Intervention de Catherine Belrhiti

Réunion du 3 mai 2023 à 15h00
Précarité énergétique — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Catherine BelrhitiCatherine Belrhiti :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un constat accablant qui nous réunit ici aujourd'hui, à la lumière des crises que nous traversons et qui s'enchaînent.

Le poids des factures énergétiques des logements pèse lourdement sur les Français et aggrave la situation des plus modestes, dont le budget est déjà gangrené par l'inflation depuis des mois.

Ces dépenses sont souvent liées à la vétusté des logements et, en particulier, à leur isolation. Le constat dressé par le sénateur Cardon et ses collègues me semble très largement partagé dans cet hémicycle : la rénovation des logements est actuellement insuffisante et son rythme doit être accéléré dans une logique à la fois sociale, économique et environnementale.

Les objectifs posés par la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte étaient pourtant ambitieux et explicites : rénover 500 000 logements par an, dont la moitié sont occupés par des ménages modestes, pour disposer d'un parc à basse consommation d'énergie en 2050 et réduire de 15 % la précarité énergétique à l'horizon de 2020.

Ces objectifs ont été réaffirmés à l'occasion de l'adoption de la loi Climat et résilience en 2021, laquelle fixe comme finalité de disposer d'un parc de bâtiments sobres en énergie et faiblement émetteurs de gaz à effet de serre à l'horizon de 2050.

Inutile d'épiloguer sur la question : cet engagement n'est pas tenu à l'heure actuelle et les quelque 66 000 rénovations globales réalisées en 2022 ne laissent guère présager une amélioration nette dans les prochaines décennies.

Cependant, si ce constat fait consensus, les solutions proposées par le texte soumis à notre examen sont insuffisantes et requièrent un sérieux approfondissement.

Tout d'abord, en matière législative, il convient de ne pas aller trop vite en besogne, afin de conserver une certaine cohérence. Or la pertinence de ce texte est largement remise en cause par le calendrier : le Sénat sera amené à débattre à au moins deux autres reprises et de manière exhaustive de cette question dans les prochaines semaines.

Outre la future loi de programmation sur l'énergie et le climat présentée cet été par le Gouvernement, les conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique attendues pour juillet permettront, en mettant en exergue l'ensemble des lacunes des dispositifs d'aide de l'État, de dégager les solutions concrètes à leur apporter.

Cette commission transpartisane a produit jusqu'à présent un travail rigoureux et complet dans ses auditions des différents acteurs du secteur, et je suis persuadé que ses conclusions seront à la hauteur de l'investissement fourni par la présidente Estrosi Sassone et ses collègues.

Dans ce contexte, il serait regrettable d'adopter des dispositions qui iraient à l'encontre des travaux de la commission d'enquête, tout en étant potentiellement en décalage avec les futures propositions gouvernementales. Au-delà de ce calendrier défavorable, l'esprit du texte ne me semble pas non plus parfaitement en adéquation avec les objectifs actuels.

En effet, loin d'être un approfondissement des lois votées précédemment sur le sujet, la proposition de loi de M. Cardon fixe de nouveaux objectifs vertueux à atteindre sans prendre en considération le panorama des défis actuels et sans se doter des moyens nécessaires à leur respect.

Cela transparaît dès l'article 1er, qui conditionne l'accès aux aides à la réalisation d'une rénovation performante et globale et institue un reste à charge nul pour les ménages les plus précaires.

Concernant l'évaluation globale, la loi a déjà prévu une incitation financière accrue, qui doit rester prioritaire. Néanmoins, cette incitation doit demeurer souple et son évolution progressive, pour ne pas déstabiliser le secteur et préserver les premiers succès obtenus par MaPrimeRénov'. En effet, tous les ménages ne peuvent pas se permettre une rénovation globale, laquelle n'est d'ailleurs pas toujours opportune.

Quant au reste à charge, la loi prévoit déjà, sur l'initiative du Sénat, un reste à charge minimal qui, pour le moment, n'est malheureusement pas appliqué. La prise en charge, même infime, des coûts de rénovation est une question de dignité sociale. Cependant, un reste à charge nul pour les ménages qui entreprendraient une rénovation globale aurait un coût exorbitant pour nos finances publiques.

Dans ces conditions, mes chers collègues, il me paraît impensable de voter en faveur de ce texte. La question de la précarité énergétique, située à l'embranchement de l'économie, de la transition écologique et de la question sociale, est trop importante pour être abordée de manière imparfaite.

Ce texte ne répond pas efficacement aux trois problématiques qui me semblent essentielles dans ce débat : tout d'abord, les modalités de financement et l'équilibre entre les aides de l'État et le nécessaire investissement personnel du ménage ; ensuite, les moyens humains et matériels mis à disposition des ménages, leur déploiement et l'usage qui en est fait par nos concitoyens ; enfin, l'information et la communication sur le sujet, aussi bien au niveau de la sensibilisation que de l'accompagnement à chaque étape de la démarche, de l'initiative à la réalisation des travaux.

La commission d'enquête nous donnera prochainement un premier aperçu de l'étendue du travail qu'il nous reste à accomplir en la matière.

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