Séance en hémicycle du 4 mai 2023 à 10h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • autorités
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La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, sur le thème : « Comment rendre possible le retour en Ukraine des enfants déportés en Fédération de Russie ? »

Je vous rappelle que dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.

Madame la secrétaire d’État, vous pourrez donc, selon votre choix, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé une place dans l’hémicycle, ou de manière globale, une fois que tous les orateurs se seront exprimés.

Dans le débat, la parole est à M. André Gattolin, pour le groupe auteur de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis la nuit des temps, les atrocités qui entourent chaque conflit, chaque guerre, sont légion et témoignent malheureusement de la face obscure et terrible de ce que nous osons encore appeler l'humanité.

La première moitié du XXe siècle, au travers de ses deux conflits mondiaux, mais aussi des nombreux génocides perpétrés tant à l'encontre des Arméniens, des populations juives que des paysans ukrainiens a vu se développer ce que d'aucuns appellent la guerre totale, c'est-à-dire non plus une guerre dont les implications et les conséquences se limiteraient aux seuls champs de bataille et à l'affrontement entre forces armées rivales, mais une guerre qui implique l'ensemble des populations, y compris les civils les plus vulnérables et les plus innocents qui soient.

Nous avons ainsi découvert que les enfants étaient non plus seulement des victimes indirectes des conflits, mais de plus en plus souvent des cibles et des otages délibérés.

Depuis un siècle, déporter, assimiler de force, jusqu'à tuer délibérément l'enfant de l'ennemi, est devenu l'une des méthodes caractéristiques des régimes totalitaires en guerre contre leurs voisins ou contre une partie même de leur population.

La quatrième convention de Genève de 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre a précisément été édictée dans le but de mettre fin à ces pratiques inadmissibles.

Ces exactions, qui sont des crimes contre l'humanité et parfois même de crimes de génocide, n'ont pas pour autant cessé : elles se sont poursuivies ces dernières décennies en Asie, en Afrique ou encore en Amérique latine. Même en Europe, on a vu cette guerre de terreur mise en pratique en ex-Yougoslavie au début des années 1990.

Cependant, ce qui se passe depuis le début de la guerre d'invasion lancée par la Fédération de Russie à l'encontre de l'Ukraine n'a pas de précédent en Europe depuis 1945. Parmi les atrocités sans limites et sciemment orchestrées par tout un régime, le sort réservé aux enfants ukrainiens arrachés à leurs familles et à leur pays est sans doute le plus ignoble et le plus révoltant qui soit.

Dans le mépris total du droit international, la Russie procède depuis plus d'un an à un transfert forcé et massif d'enfants ukrainiens vers son territoire, officiellement afin de les préserver des horreurs d'un conflit que le Kremlin a lui-même déclenché.

Car c'est là une autre caractéristique des régimes totalitaires que de mettre la jeunesse et les enfants au cœur de leur rhétorique propagandiste et de leur mécanique systématique de désinformation. « Enlever et déporter » devient « accueillir et protéger » ; « éradiquer la culture ukrainienne et russifier » devient « éduquer et intégrer ».

Les premiers transferts forcés de civils, et particulièrement ceux d'enfants, ont débuté dès les premières semaines de l'agression russe ; ils se sont amplifiés au fur et à mesure des conquêtes territoriales. L'ouverture de couloirs dits humanitaires, presque tous orientés vers le territoire russe, y a fortement contribué.

Dans les zones de combat, qui touchent souvent indistinctement les populations civiles et les forces militaires, des millions d'habitants de l'est et du sud de l'Ukraine, dont plus de 700 000 enfants, aux dires des autorités russes, se seraient ou auraient été déplacés, pas toujours volontairement, tant s'en faut, vers le territoire de la Russie.

Tout cela s'est fait sous le contrôle exclusif des autorités du Kremlin, sans la présence sur le terrain des organisations internationales et encore moins des autorités ukrainiennes.

C'est ce qui explique principalement que ce phénomène des déportations forcées ait été durant les premiers mois et demeure encore aujourd'hui aussi mal documenté et quantifié. Il est toujours très difficile de connaître objectivement la population ukrainienne qui a été déplacée vers la Russie et, parmi celle-ci, la part de la population qui a véritablement été déportée de force.

Le sort des enfants est encore plus délicat à évaluer.

Ce n'est que depuis février dernier, grâce au travail d'enquête méticuleux, mais malheureusement encore trop partiel, conduit par l'université de Yale, que nous en savons un peu plus sur l'horrible mécanique de déportation systémique mise en œuvre par les autorités russes.

C'est ainsi que nous avons appris l'existence d'au moins une quarantaine de camps de déportation sur le territoire de la Fédération de Russie, ainsi que la présence de véritables centres de tri où nombre d'enfants, à peine arrivés en Russie, ont été séparés de leur famille pour être ensuite envoyés vers des camps de rééducation ou voués au placement de force dans des familles russes après changement de leur nom et de leur état civil.

Nous savons désormais, sans cependant pouvoir documenter précisément chaque cas, que des milliers d'enfants, parfois âgés de quelques mois seulement, ont fait l'objet de véritables rafles au sein d'orphelinats, d'écoles et de maternités dans les régions occupées.

Au milieu de cette horreur s'est ajouté un drame dans le drame : celui de familles qui, dans les zones d'intenses combats, ont été sollicitées afin d'envoyer leurs enfants pour quelques semaines dans de prétendues colonies de vacances hors des zones de combat afin, soi-disant, de les protéger de la guerre. Des enfants qui, de nombreux mois plus tard, ne sont toujours pas revenus…

Mes chers collègues, je vous demande un instant d'imaginer le terrible sentiment de culpabilité qui pèse aujourd'hui sur ces parents qui, de bonne foi, ont donné leur assentiment pour l'envoi de leurs enfants dans ces colonies sans retour.

Même s'il est impossible aujourd'hui d'investiguer dans les territoires ukrainiens toujours sous contrôle des forces russes et si le travail d'enquête ne sera guère facilité lorsque ces territoires seront reconquis, tant les autorités russes s'acharnent à détruire de manière systématique toutes les preuves qui pourraient conduire à leur incrimination, il est essentiel que ces crimes, véritablement constitutifs d'un acte de génocide, soient instamment dénoncés.

Il faut que les États et les institutions internationales, en application du droit international, s'engagent formellement à mettre en œuvre tous les moyens humains, scientifiques et technologiques dont ils disposent pour documenter précisément ces insupportables exactions. Il importe d'exercer toutes les pressions possibles pour permettre dans les meilleurs délais le retour des enfants ukrainiens déportés.

Il y a là une urgence vitale pour des centaines de milliers d'enfants et leurs familles.

Il y a urgence, aussi, à tenter de documenter au plus près et au plus vite ces terribles agissements, car rien ne serait pire que l'impunité des responsables de ces déportations massives et sciemment organisées par manque de preuve.

Il n'y a pas de paix possible sans justice !

Il n'y aura pas de possibilité pour ces enfants de se reconstruire un jour si nous ne sommes pas en mesure de leur garantir la justice, rien que la justice, toute la justice !

C'est le sens de la proposition de résolution européenne que j'avais déposée le 10 février dernier au Sénat. Une résolution qui a été largement réactualisée et enrichie grâce aux apports de nos collègues Nadia Sollogoub, présidente du groupe d'amitié sénatorial France-Ukraine, et, bien sûr, de Claude Kern et Joëlle Garriaud-Maylam, qui en ont été rapporteurs, respectivement devant la commission des affaires européennes et devant la commission des affaires étrangères de notre Haute Assemblée.

C'est grâce à eux et à vous tous, dans un élan véritablement transpartisan, que notre résolution a été adoptée à l'unanimité dans nos deux commissions et qu'elle est formellement devenue résolution du Sénat le 17 avril dernier. Je vous en remercie.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis la nuit des temps, les atrocités qui entourent chaque conflit, chaque guerre, sont légion et témoignent malheureusement de la face obscure et terrible de ce que nous osons encore appeler l’humanité.

La première moitié du XXe siècle, au travers de ses deux conflits mondiaux, mais aussi des nombreux génocides perpétrés tant à l’encontre des Arméniens, des populations juives que des paysans ukrainiens a vu se développer ce que d’aucuns appellent la guerre totale, c’est-à-dire non plus une guerre dont les implications et les conséquences se limiteraient aux seuls champs de bataille et à l’affrontement entre forces armées rivales, mais une guerre qui implique l’ensemble des populations, y compris les civils les plus vulnérables et les plus innocents qui soient.

Nous avons ainsi découvert que les enfants étaient non plus seulement des victimes indirectes des conflits, mais de plus en plus souvent des cibles et des otages délibérés.

Depuis un siècle, déporter, assimiler de force, jusqu’à tuer délibérément l’enfant de l’ennemi, est devenu l’une des méthodes caractéristiques des régimes totalitaires en guerre contre leurs voisins ou contre une partie même de leur population.

La quatrième convention de Genève de 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre a précisément été édictée dans le but de mettre fin à ces pratiques inadmissibles.

Ces exactions, qui sont des crimes contre l’humanité et parfois même de crimes de génocide, n’ont pas pour autant cessé : elles se sont poursuivies ces dernières décennies en Asie, en Afrique ou encore en Amérique latine. Même en Europe, on a vu cette guerre de terreur mise en pratique en ex-Yougoslavie au début des années 1990.

Cependant, ce qui se passe depuis le début de la guerre d’invasion lancée par la Fédération de Russie à l’encontre de l’Ukraine n’a pas de précédent en Europe depuis 1945. Parmi les atrocités sans limites et sciemment orchestrées par tout un régime, le sort réservé aux enfants ukrainiens arrachés à leurs familles et à leur pays est sans doute le plus ignoble et le plus révoltant qui soit.

Dans le mépris total du droit international, la Russie procède depuis plus d’un an à un transfert forcé et massif d’enfants ukrainiens vers son territoire, officiellement afin de les « préserver » des horreurs d’un conflit que le Kremlin a lui-même déclenché.

Car c’est là une autre caractéristique des régimes totalitaires que de mettre la jeunesse et les enfants au cœur de leur rhétorique propagandiste et de leur mécanique systématique de désinformation. « Enlever et déporter » devient « accueillir et protéger » ; « éradiquer la culture ukrainienne et russifier » devient « éduquer et intégrer ».

Les premiers transferts forcés de civils, et particulièrement ceux d’enfants, ont débuté dès les premières semaines de l’agression russe ; ils se sont amplifiés au fur et à mesure des conquêtes territoriales. L’ouverture de couloirs dits humanitaires, presque tous orientés vers le territoire russe, y a fortement contribué.

Dans les zones de combat, qui touchent souvent indistinctement les populations civiles et les forces militaires, des millions d’habitants de l’est et du sud de l’Ukraine, dont plus de 700 000 enfants, aux dires des autorités russes, se seraient ou auraient été déplacés, pas toujours volontairement, tant s’en faut, vers le territoire de la Russie.

Tout cela s’est fait sous le contrôle exclusif des autorités du Kremlin, sans la présence sur le terrain des organisations internationales et encore moins des autorités ukrainiennes.

C’est ce qui explique principalement que ce phénomène de déportations forcées ait été durant les premiers mois et demeure encore aujourd’hui aussi mal documenté et quantifié. Il est toujours très difficile de connaître objectivement la population ukrainienne qui a été déplacée vers la Russie et, parmi celle-ci, la part de la population qui a véritablement été déportée de force.

Le sort des enfants est encore plus délicat à évaluer.

Ce n’est que depuis février dernier, grâce au travail d’enquête méticuleux, mais malheureusement encore trop partiel, conduit par l’université de Yale, que nous en savons un peu plus sur l’horrible mécanique de déportation systémique mise en œuvre par les autorités russes.

C’est ainsi que nous avons appris l’existence d’au moins une quarantaine de camps de déportation sur le territoire de la Fédération de Russie, ainsi que la présence de véritables centres de tri où nombre d’enfants, à peine arrivés en Russie, ont été séparés de leurs familles pour être ensuite envoyés vers des camps de rééducation ou voués au placement de force dans des familles russes après changement de leur nom et de leur état civil.

Nous savons désormais, sans cependant pouvoir documenter précisément chaque cas, que des milliers d’enfants, parfois âgés de quelques mois seulement, ont fait l’objet de véritables rafles au sein d’orphelinats, d’écoles et de maternités dans les régions occupées.

Au milieu de cette horreur s’est ajouté un drame dans le drame : celui de familles qui, dans les zones d’intenses combats, ont été sollicitées afin d’envoyer leurs enfants pour quelques semaines dans de prétendues colonies de vacances hors des zones de combat afin, soi-disant, de les « protéger » de la guerre. Des enfants qui, de nombreux mois plus tard, ne sont toujours pas revenus…

Mes chers collègues, je vous demande un instant d’imaginer le terrible sentiment de culpabilité pesant aujourd’hui sur ces parents qui, de bonne foi, ont donné leur assentiment pour l’envoi de leurs enfants dans ces colonies sans retour.

Même s’il est impossible aujourd’hui d’investiguer dans les territoires ukrainiens toujours sous contrôle des forces russes et si le travail d’enquête ne sera guère facilité lorsque ces territoires seront reconquis, tant les autorités russes s’acharnent à détruire de manière systématique toutes les preuves qui pourraient conduire à leur incrimination, il est essentiel que ces crimes, véritablement constitutifs d’un acte de génocide, soient instamment dénoncés.

Il faut que les États et les institutions internationales, en application du droit international, s’engagent formellement à mettre en œuvre tous les moyens humains, scientifiques et technologiques dont ils disposent pour documenter précisément ces insupportables exactions. Il importe d’exercer toutes les pressions possibles pour permettre dans les meilleurs délais le retour des enfants ukrainiens déportés.

Il y a là une urgence vitale pour des centaines de milliers d’enfants et leurs familles.

Il y a urgence aussi à tenter de documenter au plus près et au plus vite ces terribles agissements, car rien ne serait pire que l’impunité des responsables de ces déportations massives et sciemment organisées par manque de preuve.

Il n’y a pas de paix possible sans justice ! Et il ne sera pas possible pour ces enfants de se reconstruire un jour si nous ne sommes pas en mesure de leur garantir la justice, rien que la justice, toute la justice !

C’est le sens de la proposition de résolution européenne que j’avais déposée le 10 février dernier au Sénat. Une résolution qui a été largement réactualisée et enrichie grâce aux apports de nos collègues Nadia Sollogoub, présidente du groupe d’amitié sénatorial France-Ukraine et, bien sûr, de Claude Kern et Joëlle Garriaud-Maylam, qui en ont été rapporteurs, respectivement devant la commission des affaires européennes et devant la commission des affaires étrangères de notre Haute Assemblée.

C’est grâce à eux et à vous tous, dans un élan véritablement transpartisan, que notre résolution a été adoptée à l’unanimité dans nos deux commissions et qu’elle est formellement devenue résolution du Sénat le 17 avril dernier. Je vous en remercie.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis la nuit des temps, les atrocités qui entourent chaque conflit, chaque guerre, sont légion et témoignent malheureusement de la face obscure et terrible de ce que nous osons encore appeler l’humanité.

La première moitié du XXe siècle, au travers de ses deux conflits mondiaux, mais aussi des nombreux génocides perpétrés tant à l’encontre des Arméniens, des populations juives que des paysans ukrainiens a vu se développer ce que d’aucuns appellent la guerre totale, c’est-à-dire non plus une guerre dont les implications et les conséquences se limiteraient aux seuls champs de bataille et à l’affrontement entre forces armées rivales, mais une guerre qui implique l’ensemble des populations, y compris les civils les plus vulnérables et les plus innocents qui soient.

Nous avons ainsi découvert que les enfants étaient non plus seulement des victimes indirectes des conflits, mais de plus en plus souvent des cibles et des otages délibérés.

Depuis un siècle, déporter, assimiler de force, jusqu’à tuer délibérément l’enfant de l’ennemi, est devenu l’une des méthodes caractéristiques des régimes totalitaires en guerre contre leurs voisins ou contre une partie même de leur population.

La quatrième convention de Genève de 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre a précisément été édictée dans le but de mettre fin à ces pratiques inadmissibles.

Ces exactions, qui sont des crimes contre l’humanité et parfois même des crimes de génocide, n’ont pas pour autant cessé : elles se sont poursuivies ces dernières décennies en Asie, en Afrique ou encore en Amérique latine. Même en Europe, on a vu cette guerre de terreur mise en pratique en ex-Yougoslavie au début des années 1990.

Cependant, ce qui se passe depuis le début de la guerre d’invasion lancée par la Fédération de Russie à l’encontre de l’Ukraine n’a pas de précédent en Europe depuis 1945. Parmi les atrocités sans limites et sciemment orchestrées par tout un régime, le sort réservé aux enfants ukrainiens arrachés à leurs familles et à leur pays est sans doute le plus ignoble et le plus révoltant qui soit.

Dans le mépris total du droit international, la Russie procède depuis plus d’un an à un transfert forcé et massif d’enfants ukrainiens vers son territoire, officiellement afin de les « préserver » des horreurs d’un conflit que le Kremlin a lui-même déclenché.

Car c’est là une autre caractéristique des régimes totalitaires que de mettre la jeunesse et les enfants au cœur de leur rhétorique propagandiste et de leur mécanique systématique de désinformation. « Enlever et déporter » devient « accueillir et protéger » ; « éradiquer la culture ukrainienne et russifier » devient « éduquer et intégrer ».

Les premiers transferts forcés de civils, et particulièrement ceux d’enfants, ont débuté dès les premières semaines de l’agression russe ; ils se sont amplifiés au fur et à mesure des conquêtes territoriales. L’ouverture de couloirs dits humanitaires, presque tous orientés vers le territoire russe, y a fortement contribué.

Dans les zones de combat, qui touchent souvent indistinctement les populations civiles et les forces militaires, des millions d’habitants de l’est et du sud de l’Ukraine, dont plus de 700 000 enfants, aux dires des autorités russes, se seraient ou auraient été déplacés, pas toujours volontairement, tant s’en faut, vers le territoire de la Russie.

Tout cela s’est fait sous le contrôle exclusif des autorités du Kremlin, sans la présence sur le terrain des organisations internationales et encore moins des autorités ukrainiennes.

C’est ce qui explique principalement que ce phénomène de déportations forcées ait été durant les premiers mois et demeure encore aujourd’hui aussi mal documenté et quantifié. Il est toujours très difficile de connaître objectivement la population ukrainienne qui a été déplacée vers la Russie et, parmi celle-ci, la part de la population qui a véritablement été déportée de force.

Le sort des enfants est encore plus délicat à évaluer.

Ce n’est que depuis février dernier, grâce au travail d’enquête méticuleux, mais malheureusement encore trop partiel, conduit par l’université de Yale, que nous en savons un peu plus sur l’horrible mécanique de déportation systémique mise en œuvre par les autorités russes.

C’est ainsi que nous avons appris l’existence d’au moins une quarantaine de camps de déportation sur le territoire de la Fédération de Russie, ainsi que la présence de véritables centres de tri où nombre d’enfants, à peine arrivés en Russie, ont été séparés de leurs familles pour être ensuite envoyés vers des camps de rééducation ou voués au placement de force dans des familles russes après changement de leur nom et de leur état civil.

Nous savons désormais, sans cependant pouvoir documenter précisément chaque cas, que des milliers d’enfants, parfois âgés de quelques mois seulement, ont fait l’objet de véritables rafles au sein d’orphelinats, d’écoles et de maternités dans les régions occupées.

Au milieu de cette horreur s’est ajouté un drame dans le drame : celui de familles qui, dans les zones d’intenses combats, ont été sollicitées afin d’envoyer leurs enfants pour quelques semaines dans de prétendues colonies de vacances hors des zones de combat afin, soi-disant, de les « protéger » de la guerre. Des enfants qui, de nombreux mois plus tard, ne sont toujours pas revenus…

Mes chers collègues, je vous demande un instant d’imaginer le terrible sentiment de culpabilité pesant aujourd’hui sur ces parents qui, de bonne foi, ont donné leur assentiment pour l’envoi de leurs enfants dans ces colonies sans retour.

Même s’il est impossible aujourd’hui d’investiguer dans les territoires ukrainiens toujours sous contrôle des forces russes et si le travail d’enquête ne sera guère facilité lorsque ces territoires seront reconquis, tant les autorités russes s’acharnent à détruire de manière systématique toutes les preuves qui pourraient conduire à leur incrimination, il est essentiel que ces crimes, véritablement constitutifs d’un acte de génocide, soient instamment dénoncés.

Il faut que les États et les institutions internationales, en application du droit international, s’engagent formellement à mettre en œuvre tous les moyens humains, scientifiques et technologiques dont ils disposent pour documenter précisément ces insupportables exactions. Il importe d’exercer toutes les pressions possibles pour permettre dans les meilleurs délais le retour des enfants ukrainiens déportés.

Il y a là une urgence vitale pour des centaines de milliers d’enfants et leurs familles.

Il y a urgence aussi à tenter de documenter au plus près et au plus vite ces terribles agissements, car rien ne serait pire que l’impunité des responsables de ces déportations massives et sciemment organisées par manque de preuve.

Il n’y a pas de paix possible sans justice ! Et il ne sera pas possible pour ces enfants de se reconstruire un jour si nous ne sommes pas en mesure de leur garantir la justice, rien que la justice, toute la justice !

C’est le sens de la proposition de résolution européenne que j’avais déposée le 10 février dernier au Sénat. Une résolution qui a été largement réactualisée et enrichie grâce aux apports de nos collègues Nadia Sollogoub, présidente du groupe d’amitié sénatorial France-Ukraine et, bien sûr, de Claude Kern et Joëlle Garriaud-Maylam, qui en ont été rapporteurs, respectivement devant la commission des affaires européennes et devant la commission des affaires étrangères de notre Haute Assemblée.

C’est grâce à eux et à vous tous, dans un élan véritablement transpartisan, que notre résolution a été adoptée à l’unanimité dans nos deux commissions et qu’elle est formellement devenue résolution du Sénat le 17 avril dernier. Je vous en remercie.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Le Nay

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, « La guerre en Ukraine pousse une génération d'enfants au bord du précipice », alertait l'Unicef dans un communiqué de février 2023.

Depuis plus d'un an, les civils ukrainiens, et plus particulièrement les 8 millions d'enfants du pays, subissent les horreurs de la guerre : crise économique, confrontation à la violence et à la mort, privation de l'accès aux services de base, qui sont malheureusement les conséquences habituelles de tout conflit armé. Mais il semble que cela ne suffise pas à la Fédération de Russie.

Non, le doublement du pourcentage d'enfants vivant dans la pauvreté en Ukraine depuis le début du conflit ne suffit pas ; non, l'exposition de près de 1, 5 million d'enfants à un problème de santé mentale directement lié au conflit ne suffit pas ; non, l'interruption de la scolarité de plus de 5 millions d'enfants et la restriction de l'accès aux soins de milliers d'entre eux ne suffisent pas. Mes chers collègues, il a fallu que la Fédération de Russie y ajoute l'enfer de la déportation !

À ce jour, selon les autorités ukrainiennes, plus de 19 000 enfants ukrainiens demeurent en Russie après y avoir été transférés de force. Cette estimation ne tient même pas compte des enfants vivant dans les territoires occupés.

Ces transferts forcés n'ont rien d'une colonie de vacances, comme aimeraient nous le faire croire les autorités russes. Ils ont commencé avant même le début du conflit, lorsque les pensionnaires des orphelinats et les enfants handicapés des territoires de Donetsk et de Lougansk ont été déplacés en Fédération de Russie ou en Biélorussie.

Depuis février 2022, cependant, le mouvement s'est accéléré et amplifié.

D'abord, en s'attaquant brutalement aux infrastructures civiles et aux espaces résidentiels ukrainiens, les forces russes contraignent de nombreuses familles des régions frontalières à s'exiler vers la Russie. Là, un « filtrage » est opéré pour séparer les enfants de leurs parents.

Dans les zones de combat, c'est plutôt le meurtre des parents et l'enlèvement des orphelins qui tiennent lieu de « filtrage », comme le précise la résolution adoptée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le 27 avril dernier.

Une fois transférés, les enfants sont placés en foyer ou en famille d'accueil et leur procédure d'adoption est facilitée afin d'accélérer leur russification, car c'est bien de cela qu'il s'agit : la rééducation des enfants, l'effacement de leur identité ukrainienne et leur endoctrinement selon les lignes de la politique russe. Très concrètement, cela se traduit par l'attribution forcée de la citoyenneté russe, l'interdiction de parler ukrainien ou de manifester un quelconque signe d'appartenance à la culture ukrainienne et l'exposition obligatoire à la langue, à la culture et à la propagande russes.

Ces faits, évidemment contraires au droit international humanitaire, sont constitutifs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. J'ajoute qu'ils répondent à la définition du crime de génocide telle qu'établie par la Convention de 1948, qui décrit ce dernier comme un acte « commis dans l'intention de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », notamment par le « transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe ». Mes chers collègues, vous aurez peut-être du mal à le croire, mais la Russie a signé et ratifié cette convention !

C'est pourquoi, au nom du groupe Union Centriste, je salue l'initiative de notre collègue André Gattolin qui a permis au Sénat, par une résolution adoptée le 17 avril dernier, de condamner fermement les déportations d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie. Notre assemblée joint ainsi sa voix à celles de l'ONU, du Parlement européen et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) : toutes ces institutions ont exprimé leur indignation devant les transferts forcés d'enfants et d'autres civils ukrainiens vers la Russie et exigé la condamnation ferme des responsables de cette politique d'État. Par une résolution votée le 27 avril dernier, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, où j'ai l'honneur de siéger, n'a pas non plus hésité à qualifier les enlèvements d'enfants ukrainiens d'actes génocidaires.

Si l'ensemble de la communauté internationale s'insurge, c'est parce que cet enjeu dépasse le seul cadre du conflit entre l'Ukraine et la Russie. Pour reprendre les mots de Mme Olena Zelenska, première dame d'Ukraine, s'exprimant devant le Conseil de l'Europe, la semaine dernière : « Quand les droits de l'enfant sont menacés dans un pays du monde, les droits de l'enfant sont menacés partout ».

Dans ce contexte, mes chers collègues, il nous faut d'abord traiter l'urgence. Notre priorité doit être d'organiser le retour des enfants ukrainiens déportés en Fédération de Russie avant que le lavage de cerveau auquel ils sont soumis n'efface définitivement leur identité. Avec mes collègues de l'Union Centriste, je répète l'invitation faite au gouvernement français et à l'Union européenne de faire pression sur les autorités russes pour que les organisations humanitaires internationales puissent avoir accès aux enfants déportés, déterminer leur nombre réel et leur identité, puis organiser leur rapatriement.

Ensuite viendra le temps de la justice. Je salue la décision de la Cour pénale internationale (CPI) du 17 mars 2023 d'émettre des mandats d'arrêt contre Vladimir Poutine et contre la commissaire russe aux droits des enfants, Maria Lvova-Belova. Il serait toutefois souhaitable que ces mandats d'arrêt soient élargis à l'ensemble de la chaîne des responsables de la mise en œuvre des transferts forcés et s'accompagnent d'un nouveau train de sanctions européennes visant les revenus et le patrimoine de ces responsables.

Pour que justice soit faite, il importe dès à présent de bien documenter et de recenser tous les cas de transferts forcés par la création d'un registre international des dommages. Les faits sont têtus et la Fédération de Russie ne pourra fuir ses responsabilités indéfiniment.

Mes chers collègues, je souhaite que le débat qui se tient aujourd'hui au Sénat envoie un signal fort au gouvernement français, à l'Union européenne et aux institutions internationales. Que la Fédération de Russie soit prévenue : nous ne fermerons pas les yeux, nous ne nous tairons pas et nous n'oublierons pas. Les enfants ukrainiens sont nos enfants, et nos enfants notre avenir ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. Avant de donner la parole à l’orateur suivant, je voudrais, mes chers collègues, vous informer de la présence dans les tribunes de M. l’ambassadeur d’Ukraine. Je lui souhaite la bienvenue et le remercie d’assister à nos débats.

Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la secrétaire d ’ État chargée de l ’ Europe, se lèvent et applaudissent longuement.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le 24 février 2022, la Russie envahissait l'Ukraine. Nous assistions, horrifiés, aux premiers bombardements russes sur Kiev. Plus d'un an après, la guerre continue de faire rage. L'armée russe a commis en Ukraine toutes sortes d'exactions, allant de bombardements ciblés à des massacres de masse de civils ukrainiens, comme à Boutcha.

Le 11 mars 2023, le bureau du procureur général d'Ukraine a annoncé qu'au moins 464 enfants ukrainiens étaient morts depuis le début du conflit et que plus de 16 000 enfants avaient été déportés en Russie. Je ne pensais pas devoir employer aujourd'hui le terme « déportés ». Son origine remonte à 1453 et à la prise de Constantinople par Mehmet II, qui décidait de remplacer les Byzantins en déplaçant les populations. Je vous fais grâce de la longue litanie des déportations qui se sont succédé dans l'histoire européenne jusqu'à aujourd'hui. Les événements qui se déroulent en Ukraine nous rappellent les heures les plus sombres de notre histoire.

Rien ne semble freiner Vladimir Poutine, à l'encontre duquel un mandat d'arrêt « pour déportation illégale d'enfants » a été émis par la CPI. Dans une résolution votée le 27 avril dernier, le Conseil de l'Europe qualifie les enlèvements d'enfants ukrainiens vers la Russie de crimes de génocide et exige leur rapatriement.

L'ONG Save Ukraine a réussi à organiser le rapatriement de dix-sept enfants ukrainiens, mais l'association, faute d'accord diplomatique entre Kiev et Moscou, doit se plier aux règles strictes de l'administration russe. Aussi, son action demeure très limitée.

Quels moyens humains et financiers pouvons-nous apporter à cette ONG ? Quelle action diplomatique est-il possible d'engager auprès des autorités russes ?

Nous ne devons pas nous habituer à ces images insoutenables, à ces déportations, à ces exactions. Notre devoir de mémoire nous oblige à ne surtout pas abandonner ces enfants ukrainiens, qui auraient pu être les nôtres.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Le Nay

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « La guerre en Ukraine pousse une génération d’enfants au bord du précipice », alertait l’Unicef dans un communiqué de février 2023.

Depuis plus d’un an, les civils ukrainiens, et plus particulièrement les 8 millions d’enfants du pays, subissent les horreurs de la guerre : crise économique, confrontation à la violence et à la mort, privation de l’accès aux services de base, qui sont malheureusement les conséquences habituelles de tout conflit armé. Mais il semble que cela ne suffise pas à la Fédération de Russie.

Non, le doublement du pourcentage d’enfants vivant dans la pauvreté en Ukraine depuis le début du conflit ne suffit pas ; non, l’exposition de près de 1, 5 million d’enfants à un problème de santé mentale directement lié au conflit ne suffit pas ; non, l’interruption de la scolarité de plus de 5 millions d’enfants et la restriction de l’accès aux soins de milliers d’entre eux ne suffisent pas. Mes chers collègues, il a fallu que la Fédération de Russie y ajoute l’enfer de la déportation !

À ce jour, selon les autorités ukrainiennes, plus de 19 000 enfants ukrainiens demeurent en Russie après y avoir été transférés de force. Cette estimation ne tient même pas compte des enfants vivant dans les territoires occupés.

