Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces derniers mois notre assemblée a eu à débattre de plusieurs textes relatifs aux politiques du logement. Tout récemment, nous avons examiné la proposition de loi visant à mieux protéger les locataires bénéficiant d'une allocation logement et vivant dans un habitat non décent.
Si ces textes n'apportent pas toujours des solutions adaptées, ils partagent néanmoins un même constat : la France, ayant pris des engagements environnementaux et sociaux visant notamment à réduire les passoires thermiques d'ici à 2028, a déployé des moyens importants et obtenu quelques progrès. Ainsi, en 2022, près de 3, 1 milliards d'euros ont été dépensés pour réaliser des travaux dans 670 000 logements.
Cependant, les politiques publiques demeurent inefficaces face à l'ampleur de l'enjeu. Au contraire, la précarité énergétique s'accroît, en partie à cause d'un contexte de hausse des prix de l'énergie qui touche les plus vulnérables : 5, 6 millions de ménages sont concernés et ce chiffre ne diminue pas.
Par ailleurs, 37 % des passoires thermiques sont occupées par des ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté et les territoires ruraux sont particulièrement touchés par la vulnérabilité énergétique.
Pour ce public précaire, il est impossible d'engager des travaux de rénovation globale, donc performante, en raison d'un reste à charge important : entre 35 % et 50 % du coût des travaux. Cette dépense est trop importante pour leurs finances ; de ce fait, les passoires thermiques subsistent.
Les difficultés rencontrées s'expliquent en partie par une complexité administrative et des dysfonctionnements techniques persistants, notamment au niveau de la plateforme MaPrimeRénov'. De plus, l'importance de la fracture numérique constitue un frein pour les publics concernés par les aides de l'État, qui n'y accèdent pas faute d'un accompagnement adapté et en raison d'un manque de coordination entre les différents corps de métiers de la filière de l'artisanat. Même lorsqu'ils y accèdent, les subventions mettent trop de temps à arriver.
Les objectifs et les constats sont partagés, les moyens sont là ; pourtant, rien n'avance, alors qu'il est urgent de tenir les engagements annoncés. La France risque de passer encore une fois à côté d'un enjeu majeur pour la lutte contre le réchauffement climatique.
En effet, sans un diagnostic de performance énergétique (DPE) conforme, les logements les plus énergivores risquent de sortir du marché de la location faute de rénovation. Ainsi, 90 000 logements du parc privé sont potentiellement concernés depuis le 1er janvier 2023 et ce chiffre passerait à 160 000 au 1er janvier 2025.
La révision de la stratégie française sur l'énergie et le climat sera discutée dans les prochains mois. Ce débat doit être l'occasion de définir de nouvelles priorités d'actions. Résorber la précarité énergétique est une nécessité à la fois sociale et environnementale, qui requiert une stratégie de rénovation des logements plus performante et plus inclusive.
Avec ce texte, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se veut force de proposition sur cet objectif dans la perspective de la loi de programmation dont nous débattrons cette année.
Ses quatre articles structurent une stratégie cohérente pour atteindre les objectifs de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, et rétablir le principe d'égalité et de justice sociale dans la mise en œuvre de notre transition écologique, que nous avions déjà défendu lors de l'examen de ladite loi.
Nous souhaitons ainsi prioritairement recentrer l'effort budgétaire de la France sur l'éradication des passoires thermiques, en mettant en place un reste à charge zéro pour les personnes les plus précaires et en favorisant le « aller vers » de manière à toucher tous les foyers éligibles aux aides à la rénovation énergétique.
Pour ce faire, nous entendons poser le principe de l'égalité d'accès aux guichets France Rénov' et aux accompagnateurs Rénov' sur l'ensemble du territoire, y compris dans les zones à faible densité de population.
Dans un souci de prise en compte des réalités quotidiennes, nous souhaitons également permettre aux propriétaires occupants sans possibilité de relogement de réaliser leurs travaux de rénovation globale en plusieurs tranches, dans le cadre d'un parcours financé, accompagné et planifié.
Enfin, nous proposons d'encourager l'innovation dans les techniques et les matériaux de rénovation afin d'améliorer la prise en compte des spécificités locales, ce qui est particulièrement pertinent pour les territoires d'outre-mer.
Bien que nos constats sur la nécessité d'accélérer la rénovation énergétique des bâtiments et la lutte contre les passoires thermiques aient été unanimement partagés lors de l'examen en commission, celle-ci a rejeté notre texte. Nous tenons néanmoins à rappeler qu'il est urgent de trouver des réponses efficaces et concrètes.
Nos propositions sont adaptées à la réalité quotidienne de nombreux citoyens, elles se fondent sur des situations réelles vues et entendues dans nos circonscriptions, ainsi que dans de nombreux reportages.
En 2021, environ 11, 9 % des Français ont dépensé plus de 8 % de leur revenu pour régler les factures énergétiques de leur logement et sont donc considérés comme souffrant de précarité énergétique. En 2022, le nombre de ménages ayant subi l'intervention d'un fournisseur d'énergie en raison d'impayés avait augmenté de 28 % en trois ans.
Notre texte se veut une alerte : les efforts de rénovation connaissent de fortes inégalités territoriales, ce n'est pas normal ; nos concitoyens subissent une importante inégalité d'accès aux dispositifs nationaux encourageant les rénovations, ce n'est pas normal.
La transition énergétique, comme bien d'autres domaines, fait des privilégiés et des laissés pour compte, nous ne pouvons pas l'accepter. C'est pourquoi je vous invite à voter cette proposition de loi.