Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le groupe Union Centriste, qui a proposé à M. le président du Sénat d’inscrire ce débat à notre ordre du jour.
Il me revient d’ouvrir le bal, si j’ose dire, sans introduction préalable par le Gouvernement ou par un rapporteur, sur un sujet à la fois important et particulièrement complexe : l’intelligence artificielle (IA) générative.
Je voudrais dire en préambule que nous devrions en parler au pluriel, puisqu’il existe plusieurs types d’IA générative. Cette dernière est en fait un sous-ensemble de ce que l’on appelle « l’apprentissage profond », lui-même un sous-ensemble de ce que l’on appelle « l’apprentissage machine ».
L’IA générative est fondée sur des systèmes neuronaux artificiels, un concept qui a été créé au sein d’universités américaines dans les années 1940, mais qui n’a trouvé des applications concrètes et des débouchés que ces dernières années, avec le développement des capacités de calcul et de stockage des données.
C’est un sujet hautement complexe, car expliquer ce qu’est un système neuronal artificiel n’est pas chose aisée. L’idée est de copier le modèle de fonctionnement du cerveau humain. Quand votre œil enregistre une donnée, il la transfère à travers le nerf optique au cerveau, et celui-ci l’analyse.
Je vais prendre un exemple. Nous sommes le matin, vous venez de vous réveiller, vous avez un discours à écrire pour une discussion générale et vous ne voulez qu’une chose : boire un café.
L’image que l’œil va envoyer à votre cerveau est celle de la cuisine et de la porte ouverte du placard. Vous savez que les tasses se situent à tel endroit et que, par chance, vous avez vidé le lave-vaisselle : vous êtes donc à peu près sûr de trouver une tasse pour votre café.
Il existe aussi une mémoire d’alerte qui vous rappelle que, la dernière fois, vous vous êtes pris la porte du placard dans le visage.
Ainsi, le cerveau réalise un traitement complexe de toutes ces informations, et pas seulement de la donnée de base transmise à un moment donné par le nerf optique, en intégrant tout dans un environnement de synapses et de neurones qui vous permettra de vous guider jusqu’à la fameuse tasse. Ce système est donc particulièrement riche et performant.
La particularité des IA génératives est de s’appuyer non pas sur un seul algorithme, mais sur un ensemble complexe d’algorithmes qui échangent – c’est ce que permettent les progrès des dernières années.
Sans entrer dans les détails, certaines IA sont qualifiées d’« adversorielles » – elles mettent en concurrence deux systèmes de réseaux neuronaux qui se transmettent des informations et s’enrichissent l’un l’autre –, d’autres de « probabilistes » – le niveau de détail et d’information est alors plus élevé.
En tout cas, nous vivons aujourd’hui une véritable révolution, qui touche la production de contenus et d’images comme les processus de décision.
Comme je n’étais pas très réveillé ce matin, j’ai demandé à une intelligence artificielle de préparer mon discours sur les impacts économique, social et politique de l’IA générative. Le résultat est sympathique, mais il est extrêmement plat et descriptif. Il ne contient pas d’éléments complètement faux, mais il est incapable d’évaluer véritablement ses impacts. La marge de progression reste donc particulièrement importante.
Pour autant, nous devons nous intéresser aux conséquences du développement des IA. J’ai eu la chance de travailler récemment, avec Catherine Morin-Desailly et Cyril Pellevat, sur le projet de législation européenne destiné à encadrer l’intelligence artificielle. Nous avons retenu deux idées fortes : il faut à la fois préserver les libertés, les responsabilités et l’éthique, dans un cadre européen, et permettre le développement et l’innovation en matière d’IA.
Nous sommes tous affolés aujourd’hui par le succès de ChatGPT : diffusé en novembre dernier, celui-ci a atteint plus de cent millions de téléchargements en seulement deux mois. Le précédent record était détenu par TikTok, qui avait atteint le même nombre de téléchargements en neuf mois.
C’est donc bien un incroyable succès, qui transforme, par exemple dans le secteur de l’éducation, notre manière d’enseigner ou de valider les travaux. Le numérique n’est pas uniquement négatif ; il faut aussi considérer ses aspects positifs. Par exemple, le plagiat dans le monde universitaire a été en grande partie éradiqué par un logiciel ad hoc.
Pour conclure, nous devons prendre en compte les apports, mais aussi les risques et les dangers de l’IA générative – nous ne les mesurons certainement pas tous. Nous devons apprendre à utiliser ce nouvel outil.