Intervention de Stéphane Sautarel

Réunion du 3 mai 2023 à 21h45
Programme de stabilité et orientation des finances publiques — Débat organisé à la demande de la commission des finances

Photo de Stéphane SautarelStéphane Sautarel :

Monsieur le ministre, le 27 avril dernier, vous avez présenté la nouvelle ligne budgétaire de la France jusqu'en 2027. Nous commentons donc ce soir, en quelque sorte, une orientation déjà transmise.

Pour réduire la dette, vous comptez notamment vous appuyer sur des économies de dépenses, sans vraiment les documenter, alors même que le « quoi qu'il en coûte » persiste. Nous pouvons nous interroger sur la crédibilité de ce dispositif, conçu avant que la revue des dépenses ne soit engagée et qu'un cap clair ne soit défini.

Cette présentation allait-elle rassurer les agences de notation qui réexaminent le cas français et la Commission européenne qui promet un retour à des règles budgétaires plus contraignantes – quoique potentiellement différenciées – l'an prochain ? Il n'en est visiblement rien : l'agence Fitch, qui a été la première à se prononcer, vient de dégrader la note de la France. Notre situation budgétaire, marquée par des déficits budgétaire et commercial de 160 milliards d'euros chacun, inquiète tous les Européens.

La réforme des retraites, qui prévoit une économie comprise entre 7 et 10 milliards d'euros, constituait à cet égard un premier gage, déjà démenti par le Centre de recherches pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises (Rexecode). Le présent exercice en constitue un second. Tout cela est-il vraiment crédible ?

Ce n'est pas vraiment gagné. De nouveaux objectifs budgétaires plus ambitieux sur le quinquennat sont déjà indispensables ; encore faut-il qu'ils soient réels. Une nouvelle trajectoire d'accélération du désendettement, qui manque encore cruellement de concrétude, est nécessaire.

En dévoilant les grandes lignes du programme de stabilité – document envoyé tous les ans à Bruxelles, qui grave dans le marbre les prévisions budgétaires de la France pour cinq ans – et malgré l'absence d'une loi de programmation de nos finances publiques que vous nous annoncez à présent pour cet été, vous reconnaissez enfin que nous sommes arrivés à un point de bascule : celui de la fin de l'argent gratuit. Il faut reprendre le contrôle de notre dette pour garder celui de nos choix et poser ainsi le cadre indépassable de l'action publique. Il était temps.

Dans le détail, vous promettez désormais de ramener le déficit à 2, 7 % du PIB en 2027, alors qu'il s'élevait encore à 4, 7 % du PIB à la fin de l'année 2022 et qu'il est attendu à 4, 9 % fin 2023. Il s'agit d'une légère amélioration par rapport aux précédentes prévisions, qui tablaient sur un déficit de 2, 9 % du PIB en 2027. Ce que la commission des finances du Sénat réclamait dès 2022 est enfin retenu.

C'est sur la dette que le Gouvernement se veut le plus offensif. Celle-ci doit être ramenée à 108, 3 % du PIB en 2027, affirmez-vous. C'est vraiment un minimum.

À l'automne dernier, l'objectif était fixé à 110, 9 %. Le nouvel objectif est meilleur, et pourtant encore bien timide. Il est surtout insoutenable. J'ai d'ailleurs trouvé un peu osées vos comparaisons européennes, alors même que notre niveau d'endettement est 1, 8 fois supérieur à celui de l'Allemagne.

Les taux d'emprunt remontent à grande vitesse depuis quelques mois et promettent d'alourdir le coût de la dette, tendance qui sera encore accélérée par l'abaissement de notre notation. Nous dénonçons cette situation depuis au moins deux ans. La charge de la dette devrait atteindre plus de 71 milliards d'euros en 2027 et représenter à cet horizon le premier poste de dépense de l'État. Ce constat est posé depuis longtemps ; le déni ne peut plus durer.

Notre politique budgétaire ne peut passer par des hausses d'impôts, susceptibles de casser la faible croissance du pays. Voilà un point d'accord. Bien au contraire, il s'agira ensuite, après avoir baissé la dépense, d'amorcer une diminution de nos prélèvements obligatoires. En effet, notre dépense publique st non seulement exorbitante, mais surtout inefficace.

Il suffit, par exemple, de voir la situation de nos services publics en milieu rural pour comprendre la grogne et l'incompréhension de nos concitoyens. « Où va notre argent ? » : voilà la formule lapidaire la plus répandue dans les échanges que nous avons avec eux.

Récemment, la Cour des comptes, comme d'autres, a évoqué un « scénario économique optimiste » pour qualifier vos hypothèses de croissance potentielle d'ici à 2027. L'avis du Haut Conseil des finances publiques est sur la même ligne.

Quant à l'effort d'économies, il serait demandé à l'État de réduire ses dépenses de 0, 8 % par an en moyenne, hors inflation, et ce dès l'an prochain. Cependant, où ces économies seront-elles réalisées et comment ? Quid de la réduction de la dépense fiscale ? Ne nous dites pas que cela se fera sur le dos des collectivités territoriales : elles ont déjà beaucoup donné et ne sont en rien responsables de la situation budgétaire de notre pays. Au contraire, elles assurent l'essentiel de l'investissement réalisé, pendant que l'État emprunte toujours davantage pour continuer à fonctionner. Toutefois, il semblerait bien que ce sera grâce à elles que vous parviendrez, selon vos prévisions, à un déficit public contenu à 3 % du PIB en 2027.

Vous l'aurez compris, ce programme ne nous convainc pas. Nous craignons même que vous ne continuiez à jouer avec des allumettes, alors que nous sommes assis sur un volcan. §

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