Ces transferts forcés n’ont rien d’une colonie de vacances, comme aimeraient nous le faire croire les autorités russes. Ils ont commencé avant même le début du conflit, lorsque les pensionnaires des orphelinats et les enfants handicapés des territoires de Donetsk et de Lougansk ont été déplacés en Fédération de Russie ou en Biélorussie.

Depuis février 2022, cependant, le mouvement s’est accéléré et amplifié.

D’abord, en s’attaquant brutalement aux infrastructures civiles et aux espaces résidentiels ukrainiens, les forces russes contraignent de nombreuses familles des régions frontalières à s’exiler vers la Russie. Là, un « filtrage » est opéré pour séparer les enfants de leurs parents.

Dans les zones de combat, c’est plutôt le meurtre des parents et l’enlèvement des orphelins qui tiennent lieu de « filtrage », comme le précise la résolution adoptée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le 27 avril dernier.

Une fois transférés, les enfants sont placés en foyer ou en famille d’accueil et leur procédure d’adoption est facilitée afin d’accélérer leur russification, car c’est bien de cela qu’il s’agit : la rééducation des enfants, l’effacement de leur identité ukrainienne et leur endoctrinement selon les lignes de la politique russe. Très concrètement, cela se traduit par l’attribution forcée de la citoyenneté russe, l’interdiction de parler ukrainien ou de manifester un quelconque signe d’appartenance à la culture ukrainienne et l’exposition obligatoire à la langue, à la culture et à la propagande russes.

Ces faits, évidemment contraires au droit international humanitaire, sont constitutifs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. J’ajoute qu’ils répondent à la définition du crime de génocide telle qu’établie par la Convention de 1948, qui décrit ce dernier comme un acte « commis dans l’intention de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », notamment par le « transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe ». Mes chers collègues, vous aurez peut-être du mal à le croire, mais la Russie a signé et ratifié cette convention !

C’est pourquoi, au nom du groupe Union Centriste, je salue l’initiative de notre collègue André Gattolin qui a permis au Sénat, par une résolution adoptée le 17 avril dernier, de condamner fermement les déportations d’enfants ukrainiens par la Fédération de Russie. Notre assemblée joint ainsi sa voix à celles de l’ONU, du Parlement européen et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) : toutes ces institutions ont exprimé leur indignation devant les transferts forcés d’enfants et d’autres civils ukrainiens vers la Russie et exigé la condamnation ferme des responsables de cette politique d’État. Par une résolution votée le 27 avril dernier, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, où j’ai l’honneur de siéger, n’a pas non plus hésité à qualifier les enlèvements d’enfants ukrainiens d’actes génocidaires.

Si l’ensemble de la communauté internationale s’insurge, c’est parce que cet enjeu dépasse le seul cadre du conflit entre l’Ukraine et la Russie. Pour reprendre les mots de Mme Olena Zelenska, première dame d’Ukraine, s’exprimant devant le Conseil de l’Europe, la semaine dernière : « Quand les droits de l’enfant sont menacés dans un pays du monde, les droits de l’enfant sont menacés partout ».

Dans ce contexte, mes chers collègues, il nous faut d’abord traiter l’urgence. Notre priorité doit être d’organiser le retour des enfants ukrainiens déportés en Fédération de Russie avant que le lavage de cerveau auquel ils sont soumis n’efface définitivement leur identité. Avec mes collègues de l’Union Centriste, je répète l’invitation faite au gouvernement français et à l’Union européenne de faire pression sur les autorités russes pour que les organisations humanitaires internationales puissent avoir accès aux enfants déportés, déterminer leur nombre réel et leur identité, puis organiser leur rapatriement.

Ensuite viendra le temps de la justice. Je salue la décision de la Cour pénale internationale (CPI) du 17 mars 2023 d’émettre des mandats d’arrêt contre Vladimir Poutine et contre la commissaire russe aux droits des enfants, Maria Lvova-Belova. Il serait toutefois souhaitable que ces mandats d’arrêt soient élargis à l’ensemble de la chaîne des responsables de la mise en œuvre des transferts forcés et s’accompagnent d’un nouveau train de sanctions européennes visant les revenus et le patrimoine de ces responsables.

Pour que justice soit faite, il importe dès à présent de bien documenter et de recenser tous les cas de transferts forcés par la création d’un registre international des dommages. Les faits sont têtus et la Fédération de Russie ne pourra fuir ses responsabilités indéfiniment.

Mes chers collègues, je souhaite que le débat qui se tient aujourd’hui au Sénat envoie un signal fort au gouvernement français, à l’Union européenne et aux institutions internationales. Que la Fédération de Russie soit prévenue : nous ne fermerons pas les yeux, nous ne nous tairons pas et nous n’oublierons pas. Les enfants ukrainiens sont nos enfants, et nos enfants sont notre avenir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Le Nay

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « La guerre en Ukraine pousse une génération d’enfants au bord du précipice », alertait l’Unicef dans un communiqué de février 2023.

Depuis plus d’un an, les civils ukrainiens, et plus particulièrement les 8 millions d’enfants du pays, subissent les horreurs de la guerre : crise économique, confrontation à la violence et à la mort, privation de l’accès aux services de base, qui sont malheureusement les conséquences habituelles de tout conflit armé. Mais il semble que cela ne suffise pas à la Fédération de Russie.

Non, le doublement du pourcentage d’enfants vivant dans la pauvreté en Ukraine depuis le début du conflit ne suffit pas ; non, l’exposition de près de 1, 5 million d’enfants à un problème de santé mentale directement lié au conflit ne suffit pas ; non, l’interruption de la scolarité de plus de 5 millions d’enfants et la restriction de l’accès aux soins de milliers d’entre eux ne suffisent pas. Mes chers collègues, il a fallu que la Fédération de Russie y ajoute l’enfer de la déportation !

À ce jour, selon les autorités ukrainiennes, plus de 19 000 enfants ukrainiens demeurent en Russie après y avoir été transférés de force. Cette estimation ne tient même pas compte des enfants vivant dans les territoires occupés.

Ces transferts forcés n’ont rien d’une colonie de vacances, comme aimeraient nous le faire croire les autorités russes. Ils ont commencé avant même le début du conflit, lorsque les pensionnaires des orphelinats et les enfants handicapés des territoires de Donetsk et de Lougansk ont été déplacés en Fédération de Russie ou en Biélorussie.

Depuis février 2022, cependant, le mouvement s’est accéléré et amplifié.

D’abord, en s’attaquant brutalement aux infrastructures civiles et aux espaces résidentiels ukrainiens, les forces russes contraignent de nombreuses familles des régions frontalières à s’exiler vers la Russie. Là, un « filtrage » est opéré pour séparer les enfants de leurs parents.

Dans les zones de combat, c’est plutôt le meurtre des parents et l’enlèvement des orphelins qui tiennent lieu de « filtrage », comme le précise la résolution adoptée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le 27 avril dernier.

Une fois transférés, les enfants sont placés en foyer ou en famille d’accueil et leur procédure d’adoption est facilitée afin d’accélérer leur russification, car c’est bien de cela qu’il s’agit : la rééducation des enfants, l’effacement de leur identité ukrainienne et leur endoctrinement selon les lignes de la politique russe. Très concrètement, cela se traduit par l’attribution forcée de la citoyenneté russe, l’interdiction de parler ukrainien ou de manifester un quelconque signe d’appartenance à la culture ukrainienne et l’exposition obligatoire à la langue, à la culture et à la propagande russes.

Ces faits, évidemment contraires au droit international humanitaire, sont constitutifs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. J’ajoute qu’ils répondent à la définition du crime de génocide telle qu’elle a été établie par la Convention de 1948, qui décrit ce dernier comme un acte « commis dans l’intention de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », notamment par le « transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe ». Mes chers collègues, vous aurez peut-être du mal à le croire, mais la Russie a signé et ratifié cette convention !

C’est pourquoi, au nom du groupe Union Centriste, je salue l’initiative de notre collègue André Gattolin qui a permis au Sénat, par une résolution adoptée le 17 avril dernier, de condamner fermement les déportations d’enfants ukrainiens par la Fédération de Russie. Notre assemblée joint ainsi sa voix à celles de l’ONU, du Parlement européen et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) : toutes ces institutions ont exprimé leur indignation devant les transferts forcés d’enfants et d’autres civils ukrainiens vers la Russie et exigé la condamnation ferme des responsables de cette politique d’État. Par une résolution votée le 27 avril dernier, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, où j’ai l’honneur de siéger, n’a pas non plus hésité à qualifier les enlèvements d’enfants ukrainiens d’actes génocidaires.

Si l’ensemble de la communauté internationale s’insurge, c’est parce que cet enjeu dépasse le seul cadre du conflit entre l’Ukraine et la Russie. Pour reprendre les mots de Mme Olena Zelenska, première dame d’Ukraine, s’exprimant devant le Conseil de l’Europe, la semaine dernière : « Quand les droits de l’enfant sont menacés dans un pays du monde, les droits de l’enfant sont menacés partout. »

Dans ce contexte, mes chers collègues, il nous faut d’abord traiter l’urgence. Notre priorité doit être d’organiser le retour des enfants ukrainiens déportés en Fédération de Russie avant que le lavage de cerveau auquel ils sont soumis n’efface définitivement leur identité. Avec mes collègues de l’Union Centriste, je répète l’invitation faite au gouvernement français et à l’Union européenne de faire pression sur les autorités russes pour que les organisations humanitaires internationales puissent avoir accès aux enfants déportés, déterminer leur nombre réel et leur identité, puis organiser leur rapatriement.

Ensuite viendra le temps de la justice. Je salue la décision de la Cour pénale internationale (CPI) du 17 mars 2023 d’émettre des mandats d’arrêt contre Vladimir Poutine et contre la commissaire russe aux droits des enfants, Maria Lvova-Belova. Il serait toutefois souhaitable que ces mandats d’arrêt soient élargis à l’ensemble de la chaîne des responsables de la mise en œuvre des transferts forcés et s’accompagnent d’un nouveau train de sanctions européennes visant les revenus et le patrimoine de ces responsables.

Pour que justice soit faite, il importe dès à présent de bien documenter et de recenser tous les cas de transferts forcés par la création d’un registre international des dommages. Les faits sont têtus et la Fédération de Russie ne pourra fuir ses responsabilités indéfiniment.

Mes chers collègues, je souhaite que le débat qui se tient aujourd’hui au Sénat envoie un signal fort au gouvernement français, à l’Union européenne et aux institutions internationales. Que la Fédération de Russie soit prévenue : nous ne fermerons pas les yeux, nous ne nous tairons pas et nous n’oublierons pas. Les enfants ukrainiens sont nos enfants, et nos enfants sont notre avenir !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de André Guiol

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous remercions le groupe RDPI et particulièrement André Gattolin, très impliqué sur ce sujet, pour l'organisation de ce débat.

Comme si la guerre ne portait pas en elle suffisamment d'atrocités, le pouvoir russe fait preuve en la matière d'une imagination sans limites.

Tout comme l'annexion de la Crimée en 2014, l'invasion de l'Ukraine, le 24 février 2022, a été ponctuée de bombardements de villes, d'hôpitaux, d'écoles. Nous découvrons maintenant la déportation de milliers d'enfants ukrainiens vers la Fédération de Russie.

Des centaines d'enfants de la région de Kherson ont été soustraits à leurs parents, sous le prétexte de jolies colonies de vacances, ou encore enlevés après l'arrestation, voire l'assassinat d'un parent, ou grâce à un subterfuge quelconque. Ce sont des milliers d'enfants qui ont été ainsi déportés, causant le désarroi et le malheur de leurs familles.

Mais comment connaître leur nombre exact ? Sont-ils près de 20 000, comme certaines estimations le laissent penser, ou dix fois plus, comme les autorités ukrainiennes le déclarent ? Comment rendre possible le retour en Ukraine de tous ces enfants déportés ?

C'est la difficile question qui nous préoccupe aujourd'hui, dans le contexte d'une guerre durable.

Il est bien évident qu'il faut tout d'abord soutenir financièrement toutes les organisations humanitaires impliquées dans la recherche et le rapatriement des jeunes victimes, ainsi que les autorités ukrainiennes, déjà très investies, pour comptabiliser les familles concernées et recenser toutes les formes d'enlèvement utilisées.

L'association Save Ukraine connaît bien le processus post-enlèvement, ce qui devrait permettre au gouvernement ukrainien et à la communauté internationale d'identifier et de localiser les enfants déportés. Il importe de mobiliser les moyens humains et matériels en faveur de la poursuite de ce travail d'inventaire et d'affinage des données sur ces enfants, qu'ils se trouvent dans des familles d'accueil ou dans des camps.

La pression diplomatique est également nécessaire, mais sous un angle très spécifique, puisque ce problème n'entre pas dans le processus connu des échanges des prisonniers de guerre. Par ailleurs, la Russie ne peut reconnaître la bassesse de ses agissements. Ces déportations illégales d'enfants n'ont par conséquent aucune existence officielle.

Il appartient à la Croix-Rouge et à l'ONU, dont la Russie, rappelons-le, vient de prendre la présidence du Conseil de sécurité, de mettre en place un dispositif de règlement pour le cas où celui-ci deviendrait possible.

Faut-il rappeler que la Russie a ratifié la convention relative aux droits de l'enfant ?

Il appartient aussi à la France de faire inscrire à l'ordre du jour du Conseil de sécurité la question des droits des enfants, sur la base de la résolution 2 427 adoptée en 2018, et d'inviter la Russie à contribuer à résoudre ce type de situation. Il s'agit de mettre la Russie et Vladimir Poutine devant leurs contradictions.

Aujourd'hui, chaque récupération d'enfant est une opération isolée, qui repose sur des contacts informels et dangereux. Le temps joue contre ces enfants, qui sont « russifiés », endoctrinés. Une approche globale s'impose.

Une doctrine de prévention doit être mise en œuvre autour de deux principes.

Tout d'abord, les autorités ukrainiennes doivent, dans la mesure du possible, éloigner du théâtre de guerre le maximum d'enfants mineurs.

Ensuite, nous devons mener une « guerre informationnelle » positive, si j'ose dire, en utilisant notamment les réseaux sociaux, lesquels, pour une fois, porteraient bien leur nom. Il s'agirait de mettre devant leurs responsabilités les familles d'accueil russes, qui pensent participer à une action d'évacuation humanitaire en éloignant ces enfants des zones de combat. Ces familles savent-elles qu'elles sont en réalité complices de crimes de guerre, une qualification déjà retenue par une commission d'enquête de l'ONU ? Il faut le leur faire savoir.

J'en viens au volet de la réponse judiciaire.

La Cour pénale internationale a été saisie, ce qui est une bonne chose. On peut en effet se réjouir des deux mandats d'arrêt émis en mars dernier par la CPI pour le crime de guerre de déportation illégale d'enfants ukrainiens : l'un contre le président russe ; l'autre contre Maria Lvova-Belova, sa commissaire aux droits de l'enfant.

Bien entendu, Vladimir Poutine conteste la légitimité de ces procédures. Il n'empêche qu'il s'en trouve encore davantage mis au ban de la communauté internationale.

Rappelons aux Russes ce vieil adage : « Bien mal acquis ne profite jamais ! » Prévenons-les que ces enfants, que le pouvoir russe souhaite dresser contre l'Ukraine et l'Occident, sont de véritables bombes à retardement pour leur identité russe. Ce peuple mérite mieux au regard de son histoire !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine. Nous assistions, horrifiés, aux premiers bombardements russes sur Kiev. Plus d’un an après, la guerre continue de faire rage. L’armée russe a commis en Ukraine toutes sortes d’exactions, allant de bombardements ciblés à des massacres de masse de civils ukrainiens, comme à Boutcha.

Le 11 mars 2023, le bureau du procureur général d’Ukraine a annoncé qu’au moins 464 enfants ukrainiens étaient morts depuis le début du conflit et que plus de 16 000 enfants avaient été déportés en Russie. Je ne pensais pas devoir employer aujourd’hui le terme « déportés ». Son origine remonte à 1453 et à la prise de Constantinople par Mehmet II, qui décidait de remplacer les Byzantins en déplaçant les populations. Je vous fais grâce de la longue litanie des déportations qui se sont succédé dans l’histoire européenne jusqu’à aujourd’hui. Les événements qui se déroulent en Ukraine nous rappellent les heures les plus sombres de notre histoire.

Rien ne semble freiner Vladimir Poutine, à l’encontre duquel un mandat d’arrêt « pour déportation illégale d’enfants » a été émis par la CPI. Dans une résolution votée le 27 avril dernier, le Conseil de l’Europe qualifie les enlèvements d’enfants ukrainiens vers la Russie de crimes de génocide et exige leur rapatriement.

L’ONG Save Ukraine a réussi à organiser le rapatriement de dix-sept enfants ukrainiens, mais l’association, faute d’accord diplomatique entre Kiev et Moscou, doit se plier aux règles strictes de l’administration russe. Aussi, son action demeure très limitée.

Quels moyens humains et financiers pouvons-nous apporter à cette ONG ? Quelle action diplomatique est-il possible d’engager auprès des autorités russes ?

Nous ne devons pas nous habituer à ces images insoutenables, à ces déportations, à ces exactions. Notre devoir de mémoire nous oblige à ne surtout pas abandonner ces enfants ukrainiens, qui auraient pu être les nôtres.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous ne devons pas craindre de nous répéter ce matin.

Je tiens à dire en préambule que nous comptons sur le Gouvernement pour fédérer toute la communauté internationale autour de ce drame.

Depuis maintenant plus d'un an, l'invasion russe de l'Ukraine se poursuit et avec elle son cortège de morts, de souffrances et de destructions. Les dizaines de milliers de vies qu'elle a enlevées, les millions de destins qu'elle a brisés nous heurtent au plus profond de nous-mêmes. Il s'agit, pour reprendre les mots d'Antonio Guterres, d'« un affront à notre conscience collective ».

Naturellement, toutes les victimes de cette absurde agression éveillent en nous un sentiment de compassion, d'indignation et parfois de légitime colère. Mais certaines situations nous révoltent instinctivement encore plus : les enfants, symboles du martyr de l'innocence aux mains de la barbarie, sont les victimes que nous voudrions ne jamais avoir à déplorer. Et pourtant, au moins 500 d'entre eux ont déjà été tués depuis le début des hostilités. Plus d'un millier ont été blessés et un nombre incalculable subit, d'une manière ou d'une autre, le chaos engendré par la guerre : ils sont orphelins, séparés de leurs familles, déplacés en Ukraine ou exilés en Europe ; ils vivent dans des conditions dangereuses et précaires ou sont exposés aux risques d'abus et d'exploitation en tout genre.

Ils sont aussi déportés en Russie. Oui, déportés ! Ce mot, que l'on croyait banni à jamais du vocabulaire européen, est pourtant celui qui s'impose pour nommer la réalité vécue par tant d'enfants ukrainiens. Entre les 20 000 enfants qui ont été officiellement identifiés par le gouvernement ukrainien et les 700 000 évoqués par plusieurs sources, y compris russes, il reste extrêmement difficile de savoir combien d'enfants sont touchés par ce rapt de masse.

Pour autant, si l'ampleur du phénomène reste à déterminer avec précision, son existence ne souffre d'aucune contestation, d'autant que, comble du cynisme, ces déportations sont revendiquées par les autorités russes elles-mêmes, qui prétendent sauver ces enfants en les mettant à l'abri des combats.

(À suivre)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous ne devons pas craindre de nous répéter ce matin.

Je tiens à dire en préambule que nous comptons sur le Gouvernement pour fédérer toute la communauté internationale autour de ce drame.

Depuis maintenant plus d'un an, l'invasion russe de l'Ukraine se poursuit et avec elle son cortège de morts, de souffrances et de destructions. Les dizaines de milliers de vies qu'elle a enlevées, les millions de destins qu'elle a brisés nous heurtent au plus profond de nous-mêmes. Il s'agit, pour reprendre les mots d'Antonio Guterres, d'« un affront à notre conscience collective ».

Naturellement, toutes les victimes de cette absurde agression éveillent en nous un sentiment de compassion, d'indignation et parfois de légitime colère. Mais certaines situations nous révoltent instinctivement encore plus : les enfants, symboles du martyr de l'innocence aux mains de la barbarie, sont les victimes que nous voudrions ne jamais avoir à déplorer. Et pourtant, au moins 500 d'entre eux ont déjà été tués depuis le début des hostilités. Plus d'un millier ont été blessés et un nombre incalculable subit, d'une manière ou d'une autre, le chaos engendré par la guerre : ils sont orphelins, séparés de leurs familles, déplacés en Ukraine ou exilés en Europe ; ils vivent dans des conditions dangereuses et précaires ou sont exposés aux risques d'abus et d'exploitation en tout genre.

Ils sont aussi déportés en Russie. Oui, déportés ! Ce mot, que l'on croyait banni à jamais du vocabulaire européen, est pourtant celui qui s'impose pour nommer la réalité vécue par tant d'enfants ukrainiens. Entre les 20 000 enfants qui ont été officiellement identifiés par le gouvernement ukrainien et les 700 000 évoqués par plusieurs sources, y compris russes, il reste extrêmement difficile de savoir combien d'enfants sont touchés par ce rapt de masse.

Pour autant, si l'ampleur du phénomène reste à déterminer avec précision, son existence ne souffre d'aucune contestation, d'autant que, comble du cynisme, ces déportations sont revendiquées par les autorités russes elles-mêmes, qui prétendent sauver ces enfants en les mettant à l'abri des combats.

Certes, la rhétorique du Kremlin nous avait habitués de longue date à ces accommodements avec la vérité. Mais depuis le début de « l'opération militaire spéciale » en Ukraine, la propagande russe se mue en caricature de 1984 d'Orwell. Jour après jour, elle donne raison à Soljenitsyne pour qui « tout homme qui choisit la violence comme moyen doit inexorablement choisir le mensonge comme règle ».

Ces mensonges, auxquels personne ne peut décemment croire, sont proférés pour étayer tant bien que mal un récit bancal, que Moscou s'échine à construire pour justifier sa guerre.

Dans cette réalité alternative, les dirigeants ukrainiens sont ravalés au rang de néonazis contrôlant le poste avancé d'un Occident belliqueux et menaçant la Russie. Quant à l'Ukraine, elle n'est qu'une province injustement arrachée à la mère patrie. Et la nation ukrainienne, depuis toujours consubstantielle à la nation russe, n'existe tout simplement pas.

Chacun peut s'en rendre compte en contemplant le courage et la détermination avec lesquels les Ukrainiens défendent leur pays : la fable russe est d'une incroyable inconsistance. Alors, pour que la réalité rejoigne un tant soit peu la fiction, Moscou cherche par tous les moyens à russifier les territoires soumis.

Dans cette mécanique, l'enlèvement d'enfants à grande échelle occupe une place tout à fait centrale, car déporter les enfants, c'est avant tout chercher à priver l'Ukraine de son identité et surtout de son avenir. Pour servir cette entreprise, les Russes et leurs affidés ont mis en place un véritable système, aussi complexe qu'insidieux.

Celui-ci débute avec le ciblage des enfants, qui doivent être isolés de leur famille. Ceux qui se trouvent déjà placés en institution ou en orphelinat, ceux qui sont hospitalisés ou séparés de leurs parents dans les sinistres « camps de filtration » sont les plus touchés. Mais les autorités russes poussent la perfidie jusqu'à inciter les familles ukrainiennes à envoyer leurs enfants dans ce qui est présenté comme des « colonies de vacances », loin des zones à risques.

Pour certains, le parcours se poursuit avec leur transfert dans des « camps de rééducation » disséminés sur tout le territoire russe, jusqu'en Sibérie. L'objectif de cette troublante évocation du goulag est à la fois simple et terrible : « extirper » leur identité ukrainienne et les conditionner à devenir d'authentiques citoyens russes.

Pour d'autres, le parcours se termine par leur adoption par des familles russes, présentée comme un acte de pure bienveillance. Plusieurs décrets ont d'ailleurs été pris pour encourager les processus d'adoption, mais aussi pour simplifier les procédures de changement d'identité, de nationalité et de filiation de ces enfants.

En droit international, ces actes s'apparentent largement au crime de génocide. Seule l'intention finale, bien qu'elle apparaisse assez évidente, reste, semble-t-il, à caractériser sans équivoque. En revanche, ces actes relèvent sans ambiguïté de la catégorie des crimes de guerre. C'est d'ailleurs cette qualification qu'a retenue la Cour pénale internationale (CPI) pour émettre le 17 mars un mandat d'arrêt international à l'encontre de la commissaire russe aux droits de l'enfant, mais aussi, et surtout, de Vladimir Poutine.

Ces poursuites internationales, qui visent le chef d'un État membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, sont un véritable coup de tonnerre diplomatique, qui témoigne de l'extrême gravité des faits. Ces derniers, à défaut de pouvoir être immédiatement condamnés sur le plan judiciaire, puisque la Russie n'est pas partie au statut de Rome, doivent l'être sur le plan politique avec la plus grande fermeté.

L'intitulé du débat de ce jour nous invite toutefois à aller au-delà de la nécessaire condamnation de ces crimes et à nous interroger sur la manière de rendre possible le retour des enfants déportés en Russie.

Jusqu'à présent, rien, ni les revers militaires, ni la contestation intérieure, ni les sanctions, n'ont permis de faire reculer Vladimir Poutine. Nos moyens d'action peuvent donc sembler relativement limités.

Il est toutefois indispensable, pour tenter de prévenir autant que possible les méfaits des autorités russes à l'égard de ces enfants, de les faire connaître. Notre débat, modestement, y contribue, tout comme la proposition de résolution européenne récemment adoptée sur l'initiative d'André Gattolin et après le rapport de notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam.

Il s'agit d'un préalable indispensable au maintien, voire à l'accentuation, de la pression internationale sur ce sujet. Comme le suggère la résolution européenne du Sénat, le Gouvernement pourrait dans ce contexte engager une initiative diplomatique multilatérale. Son objectif devrait être double : d'une part, permettre l'accès des organisations humanitaires à ces enfants et, d'autre part, ouvrir des canaux de communication et des routes de retour.

Il est surtout fondamental que, à travers cette initiative, les familles ukrainiennes sachent qu'elles ne sont pas seules et que nous nous tenons à leurs côtés. Certaines d'entre elles se sont lancées, avec un courage confondant, dans des périples vertigineux pour retrouver la trace de leurs enfants, franchissant parfois plusieurs frontières pour contourner les lignes de front et parcourant des milliers de kilomètres, y compris en territoire russe.

Des institutions et organisations non gouvernementales ukrainiennes accompagnent ce combat et accomplissent une tâche colossale de recensement, d'identification et de localisation des enfants. Sans leur travail, conjugué aux enquêtes menées par certaines instances internationales, le rapatriement des enfants ukrainiens resterait sans doute un vœu pieux.

Grâce à elles, un peu plus de 300 enfants auraient à ce jour pu retrouver leur pays, voire leur famille. Cela montre que, malgré le danger, malgré l'immensité des difficultés, leur retour est possible. Fournir à ces structures tout le soutien possible, qu'il soit humain, technique, matériel ou financier, voilà une autre piste d'action mise en avant par la résolution. Je ne peux évidemment qu'y souscrire.

Madame la secrétaire d'État, l'Ukraine a besoin de notre aide pour faire cesser l'invasion. Continuons demain, comme nous l'avons fait hier et comme nous le faisons aujourd'hui, à la lui apporter sans réserve.

Mais ces enfants, ces familles, ont aussi besoin de notre aide. Alors, soyons au rendez-vous de la dignité la plus élémentaire, de l'avenir aussi, pour que cette génération d'enfants traumatisés à vie par la guerre ne devienne pas, en plus, une génération volée.

Le sujet d'une dissertation de philosophie que j'ai eu à traiter me revient à l'esprit : l'acte humain peut-il être inhumain ? Je crois que nous avons aujourd'hui la réponse.

Applaudissements.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI. – Mme Michelle Meunier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de André Guiol

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous remercions le groupe RDPI et particulièrement André Gattolin, très impliqué sur ce sujet, pour l’organisation de ce débat.

Comme si la guerre ne portait pas en elle-même suffisamment d’atrocités, le pouvoir russe fait preuve en la matière d’une imagination sans limites.

Tout comme l’annexion de la Crimée en 2014, l’invasion de l’Ukraine, le 24 février 2022, a été ponctuée de bombardements de villes, d’hôpitaux, d’écoles. Nous découvrons maintenant la déportation de milliers d’enfants ukrainiens vers la Fédération de Russie.

Des centaines d’enfants de la région de Kherson ont été soustraits à leurs parents, sous le prétexte de jolies colonies de vacances, ou encore enlevés après l’arrestation, voire l’assassinat d’un parent, ou grâce à un subterfuge quelconque. Ce sont des milliers d’enfants qui ont été ainsi déportés, causant le désarroi et le malheur de leurs familles.

Mais comment connaître leur nombre exact ? Sont-ils près de 20 000, comme certaines estimations le laissent penser, ou dix fois plus, comme les autorités ukrainiennes le déclarent ? Comment rendre possible le retour en Ukraine de tous ces enfants déportés ?

C’est la difficile question qui nous préoccupe aujourd’hui, dans le contexte d’une guerre durable.

Il est bien évident qu’il faut tout d’abord soutenir financièrement toutes les organisations humanitaires impliquées dans la recherche et le rapatriement des jeunes victimes, ainsi que les autorités ukrainiennes, déjà très investies, pour comptabiliser les familles concernées et recenser toutes les formes d’enlèvement utilisées.

L’association Save Ukraine connaît bien le processus post-enlèvement, ce qui devrait permettre au gouvernement ukrainien et à la communauté internationale d’identifier et de localiser les enfants déportés. Il importe de mobiliser les moyens humains et matériels en faveur de la poursuite de ce travail d’inventaire et d’affinage des données sur ces enfants, qu’ils se trouvent dans des familles d’accueil ou dans des camps.

La pression diplomatique est également nécessaire, mais sous un angle très spécifique, puisque ce problème n’entre pas dans le processus connu des échanges de prisonniers de guerre. Par ailleurs, la Russie ne peut reconnaître la bassesse de ses agissements. Ces déportations illégales d’enfants n’ont par conséquent aucune existence officielle.

Il appartient à la Croix-Rouge et à l’ONU, dont la Russie, rappelons-le, vient de prendre la présidence du Conseil de sécurité, de mettre en place un dispositif de règlement pour le cas où celui-ci deviendrait possible.

Faut-il rappeler que la Russie a ratifié la convention relative aux droits de l’enfant ?

Il appartient aussi à la France de faire inscrire à l’ordre du jour du Conseil de sécurité la question des droits des enfants, sur la base de la résolution 2427 adoptée en 2018, et d’inviter la Russie à contribuer à résoudre ce type de situation. Il s’agit de mettre la Russie et Vladimir Poutine devant leurs contradictions.

Aujourd’hui, chaque récupération d’enfant est une opération isolée, qui repose sur des contacts informels et dangereux. Le temps joue contre ces enfants, qui sont « russifiés », endoctrinés. Une approche globale s’impose.

Une doctrine de prévention doit être mise en œuvre autour de deux principes.

Tout d’abord, les autorités ukrainiennes doivent, dans la mesure du possible, éloigner du théâtre de guerre le maximum d’enfants mineurs.

