de la propriété intellectuelle - cette complexité sera d'ailleurs encore accentuée par les modifications qui nous sont aujourd'hui proposées -, il est évident que seuls des magistrats connaissant à la fois les règles du contrat civil et le statut protégé de l'auteur sont capables de déterminer la qualité d'auteur, la protection de l'oeuvre, de surveiller que les règles de la cession prévues par le code de la propriété intellectuelle seront respectées et de faire respecter les droits moraux et patrimoniaux de l'auteur.
Imagine-t-on un instant un conseil de prud'hommes trancher du droit moral de l'auteur dans un conflit avec l'employeur ? Imagine-t-on un instant un conseil de prud'hommes dire que tel écrit, tel film, tel dessin, tel plan d'architecture serait ou ne serait pas une oeuvre ? C'est pourtant ce qui est en train de se dessiner après que les conseils de prud'hommes ont été déclarés compétents en la matière.
Les conseillers prud'homaux consultés, tant employeurs que salariés, ne le souhaitent pas, compte tenu de la tâche complexe qui est déjà la leur.
Aussi, mes chers collègues, je vous demande de voter cet amendement n° 170, qui vise simplement à faire en sorte que les conseils de prud'hommes ne soient pas compétents pour interpréter et appliquer le code de la propriété intellectuelle.