Intervention de Michel Charasse

Réunion du 10 mai 2006 à 22h00
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information — Article additionnel après l'article 20 ter

Photo de Michel CharasseMichel Charasse :

Je n'ai pas très bien compris pourquoi la commission, à mon avis très avisée sur beaucoup de points, a déposé cet amendement. Ce dernier complète, si l'on peut dire car il n'a pas grand rapport avec lui, l'article L. 132-25 du code de la propriété intellectuelle, qui pose le principe de la rémunération proportionnelle des auteurs d'oeuvres audiovisuelles, cette rémunération devant être versée par le producteur.

Cet amendement prétend se calquer sur le dispositif de l'article L. 212-8 du code, qui, je crois, n'a été appliqué qu'une seule fois et qui permet l'extension par le ministre de la culture des accords collectifs fixant le niveau minimum des rémunérations, de nature salariale, dues aux artistes-interprètes des oeuvres audiovisuelles. C'est curieux, car, comme nous le savons, mes chers collègues, les droits d'auteur ne sont pas fixés par des accords collectifs.

Mais, en fait, il ne s'agit pas du tout de cela. L'amendement permettrait en effet l'extension des « accords relatifs à la rémunération des auteurs » - c'est ce que nous a dit M. le rapporteur - conclus par les sociétés de gestion.

Le problème vient du fait que les sociétés de gestion ne signent pas d'accords de rémunération. Elles concluent des accords autorisant l'exploitation des droits dont elles ont la gestion, autrement dit des contrats de cession de droits. Ou bien c'est ce que veut dire M. le rapporteur, mais c'est mal exprimé, ou c'est bien ce que je lis et, dans ce cas-là, je ne vois pas comment ces sociétés pourraient faire, puisque, je le répète, elles ne signent pas d'accords de rémunération.

Ce que l'on veut, me semble-t-il, c'est permettre d'étendre ces contrats à des exploitants qui ne les auraient pas signés, et à des droits dont les sociétés de droits ne seraient pas gestionnaires. Ce serait contraire à tous les principes du droit des contrats et du droit de propriété.

J'ajoute que le texte proposé par la commission me paraît d'autant plus choquant que les droits visés par cet amendement - il s'agit par exemple, vous le savez sans doute comme moi, monsieur le ministre, des droits d'exploitation des oeuvres cinématographiques sous forme de vidéogrammes et des droits de vidéo à la demande pour l'audiovisuel - peuvent parfaitement faire l'objet d'une gestion individuelle directe.

Cette gestion est à l'avantage des auteurs, qui peuvent négocier avec le producteur le taux de leur rémunération proportionnelle, qui perçoivent cette rémunération sans délai ni frais de gestion et qui peuvent par ailleurs, en application de l'article L. 132-28, en contrôler le mode de calcul.

Je ne souhaite pas qu'on me réponde que la gestion collective leur assure une rémunération plus importante : le protocole d'accord entre la SACD et les producteurs de cinéma pour la vidéo à la demande prévoit pour les auteurs une rémunération de 2 % ! Cela fait sûrement l'affaire des producteurs, mais à mon avis pas vraiment celle des auteurs.

Mais peu importe aux sociétés de gestion collective : ce qu'elles veulent, c'est développer le montant de leurs perceptions et de leurs prélèvements au titre des frais de gestion.

Monsieur le ministre, je ne vous ferai pas l'injure - j'ai trop d'estime pour vous - de croire que vous accepteriez d'étendre des accords de cession de droits.

Mais l'avenir n'appartient à personne et, de toute façon, même si ce texte ne devait jamais être appliqué, je crois préférable de ne pas inscrire dans le code de la propriété intellectuelle un dispositif qui porte autant atteinte au droit d'auteur.

La meilleure solution serait donc que la commission accepte de réfléchir et de retirer cet amendement dangereux, ou, sinon, que le Sénat ne le vote pas.

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