Ensuite, nous devons mener une « guerre informationnelle » positive, si j’ose dire, en utilisant notamment les réseaux sociaux, lesquels, pour une fois, porteraient bien leur nom. Il s’agirait de mettre devant leurs responsabilités les familles d’accueil russes, qui pensent participer à une action d’évacuation humanitaire en éloignant ces enfants des zones de combat. Ces familles savent-elles qu’elles sont en réalité complices de crimes de guerre, une qualification déjà retenue par une commission d’enquête de l’ONU ? Il faut le leur faire savoir.

J’en viens au volet de la réponse judiciaire.

La Cour pénale internationale a été saisie, ce qui est une bonne chose. On peut en effet se réjouir des deux mandats d’arrêt émis en mars dernier par la CPI pour le crime de guerre de déportation illégale d’enfants ukrainiens : l’un contre le président russe ; l’autre contre Maria Lvova-Belova, sa commissaire aux droits de l’enfant.

Bien entendu, Vladimir Poutine conteste la légitimité de ces procédures. Il n’empêche qu’il s’en trouve encore davantage mis au ban de la communauté internationale.

Rappelons aux Russes ce vieil adage : « Bien mal acquis ne profite jamais ! » Prévenons-les que ces enfants, que le pouvoir russe souhaite dresser contre l’Ukraine et l’Occident, sont de véritables bombes à retardement pour leur identité russe. Ce peuple mérite mieux au regard de son histoire !

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur l'ambassadeur, mes chers collègues, Poutine tente de faire disparaître l'Ukraine. Il a affirmé qu'elle n'était ni un pays ni un État. Le dictateur russe a d'abord grignoté le territoire ukrainien – la Crimée, le Donbass –, avant de tenter une invasion totale.

Cette initiative est, pour l'heure, un échec sanglant. L'offensive s'enlise, mais elle se poursuit. Elle a fait périr des milliers de personnes et en a déplacé des millions d'autres. Malgré l'aide internationale, le sort de l'Ukraine demeure encore incertain.

Dans sa guerre d'agression qui dure depuis plus d'un an maintenant, Poutine vise délibérément les populations civiles. Il a concentré ses tirs sur les installations énergétiques civiles avant l'hiver, les quartiers d'habitation et même les maternités.

On ne compte plus les exactions commises par les criminels du groupe Wagner ou des Kadyrovites. Les atrocités de Boutcha témoignent de la haine que le Kremlin nourrit contre le peuple ukrainien.

Le rapport des Nations unies publié le 15 mars dernier souligne l'ampleur des exécutions sommaires, la cruauté des actes de tortures et des violences sexuelles commises par les troupes russes contre la population civile ukrainienne.

Malgré la tragédie, grâce au courage ukrainien et au soutien international, l'Ukraine résiste à l'envahisseur. Si Poutine a pour l'instant échoué à prendre le contrôle du pays, il poursuit néanmoins son travail d'effacement en niant la culture ukrainienne, en refusant à la nation ukrainienne le droit de disposer d'elle-même et d'avoir un avenir.

Dans ce contexte, plus de 16 000 enfants ukrainiens auraient été transférés de force des territoires occupés vers les terres russes. Les enfants de l'Ukraine sont son avenir, et la Russie de Poutine cherche à s'en emparer.

Des « camps » et autres « lieux aménagés » auraient été installés sur le territoire russe, certains en Sibérie. Les enfants de tout âge y seraient rééduqués pour devenir prorusses.

Les déportations de jeunes ukrainiens sont également devenues le maillon stratégique d'un système d'adoption mis en place par l'État et géré par la commissaire aux droits de l'enfant en Russie depuis 2021, alors que l'adoption d'enfants étrangers sans le consentement du pays d'origine est interdite en Russie.

Ces transferts forcés d'enfants et leur prétendue rééducation constituent une atteinte, non seulement aux familles concernées, mais également à la nation ukrainienne tout entière. Ces actes sont constitutifs du crime de génocide. Ils visent à effacer dans l'esprit de ces jeunes ukrainiens l'idée même de leur patrie. Nous ne pouvons pas l'accepter.

En adoptant la proposition de résolution européenne portée par notre collègue André Gattolin, que je salue, le Sénat a eu l'occasion d'affirmer son opposition à ces transferts contraires au droit international.

Aujourd'hui encore, nous voulons dire à quel point nous condamnons l'agression de Poutine et les actes commis contre la population ukrainienne. Il faut aussi trouver le moyen de remédier à cette situation. C'est tout l'objet du débat qui nous occupe.

Comme les auteurs de la proposition de résolution européenne l'ont indiqué, il est essentiel de faire toute la lumière sur ces événements. Il faut pour cela mener des investigations poussées sur ces transferts.

Identifier les filières existantes permettra de connaître le mode opératoire et les personnes concourant à ces transferts. Ces individus sont complices d'un crime contre l'humanité et doivent être traités comme tels. Justice doit être rendue.

Ces investigations doivent, en outre, permettre de retrouver les traces d'enfants déjà transférés. Il est indispensable que ces milliers d'enfants soient rendus à leurs familles et retrouvent leur patrie au plus tôt.

Nous l'avons rappelé, les transferts forcés d'enfants sont constitutifs d'un crime contre l'humanité. Tous les acteurs de la communauté internationale, tant les États et les institutions internationales que les ONG, doivent contribuer à faire cesser ces crimes.

La guerre déclenchée par Poutine pèsera durablement sur les relations internationales et la sécurité de notre continent.

Avant le début de ce conflit, la France a œuvré pour la paix. Elle est aujourd'hui engagée aux côtés de la résistance ukrainienne. En plus de fournir à Kiev les moyens de résister, nous devons œuvrer du mieux possible pour faire cesser les crimes de Poutine.

Nous l'avons fait en envoyant des équipes sur les sites de massacres, comme à Boutcha, pour élucider les crimes passés. Nous devons à présent faire tout notre possible pour préserver l'avenir de l'Ukraine, en commençant par celui de ses enfants. C'est absolument essentiel !

Applaudissements.

Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains. – Mme Michelle Meunier applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur l'ambassadeur, mes chers collègues, je remercie notre collègue André Gattolin d'avoir pris l'initiative d'organiser ce débat sur le retour en Ukraine des enfants déportés en Fédération de Russie.

Ce débat fait suite au vote, le 17 avril dernier, d'une proposition de résolution transpartisane. Il était particulièrement indispensable que notre assemblée se joigne à l'indignation de la communauté internationale. C'est une question de justice et de respect du droit international !

Depuis plus d'un an, le dictateur russe, dans une guerre ignoble, utilise les moyens les plus abjects. Les civils, les enfants, les femmes en sont les premières victimes. Crimes de guerre, viols comme arme de guerre, enlèvement d'enfants : rien n'arrête Vladimir Poutine. Sa stratégie militaire vise à déshumaniser les victimes et à terroriser les populations. L'armée russe ne recule devant aucune barbarie pour tenter de saper le moral du peuple ukrainien.

Depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les autorités ukrainiennes estiment que plus de 16 000 enfants ont été enlevés par les autorités russes.

Les enfants enlevés sont amenés dans des camps de « rééducation », qui visent à les endoctriner et à les rendre prorusses. Dans certains cas, un entraînement militaire est également au programme. Leurs conditions de vie dans ces camps sont épouvantables : vêtements sales, insultes, manque de soins… Les témoignages des enfants revenus de ces camps sont difficiles à entendre.

L'objectif de Pouline est de faire adopter ces enfants par des familles russes. C'est à cette fin qu'il a assoupli la loi russe sur l'adoption et la naturalisation des enfants ukrainiens. Selon l'ONG Human Rights Watch, en décembre dernier, 400 enfants ukrainiens avaient déjà été adoptés par des familles russes.

Menaces d'utiliser l'arme nucléaire, bombardements de civils, torture, emploi de mercenaires, attaques contre des établissements médicaux et, depuis quelques mois, enlèvements d'enfants ukrainiens : la Russie ne recule devant aucune exaction pour conduire sa guerre d'agression !

Ces agissements sont inacceptables et doivent cesser. Comme l'a souligné le procureur de la Cour pénale internationale, les enfants ne peuvent pas être traités comme un butin de guerre.

Malgré la qualification de ces agissements comme crimes de guerre par l'ONU et l'émission d'un mandat d'arrêt par la Cour pénale internationale pour « déportation » ou pour « transfert illégal » de personnes, seuls quelque 300 enfants ukrainiens ont pu retrouver leurs familles.

La France doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour contraindre la Russie à organiser le retour de tous les enfants ukrainiens enlevés. Pour ce faire, le Gouvernement doit cesser de privilégier les intérêts économiques en alourdissant les sanctions contre la Russie dans ce secteur et en plaidant pour leur élargissement à l'échelon européen. La France doit également faire son maximum pour soutenir la Cour pénale internationale, mais aussi Eurojust, l'équipe commune d'enquête sur les crimes internationaux présumés en Ukraine, ainsi que le Centre international chargé des poursuites pour le crime d'agression contre l'Ukraine.

Madame la secrétaire d'État, la période appelle non pas à plus de négociation et plus de diplomatie avec la Russie, mais à plus de fermeté et à plus de cohérence entre les paroles et les actes du Gouvernement !

Au risque d'alimenter la machine de guerre de Vladimir Poutine, le Gouvernement continue de coopérer avec la Russie dans certains secteurs. Ainsi, alors que la construction de deux nouveaux réacteurs dans la centrale nucléaire de Paks, en Hongrie, est pilotée par l'entreprise russe Rosatom, le Gouvernement a donné son feu vert à la participation au projet de l'opérateur français Framatome. Cette décision est inacceptable. Si l'industrie nucléaire n'est pas visée par les sanctions internationales contre la Russie, il est important que la France respecte ses engagements. Nous ne pouvons pas participer à des projets qui risquent d'alimenter la machine de guerre russe. Nous comptons sur vous, madame la secrétaire d'État.

Ce matin, le président Zelensky est arrivé à La Haye pour rencontrer les dirigeants de la Cour pénale internationale. À travers ce débat, nous lui transmettons tout notre soutien et nous lui réitérons notre exigence en matière de justice. Il importe que la communauté internationale condamne sans équivoque ces crimes de guerre et ces crimes contre l'humanité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous ne devons pas craindre de nous répéter ce matin.

Je tiens à dire en préambule que nous comptons sur le Gouvernement pour fédérer toute la communauté internationale autour de ce drame.

Depuis maintenant plus d’un an, l’invasion russe de l’Ukraine se poursuit et avec elle son cortège de morts, de souffrances et de destructions. Les dizaines de milliers de vies qu’elle a enlevées, les millions de destins qu’elle a brisés nous heurtent au plus profond de nous-mêmes. Il s’agit, pour reprendre les mots d’Antonio Guterres, d’« un affront à notre conscience collective ».

Naturellement, toutes les victimes de cette absurde agression éveillent en nous un sentiment de compassion, d’indignation et parfois de légitime colère. Mais certaines situations nous révoltent instinctivement encore plus : les enfants, symboles du martyr de l’innocence aux mains de la barbarie, sont les victimes que nous voudrions ne jamais avoir à déplorer. Et pourtant, au moins 500 d’entre eux ont déjà été tués depuis le début des hostilités. Plus d’un millier ont été blessés et un nombre incalculable subit, d’une manière ou d’une autre, le chaos engendré par la guerre : ils sont orphelins, séparés de leurs familles, déplacés en Ukraine ou exilés en Europe ; ils vivent dans des conditions dangereuses et précaires ou sont exposés aux risques d’abus et d’exploitation en tout genre.

Ils sont aussi déportés en Russie. Oui, déportés ! Ce mot, que l’on croyait banni à jamais du vocabulaire européen, est pourtant celui qui s’impose pour nommer la réalité vécue par tant d’enfants ukrainiens. Entre les 20 000 enfants qui ont été officiellement identifiés par le gouvernement ukrainien et les 700 000 évoqués par plusieurs sources, y compris russes, il reste extrêmement difficile de savoir combien d’enfants sont touchés par ce rapt de masse.

Pour autant, si l’ampleur du phénomène reste à déterminer avec précision, son existence ne souffre d’aucune contestation ; d’autant que, comble du cynisme, ces déportations sont revendiquées par les autorités russes elles-mêmes, qui prétendent sauver ces enfants en les mettant à l’abri des combats.

Certes, la rhétorique du Kremlin nous avait habitués de longue date à ces accommodements avec la vérité. Mais depuis le début de « l’opération militaire spéciale » en Ukraine, la propagande russe se mue en caricature de 1984 d’Orwell. Jour après jour, elle donne raison à Soljenitsyne pour qui « tout homme qui choisit la violence comme moyen doit inexorablement choisir le mensonge comme règle ».

Ces mensonges, auxquels personne ne peut décemment croire, sont proférés pour étayer tant bien que mal un récit bancal, que Moscou s’échine à construire pour justifier sa guerre.

Dans cette réalité alternative, les dirigeants ukrainiens sont ravalés au rang de néonazis contrôlant le poste avancé d’un Occident belliqueux et menaçant la Russie. Quant à l’Ukraine, elle n’est qu’une province injustement arrachée à la mère patrie. Et la nation ukrainienne, depuis toujours consubstantielle à la nation russe, n’existe tout simplement pas.

Chacun peut s’en rendre compte en contemplant le courage et la détermination avec lesquels les Ukrainiens défendent leur pays : la fable russe est d’une incroyable inconsistance. Alors, pour que la réalité rejoigne un tant soit peu la fiction, Moscou cherche par tous les moyens à russifier les territoires soumis.

Dans cette mécanique, l’enlèvement d’enfants à grande échelle occupe une place tout à fait centrale, car déporter les enfants, c’est avant tout chercher à priver l’Ukraine de son identité et surtout de son avenir. Pour servir cette entreprise, les Russes et leurs affidés ont mis en place un véritable système, aussi complexe qu’insidieux.

Celui-ci débute avec le ciblage des enfants, qui doivent être isolés de leur famille. Ceux qui se trouvent déjà placés en institution ou en orphelinat, ceux qui sont hospitalisés ou séparés de leurs parents dans les sinistres « camps de filtration » sont les plus touchés. Mais les autorités russes poussent la perfidie jusqu’à inciter les familles ukrainiennes à envoyer leurs enfants dans ce qui est présenté comme des « colonies de vacances », loin des zones à risques.

Pour certains, le parcours se poursuit avec leur transfert dans des « camps de rééducation » disséminés sur tout le territoire russe, jusqu’en Sibérie. L’objectif de cette troublante évocation du goulag est à la fois simple et terrible : « extirper » leur identité ukrainienne et les conditionner à devenir d’authentiques citoyens russes.

Pour d’autres, le parcours se termine par leur adoption par des familles russes, présentée comme un acte de pure bienveillance. Plusieurs décrets ont d’ailleurs été pris pour encourager les processus d’adoption, mais aussi pour simplifier les procédures de changement d’identité, de nationalité et de filiation de ces enfants.

En droit international, ces actes s’apparentent largement au crime de génocide. Seule l’intention finale, bien qu’elle apparaisse assez évidente, reste, semble-t-il, à caractériser sans équivoque. En revanche, ces actes relèvent sans ambiguïté de la catégorie des crimes de guerre. C’est d’ailleurs cette qualification qu’a retenue la Cour pénale internationale (CPI) pour émettre le 17 mars un mandat d’arrêt international à l’encontre de la commissaire russe aux droits de l’enfant, mais aussi, et surtout, de Vladimir Poutine.

Ces poursuites internationales, qui visent le chef d’un État membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, sont un véritable coup de tonnerre diplomatique, qui témoigne de l’extrême gravité des faits. Ces derniers, à défaut de pouvoir être immédiatement condamnés sur le plan judiciaire, puisque la Russie n’est pas partie au statut de Rome, doivent l’être sur le plan politique avec la plus grande fermeté.

L’intitulé du débat de ce jour nous invite toutefois à aller au-delà de la nécessaire condamnation de ces crimes et à nous interroger sur la manière de rendre possible le retour des enfants déportés en Russie.

Jusqu’à présent, rien, ni les revers militaires, ni la contestation intérieure, ni les sanctions, n’ont permis de faire reculer Vladimir Poutine. Nos moyens d’action peuvent donc sembler relativement limités.

Il est toutefois indispensable, pour tenter de prévenir autant que possible les méfaits des autorités russes à l’égard de ces enfants, de les faire connaître. Notre débat, modestement, y contribue, tout comme la proposition de résolution européenne récemment adoptée sur l’initiative d’André Gattolin et après le rapport de notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam.

Il s’agit d’un préalable indispensable au maintien, voire à l’accentuation, de la pression internationale sur ce sujet. Comme le suggère la résolution européenne du Sénat, le Gouvernement pourrait dans ce contexte engager une initiative diplomatique multilatérale. Son objectif devrait être double : d’une part, permettre l’accès des organisations humanitaires à ces enfants et, d’autre part, ouvrir des canaux de communication et des routes de retour.

Il est surtout fondamental que, à travers cette initiative, les familles ukrainiennes sachent qu’elles ne sont pas seules et que nous nous tenons à leurs côtés. Certaines d’entre elles se sont lancées, avec un courage confondant, dans des périples vertigineux pour retrouver la trace de leurs enfants, franchissant parfois plusieurs frontières pour contourner les lignes de front et parcourant des milliers de kilomètres, y compris en territoire russe.

Des institutions et organisations non gouvernementales ukrainiennes accompagnent ce combat et accomplissent une tâche colossale de recensement, d’identification et de localisation des enfants. Sans leur travail, conjugué aux enquêtes menées par certaines instances internationales, le rapatriement des enfants ukrainiens resterait sans doute un vœu pieux.

Grâce à elles, un peu plus de 300 enfants auraient à ce jour pu retrouver leur pays, voire leur famille. Cela montre que, malgré le danger, malgré l’immensité des difficultés, leur retour est possible. Fournir à ces structures tout le soutien possible, qu’il soit humain, technique, matériel ou financier, voilà une autre piste d’action mise en avant par la résolution. Je ne peux évidemment qu’y souscrire.

Madame la secrétaire d’État, l’Ukraine a besoin de notre aide pour faire cesser l’invasion. Continuons demain, comme nous l’avons fait hier et comme nous le faisons aujourd’hui, à la lui apporter sans réserve.

Mais ces enfants, ces familles, ont aussi besoin de notre aide. Alors, soyons au rendez-vous de la dignité la plus élémentaire, de l’avenir aussi, pour que cette génération d’enfants traumatisés à vie par la guerre ne devienne pas, en plus, une génération volée.

Le sujet d’une dissertation de philosophie que j’ai eu à traiter me revient à l’esprit : l’acte humain peut-il être inhumain ? Je crois que nous avons aujourd’hui la réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous ne devons pas craindre de nous répéter ce matin.

Je tiens à dire en préambule que nous comptons sur le Gouvernement pour fédérer toute la communauté internationale autour de ce drame.

Depuis maintenant plus d’un an, l’invasion russe de l’Ukraine se poursuit et avec elle son cortège de morts, de souffrances et de destructions. Les dizaines de milliers de vies qu’elle a enlevées, les millions de destins qu’elle a brisés nous heurtent au plus profond de nous-mêmes. Il s’agit, pour reprendre les mots d’Antonio Guterres, d’« un affront à notre conscience collective ».

Naturellement, toutes les victimes de cette absurde agression éveillent en nous un sentiment de compassion, d’indignation et parfois de légitime colère. Mais certaines situations nous révoltent instinctivement encore plus : les enfants, symboles du martyr de l’innocence aux mains de la barbarie, sont les victimes que nous voudrions ne jamais avoir à déplorer. Et pourtant, au moins 500 d’entre eux ont déjà été tués depuis le début des hostilités. Plus d’un millier ont été blessés et un nombre incalculable subit, d’une manière ou d’une autre, le chaos engendré par la guerre : ils sont orphelins, séparés de leurs familles, déplacés en Ukraine ou exilés en Europe ; ils vivent dans des conditions dangereuses et précaires ou sont exposés aux risques d’abus et d’exploitation en tout genre.

Ils sont aussi déportés en Russie. Oui, déportés ! Ce mot, que l’on croyait banni à jamais du vocabulaire européen, est pourtant celui qui s’impose pour nommer la réalité vécue par tant d’enfants ukrainiens. Entre les 20 000 enfants qui ont été officiellement identifiés par le gouvernement ukrainien et les 700 000 évoqués par plusieurs sources, y compris russes, il reste extrêmement difficile de savoir combien d’enfants sont touchés par ce rapt de masse.

Pour autant, si l’ampleur du phénomène reste à déterminer avec précision, son existence ne souffre d’aucune contestation ; d’autant que, comble du cynisme, ces déportations sont revendiquées par les autorités russes elles-mêmes, qui prétendent sauver ces enfants en les mettant à l’abri des combats.

Certes, la rhétorique du Kremlin nous avait habitués de longue date à ces accommodements avec la vérité. Mais depuis le début de « l’opération militaire spéciale » en Ukraine, la propagande russe se mue en caricature de 1984 d’Orwell. Jour après jour, elle donne raison à Soljenitsyne pour qui « tout homme qui choisit la violence comme moyen doit inexorablement choisir le mensonge comme règle ».

Ces mensonges, auxquels personne ne peut décemment croire, sont proférés pour étayer tant bien que mal un récit bancal, que Moscou s’échine à construire pour justifier sa guerre.

Dans cette réalité alternative, les dirigeants ukrainiens sont ravalés au rang de néonazis contrôlant le poste avancé d’un Occident belliqueux et menaçant la Russie. Quant à l’Ukraine, elle n’est qu’une province injustement arrachée à la mère patrie. Et la nation ukrainienne, depuis toujours consubstantielle à la nation russe, n’existe tout simplement pas.

Chacun peut s’en rendre compte en contemplant le courage et la détermination avec lesquels les Ukrainiens défendent leur pays : la fable russe est d’une incroyable inconsistance. Alors, pour que la réalité rejoigne un tant soit peu la fiction, Moscou cherche par tous les moyens à russifier les territoires soumis.

Dans cette mécanique, l’enlèvement d’enfants à grande échelle occupe une place tout à fait centrale, car déporter les enfants, c’est avant tout chercher à priver l’Ukraine de son identité et surtout de son avenir. Pour servir cette entreprise, les Russes et leurs affidés ont mis en place un véritable système, aussi complexe qu’insidieux.

Celui-ci débute avec le ciblage des enfants, qui doivent être isolés de leur famille. Ceux qui se trouvent déjà placés en institution ou en orphelinat, ceux qui sont hospitalisés ou séparés de leurs parents dans les sinistres « camps de filtration » sont les plus touchés. Mais les autorités russes poussent la perfidie jusqu’à inciter les familles ukrainiennes à envoyer leurs enfants dans ce qui est présenté comme des « colonies de vacances », loin des zones à risques.

Pour certains, le parcours se poursuit avec leur transfert dans des « camps de rééducation » disséminés sur tout le territoire russe, jusqu’en Sibérie. L’objectif de cette troublante évocation du goulag est à la fois simple et terrible : « extirper » leur identité ukrainienne et les conditionner à devenir d’authentiques citoyens russes.

Pour d’autres, le parcours se termine par leur adoption par des familles russes, présentée comme un acte de pure bienveillance. Plusieurs décrets ont d’ailleurs été pris pour encourager les processus d’adoption, mais aussi pour simplifier les procédures de changement d’identité, de nationalité et de filiation de ces enfants.

En droit international, ces actes s’apparentent largement au crime de génocide. Seule l’intention finale, bien qu’elle apparaisse assez évidente, reste, semble-t-il, à caractériser sans équivoque. En revanche, ces actes relèvent sans ambiguïté de la catégorie des crimes de guerre. C’est d’ailleurs cette qualification qu’a retenue la Cour pénale internationale pour émettre, le 17 mars, un mandat d’arrêt international à l’encontre de la commissaire russe aux droits de l’enfant, mais aussi, et surtout, de Vladimir Poutine.

Ces poursuites internationales, qui visent le chef d’un État membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, sont un véritable coup de tonnerre diplomatique, qui témoigne de l’extrême gravité des faits. Ces derniers, à défaut de pouvoir être immédiatement condamnés sur le plan judiciaire, puisque la Russie n’est pas partie au statut de Rome, doivent l’être sur le plan politique avec la plus grande fermeté.

L’intitulé du débat de ce jour nous invite toutefois à aller au-delà de la nécessaire condamnation de ces crimes et à nous interroger sur la manière de rendre possible le retour des enfants déportés en Russie.

Jusqu’à présent, rien n’a permis de faire reculer Vladimir Poutine : ni les revers militaires, ni la contestation intérieure, ni les sanctions. Nos moyens d’action peuvent donc sembler relativement limités.

Il est toutefois indispensable, pour tenter de prévenir autant que possible les méfaits des autorités russes à l’égard de ces enfants, de les faire connaître. Notre débat, modestement, y contribue, tout comme la proposition de résolution européenne récemment adoptée sur l’initiative d’André Gattolin et après le rapport de notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam.

Il s’agit d’un préalable indispensable au maintien, voire à l’accentuation, de la pression internationale sur ce sujet. Comme le suggère la résolution européenne du Sénat, le Gouvernement pourrait dans ce contexte engager une initiative diplomatique multilatérale. Son objectif devrait être double : d’une part, permettre l’accès des organisations humanitaires à ces enfants et, d’autre part, ouvrir des canaux de communication et des routes de retour.

Il est surtout fondamental que, à travers cette initiative, les familles ukrainiennes sachent qu’elles ne sont pas seules et que nous nous tenons à leurs côtés. Certaines d’entre elles se sont lancées, avec un courage confondant, dans des périples vertigineux pour retrouver la trace de leurs enfants, franchissant parfois plusieurs frontières pour contourner les lignes de front et parcourant des milliers de kilomètres, y compris en territoire russe.

Des institutions et organisations non gouvernementales ukrainiennes accompagnent ce combat et accomplissent une tâche colossale de recensement, d’identification et de localisation des enfants. Sans leur travail, conjugué aux enquêtes menées par certaines instances internationales, le rapatriement des enfants ukrainiens resterait sans doute un vœu pieux.

Grâce à elles, un peu plus de 300 enfants auraient à ce jour pu retrouver leur pays, voire leur famille. Cela montre que, malgré le danger, malgré l’immensité des difficultés, leur retour est possible. Fournir à ces structures tout le soutien possible, qu’il soit humain, technique, matériel ou financier, voilà une autre piste d’action mise en avant par la résolution. Je ne peux évidemment qu’y souscrire.

Madame la secrétaire d’État, l’Ukraine a besoin de notre aide pour faire cesser l’invasion. Continuons demain, comme nous l’avons fait hier et comme nous le faisons aujourd’hui, à la lui apporter sans réserve.

Mais ces enfants, ces familles, ont aussi besoin de notre aide. Alors, soyons au rendez-vous de la dignité la plus élémentaire, de l’avenir aussi, pour que cette génération d’enfants traumatisés à vie par la guerre ne devienne pas, en plus, une génération volée.

Le sujet d’une dissertation de philosophie que j’ai eu à traiter me revient à l’esprit : l’acte humain peut-il être inhumain ? Je crois que nous avons aujourd’hui la réponse.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. André Gattolin et Pierre Louault applaudissent également.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI. – Mme Michelle Meunier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur l'ambassadeur, mes chers collègues, la simple évocation du mot « déportation » réveille dans notre esprit et dans l'imaginaire collectif le terrifiant spectre des heures les plus sombres de notre humanité.

Il y a quelques décennies seulement, des millions d'individus innocents étaient déportés et exterminés pour une raison aussi simple qu'épouvantable, à savoir qu'ils étaient juifs.

Aujourd'hui, comme une irrémédiable rengaine historique, le même type d'exactions insoutenables est perpétré contre les enfants ukrainiens lors de leurs déplacements contraints et forcés en Russie.

En effet, le Gouvernement ukrainien déplore la déportation de 19 384 mineurs, soit au moins autant de familles déchirées et de mères brisées par la disparition de leur raison de vivre, de la chair de leur chair. Seuls 361 enfants ont réussi à échapper aux griffes de l'aigle bicéphale grâce aux opérations menées par les ONG.

L'université de Yale dénombre dans son rapport au moins 43 camps – devrait-on les nommer camps de concentration ? –, répartis sur l'ensemble du territoire russe ou contrôlés par la Russie. À cela, il faut ajouter un triste bilan : 500 enfants ont été tués et 1 000 blessés, endeuillant un pays déjà meurtri dans son cœur.

Mes chers collègues, nous le comprenons tous aisément, les 7, 5 millions d'enfants ukrainiens présents dans le pays avant l'éclatement de la guerre sont les tristes victimes collatérales d'un conflit qui s'éternise, au grand dam d'une population dont les plaies ouvertes par une telle barbarie ne cicatriseront jamais totalement.

Peut-on parler de crimes d'agression ? Indéniablement ! Peut-on parler de crimes de guerre ? Oui, à n'en pas douter ! Réjouissons-nous que les instances internationales et ukrainiennes se soient dès le début appliquées à réunir les preuves des crimes commis par les Russes en Ukraine.

Que dire ensuite des qualifications de crimes contre l'humanité, voire de génocide ?

La notion de génocide est à manipuler avec une certaine prudence, raison pour laquelle il nous faut en discuter.

Amorcée par de nombreux juristes, la discussion tourne aujourd'hui au débat juridique. Les juges trancheront un jour la question, mais je note que l'ancien Garde des Sceaux, maître Robert Badinter, considère que « cette forme insidieuse de déportation des enfants ukrainiens vers la Russie [est] une forme de génocide culturel ».

Les actions de l'armée russe en Ukraine témoignent donc, en réalité, d'une intention de détruire et d'humilier la population civile, d'écraser leur identité et leur intégrité.

Au-delà du droit, au-delà des qualifications juridiques du droit pénal international, il est avant tout question de vies humaines. Face aux tortures que sont les déportations, les conséquences de celles-ci sur les vies humaines sont en réalité dramatiques. Si les déportations des enfants de tout âge causent des dégâts multiples, celles des nourrissons ukrainiens risquent d'entraîner pour eux des séquelles psychologiques irréversibles. Et pour cause : imaginons que le conflit s'enlise encore pendant plusieurs années…

Comment rendre possible le retour en Ukraine des enfants déportés en Fédération de Russie si ces mêmes enfants grandissent ailleurs que dans leur pays natal, sans pouvoir s'identifier comme étant Ukrainiens, sans repères ni souvenirs ? Admettons que la situation déjà sidérante à laquelle nous faisons face s'aggrave davantage, ce serait alors toute une nation qui se retrouverait privée d'une partie de ses enfants.

Face à de tels risques, l'action n'est plus une option ! Je ne reprendrai pas à mon compte l'ensemble des critiques formulées dans cet hémicycle contre les instances internationales que sont l'ONU et l'Unicef, mais je dois également reconnaître que je m'interroge. Si l'action de l'Unicef déçoit, est-ce pour autant de sa responsabilité ?

Autrement dit, la situation actuelle ne doit-elle pas nous conduire à repenser le fonctionnement et l'articulation avec l'ONU de cette instance mondialement reconnue ?

Depuis sa création le 24 octobre 1945, chaque fois qu'un événement a eu des conséquences tragiques pour les enfants dans le monde, l'Unicef s'est engagée en agissant sur le terrain de manière concrète et incontestable.

