Intervention de Vanina Paoli-Gagin

Réunion du 12 avril 2023 à 15h00
Impacts économique social et politique de l'intelligence artificielle générative — Débat d'actualité

Photo de Vanina Paoli-GaginVanina Paoli-Gagin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2017, le groupe Les Indépendants – République et Territoires avait organisé en ces murs un débat sur le thème : « Intelligence artificielle, enjeux économiques et cadres légaux ».

Au vu de l’accélération de ces technologies et des enjeux y afférents, nous avons jugé opportun de proposer de nouveau un débat sur ce thème. Je salue donc le choix collectif d’évoquer, ensemble, les défis de l’intelligence artificielle générative.

J’ai eu personnellement la chance d’assister, dans ma pratique professionnelle, au forum mondial sur l’intelligence artificielle qui s’est tenu en Chine, à Wuzhen, en 2017, avec d’éminents chercheurs du monde entier, dont Yuval Noah Harari, que vous connaissez tous, mes chers collègues. J’ai cru y comprendre que la différence majeure entre l’intelligence artificielle et le cerveau humain était l’intention, apanage de ce dernier. C’est sur cet élément, me semble-t-il, que nous devons nous concentrer d’un point de vue éthique, monsieur le ministre.

Dès 2016, l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, prévenait que 9 % des emplois en France présentaient un « risque élevé de substitution » par des robots. Avec l’amélioration permanente de l’intelligence artificielle, cette proportion augmentera.

Cette vérité est à nuancer, car ces prévisions pessimistes n’évoquent que les destructions et non les nouvelles créations d’emplois. J’ai un exemple frappant de cette dynamique positive dans mon département de l’Aube, où l’entreprise familiale Gamba et Rota a investi 10 millions d’euros pour robotiser son outil logistique via l’IA, ce qui permettra d’envisager la création d’une centaine d’emplois.

Nous sommes à l’aube d’une vaste révolution de l’emploi et du rapport au travail. Cela vaut particulièrement pour les jeunes, qui sont plus que jamais en quête de sens dans leur vie professionnelle.

La dichotomie entre technophiles béats et détracteurs outranciers est bien évidemment dépassée. L’immense défi de l’intelligence artificielle nous invite, au contraire, à la nuance et à la précision, dans un univers en perpétuelle mutation.

Il s’agit d’anticiper les grandes évolutions sociétales, économiques et politiques qui en découleront. L’importance des progrès permanents entraînés par l’intelligence artificielle fait écho à l’ampleur des craintes qu’elle nous inspire.

À ces inquiétudes, il nous faut répondre avec pédagogie, pour tirer profit des perspectives positives ouvertes par cette technologie. Il nous faut aussi répondre avec lucidité, pour anticiper les changements d’ampleur qui surviendront, notamment sur le marché du travail. Il nous faut enfin répondre avec fermeté, par un cadre réglementaire solide, pour garantir à nos concitoyens une intelligence artificielle fiable et sûre.

L’Europe doit développer une approche éthique des données, avec une méthode et un cadre réglementaire propres. Cela implique de s’affranchir de la Chine et des États-Unis, qui nous imposent, depuis un certain temps, leur calendrier et leurs objectifs.

Les Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – conservent leur puissance par les supports qu’ils fournissent au monde depuis tant d’années. ChatGPT est d’ailleurs financé par Microsoft. L’Europe a perdu la bataille des données personnelles ; celle des données professionnelles est en cours. Les géants y abusent de leur position dominante.

Nous devons aborder avec une grande vigilance le recours à l’intelligence artificielle, via des outils tels que ChatGPT, dans nos entreprises. Les gains de productivité espérés ne doivent pas masquer l’aspirateur à données qu’est cet outil.

La France est également pénalisée par la fuite de certains de ses cerveaux, alors même que leur formation a été assurée sur les deniers publics. Nous finançons, en partie, notre propre dépendance.

Notre pays dispose pourtant d’atouts essentiels et d’un vivier d’acteurs spécialisés. Selon l’association France Digitale, l’écosystème français rassemble 590 start-up et plus de 80 laboratoires de recherche en intelligence artificielle, ce qui nous place en pole position à l’échelle européenne.

Nous avons des compétences réelles et pointues dans certaines niches. Cela fait notre force. Nous pouvons également dynamiser ces forces grâce au droit. Nous attendons ainsi beaucoup de l’Artificial Intelligence Act. Ce cadre nouveau doit nous redonner une longueur d’avance.

Je profite de cette occasion pour saluer la mobilisation de Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, sous l’impulsion duquel nous avons, en deux ans – un temps record ! – bâti une réglementation de l’intelligence artificielle dont la précision et la complétude sont inégalées.

Les prochaines années s’annoncent décisives. Il n’est pas question de se laisser distancer davantage, sous peine de rater définitivement l’occasion de rester dans la course.

Dès lors, monsieur le ministre, comment la France s’engage-t-elle pour ériger l’Europe en chef de file, tout en garantissant la sécurité et les droits des utilisateurs ? Que pensez-vous à cet égard des récentes positions de l’Italie ? Et pouvez-vous nous indiquer précisément notre feuille de route sur ce sujet, à l’échelle tant nationale qu’européenne ?

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