Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a le mérite de libérer la parole sur un événement aussi difficile que fréquent pour de nombreuses femmes.
Ce que l'on qualifie encore de « fausse couche » concerne en effet près de 15 % des grossesses et plus d'une femme sur dix y aurait été confrontée. Il s'agit d'un chiffre important, qui reste pourtant trop souvent tabou et qui, en 2023, ne devrait plus l'être.
Ce tabou masque souvent une blessure, mais il peut aussi être le marqueur d'un sentiment de culpabilité qui n'est pas acceptable.
Prenons alors le temps de rappeler que ces fausses couches sont en grande majorité consécutives à des anomalies génétiques de l'embryon, ces dernières faisant obstacle à la poursuite de la grossesse. La probabilité de leur survenue dépend d'ailleurs d'une multitude de facteurs qui peuvent, par exemple, être associés au géniteur.
L'âge de conception du premier enfant étant de plus en plus élevé dans notre société, il est important de s'emparer de ce sujet. J'ai suivi les auditions conduites par notre collègue rapporteur, Martin Lévrier, avec beaucoup d'intérêt, et je l'en remercie.
Aujourd'hui, les couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse, avant la vingt-deuxième semaine d'aménorrhée, ne bénéficient d'aucun dispositif, ce qui laisse penser qu'il s'agit d'un non-événement. Pourtant, les femmes concernées souffrent de saignements importants, de douleurs abdominales et parfois d'infections.
Si les conséquences restent souvent bénignes, il n'empêche que cet événement intervient subitement, alors que la femme qui en est victime peut être en train de faire une présentation ou d'assister à un rendez-vous, bref, être en plein travail. Et puis sa survenue soulève de nombreuses questions.
Il m'apparaît important de saluer ici l'accompagnement accordé par certaines entreprises françaises, qui octroient désormais des congés aux femmes ayant subi une interruption spontanée de grossesse.
Cet accompagnement mérite d'autant plus d'être salué que ces interruptions interviennent au cours des trois premiers mois de la grossesse, laquelle, très souvent, n'a pas encore été annoncée aux proches. C'est d'ailleurs ce non-dit qui participe à l'isolement des couples, leurs questions restant sans réponse. Et c'est ce même isolement qui est le terreau fertile de répercussions psychologiques.
En effet, un mois après l'interruption spontanée de leur grossesse, 24 % des femmes souffrent d'anxiété et 11 % de dépression.
L'article 1er A de la présente proposition de loi fait obligation aux agences régionales de santé de mettre en place un « parcours interruption spontanée de grossesse » associant médecins, sages-femmes et psychologues. Les objectifs de ce parcours sont le développement de la formation des professionnelles et l'amélioration du suivi psychologique et médical des patientes et de leur partenaire.
Ces dispositions ont évidemment été accueillies favorablement en commission, même si nous avons adopté deux amendements sur cet article : l'un vise à substituer à l'expression « fausse couche », souvent perçue comme stigmatisante, les termes « interruption spontanée de grossesse » ; l'autre à renforcer les objectifs d'information qui leur sont assignés. En effet, il est essentiel que toutes les femmes puissent recevoir des renseignements complets sur les dispositifs d'accompagnement disponibles.
L'article 1er favorise également l'accompagnement psychologique des couples en permettant aux sages-femmes d'adresser leurs patientes à un psychologue conventionné. Sur le principe, c'est une bonne chose, mais – disons-le – le dispositif MonParcoursPsy doit véritablement être amélioré, tant le déficit de professionnels est criant. Aujourd'hui, 93 % de la profession semble boycotter ce dispositif, dont certains dénoncent les conséquences délétères sur l'organisation des soins en santé mentale et sa propension à creuser les inégalités d'accès aux soins.
Quant à l'article 1er B, il prévoit la suppression du délai de carence applicable aux arrêts maladie liés à une interruption spontanée pour les assurées du régime général et assimilées, pour les agentes publiques et pour les assurées des régimes spéciaux. Le texte, et c'est une excellente chose, prévoit de desserrer les contraintes financières pesant sur les femmes concernées en permettant une indemnisation dès le premier jour d'arrêt.
Notre collègue rapporteur a déposé un amendement visant à en étendre le bénéfice de cette disposition aux indépendantes et invite le Gouvernement à faire de même pour les non-salariées agricoles afin, vous l'aurez compris, de l'étendre à toutes les assurées sociales, ce qui serait une mesure de justice que je soutiens. Je remercie Mme la ministre d'avoir déposé un amendement en ce sens.
Enfin, puisque je viens d'évoquer un vœu de notre rapporteur, permettez-moi de formuler également le mien !
J'ai rencontré des représentants de sages-femmes, qui m'ont interpellé sur le fait que leur profession peut bel et bien prescrire du misoprostol dans les cas – très souvent difficiles – d'interruptions volontaires de grossesse (IVG), mais qu'elle ne le peut pas dans les cas bien plus courants d'interruption spontanée. Les sages-femmes doivent alors réorienter leurs patientes vers les urgences, dont ce n'est pas le rôle, ce qui rend le parcours de soin de ces femmes plus difficile encore.
Aussi, une telle prescription relevant du domaine réglementaire, je vous invite, madame la ministre, à modifier le décret concerné afin de l'autoriser dans les cas d'interruption spontanée, jusqu'à neuf semaines d'aménorrhée.
Pour conclure, bien que cette proposition de loi ne règle pas toutes les difficultés, elle contient des avancées qu'il convient de soutenir ; c'est ce que le groupe Les Républicains fera en la votant.