Mais dans la guerre entamée depuis plus d'un an en Ukraine, guerre qui, malheureusement, figurera peut-être demain dans nos livres d'histoire comme étant l'un des conflits majeurs du XXIe siècle, force est de constater que l'action de l'Unicef devrait être renforcée. C'est pour atteindre cet objectif, dans l'intérêt des enfants, qu'ils soient ukrainiens aujourd'hui ou d'une autre nationalité dans les affrontements de demain, que la question de la réforme de l'ONU se pose inévitablement à nous.

Alors que les acteurs du conflit en Ukraine ont incité hier à l'escalade en appelant à « éliminer » le président ukrainien Volodymyr Zelensky en représailles à une attaque présumée de drones contre le Kremlin, imputée par Moscou à Kiev qui, de son côté, nie toute implication, nous devons préparer le moment où le dictateur Vladimir Poutine et ses complices seront traduits en justice.

Comme le souligne l'auteur Raoul Marc Jennar « si les historiens révèlent des faits, les juges, eux, doivent examiner les intentions, rechercher les mobiles, analyser les modalités d'exécution, identifier et entendre les auteurs directs et indirects ainsi que les victimes ».

Pour reprendre les récents mots de maître Robert Badinter lors de la présentation de son dernier ouvrage, « nous avons le devoir de préparer le jugement d'hommes comme Poutine et de réunir toutes les preuves à cette fin ».

Je salue l'implication d'André Gattolin sur ce sujet et je le remercie d'avoir demandé l'inscription de ce débat à l'ordre du jour de notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur l’ambassadeur, mes chers collègues, Poutine tente de faire disparaître l’Ukraine. Il a affirmé qu’elle n’était ni un pays ni un État. Le dictateur russe a d’abord grignoté le territoire ukrainien – la Crimée, le Donbass –, avant de tenter une invasion totale.

Cette initiative est, pour l’heure, un échec sanglant. L’offensive s’enlise, mais elle se poursuit. Elle a fait périr des milliers de personnes et en a déplacé des millions d’autres. Malgré l’aide internationale, le sort de l’Ukraine demeure encore incertain.

Dans sa guerre d’agression qui dure depuis plus d’un an maintenant, Poutine vise délibérément les populations civiles. Il a concentré ses tirs sur les installations énergétiques civiles avant l’hiver, les quartiers d’habitation et même les maternités.

On ne compte plus les exactions commises par les criminels du groupe Wagner ou des Kadyrovites. Les atrocités de Boutcha témoignent de la haine que le Kremlin nourrit contre le peuple ukrainien.

Le rapport des Nations unies publié le 15 mars dernier souligne l’ampleur des exécutions sommaires, la cruauté des actes de tortures et des violences sexuelles commises par les troupes russes contre la population civile ukrainienne.

Malgré la tragédie, grâce au courage ukrainien et au soutien international, l’Ukraine résiste à l’envahisseur. Si Poutine a pour l’instant échoué à prendre le contrôle du pays, il poursuit néanmoins son travail d’effacement en niant la culture ukrainienne, en refusant à la nation ukrainienne le droit de disposer d’elle-même et d’avoir un avenir.

Dans ce contexte, plus de 16 000 enfants ukrainiens auraient été transférés de force des territoires occupés vers les terres russes. Les enfants de l’Ukraine sont son avenir, et la Russie de Poutine cherche à s’en emparer.

Des « camps » et autres « lieux aménagés » auraient été installés sur le territoire russe, certains en Sibérie. Les enfants de tout âge y seraient rééduqués pour devenir prorusses.

Les déportations de jeunes ukrainiens sont également devenues le maillon stratégique d’un système d’adoption mis en place par l’État et géré par la commissaire aux droits de l’enfant en Russie depuis 2021, alors que l’adoption d’enfants étrangers sans le consentement du pays d’origine est interdite en Russie.

Ces transferts forcés d’enfants et leur prétendue rééducation constituent une atteinte, non seulement aux familles concernées, mais également à la nation ukrainienne tout entière. Ces actes sont constitutifs du crime de génocide. Ils visent à effacer dans l’esprit de ces jeunes ukrainiens l’idée même de leur patrie. Nous ne pouvons pas l’accepter.

En adoptant la proposition de résolution européenne portée par notre collègue André Gattolin, que je salue, le Sénat a eu l’occasion d’affirmer son opposition à ces transferts contraires au droit international.

Aujourd’hui encore, nous voulons dire à quel point nous condamnons l’agression de Poutine et les actes commis contre la population ukrainienne. Il faut aussi trouver le moyen de remédier à cette situation. C’est tout l’objet du débat qui nous occupe.

Comme les auteurs de la proposition de résolution européenne l’ont indiqué, il est essentiel de faire toute la lumière sur ces événements. Il faut pour cela mener des investigations poussées sur ces transferts.

Identifier les filières existantes permettra de connaître le mode opératoire et les personnes concourant à ces transferts. Ces individus sont complices d’un crime contre l’humanité et doivent être traités comme tels. Justice doit être rendue.

Ces investigations doivent, en outre, permettre de retrouver les traces d’enfants déjà transférés. Il est indispensable que ces milliers d’enfants soient rendus à leurs familles et retrouvent leur patrie au plus tôt.

Nous l’avons rappelé, les transferts forcés d’enfants sont constitutifs d’un crime contre l’humanité. Tous les acteurs de la communauté internationale, tant les États et les institutions internationales que les ONG, doivent contribuer à faire cesser ces crimes.

La guerre déclenchée par Poutine pèsera durablement sur les relations internationales et la sécurité de notre continent.

Avant le début de ce conflit, la France a œuvré pour la paix. Elle est aujourd’hui engagée aux côtés de la résistance ukrainienne. En plus de fournir à Kiev les moyens de résister, nous devons œuvrer du mieux possible pour faire cesser les crimes de Poutine.

Nous l’avons fait en envoyant des équipes sur les sites de massacres, comme à Boutcha, pour élucider les crimes passés. Nous devons à présent faire tout notre possible pour préserver l’avenir de l’Ukraine, en commençant par celui de ses enfants. C’est absolument essentiel !

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Poutine tente de faire disparaître l’Ukraine. Il a affirmé qu’elle n’était ni un pays ni un État. Le dictateur russe a d’abord grignoté le territoire ukrainien – la Crimée, le Donbass –, avant de tenter une invasion totale.

Cette initiative est, pour l’heure, un échec sanglant. L’offensive s’enlise, mais elle se poursuit. Elle a fait périr des milliers de personnes et en a déplacé des millions d’autres. Malgré l’aide internationale, le sort de l’Ukraine demeure incertain.

Dans sa guerre d’agression qui dure depuis plus d’un an maintenant, Poutine vise délibérément les populations civiles. Il a concentré ses tirs sur les installations énergétiques civiles avant l’hiver, les quartiers d’habitation et même les maternités.

On ne compte plus les exactions commises par les criminels du groupe Wagner ou des Kadyrovites. Les atrocités de Boutcha témoignent de la haine que le Kremlin nourrit contre le peuple ukrainien.

Le rapport des Nations unies publié le 15 mars dernier souligne l’ampleur des exécutions sommaires, la cruauté des actes de tortures et des violences sexuelles commises par les troupes russes contre la population civile ukrainienne.

Malgré la tragédie, grâce au courage ukrainien et au soutien international, l’Ukraine résiste à l’envahisseur. Si Poutine a pour l’instant échoué à prendre le contrôle du pays, il poursuit néanmoins son travail d’effacement en niant la culture ukrainienne, en refusant à la nation ukrainienne le droit de disposer d’elle-même et d’avoir un avenir.

Dans ce contexte, plus de 16 000 enfants ukrainiens auraient été transférés de force des territoires occupés vers les terres russes. Les enfants de l’Ukraine sont son avenir, et la Russie de Poutine cherche à s’en emparer.

Des « camps » et autres « lieux aménagés » auraient été installés sur le territoire russe, certains en Sibérie. Les enfants de tout âge y seraient rééduqués pour devenir prorusses.

Les déportations de jeunes ukrainiens sont également devenues le maillon stratégique d’un système d’adoption mis en place par l’État et géré par la commissaire aux droits de l’enfant en Russie depuis 2021, alors que l’adoption d’enfants étrangers sans le consentement du pays d’origine est interdite en Russie.

Ces transferts forcés d’enfants et leur prétendue rééducation constituent une atteinte, non seulement aux familles concernées, mais également à la nation ukrainienne tout entière. Ces actes sont constitutifs du crime de génocide. Ils visent à effacer dans l’esprit de ces jeunes ukrainiens l’idée même de leur patrie. Nous ne pouvons pas l’accepter.

En adoptant la proposition de résolution européenne portée par notre collègue André Gattolin, que je salue, le Sénat a eu l’occasion d’affirmer son opposition à ces transferts contraires au droit international.

Aujourd’hui encore, nous voulons dire à quel point nous condamnons l’agression de Poutine et les actes commis contre la population ukrainienne. Il faut aussi trouver le moyen de remédier à cette situation. C’est tout l’objet du débat qui nous occupe.

Comme les auteurs de la proposition de résolution européenne l’ont indiqué, il est essentiel de faire toute la lumière sur ces événements. Il faut pour cela mener des investigations poussées sur ces transferts.

Identifier les filières existantes permettra de connaître le mode opératoire et les personnes concourant à ces transferts. Ces individus sont complices d’un crime contre l’humanité et doivent être traités comme tels. Justice doit être rendue.

Ces investigations doivent, en outre, permettre de retrouver les traces d’enfants déjà transférés. Il est indispensable que ces milliers d’enfants soient rendus à leurs familles et retrouvent leur patrie au plus tôt.

Nous l’avons rappelé, les transferts forcés d’enfants sont constitutifs d’un crime contre l’humanité. Tous les acteurs de la communauté internationale, tant les États et les institutions internationales que les ONG, doivent contribuer à faire cesser ces crimes.

La guerre déclenchée par Poutine pèsera durablement sur les relations internationales et la sécurité de notre continent.

Avant le début de ce conflit, la France a œuvré pour la paix. Elle est aujourd’hui engagée aux côtés de la résistance ukrainienne. En plus de fournir à Kiev les moyens de résister, nous devons œuvrer du mieux possible pour faire cesser les crimes de Poutine.

Nous l’avons fait en envoyant des équipes sur les sites de massacres, comme à Boutcha, pour élucider les crimes passés. Nous devons à présent faire tout notre possible pour préserver l’avenir de l’Ukraine, en commençant par celui de ses enfants. C’est absolument essentiel !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains. – Mme Michelle Meunier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous évoquons ici un drame, à savoir le plus grand transfert de masse de population en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Qui plus est, il s'agit d'enfants…

Ces transferts forcés ont commencé en 2014 dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie, en Crimée et dans le Donbass. Mais ils s'opèrent désormais malheureusement à très grande échelle depuis l'agression russe du 24 février 2022 contre l'ensemble de la nation ukrainienne.

Selon certaines sources, jusqu'à 700 000 enfants sont actuellement en Russie. La Russie qualifie ces déplacements de « mises à l'abri ». Le défenseur des droits ukrainien estime, lui, qu'au minimum 150 000 enfants ont été ainsi déportés. Un peu plus de 19 000 enfants sont identifiés de manière formelle sur le territoire russe.

Il existe 43 centres, dans lesquels seraient passés au minimum 6 000 enfants, selon les sources et les observations. Cela a été rappelé, ces centres sont de pseudo-colonies de vacances forcées en zone occupée. Des rafles, dont les descriptions font parfois froid dans le dos, ont lieu dans les écoles et les centres d'aide sociale à l'enfance dans les territoires occupés par la Russie. Des séparations sont effectuées dans les zones de combat ou lors du passage par les centres de filtration, comme ce fut le cas en particulier lors de l'évacuation de Marioupol. Voilà comment l'on sépare les enfants de leurs parents. Voilà comment l'on transfère de manière forcée des enfants ukrainiens vers la Russie !

Il est si difficile de savoir où sont ces enfants et de les identifier que seuls 360 d'entre eux ont pu revenir en Ukraine, auprès de leurs parents. Souvent, les familles prennent des risques importants pour aller les chercher et les ramener dans leur pays. Certains retours se font sur la base d'échanges entre prisonniers russes et enfants ukrainiens, mais cela reste marginal.

Comme le président ukrainien l'a rappelé dans une interview, la plupart des enfants du personnel de la centrale nucléaire de Zaporijjia, à Enerhodar, ont été capturés et les parents ont été victimes d'un chantage : soit ils prenaient la nationalité russe, soit ils ne revoyaient plus leurs enfants. Voilà comment fonctionne la Fédération de Russie !

C'est sur la base de toutes ces preuves que deux mandats d'arrêt ont été émis par la Cour pénale internationale à l'encontre, d'une part, du président russe et, d'autre part, de Maria Lvova-Belova, la prétendue commissaire russe aux droits de l'enfant. Il est clair que le reste de la chaîne de commandement et d'exécution de ces crimes ne restera pas non plus impuni. Le mandat d'arrêt de la CPI conduit aujourd'hui les autorités d'Afrique du Sud à suggérer au président russe de ne pas se rendre au sommet des BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud –, car il risquerait de se trouver en état d'arrestation.

On sait aussi grâce à de multiples témoignages que les enfants ainsi transférés de force vers la Russie subissent des formations idéologiques. On les oblige à renoncer à la nationalité ukrainienne, on les monte contre la nation ukrainienne et contre leurs anciens parents, on nie leur filiation. Ces éléments constituent des infractions sous-jacentes au crime de génocide. Il n'est pas du tout impossible que, à la fin, l'ensemble de la chaîne de commandement et d'exécution de ces crimes puisse être accusée de crimes de génocide.

Cela a été rappelé, la société russe, malgré une propagande et des incitations très fortes à l'adoption, demeure particulièrement réservée sur les faits commis. Finalement, peu d'adoptions ont lieu. Ce sont surtout des institutions religieuses sans contrôle, où la maltraitance est le lieu commun, qui « recueillent » ces enfants dans les conditions les plus terribles. La société russe, malgré la propagande pourtant très forte de son régime, n'est donc pas dupe et n'accompagne pas nécessairement les exactions des autorités russes.

La rupture des liens de filiation pour les quelques centaines d'enfants qui ont été adoptés, l'effacement de leur état civil ukrainien alors que leurs parents biologiques sont vivants, sont aussi des crimes.

Madame la secrétaire d'État, il faudra être particulièrement vigilant. Ni la France ni aucun État européen ne doit reconnaître les nouveaux documents d'identité émis par la Russie après l'effacement d'un état civil préexistant et la mise en place d'identités inexactes, fausses, falsifiées. C'est un point important.

Certes, nous devons parler des sanctions, car il ne doit y avoir d'impunité pour personne, mais le plus urgent, aujourd'hui, est de penser à ces enfants, de faire en sorte qu'ils puissent revenir le vite possible en Ukraine et retrouver leur famille.

Sur ce point, je dois saluer la mobilisation de la France et d'un certain nombre d'éléments de la société civile française.

Ainsi, l'association Pour l'Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ! a transmis des communications très précises au bureau du procureur de la Cour pénale internationale.

Le Conseil national des barreaux (CNB) a effectué des missions en Ukraine. Elle y a envoyé la première délégation officielle d'avocats européens et a fait des propositions très précises.

L'application Reunite Ukraine, initialement créée par des Français vivant à l'étranger ayant connu l'expérience de séparations forcées d'enfants, a évolué. Elle a été développée, en particulier avec les autorités ukrainiennes, en vue de permettre aux familles ukrainiennes de se retrouver lorsque c'est possible.

Enfin, des parlementaires, à l'Assemblée nationale et au Sénat, ont déposé, à l'instar de notre collègue André Gattolin, des propositions de résolution visant à rappeler que nous ne saurions tolérer la situation actuelle et que, au-delà de la constatation et de la punition de ces transferts forcés, il est indispensable de réagir au plus vite.

Cela a été dit, la Russie prétend que c'est au nom du droit humanitaire qu'il fallait sortir les enfants des zones de conflit. Dans l'absolu, cela est vrai, mais ce n'est pas à des belligérants qu'il revient de le faire ! Le fait pour un belligérant d'agir ainsi est en soi un crime de guerre.

Par ailleurs, une telle initiative, même si elle n'émane pas d'une partie au conflit, ne peut être mise en œuvre que de manière momentanée, sans cacher l'identité des personnes déplacées ou empêcher leur identification. Or les autorités russes agissent de cette façon et, en outre, nient l'identité ukrainienne de ces enfants, le fait qu'ils sont séparés de leurs familles et l'existence de crimes de filiation.

Il ne s'agit donc en rien d'une action de protection ! C'est une action de séparation, visant à couper les enfants de leurs origines, de leurs parents. C'est un crime de guerre, et probablement un crime de génocide. C'est la raison pour laquelle il n'est pas tolérable de laisser ces actes impunis ou de ne pas aller au bout de notre démarche.

Madame la secrétaire d'État, au regard de l'implication de notre pays, de notre société civile et du Parlement français, le Gouvernement doit, lui aussi, prendre un certain nombre d'engagements.

J'évoquerai aussi l'Unicef, qui est une agence des Nations unies, lesquelles fonctionnent comme elles le peuvent compte tenu de la place qu'occupe la Russie au sein du Conseil de sécurité.

Tout d'abord, il est indispensable que nous exercions aujourd'hui, avec nos partenaires européens et l'ensemble des pays qui sont sensibles à cette question, une pression maximale afin de permettre à l'Unicef, qui y est prête, de se rapprocher des enfants qui ont été emmenés en Russie. La France doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour que cela soit fait.

Ensuite, l'Unicef doit pouvoir observer la situation, rédiger un rapport sur tous les actes constitutifs d'infractions et permettre l'identification de l'ensemble des enfants ukrainiens qui sont en Russie afin que ceux-ci puissent revenir dans leurs familles.

Enfin, il est important que la conférence sur cette question, annoncée par la présidente de la Commission européenne, se tienne à un haut niveau et qu'y participent des représentants de l'ONU, de l'Unicef et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Il conviendrait aussi, madame la secrétaire d'État, compte tenu de la situation, que vous preniez l'initiative de remettre sur le métier la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur élargissant la compétence du juge français pour connaître des crimes contre l'humanité, des crimes de génocide et des crimes de guerre.

À ce stade, nous devons être vigilants sur ces actions. La France doit être à l'avant-garde de la mobilisation pour défendre la capacité d'agir de l'Unicef. Rien ne doit manquer à notre solidarité avec l'Ukraine et son peuple dans son combat pour la liberté. Longue vie aux enfants d'Ukraine ! Slava Ukraïni ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur l’ambassadeur, mes chers collègues, je remercie notre collègue André Gattolin d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat sur le retour en Ukraine des enfants déportés en Fédération de Russie.

Ce débat fait suite au vote, le 17 avril dernier, d’une proposition de résolution transpartisane. Il était particulièrement indispensable que notre assemblée se joigne à l’indignation de la communauté internationale. C’est une question de justice et de respect du droit international !

Depuis plus d’un an, le dictateur russe, dans une guerre ignoble, utilise les moyens les plus abjects. Les civils, les enfants, les femmes en sont les premières victimes. Crimes de guerre, viols comme arme de guerre, enlèvement d’enfants : rien n’arrête Vladimir Poutine. Sa stratégie militaire vise à déshumaniser les victimes et à terroriser les populations. L’armée russe ne recule devant aucune barbarie pour tenter de saper le moral du peuple ukrainien.

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les autorités ukrainiennes estiment que plus de 16 000 enfants ont été enlevés par les autorités russes.

Les enfants enlevés sont amenés dans des camps de « rééducation », qui visent à les endoctriner et à les rendre prorusses. Dans certains cas, un entraînement militaire est également au programme. Leurs conditions de vie dans ces camps sont épouvantables : vêtements sales, insultes, manque de soins… Les témoignages des enfants revenus de ces camps sont difficiles à entendre.

L’objectif de Pouline est de faire adopter ces enfants par des familles russes. C’est à cette fin qu’il a assoupli la loi russe sur l’adoption et la naturalisation des enfants ukrainiens. Selon l’ONG Human Rights Watch, en décembre dernier, 400 enfants ukrainiens avaient déjà été adoptés par des familles russes.

Menaces d’utiliser l’arme nucléaire, bombardements de civils, torture, emploi de mercenaires, attaques contre des établissements médicaux et, depuis quelques mois, enlèvements d’enfants ukrainiens : la Russie ne recule devant aucune exaction pour conduire sa guerre d’agression !

Ces agissements sont inacceptables et doivent cesser. Comme l’a souligné le procureur de la Cour pénale internationale, les enfants ne peuvent pas être traités comme un butin de guerre.

Malgré la qualification de ces agissements comme crimes de guerre par l’ONU et l’émission d’un mandat d’arrêt par la Cour pénale internationale pour « déportation » ou pour « transfert illégal » de personnes, seuls quelque 300 enfants ukrainiens ont pu retrouver leurs familles.

La France doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour contraindre la Russie à organiser le retour de tous les enfants ukrainiens enlevés. Pour ce faire, le Gouvernement doit cesser de privilégier les intérêts économiques en alourdissant les sanctions contre la Russie dans ce secteur et en plaidant pour leur élargissement à l’échelon européen. La France doit également faire son maximum pour soutenir la Cour pénale internationale, mais aussi Eurojust, l’équipe commune d’enquête sur les crimes internationaux présumés en Ukraine, ainsi que le Centre international chargé des poursuites pour le crime d’agression contre l’Ukraine.

Madame la secrétaire d’État, la période appelle non pas à plus de négociation et plus de diplomatie avec la Russie, mais à plus de fermeté et à plus de cohérence entre les paroles et les actes du Gouvernement !

Au risque d’alimenter la machine de guerre de Vladimir Poutine, le Gouvernement continue de coopérer avec la Russie dans certains secteurs. Ainsi, alors que la construction de deux nouveaux réacteurs dans la centrale nucléaire de Paks, en Hongrie, est pilotée par l’entreprise russe Rosatom, le Gouvernement a donné son feu vert à la participation au projet de l’opérateur français Framatome. Cette décision est inacceptable. Si l’industrie nucléaire n’est pas visée par les sanctions internationales contre la Russie, il est important que la France respecte ses engagements. Nous ne pouvons pas participer à des projets qui risquent d’alimenter la machine de guerre russe. Nous comptons sur vous, madame la secrétaire d’État.

Ce matin, le président Zelensky est arrivé à La Haye pour rencontrer les dirigeants de la Cour pénale internationale. À travers ce débat, nous lui transmettons tout notre soutien et nous lui réitérons notre exigence en matière de justice. Il importe que la communauté internationale condamne sans équivoque ces crimes de guerre et ces crimes contre l’humanité.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie notre collègue André Gattolin d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat sur le retour en Ukraine des enfants déportés en Fédération de Russie.

Ce débat fait suite au vote, le 17 avril dernier, d’une proposition de résolution transpartisane. Il était particulièrement indispensable que notre assemblée se joigne à l’indignation de la communauté internationale. C’est une question de justice et de respect du droit international !

Depuis plus d’un an, le dictateur russe, dans une guerre ignoble, utilise les moyens les plus abjects. Les civils, les enfants, les femmes en sont les premières victimes. Crimes de guerre, viols comme arme de guerre, enlèvement d’enfants : rien n’arrête Vladimir Poutine. Sa stratégie militaire vise à déshumaniser les victimes et à terroriser les populations. L’armée russe ne recule devant aucune barbarie pour tenter de saper le moral du peuple ukrainien.

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les autorités ukrainiennes estiment que plus de 16 000 enfants ont été enlevés par les autorités russes.

Les enfants enlevés sont amenés dans des camps de « rééducation », qui visent à les endoctriner et à les rendre prorusses. Dans certains cas, un entraînement militaire est également au programme. Leurs conditions de vie dans ces camps sont épouvantables : vêtements sales, insultes, manque de soins… Les témoignages des enfants revenus de ces camps sont difficiles à entendre.

L’objectif de Pouline est de faire adopter ces enfants par des familles russes. C’est à cette fin qu’il a assoupli la loi russe sur l’adoption et la naturalisation des enfants ukrainiens. Selon l’ONG Human Rights Watch, en décembre dernier, 400 enfants ukrainiens avaient déjà été adoptés par des familles russes.

Menaces d’utiliser l’arme nucléaire, bombardements de civils, torture, emploi de mercenaires, attaques contre des établissements médicaux et, depuis quelques mois, enlèvements d’enfants ukrainiens : la Russie ne recule devant aucune exaction pour conduire sa guerre d’agression !

Ces agissements sont inacceptables et doivent cesser. Comme l’a souligné le procureur de la Cour pénale internationale, les enfants ne peuvent pas être traités comme un butin de guerre.

Malgré la qualification de ces agissements comme crimes de guerre par l’ONU et l’émission d’un mandat d’arrêt par la Cour pénale internationale pour « déportation » ou pour « transfert illégal » de personnes, seuls quelque 300 enfants ukrainiens ont pu retrouver leurs familles.

La France doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour contraindre la Russie à organiser le retour de tous les enfants ukrainiens enlevés. Pour ce faire, le Gouvernement doit cesser de privilégier les intérêts économiques en alourdissant les sanctions contre la Russie dans ce secteur et en plaidant pour leur élargissement à l’échelon européen. La France doit également faire son maximum pour soutenir la Cour pénale internationale, mais aussi Eurojust, l’équipe commune d’enquête sur les crimes internationaux présumés en Ukraine, ainsi que le Centre international chargé des poursuites pour le crime d’agression contre l’Ukraine.

Madame la secrétaire d’État, la période appelle non pas à plus de négociation et plus de diplomatie avec la Russie, mais à plus de fermeté et à plus de cohérence entre les paroles et les actes du Gouvernement !

Au risque d’alimenter la machine de guerre de Vladimir Poutine, le Gouvernement continue de coopérer avec la Russie dans certains secteurs. Ainsi, alors que la construction de deux nouveaux réacteurs dans la centrale nucléaire de Paks, en Hongrie, est pilotée par l’entreprise russe Rosatom, le Gouvernement a donné son feu vert à la participation au projet de l’opérateur français Framatome. Cette décision est inacceptable. Si l’industrie nucléaire n’est pas visée par les sanctions internationales contre la Russie, il est important que la France respecte ses engagements. Nous ne pouvons pas participer à des projets qui risquent d’alimenter la machine de guerre russe. Nous comptons sur vous, madame la secrétaire d’État.

Ce matin, le président Zelensky est arrivé à La Haye pour rencontrer les dirigeants de la Cour pénale internationale. À travers ce débat, nous lui transmettons tout notre soutien et nous lui réitérons notre exigence en matière de justice. Il importe que la communauté internationale condamne sans équivoque ces crimes de guerre et ces crimes contre l’humanité.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. André Gattolin et Pierre Louault applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd'hui sur l'initiative de notre collègue André Gattolin et du groupe RDPI braque, à raison, le projecteur sur l'un des drames les plus terribles vécus par les enfants d'Ukraine au cours de la guerre déclenchée par la Fédération de Russie contre ce pays.

Les transferts forcés massifs et les déportations d'enfants ukrainiens vers la Russie constituent un crime injustifiable, que la proposition de résolution que nous avons adoptée nous appelle, très justement, à condamner.

Bien que les chiffres en la matière ne soient pas totalement établis, il est en effet avéré que ces transferts forcés, totalement contraires au droit international et aux conventions, sont massifs.

Combien d'enfants ukrainiens sont-ils concernés parmi les centaines de milliers déplacés par la guerre ? Nous ne le savons pas exactement. Selon un système de collecte de données géré par le gouvernement ukrainien, 16 000 enfants auraient été transférés de force vers la Russie avant la fin du mois de février. L'ONG américaine Conflict Observatory recense, de son côté, 6 000 enfants et l'ONG Human Rights Watch évoque plusieurs milliers d'enfants.

Il est donc manifeste que les transports forcés sont massifs et violent gravement le droit humanitaire international. Ils constituent au minimum un crime de guerre, comme l'a d'ailleurs souligné l'ONU dans son rapport publié à la mi-mars.

Les constatations déjà établies montrent comment la Russie inscrit ces transferts forcés dans son projet d'annexion ultranationaliste des territoires occupés en tentant de russifier l'identité et l'avenir de ses enfants, déniant ainsi leurs droits, leur histoire familiale et le droit international.

L'auteur de la proposition de résolution insiste à juste titre sur la nécessité d'identifier, de documenter et de recenser tous les cas de transfert forcé et de déportation d'enfants, afin de se donner les moyens d'enrayer ce sinistre projet et d'en condamner les responsables.

Le crime qui frappe ces enfants n'est malheureusement que l'une des nombreuses facettes des drames que provoque cette guerre dans la vie et pour l'avenir des enfants ukrainiens qui vivent dans les territoires visés par le conflit.

L'Unicef dénonce en permanence les multiples ravages dont sont victimes les enfants à cause des guerres. Près de 250 millions d'enfants dans le monde grandissent en zone de conflit et 125 millions sont directement touchés par les violences de tous ordres, comme en témoigne la situation actuelle en Ukraine.

Les enlèvements de masse visant les enfants font partie des nouvelles tendances inquiétantes relevées par l'Unicef dans les conflits. S'y ajoutent la situation des déplacés et des réfugiés, la perte des parents, la destruction des maisons familiales, les violences sexuelles, les blessures, dues notamment aux bombardements en zones peuplées, la déscolarisation, l'errance en cas de perte de la famille, la malnutrition, les maladies. Voilà ce que vivent les enfants dans les zones de guerre en Ukraine !

Le plus terrible, c'est que ces maux et traumatismes vécus affectent non seulement le présent de ces enfants – tel sera le cas tant que durera cette guerre –, mais aussi toute leur vie future. Les arracher à leur pays et à leur famille est une violence de plus, que le projet politique de Poutine rend plus insupportable encore.

Les transferts forcés d'enfants ukrainiens sont le miroir grossissant, et particulièrement inhumain, de toutes les blessures psychiques qu'impose la guerre aux enfants d'Ukraine ; les enfants en sont victimes lors de toutes les guerres, car ils sont toujours extrêmement vulnérables en raison de leur âge et de leur dépendance aux adultes.

Il y a déjà plusieurs mois, en août 2022, la directrice générale de l'Unicef, Catherine Russell, lançait déjà un cri d'alarme sur cette situation, en déclarant : « La quasi-totalité des enfants en Ukraine vivent des événements traumatisants et ceux qui ont fui courent un risque élevé d'être séparés de leur famille et d'être victimes de violence, de maltraitance, d'exploitation sexuelle et de traite des êtres humains. » Nous savons que la Russie exploite honteusement cette détresse au travers des transferts forcés.

Notre débat d'aujourd'hui nous invite à entendre l'appel formulé par la même Catherine Russell en conclusion de la déclaration précitée : « L'Unicef appelle par conséquent à un cessez-le-feu immédiat en Ukraine et à la protection de tous les enfants. Si les enfants en Ukraine ont un besoin immédiat de sécurité, de stabilité, d'accès sans danger à l'éducation, de services de protection de l'enfance et de soins psychosociaux, c'est de paix dont ils ont besoin par-dessus tout. »

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a soutenu, pour toutes ces raisons, la proposition de résolution déposée au Sénat, et se réjouit de l'initiative prise par nos collègues du groupe RDPI de proposer un débat sur ce sujet.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, RDPI, RDSE et UC. – Mme Pascale Gruny applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur l’ambassadeur, mes chers collègues, la simple évocation du mot « déportation » réveille dans notre esprit et dans l’imaginaire collectif le terrifiant spectre des heures les plus sombres de notre humanité.

