Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le phénomène de précarité énergétique a pris une place particulièrement médiatisée dans notre espace politique, économique et social. En plus d'être délicate, la situation est inédite et l'enjeu, multiple.
Après la crise du covid-19, qui a mis en évidence l'urgence qu'il y avait à remédier à ce problème, l'année 2022 l'a aggravé en raison de l'inflation élevée, provoquée par la hausse des prix de l'énergie et des matières premières et exacerbée par des enjeux nationaux et internationaux que chacun connaît.
L'année passée, 22 % des Français ont déclaré avoir souffert du froid chez eux, et 69 % d'entre eux ont réduit leur consommation énergétique et ont eu des difficultés à payer leurs factures.
Sur la forme, le groupe RDSE rejoint la position de la commission, car il serait préférable, avant de légiférer, d'attendre les conclusions de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, prévues pour juillet 2023, ainsi que la loi de programmation sur l'énergie et le climat.
Quant au fond, nous ne pouvons aborder la thématique de la précarité énergétique sous le seul prisme de ses conséquences sociales et économiques.
En effet, si elle est synonyme d'une situation financière dégradée, d'un isolement social et d'une santé physique menacée, sa dimension environnementale témoigne de l'urgence climatique dans laquelle nous nous trouvons.
La rénovation énergétique des logements est un objectif majeur pour la transition vers une économie moins carbonée. Elle n'est d'ailleurs pas seulement une obligation imposée par le changement climatique et une précarité grandissante, mais elle concerne aussi la sauvegarde du patrimoine bâti, la défense de notre balance commerciale et la création d'emplois.
L'action publique dans ce domaine doit donc être largement repensée et nécessite de trouver une articulation juste entre plusieurs principes. Le secteur du bâtiment fonctionnant selon des temps longs, il convient de proposer aux acteurs une vision de long terme et une politique publique stable afin que ceux-ci aient la capacité de préparer et d'anticiper les changements.
Créer une dynamique forte, pérenne et massive de rénovation énergétique implique de s'appuyer sur deux éléments indissociables : d'une part, un signal législatif et réglementaire orientant la réflexion et la décision du propriétaire ; d'autre part, le réflexe de performance énergétique à chaque occasion de travaux. Cela ne peut se faire sans structuration de l'offre ni adaptation de la filière professionnelle.
Par ailleurs, le principe de réduction du besoin de consommation doit guider le projet de rénovation globale. Les rénovations énergétiques partielles, focalisées notamment sur un changement du mode de chauffage, ne peuvent pleinement satisfaire nos objectifs en matière de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Il est nécessaire de rénover les enveloppes de manière performante et d'utiliser une énergie décarbonée. Ainsi, pour que l'accélération soit efficace, la vision doit être globale et embrasser tous les problèmes pouvant y faire obstacle.
Néanmoins, au-delà de la viabilité économique, d'autres freins peuvent empêcher ces rénovations d'être menées à bien : complexité des dossiers, crainte des surcoûts et des malfaçons, difficulté de trouver des artisans, dérangement causé par l'ampleur des travaux de rénovation globale. Les réponses à apporter ne sont pas nécessairement financières, mais se trouvent plutôt dans la qualité des services et de l'accompagnement proposé aux ménages.
En somme, le groupe RDSE souhaite s'assurer que l'ensemble de ces freins soient pris en compte à travers la loi de programmation sur l'énergie et le climat. Nous partageons le constat de l'urgence, mais nous reconnaissons l'inadaptation du calendrier législatif. Sur le texte qui nous est soumis, nos voix se répartiront donc entre le vote favorable et l'abstention.