Il y a quelques décennies seulement, des millions d’individus innocents étaient déportés et exterminés pour une raison aussi simple qu’épouvantable, à savoir qu’ils étaient juifs.

Aujourd’hui, comme une irrémédiable rengaine historique, le même type d’exactions insoutenables est perpétré contre les enfants ukrainiens lors de leurs déplacements contraints et forcés en Russie.

En effet, le Gouvernement ukrainien déplore la déportation de 19 384 mineurs, soit au moins autant de familles déchirées et de mères brisées par la disparition de leur raison de vivre, de la chair de leur chair. Seuls 361 enfants ont réussi à échapper aux griffes de l’aigle bicéphale grâce aux opérations menées par les ONG.

L’université de Yale dénombre dans son rapport au moins 43 camps – devrait-on les nommer camps de concentration ? –, répartis sur l’ensemble du territoire russe ou contrôlés par la Russie. À cela, il faut ajouter un triste bilan : 500 enfants ont été tués et 1 000 blessés, endeuillant un pays déjà meurtri dans son cœur.

Mes chers collègues, nous le comprenons tous aisément, les 7, 5 millions d’enfants ukrainiens présents dans le pays avant l’éclatement de la guerre sont les tristes victimes collatérales d’un conflit qui s’éternise, au grand dam d’une population dont les plaies ouvertes par une telle barbarie ne cicatriseront jamais totalement.

Peut-on parler de crimes d’agression ? Indéniablement ! Peut-on parler de crimes de guerre ? Oui, à n’en pas douter ! Réjouissons-nous que les instances internationales et ukrainiennes se soient dès le début appliquées à réunir les preuves des crimes commis par les Russes en Ukraine.

Que dire ensuite des qualifications de crimes contre l’humanité, voire de génocide ?

La notion de génocide est à manipuler avec une certaine prudence, raison pour laquelle il nous faut en discuter.

Amorcée par de nombreux juristes, la discussion tourne aujourd’hui au débat juridique. Les juges trancheront un jour la question, mais je note que l’ancien Garde des Sceaux, maître Robert Badinter, considère que « cette forme insidieuse de déportation des enfants ukrainiens vers la Russie [est] une forme de génocide culturel ».

Les actions de l’armée russe en Ukraine témoignent donc, en réalité, d’une intention de détruire et d’humilier la population civile, d’écraser leur identité et leur intégrité.

Au-delà du droit, au-delà des qualifications juridiques du droit pénal international, il est avant tout question de vies humaines. Face aux tortures que sont les déportations, les conséquences de celles-ci sur les vies humaines sont en réalité dramatiques. Si les déportations des enfants de tout âge causent des dégâts multiples, celles des nourrissons ukrainiens risquent d’entraîner pour eux des séquelles psychologiques irréversibles. Et pour cause : imaginons que le conflit s’enlise encore pendant plusieurs années…

Comment rendre possible le retour en Ukraine des enfants déportés en Fédération de Russie si ces mêmes enfants grandissent ailleurs que dans leur pays natal, sans pouvoir s’identifier comme étant Ukrainiens, sans repères ni souvenirs ? Admettons que la situation déjà sidérante à laquelle nous faisons face s’aggrave davantage, ce serait alors toute une nation qui se retrouverait privée d’une partie de ses enfants.

Face à de tels risques, l’action n’est plus une option ! Je ne reprendrai pas à mon compte l’ensemble des critiques formulées dans cet hémicycle contre les instances internationales que sont l’ONU et l’Unicef, mais je dois également reconnaître que je m’interroge. Si l’action de l’Unicef déçoit, est-ce pour autant de sa responsabilité ?

Autrement dit, la situation actuelle ne doit-elle pas nous conduire à repenser le fonctionnement et l’articulation avec l’ONU de cette instance mondialement reconnue ?

Depuis sa création le 24 octobre 1945, chaque fois qu’un événement a eu des conséquences tragiques pour les enfants dans le monde, l’Unicef s’est engagée en agissant sur le terrain de manière concrète et incontestable.

Mais dans la guerre entamée depuis plus d’un an en Ukraine, guerre qui, malheureusement, figurera peut-être demain dans nos livres d’histoire comme étant l’un des conflits majeurs du XXIe siècle, force est de constater que l’action de l’Unicef devrait être renforcée. C’est pour atteindre cet objectif, dans l’intérêt des enfants, qu’ils soient ukrainiens aujourd’hui ou d’une autre nationalité dans les affrontements de demain, que la question de la réforme de l’ONU se pose inévitablement à nous.

Alors que les acteurs du conflit en Ukraine ont incité hier à l’escalade en appelant à « éliminer » le président ukrainien Volodymyr Zelensky en représailles à une attaque présumée de drones contre le Kremlin, imputée par Moscou à Kiev qui, de son côté, nie toute implication, nous devons préparer le moment où le dictateur Vladimir Poutine et ses complices seront traduits en justice.

Comme le souligne l’auteur Raoul Marc Jennar « si les historiens révèlent des faits, les juges, eux, doivent examiner les intentions, rechercher les mobiles, analyser les modalités d’exécution, identifier et entendre les auteurs directs et indirects ainsi que les victimes ».

Pour reprendre les récents mots de maître Robert Badinter lors de la présentation de son dernier ouvrage, « nous avons le devoir de préparer le jugement d’hommes comme Poutine et de réunir toutes les preuves à cette fin ».

Je salue l’implication d’André Gattolin sur ce sujet et je le remercie d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la simple évocation du mot « déportation » réveille dans notre esprit et dans l’imaginaire collectif le terrifiant spectre des heures les plus sombres de notre humanité.

Il y a quelques décennies seulement, des millions d’individus innocents étaient déportés et exterminés pour une raison aussi simple qu’épouvantable, à savoir qu’ils étaient juifs.

Aujourd’hui, comme une irrémédiable rengaine historique, le même type d’exactions insoutenables est perpétré contre les enfants ukrainiens lors de leurs déplacements contraints et forcés en Russie.

En effet, le Gouvernement ukrainien déplore la déportation de 19 384 mineurs, soit au moins autant de familles déchirées et de mères brisées par la disparition de leur raison de vivre, de la chair de leur chair. Seuls 361 enfants ont réussi à échapper aux griffes de l’aigle bicéphale grâce aux opérations menées par les ONG.

L’université de Yale dénombre dans son rapport au moins 43 camps – devrait-on les nommer camps de concentration ? –, répartis sur l’ensemble du territoire russe ou contrôlés par la Russie. À cela, il faut ajouter un triste bilan : 500 enfants ont été tués et 1 000 blessés, endeuillant un pays déjà meurtri dans son cœur.

Mes chers collègues, nous le comprenons tous aisément, les 7, 5 millions d’enfants ukrainiens présents dans le pays avant l’éclatement de la guerre sont les tristes victimes collatérales d’un conflit qui s’éternise, au grand dam d’une population dont les plaies ouvertes par une telle barbarie ne cicatriseront jamais totalement.

Peut-on parler de crimes d’agression ? Indéniablement ! Peut-on parler de crimes de guerre ? Oui, à n’en pas douter ! Réjouissons-nous que les instances internationales et ukrainiennes se soient dès le début appliquées à réunir les preuves des crimes commis par les Russes en Ukraine.

Que dire ensuite des qualifications de crimes contre l’humanité, voire de génocide ?

La notion de génocide est à manipuler avec une certaine prudence, raison pour laquelle il nous faut en discuter.

Amorcée par de nombreux juristes, la discussion tourne aujourd’hui au débat juridique. Les juges trancheront un jour la question, mais je note que l’ancien garde des sceaux, Me Robert Badinter, considère que « cette forme insidieuse de déportation des enfants ukrainiens vers la Russie [est] une forme de génocide culturel ».

Les actions de l’armée russe en Ukraine témoignent donc, en réalité, d’une intention de détruire et d’humilier la population civile, d’écraser leur identité et leur intégrité.

Au-delà du droit, au-delà des qualifications juridiques du droit pénal international, il est avant tout question de vies humaines. Face aux tortures que sont les déportations, les conséquences de celles-ci sur les vies humaines sont en réalité dramatiques. Si les déportations des enfants de tout âge causent des dégâts multiples, celles des nourrissons ukrainiens risquent d’entraîner pour eux des séquelles psychologiques irréversibles. Et pour cause : imaginons que le conflit s’enlise encore pendant plusieurs années…

Comment rendre possible le retour en Ukraine des enfants déportés en Fédération de Russie si ces mêmes enfants grandissent ailleurs que dans leur pays natal, sans pouvoir s’identifier comme étant Ukrainiens, sans repères ni souvenirs ? Admettons que la situation déjà sidérante à laquelle nous faisons face s’aggrave davantage, ce serait alors toute une nation qui se retrouverait privée d’une partie de ses enfants.

Face à de tels risques, l’action n’est plus une option ! Je ne reprendrai pas à mon compte l’ensemble des critiques formulées dans cet hémicycle contre les instances internationales que sont l’ONU et l’Unicef, mais je dois également reconnaître que je m’interroge. Si l’action de l’Unicef déçoit, est-ce pour autant de sa responsabilité ?

Autrement dit, la situation actuelle ne doit-elle pas nous conduire à repenser le fonctionnement et l’articulation avec l’ONU de cette instance mondialement reconnue ?

Depuis sa création le 24 octobre 1945, chaque fois qu’un événement a eu des conséquences tragiques pour les enfants dans le monde, l’Unicef s’est engagée en agissant sur le terrain de manière concrète et incontestable.

Mais dans la guerre entamée depuis plus d’un an en Ukraine, guerre qui, malheureusement, figurera peut-être demain dans nos livres d’histoire comme étant l’un des conflits majeurs du XXIe siècle, force est de constater que l’action de l’Unicef devrait être renforcée. C’est pour atteindre cet objectif, dans l’intérêt des enfants, qu’ils soient ukrainiens aujourd’hui ou d’une autre nationalité dans les affrontements de demain, que la question de la réforme de l’ONU se pose inévitablement à nous.

Alors que les acteurs du conflit en Ukraine ont incité hier à l’escalade en appelant à « éliminer » le président ukrainien Volodymyr Zelensky en représailles à une attaque présumée de drones contre le Kremlin, imputée par Moscou à Kiev qui, de son côté, nie toute implication, nous devons préparer le moment où le dictateur Vladimir Poutine et ses complices seront traduits en justice.

Comme le souligne l’auteur Raoul Marc Jennar « si les historiens révèlent des faits, les juges, eux, doivent examiner les intentions, rechercher les mobiles, analyser les modalités d’exécution, identifier et entendre les auteurs directs et indirects ainsi que les victimes ».

Pour reprendre les récents mots de Me Robert Badinter lors de la présentation de son dernier ouvrage, « nous avons le devoir de préparer le jugement d’hommes comme Poutine et de réunir toutes les preuves à cette fin ».

Je salue l’implication d’André Gattolin sur ce sujet et je le remercie d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de notre assemblée.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - Permalien
Laurence Boone, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée de l'Europe

Madame la présidente, mesdames, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur l'ambassadeur, tous les orateurs l'ont dit, l'agression russe en Ukraine a des conséquences terribles, épouvantables, sur les enfants. Leurs droits sont massivement violés et leur futur risque d'être brisé.

La Russie a sciemment bombardé des lieux dans lesquels nul ne peut ignorer que se trouvaient des enfants : des hôpitaux, des maternités, des écoles. Elle est responsable de meurtres, de blessures, de déportations, de violences sexuelles contre des enfants.

Permettez-moi, tout d'abord, de vous assurer que nous œuvrons sans relâche pour que les enfants ukrainiens déportés par la Russie retrouvent sans délai leur foyer et les proches auxquels ils ont été arrachés avant d'être confiés à des inconnus.

Monsieur le sénateurGuiol, vous avez raison, la Russie a recours à une propagande cynique au travers de l'affichage public de ces transferts forcés et de fausses explications. Plus récemment, la Russie a déversé ses mensonges lors de sa présidence, le mois dernier, du Conseil de sécurité des Nations unies.

Le Gouvernement s'est emparé très tôt de ce sujet, que la ministre de l'Europe et des affaires étrangères a abordé publiquement, bien sûr, mais aussi en privé, notamment aux Nations unies un an après le début de l'agression russe en Ukraine, et au Conseil des droits de l'homme, à Genève.

Comme vous l'avez souligné, le premier enjeu est la documentation des déportations d'enfants en Ukraine. Dès le 4 mars 2022, la France a soutenu la création par le Conseil des droits de l'homme d'une commission d'enquête internationale indépendante pour faire toute la lumière sur les violations graves des droits de l'homme, dont ceux des enfants.

Les conclusions de cette commission sont claires. Des enfants ukrainiens ont été transférés de force vers les territoires temporairement occupés, ou déportés vers la Russie et placés dans des familles russes.

Vous l'avez dit, monsieur le vice-président Laurent, madame la sénatrice Mélot, monsieur le sénateur Buis, ces faits sont des crimes de guerre. Quarante-cinq États participants de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont la France, ont donné mandat, via le mécanisme de Moscou de l'OSCE, à une mission d'experts indépendants pour établir un rapport sur les transferts forcés d'enfants, qui sera présenté aujourd'hui au Conseil permanent de l'OSCE.

Vous avez été nombreux à le dire, cette documentation est nécessaire à la justice et, à ce stade, les différents mécanismes d'enquête n'ont permis d'estimer avec précision l'ampleur de ce phénomène, car la Russie empêche l'accès des experts indépendants.

C'est pourquoi, monsieur le sénateur Le Nay, un registre des dommages fait actuellement l'objet d'un travail au sein du Conseil de l'Europe, que nous soutenons. Et la semaine dernière, nous avons organisé en lien avec l'Ukraine et nos partenaires une réunion ouverte du Conseil de sécurité des Nations unies sur les enlèvements et déplacements forcés d'enfants lors de conflits armés pour continuer, toujours et sans relâche, d'alerter sur les violations de leurs droits, notamment en Ukraine. Nous ne devons jamais faire baisser la pression sur la Russie !

Nombre d'entre vous, et notamment M. le sénateur Leconte et Mme la vice-présidente Gruny, ont également souligné que les crimes commis contre les enfants ne devaient pas rester impunis.

La lutte contre l'impunité des auteurs des crimes commis en Ukraine, en particulier ceux dont sont victimes les enfants, est notre priorité.

En mars dernier, la Cour pénale internationale, estimant qu'il existait suffisamment d'éléments pour établir leur implication dans la déportation et le transfert d'enfants ukrainiens, a émis des mandats d'arrêt contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova, qui a le titre de commissaire russe pour les droits de l'enfant – un titre « ironique », comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur Leconte. Il s'agit d'un signal très fort.

Les faits commis contre les enfants, que nos partenaires et nous-mêmes dénonçons, sont d'une extrême gravité. Nul ne peut échapper à la justice ou se soustraire à ses responsabilités. C'est pourquoi nous continuerons d'apporter tout notre soutien à la CPI pour qu'elle puisse mener à bien son enquête et pour que justice soit rendue aux victimes de ces atrocités, comme l'a rappelé la ministre Catherine Colonna au président et au procureur de la CPI le 12 avril dernier, à La Haye.

Je vous rappelle que nous avons en Ukraine des magistrats, un laboratoire d'ADN, des policiers dont la mission est de documenter tous les crimes et exactions commis par la Russie dans ce pays. Nous continuerons d'apporter notre appui au travail des juridictions ukrainiennes, lesquelles bénéficient donc de l'expertise criminalistique, logistique et technologique française.

J'en viens à la protection des droits des enfants.

Nous avons augmenté en 2023 notre soutien financier à l'Unicef, avec qui nous avons engagé une campagne internationale pour l'universalisation des Principes et engagements de Paris relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés, une campagne désormais soutenue par cent quatorze États.

Messieurs Buis et Leconte, madame Gruny, je puis vous dire que nous œuvrons pour que l'Unicef puisse agir dans cet univers d'agression épouvantable.

Madame Gruny, vous avez évoqué le sujet d'une conférence multilatérale. Nous travaillons avec la Commission européenne en vue d'organiser une conférence sur le rapatriement des enfants ukrainiens déportés, comme l'a annoncé le 23 mars dernier Ursula von der Leyen, présidente de la Commission.

J'ai bien entendu la demande que vous avez formulée, ainsi que plusieurs de vos collègues, de participation à un haut niveau ; je crois que c'est effectivement essentiel.

Pour ce qui concerne le sujet du nucléaire, monsieur le sénateur Gontard, la France veille au strict respect de l'ensemble des sanctions européennes adoptées contre la Russie. À ce stade, l'Union européenne n'a pas adopté de sanctions visant le nucléaire, mais nous dialoguons avec nos partenaires européens et avec les autorités ukrainiennes en vue de prévoir des sanctions ciblées dans ce domaine.

En conclusion, je vous remercie personnellement, monsieur le sénateur Gattolin, de votre engagement important, et même crucial, sur ce sujet. Nous ne devons jamais oublier cette question. Nous devons sans cesse la rappeler afin qu'elle soit toujours d'actualité.

Je me réjouis que la proposition de résolution européenne que vous avez déposée ait été adoptée.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous évoquons ici un drame, à savoir le plus grand transfert de masse de population en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Qui plus est, il s’agit d’enfants…

Ces transferts forcés ont commencé en 2014 dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie, en Crimée et dans le Donbass. Mais ils s’opèrent désormais malheureusement à très grande échelle depuis l’agression russe du 24 février 2022 contre l’ensemble de la nation ukrainienne.

Selon certaines sources, jusqu’à 700 000 enfants sont actuellement en Russie. La Russie qualifie ces déplacements de « mises à l’abri ». Le défenseur des droits ukrainien estime, lui, qu’au minimum 150 000 enfants ont été ainsi déportés. Un peu plus de 19 000 enfants sont identifiés de manière formelle sur le territoire russe.

Il existe 43 centres, dans lesquels seraient passés au minimum 6 000 enfants, selon les sources et les observations. Cela a été rappelé, ces centres sont de pseudo-colonies de vacances forcées en zone occupée. Des rafles, dont les descriptions font parfois froid dans le dos, ont lieu dans les écoles et les centres d’aide sociale à l’enfance dans les territoires occupés par la Russie. Des séparations sont effectuées dans les zones de combat ou lors du passage par les centres de filtration, comme ce fut le cas en particulier lors de l’évacuation de Marioupol. Voilà comment l’on sépare les enfants de leurs parents. Voilà comment l’on transfère de manière forcée des enfants ukrainiens vers la Russie !

Il est si difficile de savoir où sont ces enfants et de les identifier que seuls 360 d’entre eux ont pu revenir en Ukraine, auprès de leurs parents. Souvent, les familles prennent des risques importants pour aller les chercher et les ramener dans leur pays. Certains retours se font sur la base d’échanges entre prisonniers russes et enfants ukrainiens, mais cela reste marginal.

Comme le président ukrainien l’a rappelé dans une interview, la plupart des enfants du personnel de la centrale nucléaire de Zaporijjia, à Enerhodar, ont été capturés et les parents ont été victimes d’un chantage : soit ils prenaient la nationalité russe, soit ils ne revoyaient plus leurs enfants. Voilà comment fonctionne la Fédération de Russie !

C’est sur la base de toutes ces preuves que deux mandats d’arrêt ont été émis par la Cour pénale internationale à l’encontre, d’une part, du président russe et, d’autre part, de Maria Lvova-Belova, la prétendue commissaire russe aux droits de l’enfant. Il est clair que le reste de la chaîne de commandement et d’exécution de ces crimes ne restera pas non plus impuni. Le mandat d’arrêt de la CPI conduit aujourd’hui les autorités d’Afrique du Sud à suggérer au président russe de ne pas se rendre au sommet des BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud –, car il risquerait de se trouver en état d’arrestation.

On sait aussi grâce à de multiples témoignages que les enfants ainsi transférés de force vers la Russie subissent des formations idéologiques. On les oblige à renoncer à la nationalité ukrainienne, on les monte contre la nation ukrainienne et contre leurs anciens parents, on nie leur filiation. Ces éléments constituent des infractions sous-jacentes au crime de génocide. Il n’est pas du tout impossible que, à la fin, l’ensemble de la chaîne de commandement et d’exécution de ces crimes puisse être accusée de crimes de génocide.

Cela a été rappelé, la société russe, malgré une propagande et des incitations très fortes à l’adoption, demeure particulièrement réservée sur les faits commis. Finalement, peu d’adoptions ont lieu. Ce sont surtout des institutions religieuses sans contrôle, où la maltraitance est le lieu commun, qui « recueillent » ces enfants dans les conditions les plus terribles. La société russe, malgré la propagande pourtant très forte de son régime, n’est donc pas dupe et n’accompagne pas nécessairement les exactions des autorités russes.

La rupture des liens de filiation pour les quelques centaines d’enfants qui ont été adoptés, l’effacement de leur état civil ukrainien alors que leurs parents biologiques sont vivants, sont aussi des crimes.

Madame la secrétaire d’État, il faudra être particulièrement vigilant. Ni la France ni aucun État européen ne doit reconnaître les nouveaux documents d’identité émis par la Russie après l’effacement d’un état civil préexistant et la mise en place d’identités inexactes, fausses, falsifiées. C’est un point important.

Certes, nous devons parler des sanctions, car il ne doit y avoir d’impunité pour personne, mais le plus urgent, aujourd’hui, est de penser à ces enfants, de faire en sorte qu’ils puissent revenir le vite possible en Ukraine et retrouver leur famille.

Sur ce point, je dois saluer la mobilisation de la France et d’un certain nombre d’éléments de la société civile française.

Ainsi, l’association Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ! a transmis des communications très précises au bureau du procureur de la Cour pénale internationale.

Le Conseil national des barreaux (CNB) a effectué des missions en Ukraine. Elle y a envoyé la première délégation officielle d’avocats européens et a fait des propositions très précises.

L’application Reunite Ukraine, initialement créée par des Français vivant à l’étranger ayant connu l’expérience de séparations forcées d’enfants, a évolué. Elle a été développée, en particulier avec les autorités ukrainiennes, en vue de permettre aux familles ukrainiennes de se retrouver lorsque c’est possible.

Enfin, des parlementaires, à l’Assemblée nationale et au Sénat, ont déposé, à l’instar de notre collègue André Gattolin, des propositions de résolution visant à rappeler que nous ne saurions tolérer la situation actuelle et que, au-delà de la constatation et de la punition de ces transferts forcés, il est indispensable de réagir au plus vite.

Cela a été dit, la Russie prétend que c’est au nom du droit humanitaire qu’il fallait sortir les enfants des zones de conflit. Dans l’absolu, cela est vrai, mais ce n’est pas à des belligérants qu’il revient de le faire ! Le fait pour un belligérant d’agir ainsi est en soi un crime de guerre.

Par ailleurs, une telle initiative, même si elle n’émane pas d’une partie au conflit, ne peut être mise en œuvre que de manière momentanée, sans cacher l’identité des personnes déplacées ou empêcher leur identification. Or les autorités russes agissent de cette façon et, en outre, nient l’identité ukrainienne de ces enfants, le fait qu’ils sont séparés de leurs familles et l’existence de crimes de filiation.

Il ne s’agit donc en rien d’une action de protection ! C’est une action de séparation, visant à couper les enfants de leurs origines, de leurs parents. C’est un crime de guerre, et probablement un crime de génocide. C’est la raison pour laquelle il n’est pas tolérable de laisser ces actes impunis ou de ne pas aller au bout de notre démarche.

Madame la secrétaire d’État, au regard de l’implication de notre pays, de notre société civile et du Parlement français, le Gouvernement doit, lui aussi, prendre un certain nombre d’engagements.

J’évoquerai aussi l’Unicef, qui est une agence des Nations unies, lesquelles fonctionnent comme elles le peuvent compte tenu de la place qu’occupe la Russie au sein du Conseil de sécurité.

Tout d’abord, il est indispensable que nous exercions aujourd’hui, avec nos partenaires européens et l’ensemble des pays qui sont sensibles à cette question, une pression maximale afin de permettre à l’Unicef, qui y est prête, de se rapprocher des enfants qui ont été emmenés en Russie. La France doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour que cela soit fait.

Ensuite, l’Unicef doit pouvoir observer la situation, rédiger un rapport sur tous les actes constitutifs d’infractions et permettre l’identification de l’ensemble des enfants ukrainiens qui sont en Russie afin que ceux-ci puissent revenir dans leurs familles.

Enfin, il est important que la conférence sur cette question, annoncée par la présidente de la Commission européenne, se tienne à un haut niveau et qu’y participent des représentants de l’ONU, de l’Unicef et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Il conviendrait aussi, madame la secrétaire d’État, compte tenu de la situation, que vous preniez l’initiative de remettre sur le métier la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur élargissant la compétence du juge français pour connaître des crimes contre l’humanité, des crimes de génocide et des crimes de guerre.

À ce stade, nous devons être vigilants sur ces actions. La France doit être à l’avant-garde de la mobilisation pour défendre la capacité d’agir de l’Unicef. Rien ne doit manquer à notre solidarité avec l’Ukraine et son peuple dans son combat pour la liberté. Longue vie aux enfants d’Ukraine ! Slava Ukraïni !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous évoquons ici un drame, à savoir le plus grand transfert de masse de population en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Qui plus est, il s’agit d’enfants…

Ces transferts forcés ont commencé en 2014 dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie, en Crimée et dans le Donbass. Mais ils s’opèrent désormais malheureusement à très grande échelle depuis l’agression russe du 24 février 2022 contre l’ensemble de la nation ukrainienne.

Selon certaines sources, jusqu’à 700 000 enfants sont actuellement en Russie. La Russie qualifie ces déplacements de « mises à l’abri ». Le défenseur des droits ukrainien estime, lui, qu’au minimum 150 000 enfants ont été ainsi déportés. Un peu plus de 19 000 enfants sont identifiés de manière formelle sur le territoire russe.

Il existe 43 centres, dans lesquels seraient passés au minimum 6 000 enfants, selon les sources et les observations. Cela a été rappelé, ces centres sont de pseudo-colonies de vacances forcées en zone occupée. Des rafles, dont les descriptions font parfois froid dans le dos, ont lieu dans les écoles et les centres d’aide sociale à l’enfance dans les territoires occupés par la Russie. Des séparations sont effectuées dans les zones de combat ou lors du passage par les centres de filtration, comme ce fut le cas en particulier lors de l’évacuation de Marioupol. Voilà comment l’on sépare les enfants de leurs parents. Voilà comment l’on transfère de manière forcée des enfants ukrainiens vers la Russie !

Il est si difficile de savoir où sont ces enfants et de les identifier que seuls 360 d’entre eux ont pu revenir en Ukraine, auprès de leurs parents. Souvent, les familles prennent des risques importants pour aller les chercher et les ramener dans leur pays. Certains retours se font sur la base d’échanges entre prisonniers russes et enfants ukrainiens, mais cela reste marginal.

Comme le président ukrainien l’a rappelé dans une interview, la plupart des enfants du personnel de la centrale nucléaire de Zaporijjia, à Enerhodar, ont été capturés et les parents ont été victimes d’un chantage : soit ils prenaient la nationalité russe, soit ils ne revoyaient plus leurs enfants. Voilà comment fonctionne la Fédération de Russie !

C’est sur la base de toutes ces preuves que deux mandats d’arrêt ont été émis par la Cour pénale internationale à l’encontre, d’une part, du président russe et, d’autre part, de Maria Lvova-Belova, la prétendue commissaire russe aux droits de l’enfant. Il est clair que le reste de la chaîne de commandement et d’exécution de ces crimes ne restera pas non plus impuni. Le mandat d’arrêt de la CPI conduit aujourd’hui les autorités d’Afrique du Sud à suggérer au président russe de ne pas se rendre au sommet des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), car il risquerait de se trouver en état d’arrestation.

On sait aussi grâce à de multiples témoignages que les enfants ainsi transférés de force vers la Russie subissent des formations idéologiques. On les oblige à renoncer à la nationalité ukrainienne, on les monte contre la nation ukrainienne et contre leurs anciens parents, on nie leur filiation. Ces éléments constituent des infractions sous-jacentes au crime de génocide. Il n’est pas du tout impossible que, à la fin, l’ensemble de la chaîne de commandement et d’exécution de ces crimes puisse être accusée de crimes de génocide.

Cela a été rappelé, la société russe, malgré une propagande et des incitations très fortes à l’adoption, demeure particulièrement réservée sur les faits commis. Finalement, peu d’adoptions ont lieu. Ce sont surtout des institutions religieuses sans contrôle, où la maltraitance est le lieu commun, qui « recueillent » ces enfants dans les conditions les plus terribles. La société russe, malgré la propagande pourtant très forte de son régime, n’est donc pas dupe et n’accompagne pas nécessairement les exactions des autorités russes.

La rupture des liens de filiation pour les quelques centaines d’enfants qui ont été adoptés, l’effacement de leur état civil ukrainien alors que leurs parents biologiques sont vivants, sont aussi des crimes.

Madame la secrétaire d’État, il faudra être particulièrement vigilant. Ni la France ni aucun État européen ne doit reconnaître les nouveaux documents d’identité émis par la Russie après l’effacement d’un état civil préexistant et la mise en place d’identités inexactes, fausses, falsifiées. C’est un point important.

Certes, nous devons parler des sanctions, car il ne doit y avoir d’impunité pour personne, mais le plus urgent, aujourd’hui, est de penser à ces enfants, de faire en sorte qu’ils puissent revenir le vite possible en Ukraine et retrouver leur famille.

Sur ce point, je dois saluer la mobilisation de la France et d’un certain nombre d’éléments de la société civile française.

Ainsi, l’association Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ! a transmis des communications très précises au bureau du procureur de la Cour pénale internationale.

Le Conseil national des barreaux (CNB) a effectué des missions en Ukraine. Elle y a envoyé la première délégation officielle d’avocats européens et a fait des propositions très précises.

L’application Reunite Ukraine, initialement créée par des Français vivant à l’étranger ayant connu l’expérience de séparations forcées d’enfants, a évolué. Elle a été développée, en particulier avec les autorités ukrainiennes, en vue de permettre aux familles ukrainiennes de se retrouver lorsque c’est possible.

Enfin, des parlementaires, à l’Assemblée nationale et au Sénat, ont déposé, à l’instar de notre collègue André Gattolin, des propositions de résolution visant à rappeler que nous ne saurions tolérer la situation actuelle et que, au-delà de la constatation et de la punition de ces transferts forcés, il est indispensable de réagir au plus vite.

Cela a été dit, la Russie prétend que c’est au nom du droit humanitaire qu’il fallait sortir les enfants des zones de conflit. Dans l’absolu, cela est vrai, mais ce n’est pas à des belligérants qu’il revient de le faire ! Le fait pour un belligérant d’agir ainsi est en soi un crime de guerre.

Par ailleurs, une telle initiative, même si elle n’émane pas d’une partie au conflit, ne peut être mise en œuvre que de manière momentanée, sans cacher l’identité des personnes déplacées ou empêcher leur identification. Or les autorités russes agissent de cette façon et, en outre, nient l’identité ukrainienne de ces enfants, le fait qu’ils sont séparés de leurs familles et l’existence de crimes de filiation.

Il ne s’agit donc en rien d’une action de protection ! C’est une action de séparation, visant à couper les enfants de leurs origines, de leurs parents. C’est un crime de guerre, et probablement un crime de génocide. C’est la raison pour laquelle il n’est pas tolérable de laisser ces actes impunis ou de ne pas aller au bout de notre démarche.

Madame la secrétaire d’État, au regard de l’implication de notre pays, de notre société civile et du Parlement français, le Gouvernement doit, lui aussi, prendre un certain nombre d’engagements.

J’évoquerai aussi l’Unicef, qui est une agence des Nations unies, lesquelles fonctionnent comme elles le peuvent compte tenu de la place qu’occupe la Russie au sein du Conseil de sécurité.

Tout d’abord, il est indispensable que nous exercions aujourd’hui, avec nos partenaires européens et l’ensemble des pays qui sont sensibles à cette question, une pression maximale afin de permettre à l’Unicef, qui y est prête, de se rapprocher des enfants qui ont été emmenés en Russie. La France doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour que cela soit fait.

Ensuite, l’Unicef doit pouvoir observer la situation, rédiger un rapport sur tous les actes constitutifs d’infractions et permettre l’identification de l’ensemble des enfants ukrainiens qui sont en Russie afin que ceux-ci puissent revenir dans leurs familles.

Enfin, il est important que la conférence sur cette question, annoncée par la présidente de la Commission européenne, se tienne à un haut niveau et qu’y participent des représentants de l’ONU, de l’Unicef et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Il conviendrait aussi, madame la secrétaire d’État, compte tenu de la situation, que vous preniez l’initiative de remettre sur le métier la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur élargissant la compétence du juge français pour connaître des crimes contre l’humanité, des crimes de génocide et des crimes de guerre.

À ce stade, nous devons être vigilants sur ces actions. La France doit être à l’avant-garde de la mobilisation pour défendre la capacité d’agir de l’Unicef. Rien ne doit manquer à notre solidarité avec l’Ukraine et son peuple dans son combat pour la liberté. Longue vie aux enfants d’Ukraine ! Slava Ukraïni !

Photo de Laurence Rossignol

En conclusion de ce débat, la parole est à M. André Gattolin, pour le groupe auteur de la demande.

Photo de André Gattolin

À mon tour, je tiens tous à vous remercier, car ce travail est devenu collectif. Face à cette situation aberrante, absurde et violente, nous avons un sentiment d'impuissance. En même temps, que de chemin parcouru !

Quand j'ai été interpellé pour la première fois sur cette question, à la fin de l'année dernière, par un collectif de cent trente chercheurs et universitaires qui s'appelle Pour l'Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ! – certains de ses membres sont présents dans nos tribunes –, personne n'y croyait. Quand ils ont déposé leur excellent mémorandum, rédigé avec l'aide de grands juristes français et internationaux spécialistes du sujet, dont maître Emmanuel Daoud, tout le monde était dubitatif sur la mobilisation de la CPI. On nous disait qu'il fallait créer un tribunal spécial, que jamais les instances existantes ne bougeraient... Or elles ont bougé.

Quand j'ai déposé la première version de ma proposition de résolution, le 10 février dernier, je demandais à la CPI de faire quelque chose... Entretemps, début mars, le procureur s'est déplacé, a pris des décisions. Puis deux mandats d'arrêt internationaux ont été émis, contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova. C'est un début !

Surtout, le sujet est désormais sur la place publique internationale, et je crois que c'est important. D'aucuns disent qu'il s'agit de name and shame, expression que je traduis par « nommer et mettre au ban ». Mettre au ban, cela veut dire bannir, mais aussi, demain, traduire devant la justice... Car c'est ce que nous devons faire, en réunissant les preuves, en aidant nos amis ukrainiens, ces familles qui souffrent, à documenter les faits. Il faut le faire vite, il est urgent d'aller plus avant : une partie des preuves a déjà été éliminée !

Contrairement à ce que je croyais savoir, la première chambre parlementaire à avoir adopté une proposition de résolution est non pas le Sénat – chez nous, le processus est un peu plus long –, mais le parlement polonais, dont le texte adopté le 30 mars dernier est extrêmement dur, et même violent, puisqu'il évoque des crimes de trafic humain concernant les enfants ukrainiens.

Je suis ravi que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) ait voté à l'unanimité la semaine dernière une proposition de résolution.

En janvier dernier, lorsque je suis intervenu devant Mme Oleksandra Matviïtchouk, directrice du Centre pour les libertés civiles ukrainien, ce sujet n'était pas encore d'actualité.

Aujourd'hui, il se passe quelque chose dans l'opinion.

Quand j'apprends que les gouvernants d'Afrique du Sud, comme l'a rappelé Jean-Yves Leconte, mettent la pression sur Vladimir Poutine pour qu'il ne se rende pas à la prochaine réunion des BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud –, à laquelle il est logiquement invité, parce qu'ils savent qu'ils seront dans l'obligation de l'arrêter, je me dis que la répercussion de notre action est forte.

J'entends aussi le président Zelensky interpeller le président Xi Jinping et le pape François en tant qu'autorités internationales et morales afin qu'ils fassent quelque chose pour les enfants ukrainiens, en leur disant que c'est à leur tour d'agir. Si nos pays européens et les pays occidentaux prennent leur part de ce problème, c'est peut-être parce que nous formons un seul et même peuple. Mais tout le monde doit s'investir !

Ce qui a été engagé est extrêmement important. Je voudrais tous vous remercier, mais ce serait trop long...

Je remercie, en particulier, Pascale Gruny, pour cette très belle citation d'Alexandre Soljenitsyne, qui lie la violence comme moyen d'action au mensonge comme règle. Il est terrible de constater, alors que le XXIe siècle est déjà bien avancé, que nous sommes toujours confrontés à des méthodes qui nous inquiètent et nous font peur.

Madame la secrétaire d'État, plus que d'autres pays peut-être, la France a beaucoup à dire et à faire sur ce sujet.

Pour ce qui concerne l'Unicef, qui a été très critiquée, les autorités ukrainiennes m'ont dit qu'elle était très présente sur le terrain pour soulager les grandes souffrances psychologiques des enfants qui subissent, sur le territoire ukrainien, la guerre et les bombardements.

Si l'Unicef ne s'estime pas en mesure d'agir sur le territoire de la Fédération de Russie, ses moyens d'intervention sur le territoire ukrainien devraient pour le moins être doublés.

Il faut « sauver les corps », disait Albert Camus. Sauvons les corps, les âmes et le devenir de ces enfants ! §

Photo de Pierre Laurent

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd’hui sur l’initiative de notre collègue André Gattolin et du groupe RDPI braque, à raison, le projecteur sur l’un des drames les plus terribles vécus par les enfants d’Ukraine au cours de la guerre déclenchée par la Fédération de Russie contre ce pays.

Les transferts forcés massifs et les déportations d’enfants ukrainiens vers la Russie constituent un crime injustifiable, que la proposition de résolution que nous avons adoptée nous appelle, très justement, à condamner.

Bien que les chiffres en la matière ne soient pas totalement établis, il est en effet avéré que ces transferts forcés, totalement contraires au droit international et aux conventions, sont massifs.

Combien d’enfants ukrainiens sont-ils concernés parmi les centaines de milliers déplacés par la guerre ? Nous ne le savons pas exactement. Selon un système de collecte de données géré par le gouvernement ukrainien, 16 000 enfants auraient été transférés de force vers la Russie avant la fin du mois de février. L’ONG américaine Conflict Observatory recense, de son côté, 6 000 enfants et l’ONG Human Rights Watch évoque plusieurs milliers d’enfants.

Il est donc manifeste que les transports forcés sont massifs et violent gravement le droit humanitaire international. Ils constituent au minimum un crime de guerre, comme l’a d’ailleurs souligné l’ONU dans son rapport publié à la mi-mars.

Les constatations déjà établies montrent comment la Russie inscrit ces transferts forcés dans son projet d’annexion ultranationaliste des territoires occupés en tentant de russifier l’identité et l’avenir de ses enfants, déniant ainsi leurs droits, leur histoire familiale et le droit international.

L’auteur de la proposition de résolution insiste à juste titre sur la nécessité d’identifier, de documenter et de recenser tous les cas de transfert forcé et de déportation d’enfants, afin de se donner les moyens d’enrayer ce sinistre projet et d’en condamner les responsables.

Le crime qui frappe ces enfants n’est malheureusement que l’une des nombreuses facettes des drames que provoque cette guerre dans la vie et pour l’avenir des enfants ukrainiens qui vivent dans les territoires visés par le conflit.

L’Unicef dénonce en permanence les multiples ravages dont sont victimes les enfants à cause des guerres. Près de 250 millions d’enfants dans le monde grandissent en zone de conflit et 125 millions sont directement touchés par les violences de tous ordres, comme en témoigne la situation actuelle en Ukraine.

Les enlèvements de masse visant les enfants font partie des nouvelles tendances inquiétantes relevées par l’Unicef dans les conflits. S’y ajoutent la situation des déplacés et des réfugiés, la perte des parents, la destruction des maisons familiales, les violences sexuelles, les blessures, dues notamment aux bombardements en zones peuplées, la déscolarisation, l’errance en cas de perte de la famille, la malnutrition, les maladies. Voilà ce que vivent les enfants dans les zones de guerre en Ukraine !

Le plus terrible, c’est que ces maux et traumatismes vécus affectent non seulement le présent de ces enfants – tel sera le cas tant que durera cette guerre –, mais aussi toute leur vie future. Les arracher à leur pays et à leur famille est une violence de plus, que le projet politique de Poutine rend plus insupportable encore.

Les transferts forcés d’enfants ukrainiens sont le miroir grossissant, et particulièrement inhumain, de toutes les blessures psychiques qu’impose la guerre aux enfants d’Ukraine ; les enfants en sont victimes lors de toutes les guerres, car ils sont toujours extrêmement vulnérables en raison de leur âge et de leur dépendance aux adultes.

Il y a déjà plusieurs mois, en août 2022, la directrice générale de l’Unicef, Catherine Russell, lançait déjà un cri d’alarme sur cette situation, en déclarant : « La quasi-totalité des enfants en Ukraine vivent des événements traumatisants et ceux qui ont fui courent un risque élevé d’être séparés de leur famille et d’être victimes de violence, de maltraitance, d’exploitation sexuelle et de traite des êtres humains. » Nous savons que la Russie exploite honteusement cette détresse au travers des transferts forcés.

Notre débat d’aujourd’hui nous invite à entendre l’appel formulé par la même Catherine Russell en conclusion de la déclaration précitée : « L’Unicef appelle par conséquent à un cessez-le-feu immédiat en Ukraine et à la protection de tous les enfants. Si les enfants en Ukraine ont un besoin immédiat de sécurité, de stabilité, d’accès sans danger à l’éducation, de services de protection de l’enfance et de soins psychosociaux, c’est de paix dont ils ont besoin par-dessus tout. »

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a soutenu, pour toutes ces raisons, la proposition de résolution déposée au Sénat, et se réjouit de l’initiative prise par nos collègues du groupe RDPI de proposer un débat sur ce sujet.

Photo de Laurence Rossignol

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Comment rendre possible le retour en Ukraine des enfants déportés en Fédération de Russie ? »

Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

Photo de Laurence Rossignol

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Laurence Boone

Madame la présidente, mesdames, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur l’ambassadeur, tous les orateurs l’ont dit, l’agression russe en Ukraine a des conséquences terribles, épouvantables, sur les enfants. Leurs droits sont massivement violés et leur futur risque d’être brisé.

La Russie a sciemment bombardé des lieux dans lesquels nul ne peut ignorer que se trouvaient des enfants : des hôpitaux, des maternités, des écoles. Elle est responsable de meurtres, de blessures, de déportations, de violences sexuelles contre des enfants.

Permettez-moi, tout d’abord, de vous assurer que nous œuvrons sans relâche pour que les enfants ukrainiens déportés par la Russie retrouvent sans délai leur foyer et les proches auxquels ils ont été arrachés avant d’être confiés à des inconnus.

Monsieur le sénateur Guiol, vous avez raison, la Russie a recours à une propagande cynique au travers de l’affichage public de ces transferts forcés et de fausses explications. Plus récemment, la Russie a déversé ses mensonges lors de sa présidence, le mois dernier, du Conseil de sécurité des Nations unies.

Le Gouvernement s’est emparé très tôt de ce sujet, que la ministre de l’Europe et des affaires étrangères a abordé publiquement, bien sûr, mais aussi en privé, notamment aux Nations unies un an après le début de l’agression russe en Ukraine, et au Conseil des droits de l’homme, à Genève.

Comme vous l’avez souligné, le premier enjeu est la documentation des déportations d’enfants en Ukraine. Dès le 4 mars 2022, la France a soutenu la création par le Conseil des droits de l’homme d’une commission d’enquête internationale indépendante pour faire toute la lumière sur les violations graves des droits de l’homme, dont ceux des enfants.

Les conclusions de cette commission sont claires. Des enfants ukrainiens ont été transférés de force vers les territoires temporairement occupés, ou déportés vers la Russie et placés dans des familles russes.

Vous l’avez dit, monsieur le vice-président Laurent, madame la sénatrice Mélot, monsieur le sénateur Buis, ces faits sont des crimes de guerre. Quarante-cinq États participants de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont la France, ont donné mandat, via le mécanisme de Moscou de l’OSCE, à une mission d’experts indépendants pour établir un rapport sur les transferts forcés d’enfants, qui sera présenté aujourd’hui au Conseil permanent de l’OSCE.

Vous avez été nombreux à le dire, cette documentation est nécessaire à la justice et, à ce stade, les différents mécanismes d’enquête n’ont permis d’estimer avec précision l’ampleur de ce phénomène, car la Russie empêche l’accès des experts indépendants.

C’est pourquoi, monsieur le sénateur Le Nay, un registre des dommages fait actuellement l’objet d’un travail au sein du Conseil de l’Europe, que nous soutenons. Et la semaine dernière, nous avons organisé en lien avec l’Ukraine et nos partenaires une réunion ouverte du Conseil de sécurité des Nations unies sur les enlèvements et déplacements forcés d’enfants lors de conflits armés pour continuer, toujours et sans relâche, d’alerter sur les violations de leurs droits, notamment en Ukraine. Nous ne devons jamais faire baisser la pression sur la Russie !

Nombre d’entre vous, et notamment M. le sénateur Leconte et Mme la vice-présidente Gruny, ont également souligné que les crimes commis contre les enfants ne devaient pas rester impunis.

La lutte contre l’impunité des auteurs des crimes commis en Ukraine, en particulier ceux dont sont victimes les enfants, est notre priorité.

En mars dernier, la Cour pénale internationale, estimant qu’il existait suffisamment d’éléments pour établir leur implication dans la déportation et le transfert d’enfants ukrainiens, a émis des mandats d’arrêt contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova, qui a le titre de commissaire russe pour les droits de l’enfant – un titre « ironique », comme vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur Leconte. Il s’agit d’un signal très fort.

Les faits commis contre les enfants, que nos partenaires et nous-mêmes dénonçons, sont d’une extrême gravité. Nul ne peut échapper à la justice ou se soustraire à ses responsabilités. C’est pourquoi nous continuerons d’apporter tout notre soutien à la CPI pour qu’elle puisse mener à bien son enquête et pour que justice soit rendue aux victimes de ces atrocités, comme l’a rappelé la ministre Catherine Colonna au président et au procureur de la CPI le 12 avril dernier, à La Haye.

Je vous rappelle que nous avons en Ukraine des magistrats, un laboratoire d’ADN, des policiers dont la mission est de documenter tous les crimes et exactions commis par la Russie dans ce pays. Nous continuerons d’apporter notre appui au travail des juridictions ukrainiennes, lesquelles bénéficient donc de l’expertise criminalistique, logistique et technologique française.

J’en viens à la protection des droits des enfants.

Nous avons augmenté en 2023 notre soutien financier à l’Unicef, avec qui nous avons engagé une campagne internationale pour l’universalisation des Principes et engagements de Paris relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés, une campagne désormais soutenue par cent quatorze États.

Messieurs Buis et Leconte, madame Gruny, je puis vous dire que nous œuvrons pour que l’Unicef puisse agir dans cet univers d’agression épouvantable.

Madame Gruny, vous avez évoqué le sujet d’une conférence multilatérale. Nous travaillons avec la Commission européenne en vue d’organiser une conférence sur le rapatriement des enfants ukrainiens déportés, comme l’a annoncé le 23 mars dernier Ursula von der Leyen, présidente de la Commission.

J’ai bien entendu la demande que vous avez formulée, ainsi que plusieurs de vos collègues, de participation à un haut niveau ; je crois que c’est effectivement essentiel.

Pour ce qui concerne le sujet du nucléaire, monsieur le sénateur Gontard, la France veille au strict respect de l’ensemble des sanctions européennes adoptées contre la Russie. À ce stade, l’Union européenne n’a pas adopté de sanctions visant le nucléaire, mais nous dialoguons avec nos partenaires européens et avec les autorités ukrainiennes en vue de prévoir des sanctions ciblées dans ce domaine.

En conclusion, je vous remercie personnellement, monsieur le sénateur Gattolin, de votre engagement important, et même crucial, sur ce sujet. Nous ne devons jamais oublier cette question. Nous devons sans cesse la rappeler afin qu’elle soit toujours d’actualité.

Je me réjouis que la proposition de résolution européenne que vous avez déposée ait été adoptée.

Debut de section - Permalien
Laurence Boone

Madame la présidente, mesdames, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les sénateurs, tous les orateurs l’ont dit, l’agression russe en Ukraine a des conséquences terribles, épouvantables, sur les enfants. Leurs droits sont massivement violés et leur avenir risque d’être brisé.

La Russie a sciemment bombardé des lieux dans lesquels nul ne peut ignorer que se trouvaient des enfants : des hôpitaux, des maternités, des écoles. Elle est responsable de meurtres, de blessures, de déportations, de violences sexuelles contre des enfants.

Permettez-moi, tout d’abord, de vous assurer que nous œuvrons sans relâche pour que les enfants ukrainiens déportés par la Russie retrouvent sans délai leur foyer et les proches auxquels ils ont été arrachés avant d’être confiés à des inconnus.

Monsieur le sénateur Guiol, vous avez raison, la Russie a recours à une propagande cynique au travers de l’affichage public de ces transferts forcés et de fausses explications. Plus récemment, la Russie a déversé ses mensonges lors de sa présidence, le mois dernier, du Conseil de sécurité des Nations unies.

Le Gouvernement s’est emparé très tôt de ce sujet, que la ministre de l’Europe et des affaires étrangères a abordé publiquement, bien sûr, mais aussi en privé, notamment aux Nations unies un an après le début de l’agression russe en Ukraine, et au Conseil des droits de l’homme, à Genève.

Comme vous l’avez souligné, le premier enjeu est la documentation des déportations d’enfants en Ukraine. Dès le 4 mars 2022, la France a soutenu la création par le Conseil des droits de l’homme d’une commission d’enquête internationale indépendante pour faire toute la lumière sur les violations graves des droits de l’homme, dont ceux des enfants.

Les conclusions de cette commission sont claires. Des enfants ukrainiens ont été transférés de force vers les territoires temporairement occupés, ou déportés vers la Russie et placés dans des familles russes.

Vous l’avez dit, monsieur le vice-président Laurent, madame la sénatrice Mélot, monsieur le sénateur Buis, ces faits sont des crimes de guerre. Quarante-cinq États participants de l’OSCE, dont la France, ont donné mandat, via le mécanisme de Moscou de l’OSCE, à une mission d’experts indépendants pour établir un rapport sur les transferts forcés d’enfants, qui sera présenté aujourd’hui au Conseil permanent de l’OSCE.

Vous avez été nombreux à le dire, cette documentation est nécessaire à la justice et, à ce stade, les différents mécanismes d’enquête n’ont pas permis d’estimer avec précision l’ampleur de ce phénomène, car la Russie empêche l’accès des experts indépendants.

C’est pourquoi, monsieur le sénateur Le Nay, un registre des dommages fait actuellement l’objet d’un travail au sein du Conseil de l’Europe, que nous soutenons. Et la semaine dernière, nous avons organisé en lien avec l’Ukraine et nos partenaires une réunion ouverte du Conseil de sécurité des Nations unies sur les enlèvements et déplacements forcés d’enfants lors de conflits armés pour continuer, toujours et sans relâche, d’alerter sur les violations de leurs droits, notamment en Ukraine. Nous ne devons jamais faire baisser la pression sur la Russie !

Nombre d’entre vous, et notamment M. le sénateur Leconte et Mme la vice-présidente Gruny, ont également souligné que les crimes commis contre les enfants ne devaient pas rester impunis.

La lutte contre l’impunité des auteurs des crimes commis en Ukraine, en particulier ceux dont sont victimes les enfants, est notre priorité.

En mars dernier, la Cour pénale internationale, estimant qu’il existait suffisamment d’éléments pour établir leur implication dans la déportation et le transfert d’enfants ukrainiens, a émis des mandats d’arrêt contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova, qui a le titre de commissaire russe pour les droits de l’enfant – un titre « ironique », comme vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur Leconte. Il s’agit d’un signal très fort.

Les faits commis contre les enfants, que nos partenaires et nous-mêmes dénonçons, sont d’une extrême gravité. Nul ne peut échapper à la justice ou se soustraire à ses responsabilités. C’est pourquoi nous continuerons d’apporter tout notre soutien à la CPI pour qu’elle puisse mener à bien son enquête et pour que justice soit rendue aux victimes de ces atrocités, comme l’a rappelé la ministre Catherine Colonna au président et au procureur de la CPI le 12 avril dernier, à La Haye.

Je vous rappelle que nous avons en Ukraine des magistrats, un laboratoire d’ADN, des policiers dont la mission est de documenter tous les crimes et exactions commis par la Russie dans ce pays. Nous continuerons d’apporter notre appui au travail des juridictions ukrainiennes, lesquelles bénéficient donc de l’expertise criminalistique, logistique et technologique française.

J’en viens à la protection des droits des enfants.

Nous avons augmenté en 2023 notre soutien financier à l’Unicef, avec qui nous avons engagé une campagne internationale pour l’universalisation des Principes et engagements de Paris relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés, une campagne désormais soutenue par cent quatorze États.

Messieurs Buis et Leconte, madame Gruny, je puis vous dire que nous œuvrons pour que l’Unicef puisse agir dans cet univers d’agression épouvantable.

Madame Gruny, vous avez évoqué le sujet d’une conférence multilatérale. Nous travaillons avec la Commission européenne en vue d’organiser une conférence sur le rapatriement des enfants ukrainiens déportés, comme l’a annoncé le 23 mars dernier Ursula von der Leyen, présidente de la Commission.

J’ai bien entendu la demande que vous avez formulée, ainsi que plusieurs de vos collègues, de participation à un haut niveau ; je crois que c’est effectivement essentiel.

Pour ce qui concerne le sujet du nucléaire, monsieur le sénateur Gontard, la France veille au strict respect de l’ensemble des sanctions européennes adoptées contre la Russie. À ce stade, l’Union européenne n’a pas adopté de sanctions visant le nucléaire, mais nous dialoguons avec nos partenaires européens et avec les autorités ukrainiennes en vue de prévoir des sanctions ciblées dans ce domaine.

En conclusion, je vous remercie personnellement, monsieur le sénateur Gattolin, de votre engagement important, et même crucial, sur ce sujet. Nous ne devons jamais oublier cette question. Nous devons sans cesse la rappeler afin qu’elle soit toujours d’actualité.

Je me réjouis que la proposition de résolution européenne que vous avez déposée ait été adoptée.

Photo de Laurence Rossignol

L'ordre du jour appelle, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une fausse couche (proposition n° 417, texte de la commission n° 520, rapport n° 519).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Photo de Laurence Rossignol

En conclusion de ce débat, la parole est à M. André Gattolin, pour le groupe auteur de la demande.

Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, chaque année, 200 000 femmes font face à une fausse couche. C'est autant de destins bouleversés, de traits tirés sur des plans de bonheur, de femmes et d'hommes meurtris par l'arrêt brutal d'une grossesse.

Le texte que vous examinez aujourd'hui est une lueur d'espoir. L'expression « fausse couche » ravive souvent des blessures anciennes, récentes, ou bien l'angoisse d'un futur meurtri. C'est à force de politiques publiques ambitieuses que nous aiderons les femmes à traverser cette épreuve.

Avec la Première ministre Élisabeth Borne et mon collègue François Braun, nous avons fait de la santé des femmes l'une des priorités du plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027.

Nous avons souhaité briser les tabous qui, trop souvent, pénalisent les femmes dans leur vie quotidienne, professionnelle et personnelle : le tabou des règles, par exemple, mais également celui des fausses couches. La proposition de loi que vous vous apprêtez à examiner aujourd'hui s'inscrit, j'en suis convaincue, dans le droit fil de tous ces progrès. Je salue le travail de la députée Sandrine Josso, qui a permis d'aboutir aux articles ambitieux de ce texte.

Parce que nous avons conscience du caractère urgent de ces avancées, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte le 6 mars dernier.

Comme un symbole, cette proposition de loi a été votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale dans la nuit du 8 mars. Ce vote transpartisan a été exemplaire. Une nouvelle fois, il a prouvé que nous étions capables de nous unir pour les droits et la santé des femmes.

Cette proposition de loi contient trois articles destinés à renforcer l'accompagnement et l'information de celles et ceux qui sont confrontés à l'épreuve d'une fausse couche, et à mieux former et sensibiliser les professionnels de santé à ces enjeux. Elle porte avec force la nécessité d'améliorer l'accompagnement pluridisciplinaire des femmes victimes de fausse couche.

D'ici au 1er septembre 2024, un « parcours interruption spontanée de grossesse » sera mis en place par chaque agence régionale de santé (ARS). Ces parcours associeront les médecins, les sages-femmes et les psychologues. Il s'agira, à la fois, de renforcer l'accompagnement psychologique et médical des patientes et de leurs partenaires afin d'alléger au maximum les souffrances psychologiques liées à cette épreuve, et de mieux comprendre et traiter les éventuelles causes médicales des fausses couches.

Nous renforcerons également la formation des professionnels de santé impliqués dans ces parcours.

Les patientes – et leurs partenaires si elles sont en couple – seront ainsi mieux informées et écoutées ; elles pourront exprimer librement leur souffrance et se voir proposer des solutions adaptées.

Cette proposition de loi met également en œuvre plusieurs mesures prévues dans le plan Toutes et tous égaux, que j'ai présenté le 8 mars dernier en conseil des ministres et qui engage l'action du Gouvernement en matière d'égalité entre les femmes et les hommes jusqu'en 2027.

Le Gouvernement a amendé cette proposition de loi à l'Assemblée nationale et supprimé le délai de carence en cas d'arrêt maladie lié à une fausse couche. Il s'agit là d'une avancée majeure, qui permettra aux femmes de ne plus être pénalisées financièrement après une fausse couche tout en préservant, vis-à-vis de leur employeur, une pleine confidentialité – c'est très important.

Vous avez proposé en commission, monsieur le rapporteur Lévrier, un amendement tout à fait bienvenu visant à étendre cette disposition aux indépendantes et à leur conjoint. Le Gouvernement proposera en séance un amendement prévoyant la même extension aux non-salariées agricoles.

Les sages-femmes pourront également proposer à leurs patientes d'être prises en charge par un psychologue conventionné dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy. Ce sera aussi le cas pour les partenaires de celles qui subissent une fausse couche.

Cette prise en charge psychologique est essentielle, car les traumatismes liés à ces drames se réveillent parfois tard. Ils nécessitent donc une prise en charge sur le long terme.

Il s'agit aussi, et je tiens à le souligner, d'une véritable reconnaissance du travail effectué quotidiennement par les sages-femmes, sujet auquel je sais que les parlementaires des deux chambres sont attachés. Je peux, moi aussi, témoigner du travail qu'elles effectuent au quotidien dans l'ensemble des territoires.

Ces mesures, qu'il s'agisse des amendements gouvernementaux ou des avancées adoptées en commission des affaires sociales, sont un symbole fort de la manière dont le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif travaillent ensemble sur nos grands enjeux de société.

Ce sont des progrès comme celui-ci qui font de nous le pays des grandes avancées sociales, mais aussi le pays des droits de l'homme, comme celui des droits des femmes.

Vous l'aurez compris, vous tenez entre vos mains un objet législatif essentiel à la vie de nombreuses femmes, qui, je l'espère, sera adopté le plus largement sur ces travées.

Photo de André Gattolin

À mon tour, je tiens tous à vous remercier, car ce travail est devenu collectif. Face à cette situation aberrante, absurde et violente, nous avons un sentiment d’impuissance. En même temps, que de chemin parcouru !

Quand j’ai été interpellé pour la première fois sur cette question, à la fin de l’année dernière, par un collectif de cent trente chercheurs et universitaires qui s’appelle Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ! – certains de ses membres sont présents dans nos tribunes –, personne n’y croyait. Quand ils ont déposé leur excellent mémorandum, rédigé avec l’aide de grands juristes français et internationaux spécialistes du sujet, dont maître Emmanuel Daoud, tout le monde était dubitatif sur la mobilisation de la CPI. On nous disait qu’il fallait créer un tribunal spécial, que jamais les instances existantes ne bougeraient… Or elles ont bougé.

Quand j’ai déposé la première version de ma proposition de résolution, le 10 février dernier, je demandais à la CPI de faire quelque chose… Entretemps, début mars, le procureur s’est déplacé, a pris des décisions. Puis deux mandats d’arrêt internationaux ont été émis, contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova. C’est un début !

Surtout, le sujet est désormais sur la place publique internationale, et je crois que c’est important. D’aucuns disent qu’il s’agit de name and shame, expression que je traduis par « nommer et mettre au ban ». Mettre au ban, cela veut dire bannir, mais aussi, demain, traduire devant la justice… Car c’est ce que nous devons faire, en réunissant les preuves, en aidant nos amis ukrainiens, ces familles qui souffrent, à documenter les faits. Il faut le faire vite, il est urgent d’aller plus avant : une partie des preuves a déjà été éliminée !

Contrairement à ce que je croyais savoir, la première chambre parlementaire à avoir adopté une proposition de résolution est non pas le Sénat – chez nous, le processus est un peu plus long –, mais le parlement polonais, dont le texte adopté le 30 mars dernier est extrêmement dur, et même violent, puisqu’il évoque des crimes de trafic humain concernant les enfants ukrainiens.

Je suis ravi que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) ait voté à l’unanimité la semaine dernière une proposition de résolution.

En janvier dernier, lorsque je suis intervenu devant Mme Oleksandra Matviïtchouk, directrice du Centre pour les libertés civiles ukrainien, ce sujet n’était pas encore d’actualité.

Aujourd’hui, il se passe quelque chose dans l’opinion.

Quand j’apprends que les gouvernants d’Afrique du Sud, comme l’a rappelé Jean-Yves Leconte, mettent la pression sur Vladimir Poutine pour qu’il ne se rende pas à la prochaine réunion des BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud –, à laquelle il est logiquement invité, parce qu’ils savent qu’ils seront dans l’obligation de l’arrêter, je me dis que la répercussion de notre action est forte.

J’entends aussi le président Zelensky interpeller le président Xi Jinping et le pape François en tant qu’autorités internationales et morales afin qu’ils fassent quelque chose pour les enfants ukrainiens, en leur disant que c’est à leur tour d’agir. Si nos pays européens et les pays occidentaux prennent leur part de ce problème, c’est peut-être parce que nous formons un seul et même peuple. Mais tout le monde doit s’investir !

Ce qui a été engagé est extrêmement important. Je voudrais tous vous remercier, mais ce serait trop long…

Je remercie, en particulier, Pascale Gruny, pour cette très belle citation d’Alexandre Soljenitsyne, qui lie la violence comme moyen d’action au mensonge comme règle. Il est terrible de constater, alors que le XXIe siècle est déjà bien avancé, que nous sommes toujours confrontés à des méthodes qui nous inquiètent et nous font peur.

Madame la secrétaire d’État, plus que d’autres pays peut-être, la France a beaucoup à dire et à faire sur ce sujet.

Pour ce qui concerne l’Unicef, qui a été très critiquée, les autorités ukrainiennes m’ont dit qu’elle était très présente sur le terrain pour soulager les grandes souffrances psychologiques des enfants qui subissent, sur le territoire ukrainien, la guerre et les bombardements.

Si l’Unicef ne s’estime pas en mesure d’agir sur le territoire de la Fédération de Russie, ses moyens d’intervention sur le territoire ukrainien devraient pour le moins être doublés.

Il faut « sauver les corps », disait Albert Camus. Sauvons les corps, les âmes et le devenir de ces enfants !

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

À mon tour, je tiens tous à vous remercier, car ce travail est devenu collectif. Face à cette situation aberrante, absurde et violente, nous avons un sentiment d’impuissance. En même temps, que de chemin parcouru !

Quand j’ai été interpellé pour la première fois sur cette question, à la fin de l’année dernière, par un collectif de cent trente chercheurs et universitaires qui s’appelle Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ! – certains de ses membres sont présents dans nos tribunes –, personne n’y croyait. Quand ils ont déposé leur excellent mémorandum, rédigé avec l’aide de grands juristes français et internationaux spécialistes du sujet, dont Me Emmanuel Daoud, tout le monde était dubitatif sur la mobilisation de la CPI. On nous disait qu’il fallait créer un tribunal spécial, que jamais les instances existantes ne bougeraient… Or elles ont bougé.

Quand j’ai déposé la première version de ma proposition de résolution, le 10 février dernier, je demandais à la CPI de faire quelque chose… Entre-temps, début mars, le procureur s’est déplacé, a pris des décisions. Puis deux mandats d’arrêt internationaux ont été émis, contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova. C’est un début !

Surtout, le sujet est désormais sur la place publique internationale, et je crois que c’est important. D’aucuns disent qu’il s’agit de name and shame, expression que je traduis par « nommer et mettre au ban ». Mettre au ban, cela veut dire bannir, mais aussi, demain, traduire devant la justice… Car c’est ce que nous devons faire, en réunissant les preuves, en aidant nos amis ukrainiens, ces familles qui souffrent, à documenter les faits. Il faut le faire vite, il est urgent d’aller plus avant : une partie des preuves a déjà été éliminée !

Contrairement à ce que je croyais savoir, la première chambre parlementaire à avoir adopté une proposition de résolution est non pas le Sénat – chez nous, le processus est un peu plus long –, mais le parlement polonais, dont le texte adopté le 30 mars dernier est extrêmement dur, et même violent, puisqu’il évoque des crimes de trafic humain concernant les enfants ukrainiens.

Je suis ravi que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) ait voté à l’unanimité la semaine dernière une proposition de résolution.

En janvier dernier, lorsque je suis intervenu devant Mme Oleksandra Matviïtchouk, directrice du Centre pour les libertés civiles ukrainien, ce sujet n’était pas encore d’actualité.

Aujourd’hui, il se passe quelque chose dans l’opinion.

Quand j’apprends que les gouvernants d’Afrique du Sud, comme l’a rappelé Jean-Yves Leconte, mettent la pression sur Vladimir Poutine pour qu’il ne se rende pas à la prochaine réunion des Brics, à laquelle il est logiquement invité, parce qu’ils savent qu’ils seront dans l’obligation de l’arrêter, je me dis que la répercussion de notre action est forte.

J’entends aussi le président Zelensky interpeller le président Xi Jinping et le pape François en tant qu’autorités internationales et morales afin qu’ils fassent quelque chose pour les enfants ukrainiens, en leur disant que c’est à leur tour d’agir. Si nos pays européens et les pays occidentaux prennent leur part de ce problème, c’est peut-être parce que nous formons un seul et même peuple. Mais tout le monde doit s’investir !

Ce qui a été engagé est extrêmement important. Je voudrais tous vous remercier, mais ce serait trop long…

Je remercie, en particulier, Pascale Gruny, pour cette très belle citation d’Alexandre Soljenitsyne, qui lie la violence comme moyen d’action au mensonge comme règle. Il est terrible de constater, alors que le XXIe siècle est déjà bien avancé, que nous sommes toujours confrontés à des méthodes qui nous inquiètent et nous font peur.

Madame la secrétaire d’État, plus que d’autres pays peut-être, la France a beaucoup à dire et à faire sur ce sujet.

Pour ce qui concerne l’Unicef, qui a été très critiquée, les autorités ukrainiennes m’ont dit qu’elle était très présente sur le terrain pour soulager les grandes souffrances psychologiques des enfants qui subissent, sur le territoire ukrainien, la guerre et les bombardements.

Si l’Unicef ne s’estime pas en mesure d’agir sur le territoire de la Fédération de Russie, ses moyens d’intervention sur le territoire ukrainien devraient pour le moins être doublés.

Il faut « sauver les corps », disait Albert Camus. Sauvons les corps, les âmes et le devenir de ces enfants !

Photo de Martin Lévrier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chaque année, 200 000 Françaises sont confrontées à l'interruption spontanée de leur grossesse avant la vingt-deuxième semaine d'aménorrhée. Si, pour les femmes concernées et leur partenaire éventuel, il existe autant de vécus possibles que de fausses couches, une interruption spontanée de grossesse produit de l'anxiété ou des symptômes dépressifs chez plus du tiers des personnes qui la subissent.

Après une fausse couche, les couples n'ont donc pas tous besoin d'une assistance spécifique – insistons sur ce point –, mais pour ceux pour qui un accompagnement complémentaire est nécessaire – et qui sont visés par cette proposition de loi –, les dispositifs de soutien apparaissent insuffisamment nombreux et opérants, faute, parfois, d'information adéquate.

Cela témoigne du tabou qui entoure la fausse couche, encore souvent perçue comme un non-événement, arrivant majoritairement dans un premier trimestre silencieux, à un stade où la grossesse n'est en général pas dévoilée.

Combien parmi nous sauraient précisément définir une fausse couche et en exposer les causes principales ? La méconnaissance de ce phénomène transparaît jusque dans le vocabulaire employé pour le qualifier : l'expression « faire une fausse couche », qui semble rendre la femme enceinte actrice, voire responsable, de la perte de sa grossesse, apparaît à cet égard particulièrement malheureuse alors même que la plupart des fausses couches sont d'origine naturelle et découlent d'anomalies génétiques de l'embryon qui le rendent non viable. D'autres termes pourraient lui être préférés, j'y reviendrai.

La proposition de loi que nous examinons ce matin a été déposée par la députée Sandrine Josso, dont je salue la présence parmi nous, et adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale.

Les trois articles qu'elle contient entendent renforcer l'accompagnement et l'information des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

L'article 1er A prévoit la mise en place, par les agences régionales de santé (ARS) et d'ici au 1er septembre 2024, d'un parcours spécifique de prise en charge des interruptions spontanées de grossesse associant médecins, sages-femmes et psychologues. Celui-ci doit permettre d'améliorer l'information et le suivi, médical comme psychologique, des patientes et de leur partenaire éventuel, ainsi que de renforcer la formation des professionnels de santé impliqués.

La commission a soutenu ces dispositions, susceptibles de favoriser une meilleure organisation des professionnels médicaux dans chaque territoire et de mieux tenir compte du besoin d'accompagnement psychologique de certains couples victimes d'une interruption spontanée de grossesse.

Elle a toutefois adopté deux amendements.

Le premier renforce les objectifs d'information des parcours, en précisant que ceux-ci devront viser à systématiser l'information des patientes et de leur partenaire sur le phénomène d'interruption spontanée de grossesse, les possibilités de traitement ou d'intervention et les dispositifs de suivi et d'accompagnement disponibles.

Le second a renommé les parcours, pour préférer à l'expression « fausse couche », jugée stigmatisante et négative par les associations, celle d'« interruption spontanée de grossesse », plus neutre et plus juste médicalement. La commission a apporté la même modification à l'intitulé de la proposition de loi.

L'article 1er B, ajouté par amendement gouvernemental en séance à l'Assemblée nationale, supprime le délai de carence applicable à l'indemnisation des congés maladie pris consécutivement à une interruption spontanée de grossesse.

Aujourd'hui, une assurée du régime général confrontée à une fausse couche et dont l'état de santé nécessite un arrêt de travail n'est indemnisée par la sécurité sociale qu'à compter du quatrième jour. Lorsque l'arrêt maladie se fait au prix du renoncement à 10 % de son salaire mensuel, il devient un luxe que toutes ne peuvent pas se permettre.

Pour celles qui ne peuvent s'accorder un tel arrêt et qui sont, en outre, exposées à des situations professionnelles parfois embarrassantes, dérangeantes ou stressantes, les perspectives de reconstruction saine peuvent être grevées.

En permettant, comme à la suite d'une mort fœtale in utero, une indemnisation dès le premier jour d'arrêt, le dispositif desserre les contraintes financières s'opposant au recours à l'arrêt de travail, tout en ne nécessitant pas d'information de l'employeur quant à ses motifs. Contrairement à un congé pour événement familial ad hoc, il n'expose donc les bénéficiaires à aucun risque de discrimination.

Pour atteindre pleinement son objectif, le dispositif, plébiscité lors de l'ensemble des auditions que j'ai conduites, doit être universalisé. Initialement restreint aux fonctionnaires et aux assurées des régimes général, spéciaux et assimilées, son bénéfice a été élargi en commission aux indépendantes, sur mon initiative. Faute de recevabilité financière, je n'ai pas pu faire de même pour les non-salariées agricoles, dernier régime à ne pas être couvert. Il est clair que ce progrès doit concerner de manière équitable l'ensemble des assurées ; je vous ai donc appelée, madame la ministre, à amender le texte en ce sens – nous y reviendrons tout à l'heure.

L'article 1er vise à permettre aux sages-femmes d'adresser leurs patientes à un psychologue conventionné, dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy, et, dans les cas d'interruption spontanée de grossesse, leur partenaire.

La commission a souscrit à l'objectif de ces dispositions, qui permettront aux couples concernés de bénéficier plus largement qu'aujourd'hui de séances de suivi psychologique, prises en charge par l'assurance maladie.

Toutefois, elle a observé que le dispositif MonParcoursPsy, lancé en avril 2022, peine encore à se déployer et ne permettra pas, dans ces conditions, de répondre aux besoins constatés. Moins de 10 % des psychologues concernés, libéraux ou salariés d'un centre de santé, participent aujourd'hui au dispositif et moins de 80 000 patients en ont bénéficié en 2022. La tarification et la durée, limitées, des séances prises en charge sont mises en avant par les psychologues comme des facteurs explicatifs.

C'est pourquoi il apparaît indispensable qu'une évaluation du dispositif soit rapidement conduite, afin d'identifier les moyens d'encourager la participation des psychologues et de faire bénéficier du dispositif les patients en ayant le plus besoin. Nous savons que vous vous attelez à cette tâche, madame la ministre.

Les articles 1er bis et 1er ter, adoptés en séance à l'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement et de la commission, ont été supprimés sur mon initiative.

Le premier faisait obligation aux professionnels de santé impliqués dans la prise en charge des interruptions spontanées de grossesse d'informer leurs patientes des possibilités de traitement et de leurs implications, et de leur proposer un nouvel examen médical quatre semaines après le premier. Parce qu'elles sont déjà largement satisfaites par le droit à l'information des malades, consacré depuis 2002, et contraignent inutilement l'exercice des professionnels de santé, d'ores et déjà encadré par des règles déontologiques et les recommandations des sociétés savantes, ces dispositions sont apparues inopportunes à la commission.

Le second article prévoyait la remise d'un rapport sur l'extension de l'assurance maternité dès les premières semaines d'aménorrhée, ce qui aurait engendré une complexité opérationnelle considérable pour la sécurité sociale, tout en présentant un caractère dispendieux.

Enfin, je vous proposerai, au nom de la commission, de mieux protéger les femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse contre le risque de discrimination professionnelle en adoptant une interdiction de licenciement de dix semaines à l'égard des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse dite « tardive », après la quatorzième semaine d'aménorrhée. Dans ces cas, qui concernent moins de 1 % des grossesses et concentrent les risques de discrimination, les salariées concernées ne bénéficient d'aucune protection contre le licenciement. La différence de traitement avec les femmes qui perdent leur grossesse après la vingt-deuxième semaine, qui disposent d'une protection contre le licenciement de vingt-six semaines minimum, apparaît à cet égard disproportionnée : il nous appartient de corriger cela.

Mes chers collègues, cette proposition de loi, améliorée par les travaux de la commission et complétée des dispositions que nous vous proposerons d'adopter, constituera une véritable avancée pour les femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse et pour leur partenaire.

En associant davantage professionnels de santé et psychologues dans le cadre d'un accompagnement pluridisciplinaire, en garantissant une meilleure prise en charge des interruptions de travail et des séances de suivi psychologique, elle permettra de mieux tenir compte des conséquences psychologiques potentielles des interruptions spontanées de grossesse.

Beaucoup restera à faire par la suite, dans des domaines qui ne relevaient pas de ce texte. Ainsi, je souhaite que le Gouvernement puisse prendre les mesures qui s'imposent pour renforcer la formation initiale et continue des professionnels de santé à la prise en charge et à l'accompagnement, notamment psychologique, des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse. À cet égard, je sais, madame la ministre, pouvoir compter sur votre engagement.

Je crois également qu'il serait utile que les élèves, au cours de leur parcours scolaire, soient davantage sensibilisés aux causes biologiques des interruptions spontanées de grossesse, à leurs conséquences physiques et psychiques.

Enfin, chaque patiente concernée devrait recevoir un support écrit récapitulant les informations essentielles dont elle a besoin.

C'est à ces conditions que nous parviendrons à briser l'isolement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse. Cette proposition de loi y contribue, c'est pourquoi je vous invite à lui accorder la vaste majorité qu'elle mérite.

Photo de Laurence Rossignol

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Comment rendre possible le retour en Ukraine des enfants déportés en Fédération de Russie ? »

Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

Photo de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Photo de Véronique Guillotin

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi s'intéresse à un sujet qui touche une femme sur dix tout en étant presque tabou, à un événement qui a concerné une grossesse sur quatre l'an dernier, tout en étant très peu pris en charge.

Le constat est partagé : la fausse couche a été trop longtemps minimisée et l'accompagnement des couples doit être renforcé. Ce constat s'appuie notamment sur une étude du Lancet, qui décrit le silence et le manque d'empathie autour des fausses couches et qui demande une meilleure prise en charge des femmes non seulement sur le plan médical, mais aussi et surtout sur le plan psychologique.

En effet, l'arrêt spontané d'une grossesse peut être vécu comme un événement traumatique. Au-delà des douleurs et des éventuelles complications médicales, on constate chez certains couples une véritable souffrance liée au deuil d'une parentalité dans laquelle ils s'étaient projetés. Les taux d'anxiété et de dépression ont été mesurés : ils sont plus élevés chez les femmes et leur partenaire après un tel événement. Plus qu'une insuffisance de prise en charge, le professeur Frydman parle d'un « véritable vide juridique ».

Cette proposition de loi prévoit un parcours d'accompagnement médical et psychologique des femmes et de leur partenaire, compte tenu de l'implication croissante de ces derniers dans la grossesse des femmes et dans l'arrivée du bébé, ce que l'on ne peut que saluer. Cette mesure intégrée lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale nous paraît pertinente.

L'autre mesure essentielle de cette proposition de loi a été prise par le Gouvernement, dont nous saluons l'initiative. Le délai de carence lors des arrêts de travail liés à une interruption spontanée de grossesse sera ainsi supprimé.

De même, nous nous félicitons du travail conjoint réalisé par le rapporteur et le Gouvernement, qui devrait permettre, sous réserve de l'adoption d'un amendement, à toutes les femmes de bénéficier de cette mesure, quel que soit leur statut professionnel. Il s'agit d'une question d'équité et de justice.

Sur les jours de congé octroyés par certaines entreprises en cas de fausse couche, l'avis de notre groupe est mitigé. Si la mesure paraît intéressante, nous craignons qu'en n'incitant pas la patiente à consulter, la mesure n'éloigne le couple d'un parcours de soins dont il aurait besoin. Nous pensons en outre qu'elle s'écarte de l'esprit du texte. L'évaluation des expérimentations qui débutent permettra peut-être de lever ces doutes.

La possibilité pour les sages-femmes d'adresser des patients au dispositif MonParcoursPsy, avec à la clé le remboursement de huit séances chez un psychologue conventionné, va évidemment dans le bon sens. Mais le faible déploiement du dispositif fait douter de son efficience et ne permettra probablement pas de répondre à tous les besoins. En effet, à ce jour, moins de 10 % des psychologues en libéral ou en exercice mixte y participent.

Je sais que le Sénat n'est pas favorable aux demandes de rapport – et nous avons eu un large débat sur ce point en commission –, mais il est particulièrement justifié d'évaluer MonParcoursPsy et de le corriger si besoin, notamment parce que la proposition de loi repose en grande partie sur l'efficacité de ce dispositif.

Je défendrai donc, comme ma collègue Annick Billon, un amendement visant à inclure dans le rapport prévu l'an prochain sur MonParcoursPsy une évaluation de l'accessibilité du dispositif aux couples confrontés à une fausse couche.

Pour finir, je tenais à insister, madame la ministre, sur le volet de la prévention. Si les fausses couches sont le plus souvent consécutives à des anomalies génétiques de l'embryon, certains facteurs individuels sont associés à une augmentation du risque : l'âge des parents, un indice de masse corporelle (IMC) très bas ou très élevé, l'alcool, le tabac, le stress, le travail de nuit ou encore l'exposition aux pesticides. La Stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030 inclut la prévention de l'infertilité, mais on peut regretter que les fausses couches ne fassent pas l'objet d'une mention particulière.

Nous avons par ailleurs voté dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 la mise en place de rendez-vous de prévention à des âges clés de la vie, qui pourraient être une excellente occasion d'aborder le sujet auprès des personnes en âge en procréer.

Après toutes ces remarques, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi.

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Burgoa

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a le mérite de libérer la parole sur un événement aussi difficile que fréquent pour de nombreuses femmes.

Ce que l'on qualifie encore de « fausse couche » concerne en effet près de 15 % des grossesses et plus d'une femme sur dix y aurait été confrontée. Il s'agit d'un chiffre important, qui reste pourtant trop souvent tabou et qui, en 2023, ne devrait plus l'être.

Ce tabou masque souvent une blessure, mais il peut aussi être le marqueur d'un sentiment de culpabilité qui n'est pas acceptable.

Prenons alors le temps de rappeler que ces fausses couches sont en grande majorité consécutives à des anomalies génétiques de l'embryon, ces dernières faisant obstacle à la poursuite de la grossesse. La probabilité de leur survenue dépend d'ailleurs d'une multitude de facteurs qui peuvent, par exemple, être associés au géniteur.

L'âge de conception du premier enfant étant de plus en plus élevé dans notre société, il est important de s'emparer de ce sujet. J'ai suivi les auditions conduites par notre collègue rapporteur, Martin Lévrier, avec beaucoup d'intérêt, et je l'en remercie.

Aujourd'hui, les couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse, avant la vingt-deuxième semaine d'aménorrhée, ne bénéficient d'aucun dispositif, ce qui laisse penser qu'il s'agit d'un non-événement. Pourtant, les femmes concernées souffrent de saignements importants, de douleurs abdominales et parfois d'infections.

Si les conséquences restent souvent bénignes, il n'empêche que cet événement intervient subitement, alors que la femme qui en est victime peut être en train de faire une présentation ou d'assister à un rendez-vous, bref, être en plein travail. Et puis sa survenue soulève de nombreuses questions.

Il m'apparaît important de saluer ici l'accompagnement accordé par certaines entreprises françaises, qui octroient désormais des congés aux femmes ayant subi une interruption spontanée de grossesse.

Cet accompagnement mérite d'autant plus d'être salué que ces interruptions interviennent au cours des trois premiers mois de la grossesse, laquelle, très souvent, n'a pas encore été annoncée aux proches. C'est d'ailleurs ce non-dit qui participe à l'isolement des couples, leurs questions restant sans réponse. Et c'est ce même isolement qui est le terreau fertile de répercussions psychologiques.

En effet, un mois après l'interruption spontanée de leur grossesse, 24 % des femmes souffrent d'anxiété et 11 % de dépression.

L'article 1er A de la présente proposition de loi fait obligation aux agences régionales de santé de mettre en place un « parcours interruption spontanée de grossesse » associant médecins, sages-femmes et psychologues. Les objectifs de ce parcours sont le développement de la formation des professionnelles et l'amélioration du suivi psychologique et médical des patientes et de leur partenaire.

Ces dispositions ont évidemment été accueillies favorablement en commission, même si nous avons adopté deux amendements sur cet article : l'un vise à substituer à l'expression « fausse couche », souvent perçue comme stigmatisante, les termes « interruption spontanée de grossesse » ; l'autre à renforcer les objectifs d'information qui leur sont assignés. En effet, il est essentiel que toutes les femmes puissent recevoir des renseignements complets sur les dispositifs d'accompagnement disponibles.

L'article 1er favorise également l'accompagnement psychologique des couples en permettant aux sages-femmes d'adresser leurs patientes à un psychologue conventionné. Sur le principe, c'est une bonne chose, mais – disons-le – le dispositif MonParcoursPsy doit véritablement être amélioré, tant le déficit de professionnels est criant. Aujourd'hui, 93 % de la profession semble boycotter ce dispositif, dont certains dénoncent les conséquences délétères sur l'organisation des soins en santé mentale et sa propension à creuser les inégalités d'accès aux soins.

Quant à l'article 1er B, il prévoit la suppression du délai de carence applicable aux arrêts maladie liés à une interruption spontanée pour les assurées du régime général et assimilées, pour les agentes publiques et pour les assurées des régimes spéciaux. Le texte, et c'est une excellente chose, prévoit de desserrer les contraintes financières pesant sur les femmes concernées en permettant une indemnisation dès le premier jour d'arrêt.

Notre collègue rapporteur a déposé un amendement visant à en étendre le bénéfice de cette disposition aux indépendantes et invite le Gouvernement à faire de même pour les non-salariées agricoles afin, vous l'aurez compris, de l'étendre à toutes les assurées sociales, ce qui serait une mesure de justice que je soutiens. Je remercie Mme la ministre d'avoir déposé un amendement en ce sens.

Enfin, puisque je viens d'évoquer un vœu de notre rapporteur, permettez-moi de formuler également le mien !

J'ai rencontré des représentants de sages-femmes, qui m'ont interpellé sur le fait que leur profession peut bel et bien prescrire du misoprostol dans les cas – très souvent difficiles – d'interruptions volontaires de grossesse (IVG), mais qu'elle ne le peut pas dans les cas bien plus courants d'interruption spontanée. Les sages-femmes doivent alors réorienter leurs patientes vers les urgences, dont ce n'est pas le rôle, ce qui rend le parcours de soin de ces femmes plus difficile encore.

Aussi, une telle prescription relevant du domaine réglementaire, je vous invite, madame la ministre, à modifier le décret concerné afin de l'autoriser dans les cas d'interruption spontanée, jusqu'à neuf semaines d'aménorrhée.

Pour conclure, bien que cette proposition de loi ne règle pas toutes les difficultés, elle contient des avancées qu'il convient de soutenir ; c'est ce que le groupe Les Républicains fera en la votant.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une fausse couche (proposition n° 417, texte de la commission n° 520, rapport n° 519).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, qui ne connaît pas au moins une femme ayant été confrontée à une fausse couche dans son entourage plus ou moins proche ? Pour cause, cet événement touche environ 200 000 femmes par an en France et concerne une grossesse sur quatre. Les interruptions spontanées de grossesse (ISG) sont donc des événements fréquents. Mais ce n'est pas parce qu'un événement est fréquent qu'il est banal pour la personne qui le vit.

Je tiens avant tout à saluer la qualité des échanges qui se sont tenus en commission sur un sujet aussi délicat. Comme cela a été rappelé au cours de l'examen du texte, une interruption spontanée de grossesse n'est pas nécessairement vécue comme un traumatisme ou une souffrance. C'est un point important qu'il est nécessaire de rappeler, ne serait-ce que pour éviter aux femmes qui ne le vivent pas comme un drame de se penser insensibles.

Certaines femmes vivent néanmoins un tel événement comme un choc, un traumatisme, voire comme la véritable perte d'un enfant dans lequel elles s'étaient projetées. Et quand il s'agit non pas d'une interruption spontanée de grossesse isolée, mais de la troisième ou de la quatrième, elle peut être vécue de façon particulièrement difficile.

Chaque femme vit donc cet événement différemment et d'une manière qui lui est propre. Il ne doit être ni banalisé ni dramatisé. Il doit simplement faire l'objet d'un accompagnement spécifique, adapté à la façon dont la femme qui y est confrontée le vit. C'est ce que tend à prévoir le présent texte, qui vise à permettre aux couples qui le vivraient comme un traumatisme d'être mieux accompagnés sur le plan psychologique, voire accompagnés tout court. Car s'il est un point commun à tous les différents vécus à la suite d'une ISG, c'est le tabou dont ils sont l'objet.

Combien de femmes font une fausse couche le lundi soir et retournent travailler le mardi matin, comme si de rien n'était ? Combien, parmi celles qui le vivent comme un drame, en parlent ensuite avec un psychologue ?

La mise en place d'un « parcours interruption spontanée de grossesse » par chaque ARS, telle que le prévoit le texte, constitue une première étape indispensable pour améliorer l'accompagnement des femmes sur ce sujet. Développer la coordination et la formation des médecins, des sages-femmes et des psychologues, ainsi que la bonne information des femmes sur ce sujet, est en effet primordial.

Le texte prévoit également la possibilité pour les sages-femmes d'adresser leurs patientes victimes d'une ISG, ainsi que leur partenaire, à un psychologue dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy. Les sages-femmes réalisent, pas toujours dans les meilleures conditions, un travail formidable, et sont au plus près des patientes. Cette mesure est une juste reconnaissance de leur rôle fondamental.

En commission s'est aussi posée la question de la création d'un congé spécial à la suite d'une ISG. Nous n'y sommes pas favorables, car il risquerait de conduire à la stigmatisation des femmes en entreprise. Nous pensons que la suppression du délai de carence dans le cadre d'un arrêt maladie faisant suite à une ISG, comme le prévoit le texte, représente déjà une avancée satisfaisante.

Enfin, n'oublions pas que l'essentiel de ce texte repose sur le dispositif MonParcoursPsy, dont l'efficacité est discutable, en raison du manque de professionnels volontaires. Il est donc essentiel de renforcer la participation des psychologues pour que ce dispositif soit efficace. Plus largement, c'est sur la santé mentale en général dans notre pays qu'il est urgent d'avancer.

Avant de conclure, j'insisterai sur le rôle que peuvent jouer, d'une part, l'éducation en milieu scolaire, notamment en matière sexuelle, laquelle n'est pas encore assez développée pour aider vraiment la jeunesse à se construire, et, d'autre part, la sensibilisation à la prévention – cette remarque est valable dans de nombreux domaines.

Notre groupe votera ce texte. §

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, chaque année, 200 000 femmes font face à une fausse couche. C’est autant de destins bouleversés, de traits tirés sur des plans de bonheur, de femmes et d’hommes meurtris par l’arrêt brutal d’une grossesse.

Le texte que vous examinez aujourd’hui est une lueur d’espoir. L’expression « fausse couche » ravive souvent des blessures anciennes, récentes, ou bien l’angoisse d’un futur meurtri. C’est à force de politiques publiques ambitieuses que nous aiderons les femmes à traverser cette épreuve.

Avec la Première ministre Élisabeth Borne et mon collègue François Braun, nous avons fait de la santé des femmes l’une des priorités du plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027.

Nous avons souhaité briser les tabous qui, trop souvent, pénalisent les femmes dans leur vie quotidienne, professionnelle et personnelle : le tabou des règles, par exemple, mais également celui des fausses couches. La proposition de loi que vous vous apprêtez à examiner aujourd’hui s’inscrit, j’en suis convaincue, dans le droit fil de tous ces progrès. Je salue le travail de la députée Sandrine Josso, qui a permis d’aboutir aux articles ambitieux de ce texte.

Parce que nous avons conscience du caractère urgent de ces avancées, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte le 6 mars dernier.

Comme un symbole, cette proposition de loi a été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale dans la nuit du 8 mars. Ce vote transpartisan a été exemplaire. Une nouvelle fois, il a prouvé que nous étions capables de nous unir pour les droits et la santé des femmes.

Cette proposition de loi contient trois articles destinés à renforcer l’accompagnement et l’information de celles et ceux qui sont confrontés à l’épreuve d’une fausse couche, et à mieux former et sensibiliser les professionnels de santé à ces enjeux. Elle porte avec force la nécessité d’améliorer l’accompagnement pluridisciplinaire des femmes victimes de fausse couche.

D’ici au 1er septembre 2024, un « parcours interruption spontanée de grossesse » sera mis en place par chaque agence régionale de santé (ARS). Ces parcours associeront les médecins, les sages-femmes et les psychologues. Il s’agira, à la fois, de renforcer l’accompagnement psychologique et médical des patientes et de leurs partenaires afin d’alléger au maximum les souffrances psychologiques liées à cette épreuve, et de mieux comprendre et traiter les éventuelles causes médicales des fausses couches.

Nous renforcerons également la formation des professionnels de santé impliqués dans ces parcours.

Les patientes – et leurs partenaires si elles sont en couple – seront ainsi mieux informées et écoutées ; elles pourront exprimer librement leur souffrance et se voir proposer des solutions adaptées.

Cette proposition de loi met également en œuvre plusieurs mesures prévues dans le plan Toutes et tous égaux, que j’ai présenté le 8 mars dernier en conseil des ministres et qui engage l’action du Gouvernement en matière d’égalité entre les femmes et les hommes jusqu’en 2027.

Le Gouvernement a amendé cette proposition de loi à l’Assemblée nationale et supprimé le délai de carence en cas d’arrêt maladie lié à une fausse couche. Il s’agit là d’une avancée majeure, qui permettra aux femmes de ne plus être pénalisées financièrement après une fausse couche tout en préservant, vis-à-vis de leur employeur, une pleine confidentialité – c’est très important.

Vous avez proposé en commission, monsieur le rapporteur Lévrier, un amendement tout à fait bienvenu visant à étendre cette disposition aux indépendantes et à leur conjoint. Le Gouvernement proposera en séance un amendement prévoyant la même extension aux non-salariées agricoles.

Les sages-femmes pourront également proposer à leurs patientes d’être prises en charge par un psychologue conventionné dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy. Ce sera aussi le cas pour les partenaires de celles qui subissent une fausse couche.

Cette prise en charge psychologique est essentielle, car les traumatismes liés à ces drames se réveillent parfois tard. Ils nécessitent donc une prise en charge sur le long terme.

Il s’agit aussi, et je tiens à le souligner, d’une véritable reconnaissance du travail effectué quotidiennement par les sages-femmes, sujet auquel je sais que les parlementaires des deux chambres sont attachés. Je peux, moi aussi, témoigner du travail qu’elles effectuent au quotidien dans l’ensemble des territoires.

Ces mesures, qu’il s’agisse des amendements gouvernementaux ou des avancées adoptées en commission des affaires sociales, sont un symbole fort de la manière dont le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif travaillent ensemble sur nos grands enjeux de société.

Ce sont des progrès comme celui-ci qui font de nous le pays des grandes avancées sociales, mais aussi le pays des droits de l’homme, comme celui des droits des femmes.

Vous l’aurez compris, vous tenez entre vos mains un objet législatif essentiel à la vie de nombreuses femmes, qui, je l’espère, sera adopté le plus largement sur ces travées.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, chaque année, 200 000 femmes font face à une fausse couche. C’est autant de destins bouleversés, de traits tirés sur des plans de bonheur, de femmes et d’hommes meurtris par l’arrêt brutal d’une grossesse.

Le texte que vous examinez aujourd’hui est une lueur d’espoir. L’expression « fausse couche » ravive souvent des blessures anciennes, récentes, ou bien l’angoisse d’un avenir meurtri. C’est à force de politiques publiques ambitieuses que nous aiderons les femmes à traverser cette épreuve.

Avec la Première ministre Élisabeth Borne et mon collègue François Braun, nous avons fait de la santé des femmes l’une des priorités du plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027.

Nous avons souhaité briser les tabous qui, trop souvent, pénalisent les femmes dans leur vie quotidienne, professionnelle et personnelle : le tabou des règles, par exemple, mais également celui des fausses couches. La proposition de loi que vous vous apprêtez à examiner aujourd’hui s’inscrit, j’en suis convaincue, dans le droit fil de tous ces progrès. Je salue le travail de la députée Sandrine Josso, qui a permis d’aboutir aux articles ambitieux de ce texte.

Parce que nous avons conscience du caractère urgent de ces avancées, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte le 6 mars dernier.

Comme un symbole, cette proposition de loi a été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale dans la nuit du 8 mars. Ce vote transpartisan a été exemplaire. Une nouvelle fois, il a prouvé que nous étions capables de nous unir pour les droits et la santé des femmes.

Cette proposition de loi contient trois articles destinés à renforcer l’accompagnement et l’information de celles et ceux qui sont confrontés à l’épreuve d’une fausse couche, et à mieux former et sensibiliser les professionnels de santé à ces enjeux. Elle porte avec force la nécessité d’améliorer l’accompagnement pluridisciplinaire des femmes victimes de fausse couche.

D’ici au 1er septembre 2024, un « parcours interruption spontanée de grossesse » sera mis en place par chaque agence régionale de santé (ARS). Ces parcours associeront les médecins, les sages-femmes et les psychologues. Il s’agira, à la fois, de renforcer l’accompagnement psychologique et médical des patientes et de leurs partenaires afin d’alléger au maximum les souffrances psychologiques liées à cette épreuve, et de mieux comprendre et traiter les éventuelles causes médicales des fausses couches.

Nous renforcerons également la formation des professionnels de santé impliqués dans ces parcours.

Les patientes – et leurs partenaires si elles sont en couple – seront ainsi mieux informées et écoutées ; elles pourront exprimer librement leur souffrance et se voir proposer des solutions adaptées.

Cette proposition de loi met également en œuvre plusieurs mesures prévues dans le plan Toutes et tous égaux, que j’ai présenté le 8 mars dernier en conseil des ministres et qui engage l’action du Gouvernement en matière d’égalité entre les femmes et les hommes jusqu’en 2027.

Le Gouvernement a amendé cette proposition de loi à l’Assemblée nationale et supprimé le délai de carence en cas d’arrêt maladie lié à une fausse couche. Il s’agit là d’une avancée majeure, qui permettra aux femmes de ne plus être pénalisées financièrement après une fausse couche tout en préservant, vis-à-vis de leur employeur, une pleine confidentialité – c’est très important.

Vous avez proposé en commission, monsieur le rapporteur Lévrier, un amendement tout à fait bienvenu visant à étendre cette disposition aux indépendantes et à leur conjoint. Le Gouvernement proposera en séance un amendement prévoyant la même extension aux non-salariées agricoles.

Les sages-femmes pourront également proposer à leurs patientes d’être prises en charge par un psychologue conventionné dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy. Ce sera aussi le cas pour les partenaires de celles qui subissent une fausse couche.

Cette prise en charge psychologique est essentielle, car les traumatismes liés à ces drames se réveillent parfois tard. Ils nécessitent donc une prise en charge sur le long terme.

Il s’agit aussi, et je tiens à le souligner, d’une véritable reconnaissance du travail effectué quotidiennement par les sages-femmes, sujet auquel je sais que les parlementaires des deux chambres sont attachés. Je peux, moi aussi, témoigner du travail qu’elles effectuent au quotidien dans l’ensemble des territoires.

Ces mesures, qu’il s’agisse des amendements gouvernementaux ou des avancées adoptées en commission des affaires sociales, sont un symbole fort de la manière dont le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif travaillent ensemble sur nos grands enjeux de société.

Ce sont des progrès comme celui-ci qui font de nous le pays des grandes avancées sociales, mais aussi le pays des droits de l’homme, comme celui des droits des femmes.

Vous l’aurez compris, vous tenez entre vos mains un objet législatif essentiel à la vie de nombreuses femmes, qui, je l’espère, sera adopté le plus largement sur ces travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps pendant trois jours. » ; « J'étais haineuse, je détestais la planète entière. » ; « En sortant de chez le docteur, tout d'un coup, je me suis effondrée. » ; « Je vois toutes les copines, elles ont des bébés, tout va bien, qu'est-ce que j'ai fait de mal ? »

Ce sont là les témoignages de femmes qui ont vécu des fausses couches et qui se sont confiées à une équipe de chercheurs et de chercheuses autour de Natalène Séjourné.

Parfois, une fausse couche peut être extrêmement traumatisante pour la femme, du fait de la perte, certes, mais aussi parce qu'elle reste un non-dit et donc, de fait, un tabou.

Pourtant, les fausses couches existent bel et bien. En France, chaque année, 200 000 femmes en vivent une. Un quart des grossesses sont ainsi interrompues.

Quand, malgré ce tabou, on parle de ces fausses couches, elles sont présentées comme des échecs, des défauts. Dès lors, il est peu surprenant que seul un petit nombre de femmes osent en parler, même à leur famille, même à leurs amies les plus proches. Ce tabou étouffe les femmes qui ont fait une fausse couche et qui en souffrent. Il faut améliorer l'accompagnement de ces femmes et de leur partenaire qui en ont besoin.

C'est pourquoi cette proposition de loi est une étape importante. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires en est reconnaissant à la députée Sandrine Josso.

Monsieur le rapporteur, merci pour votre travail, qui améliore le texte à plusieurs égards. Nous apprécions que vous systématisiez l'expression « interruption spontanée de grossesse » et que vous souteniez le versement immédiat des indemnités journalières.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient évidemment cette proposition de loi et ne doute pas qu'elle trouvera un large soutien transpartisan.

Mélanie Vogel, à qui je prête ma voix le temps qu'elle retrouve la sienne, a suivi cette proposition de loi et souhaitait poser une question. Pourquoi ne permettons-nous pas à un couple de se reposer après une fausse couche, qui peut être traumatisante ? Pourquoi ne libérons-nous pas du temps pour que le couple engage un travail du deuil ?

Imaginez que vous ayez projeté d'avoir un enfant, et puis soudainement, rien. Les couples qui le souhaitent doivent avoir le temps de se poser et de se reposer.

D'autres pays reconnaissent déjà ce besoin : un congé spécial de trois jours après une fausse couche existe en Nouvelle-Zélande ; aux Philippines, les femmes bénéficient d'indemnités de maternité jusqu'à soixante jours en cas de fausse couche ; jusqu'à six semaines en Inde.

En France, la loi ne prévoit rien. Mais cela commence à changer : depuis quelques semaines, les salariées de la convention collective Syntec peuvent demander un congé spécial après une fausse couche.

À nous d'inscrire ce congé dans le droit du travail et de l'ouvrir à l'ensemble des salariées. À nous de permettre aux couples qui en ont besoin de se reposer quelques jours après une interruption spontanée de grossesse.

C'est pourquoi notre groupe demande la création d'un congé spécial de trois jours au bénéfice des couples. Il me semble que ce n'est pas trop demander.

Un tel congé serait bien évidemment non pas une obligation, mais une possibilité : il appartiendrait à la femme et à sa ou à son partenaire de décider de le prendre ou non. Il doit être ouvert au couple, je le précise, pour éviter tout risque de stigmatisation.

Pourquoi un tel congé ? Parce que le travail est une charge quand on est en deuil après une fausse couche, mais aussi parce que cette mesure serait une aide concrète après une fausse couche. Les autres mesures de ce texte n'en seront que plus efficaces.

Enfin, il est juste que le Gouvernement ait enfin accepté de verser les indemnités journalières dès le premier jour pour les femmes en incapacité de travailler après une fausse couche : nous l'en remercions.

Saisissons cette occasion pour faire reculer le tabou – grâce notamment au congé spécial – et permettre aux femmes de bénéficier d'une grande avancée.

Nous soutenons bien évidemment ce texte, mais nous vous proposons d'aller plus loin. C'est possible et nécessaire. §

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le corps des femmes et tout ce qui s'y rapporte sont encore trop souvent tabous. En nous saisissant de la question des femmes victimes de fausse couche, je me réjouis, avec le groupe RDPI, que notre chambre contribue à éclairer un non-dit.

Je tiens tout d'abord à saluer le travail de Sandrine Josso, auteure de cette proposition de loi, que je remercie de s'être saisie de ce sujet sensible et important.

Ce sujet est important, au regard du nombre de femmes concernées : environ 200 000 fausses couches sont dénombrées chaque année en France. Alors que l'on estime qu'une femme sur quatre y est confrontée au moins une fois au cours de sa vie, la fréquence de ce phénomène contraste avec le peu, voire l'absence, d'accompagnement proposé à ces femmes.

En effet, les interruptions spontanées de grossesse ne sont que rarement considérées comme un problème médicalement grave. Pourtant, entre 20 % et 55 % des femmes présentent des symptômes dépressifs après une fausse couche, tandis que 15 % connaissent un état de stress post-traumatique.

La douleur et le traumatisme induits par une fausse couche ne sont pas proportionnels à l'âge gestationnel. On peut, très tôt dans la grossesse, s'être projeté en tant que parent et s'être préparé à l'accueil d'un enfant. Lorsque tout s'arrête brutalement, c'est non pas de la grossesse qu'il faut faire le deuil, mais bien de cet enfant dont on préparait déjà la venue.

Bien sûr, en pareille situation, le ressenti de chacun peut différer, mais il est important de pouvoir proposer un accompagnement psychologique adapté aux femmes et à leur conjoint, dont la santé mentale peut être affectée par une interruption spontanée de grossesse. C'est ce que permet cette proposition de loi en habilitant les sages-femmes à adresser leurs patientes à un psychologue dans le cadre de MonParcoursPsy.

À l'issue de son passage en commission à l'Assemblée nationale, cette habilitation vaut désormais pour tout type de situation liée à la grossesse.

Autre apport de l'Assemblée nationale : l'extension, en cas de fausse couche, de cet accompagnement au ou à la partenaire de la patiente.

Ces deux améliorations vont dans le bon sens. Elles contribuent à la reconnaissance de la souffrance de ces femmes et de leur conjoint et à souligner le rôle capital des sages-femmes dans l'accompagnement de la grossesse.

Il y a un autre apport de l'Assemblée nationale que je tiens à saluer : la mise en place d'ici au mois de septembre 2024, par chaque agence régionale de santé, d'un parcours « interruption spontanée de grossesse ».

Notre rapporteur Martin Lévrier a tenu à renforcer les objectifs d'information dans le cadre de ce parcours et je ne peux que souscrire à cet objectif, tant cela est nécessaire pour prévenir le sentiment d'isolement et d'incompréhension auxquels ces femmes et leur partenaire font face et pour y répondre.

Je salue également la suppression du délai de carence pour l'indemnisation des arrêts de travail consécutifs à une interruption spontanée de grossesse, soutenue à l'Assemblée nationale par le Gouvernement. Son extension aux indépendants, grâce à notre rapporteur, mérite d'être soulignée : c'est un apport pertinent.

Les sénateurs du groupe RDPI voteront donc ce texte, porteur d'une avancée significative pour le droit des femmes, tout particulièrement pour leur droit à la santé. Je me réjouis du consensus transpartisan auquel l'examen de ce texte a donné lieu. §

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chaque année, 200 000 Françaises sont confrontées à l’interruption spontanée de leur grossesse avant la vingt-deuxième semaine d’aménorrhée. Si, pour les femmes concernées et leur partenaire éventuel, il existe autant de vécus possibles que de fausses couches, une interruption spontanée de grossesse produit de l’anxiété ou des symptômes dépressifs chez plus du tiers des personnes qui la subissent.

Après une fausse couche, les couples n’ont donc pas tous besoin d’une assistance spécifique – insistons sur ce point –, mais pour ceux pour qui un accompagnement complémentaire est nécessaire – et qui sont visés par cette proposition de loi –, les dispositifs de soutien apparaissent insuffisamment nombreux et opérants, faute, parfois, d’information adéquate.

Cela témoigne du tabou qui entoure la fausse couche, encore souvent perçue comme un non-événement, arrivant majoritairement dans un premier trimestre silencieux, à un stade où la grossesse n’est en général pas dévoilée.

Combien parmi nous sauraient précisément définir une fausse couche et en exposer les causes principales ? La méconnaissance de ce phénomène transparaît jusque dans le vocabulaire employé pour le qualifier : l’expression « faire une fausse couche », qui semble rendre la femme enceinte actrice, voire responsable, de la perte de sa grossesse, apparaît à cet égard particulièrement malheureuse alors même que la plupart des fausses couches sont d’origine naturelle et découlent d’anomalies génétiques de l’embryon qui le rendent non viable. D’autres termes pourraient lui être préférés, j’y reviendrai.

La proposition de loi que nous examinons ce matin a été déposée par la députée Sandrine Josso, dont je salue la présence parmi nous, et adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale.

Les trois articles qu’elle contient entendent renforcer l’accompagnement et l’information des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

L’article 1er A prévoit la mise en place, par les agences régionales de santé (ARS) et d’ici au 1er septembre 2024, d’un parcours spécifique de prise en charge des interruptions spontanées de grossesse associant médecins, sages-femmes et psychologues. Celui-ci doit permettre d’améliorer l’information et le suivi, médical comme psychologique, des patientes et de leur partenaire éventuel, ainsi que de renforcer la formation des professionnels de santé impliqués.

La commission a soutenu ces dispositions, susceptibles de favoriser une meilleure organisation des professionnels médicaux dans chaque territoire et de mieux tenir compte du besoin d’accompagnement psychologique de certains couples victimes d’une interruption spontanée de grossesse.

Elle a toutefois adopté deux amendements.

Le premier renforce les objectifs d’information des parcours, en précisant que ceux-ci devront viser à systématiser l’information des patientes et de leur partenaire sur le phénomène d’interruption spontanée de grossesse, les possibilités de traitement ou d’intervention et les dispositifs de suivi et d’accompagnement disponibles.

Le second a renommé les parcours, pour préférer à l’expression « fausse couche », jugée stigmatisante et négative par les associations, celle d’« interruption spontanée de grossesse », plus neutre et plus juste médicalement. La commission a apporté la même modification à l’intitulé de la proposition de loi.

L’article 1er B, ajouté par amendement gouvernemental en séance à l’Assemblée nationale, supprime le délai de carence applicable à l’indemnisation des congés maladie pris consécutivement à une interruption spontanée de grossesse.

Aujourd’hui, une assurée du régime général confrontée à une fausse couche et dont l’état de santé nécessite un arrêt de travail n’est indemnisée par la sécurité sociale qu’à compter du quatrième jour. Lorsque l’arrêt maladie se fait au prix du renoncement à 10 % de son salaire mensuel, il devient un luxe que toutes ne peuvent pas se permettre.

Pour celles qui ne peuvent s’accorder un tel arrêt et qui sont, en outre, exposées à des situations professionnelles parfois embarrassantes, dérangeantes ou stressantes, les perspectives de reconstruction saine peuvent être grevées.

En permettant, comme à la suite d’une mort fœtale in utero, une indemnisation dès le premier jour d’arrêt, le dispositif desserre les contraintes financières s’opposant au recours à l’arrêt de travail, tout en ne nécessitant pas d’information de l’employeur quant à ses motifs. Contrairement à un congé pour événement familial ad hoc, il n’expose donc les bénéficiaires à aucun risque de discrimination.

Pour atteindre pleinement son objectif, le dispositif, plébiscité lors de l’ensemble des auditions que j’ai conduites, doit être universalisé. Initialement restreint aux fonctionnaires et aux assurées des régimes général, spéciaux et assimilées, son bénéfice a été élargi en commission aux indépendantes, sur mon initiative. Faute de recevabilité financière, je n’ai pas pu faire de même pour les non-salariées agricoles, dernier régime à ne pas être couvert. Il est clair que ce progrès doit concerner de manière équitable l’ensemble des assurées ; je vous ai donc appelée, madame la ministre, à amender le texte en ce sens – nous y reviendrons tout à l’heure.

L’article 1er vise à permettre aux sages-femmes d’adresser leurs patientes à un psychologue conventionné, dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy, et, dans les cas d’interruption spontanée de grossesse, leur partenaire.

La commission a souscrit à l’objectif de ces dispositions, qui permettront aux couples concernés de bénéficier plus largement qu’aujourd’hui de séances de suivi psychologique, prises en charge par l’assurance maladie.

Toutefois, elle a observé que le dispositif MonParcoursPsy, lancé en avril 2022, peine encore à se déployer et ne permettra pas, dans ces conditions, de répondre aux besoins constatés. Moins de 10 % des psychologues concernés, libéraux ou salariés d’un centre de santé, participent aujourd’hui au dispositif et moins de 80 000 patients en ont bénéficié en 2022. La tarification et la durée, limitées, des séances prises en charge sont mises en avant par les psychologues comme des facteurs explicatifs.

C’est pourquoi il apparaît indispensable qu’une évaluation du dispositif soit rapidement conduite, afin d’identifier les moyens d’encourager la participation des psychologues et de faire bénéficier du dispositif les patients en ayant le plus besoin. Nous savons que vous vous attelez à cette tâche, madame la ministre.

Les articles 1er bis et 1er ter, adoptés en séance à l’Assemblée nationale, contre l’avis du Gouvernement et de la commission, ont été supprimés sur mon initiative.

Le premier faisait obligation aux professionnels de santé impliqués dans la prise en charge des interruptions spontanées de grossesse d’informer leurs patientes des possibilités de traitement et de leurs implications, et de leur proposer un nouvel examen médical quatre semaines après le premier. Parce qu’elles sont déjà largement satisfaites par le droit à l’information des malades, consacré depuis 2002, et contraignent inutilement l’exercice des professionnels de santé, d’ores et déjà encadré par des règles déontologiques et les recommandations des sociétés savantes, ces dispositions sont apparues inopportunes à la commission.

Le second article prévoyait la remise d’un rapport sur l’extension de l’assurance maternité dès les premières semaines d’aménorrhée, ce qui aurait engendré une complexité opérationnelle considérable pour la sécurité sociale, tout en présentant un caractère dispendieux.

Enfin, je vous proposerai, au nom de la commission, de mieux protéger les femmes victimes d’une interruption spontanée de grossesse contre le risque de discrimination professionnelle en adoptant une interdiction de licenciement de dix semaines à l’égard des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse dite « tardive », après la quatorzième semaine d’aménorrhée. Dans ces cas, qui concernent moins de 1 % des grossesses et concentrent les risques de discrimination, les salariées concernées ne bénéficient d’aucune protection contre le licenciement. La différence de traitement avec les femmes qui perdent leur grossesse après la vingt-deuxième semaine, qui disposent d’une protection contre le licenciement de vingt-six semaines minimum, apparaît à cet égard disproportionnée : il nous appartient de corriger cela.

Mes chers collègues, cette proposition de loi, améliorée par les travaux de la commission et complétée des dispositions que nous vous proposerons d’adopter, constituera une véritable avancée pour les femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse et pour leur partenaire.

En associant davantage professionnels de santé et psychologues dans le cadre d’un accompagnement pluridisciplinaire, en garantissant une meilleure prise en charge des interruptions de travail et des séances de suivi psychologique, elle permettra de mieux tenir compte des conséquences psychologiques potentielles des interruptions spontanées de grossesse.

Beaucoup restera à faire par la suite, dans des domaines qui ne relevaient pas de ce texte. Ainsi, je souhaite que le Gouvernement puisse prendre les mesures qui s’imposent pour renforcer la formation initiale et continue des professionnels de santé à la prise en charge et à l’accompagnement, notamment psychologique, des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse. À cet égard, je sais, madame la ministre, pouvoir compter sur votre engagement.

Je crois également qu’il serait utile que les élèves, au cours de leur parcours scolaire, soient davantage sensibilisés aux causes biologiques des interruptions spontanées de grossesse, à leurs conséquences physiques et psychiques.

Enfin, chaque patiente concernée devrait recevoir un support écrit récapitulant les informations essentielles dont elle a besoin.

C’est à ces conditions que nous parviendrons à briser l’isolement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse. Cette proposition de loi y contribue, c’est pourquoi je vous invite à lui accorder la vaste majorité qu’elle mérite.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chaque année, 200 000 Françaises sont confrontées à l’interruption spontanée de leur grossesse avant la vingt-deuxième semaine d’aménorrhée. Si, pour les femmes concernées et leur partenaire éventuel, il existe autant de vécus possibles que de fausses couches, une interruption spontanée de grossesse produit de l’anxiété ou des symptômes dépressifs chez plus du tiers des personnes qui la subissent.

Après une fausse couche, les couples n’ont donc pas tous besoin d’une assistance spécifique – insistons sur ce point –, mais pour ceux pour qui un accompagnement complémentaire est nécessaire – et qui sont visés par cette proposition de loi –, les dispositifs de soutien apparaissent insuffisamment nombreux et opérants, faute, parfois, d’information adéquate.

Cela témoigne du tabou qui entoure la fausse couche, encore souvent perçue comme un non-événement, arrivant majoritairement dans un premier trimestre silencieux, à un stade où la grossesse n’est en général pas dévoilée.

Combien parmi nous sauraient précisément définir une fausse couche et en exposer les causes principales ? La méconnaissance de ce phénomène transparaît jusque dans le vocabulaire employé pour le qualifier : l’expression « faire une fausse couche », qui semble rendre la femme enceinte actrice, voire responsable, de la perte de sa grossesse, apparaît à cet égard particulièrement malheureuse alors même que la plupart des fausses couches sont d’origine naturelle et découlent d’anomalies génétiques de l’embryon qui le rendent non viable. D’autres termes pourraient lui être préférés, j’y reviendrai.

La proposition de loi que nous examinons ce matin a été déposée par la députée Sandrine Josso, dont je salue la présence parmi nous, et adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale.

Les trois articles qu’elle contient entendent renforcer l’accompagnement et l’information des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

L’article 1er A prévoit la mise en place, par les ARS et d’ici au 1er septembre 2024, d’un parcours spécifique de prise en charge des interruptions spontanées de grossesse associant médecins, sages-femmes et psychologues. Celui-ci doit permettre d’améliorer l’information et le suivi, médical comme psychologique, des patientes et de leur partenaire éventuel, ainsi que de renforcer la formation des professionnels de santé impliqués.

La commission a soutenu ces dispositions, susceptibles de favoriser une meilleure organisation des professionnels médicaux dans chaque territoire et de mieux tenir compte du besoin d’accompagnement psychologique de certains couples victimes d’une interruption spontanée de grossesse.

Elle a toutefois adopté deux amendements.

Le premier renforce les objectifs d’information des parcours, en précisant que ceux-ci devront viser à systématiser l’information des patientes et de leur partenaire sur le phénomène d’interruption spontanée de grossesse, les possibilités de traitement ou d’intervention et les dispositifs de suivi et d’accompagnement disponibles.

Le second a renommé les parcours, pour préférer à l’expression « fausse couche », jugée stigmatisante et négative par les associations, celle d’« interruption spontanée de grossesse », plus neutre et plus juste médicalement. La commission a apporté la même modification à l’intitulé de la proposition de loi.

L’article 1er B, ajouté par amendement gouvernemental en séance à l’Assemblée nationale, supprime le délai de carence applicable à l’indemnisation des congés maladie pris consécutivement à une interruption spontanée de grossesse.

Aujourd’hui, une assurée du régime général confrontée à une fausse couche et dont l’état de santé nécessite un arrêt de travail n’est indemnisée par la sécurité sociale qu’à compter du quatrième jour. Lorsque l’arrêt maladie se fait au prix du renoncement à 10 % de son salaire mensuel, il devient un luxe que toutes ne peuvent pas se permettre.

Pour celles qui ne peuvent s’accorder un tel arrêt et qui sont, en outre, exposées à des situations professionnelles parfois embarrassantes, dérangeantes ou stressantes, les perspectives de reconstruction saine peuvent être grevées.

En permettant, comme à la suite d’une mort fœtale in utero, une indemnisation dès le premier jour d’arrêt, le dispositif desserre les contraintes financières s’opposant au recours à l’arrêt de travail, tout en ne nécessitant pas d’information de l’employeur quant à ses motifs. Contrairement à un congé pour événement familial ad hoc, il n’expose donc les bénéficiaires à aucun risque de discrimination.

Pour atteindre pleinement son objectif, le dispositif, plébiscité lors de l’ensemble des auditions que j’ai conduites, doit être universalisé. Initialement restreint aux fonctionnaires et aux assurées des régimes général, spéciaux et assimilées, son bénéfice a été élargi en commission aux indépendantes, sur mon initiative. Faute de recevabilité financière, je n’ai pas pu faire de même pour les non-salariées agricoles, dernier régime à ne pas être couvert. Il est clair que ce progrès doit concerner de manière équitable l’ensemble des assurées ; je vous ai donc appelée, madame la ministre, à amender le texte en ce sens – nous y reviendrons tout à l’heure.

L’article 1er vise à permettre aux sages-femmes d’adresser leurs patientes à un psychologue conventionné, dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy, et, dans les cas d’interruption spontanée de grossesse, leur partenaire.

La commission a souscrit à l’objectif de ces dispositions, qui permettront aux couples concernés de bénéficier plus largement qu’aujourd’hui de séances de suivi psychologique, prises en charge par l’assurance maladie.

Toutefois, elle a observé que le dispositif MonParcoursPsy, lancé en avril 2022, peine encore à se déployer et ne permettra pas, dans ces conditions, de répondre aux besoins constatés. Moins de 10 % des psychologues concernés, libéraux ou salariés d’un centre de santé, participent aujourd’hui au dispositif et moins de 80 000 patients en ont bénéficié en 2022. La tarification et la durée, limitées, des séances prises en charge sont mises en avant par les psychologues comme des facteurs explicatifs.

C’est pourquoi il apparaît indispensable qu’une évaluation du dispositif soit rapidement conduite, afin d’identifier les moyens d’encourager la participation des psychologues et de faire bénéficier du dispositif les patients en ayant le plus besoin. Nous savons que vous vous attelez à cette tâche, madame la ministre.

Les articles 1er bis et 1er ter, adoptés en séance à l’Assemblée nationale, contre l’avis du Gouvernement et de la commission, ont été supprimés sur mon initiative.

Le premier faisait obligation aux professionnels de santé impliqués dans la prise en charge des interruptions spontanées de grossesse d’informer leurs patientes des possibilités de traitement et de leurs implications, et de leur proposer un nouvel examen médical quatre semaines après le premier. Parce qu’elles sont déjà largement satisfaites par le droit à l’information des malades, consacré depuis 2002, et contraignent inutilement l’exercice des professionnels de santé, d’ores et déjà encadré par des règles déontologiques et les recommandations des sociétés savantes, ces dispositions sont apparues inopportunes à la commission.

Le second article prévoyait la remise d’un rapport sur l’extension de l’assurance maternité dès les premières semaines d’aménorrhée, ce qui aurait engendré une complexité opérationnelle considérable pour la sécurité sociale, tout en présentant un caractère dispendieux.

Enfin, je vous proposerai, au nom de la commission, de mieux protéger les femmes victimes d’une interruption spontanée de grossesse contre le risque de discrimination professionnelle en adoptant une interdiction de licenciement de dix semaines à l’égard des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse dite « tardive », après la quatorzième semaine d’aménorrhée. Dans ces cas, qui concernent moins de 1 % des grossesses et concentrent les risques de discrimination, les salariées concernées ne bénéficient d’aucune protection contre le licenciement. La différence de traitement avec les femmes qui perdent leur grossesse après la vingt-deuxième semaine, qui disposent d’une protection contre le licenciement de vingt-six semaines minimum, apparaît à cet égard disproportionnée : il nous appartient de corriger cela.

Mes chers collègues, cette proposition de loi, améliorée par les travaux de la commission et complétée des dispositions que nous vous proposerons d’adopter, constituera une véritable avancée pour les femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse et pour leur partenaire.

En associant davantage professionnels de santé et psychologues dans le cadre d’un accompagnement pluridisciplinaire, en garantissant une meilleure prise en charge des interruptions de travail et des séances de suivi psychologique, elle permettra de mieux tenir compte des conséquences psychologiques potentielles des interruptions spontanées de grossesse.

Beaucoup restera à faire par la suite, dans des domaines qui ne relevaient pas de ce texte. Ainsi, je souhaite que le Gouvernement puisse prendre les mesures qui s’imposent pour renforcer la formation initiale et continue des professionnels de santé à la prise en charge et à l’accompagnement, notamment psychologique, des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse. À cet égard, je sais, madame la ministre, pouvoir compter sur votre engagement.

Je crois également qu’il serait utile que les élèves, au cours de leur parcours scolaire, soient davantage sensibilisés aux causes biologiques des interruptions spontanées de grossesse, à leurs conséquences physiques et psychiques.

Enfin, chaque patiente concernée devrait recevoir un support écrit récapitulant les informations essentielles dont elle a besoin.

C’est à ces conditions que nous parviendrons à briser l’isolement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse. Cette proposition de loi y contribue, c’est pourquoi je vous invite à lui accorder la vaste majorité qu’elle mérite.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et SER. – M. Laurent Burgoa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objectif de renforcer la prise en charge médicale et psychologique des femmes et, le cas échéant, de leur partenaire, après une interruption spontanée de grossesse (ISG) survenue avant la vingt-deuxième semaine d'aménorrhée.

D'après un rapport de 2021 de la revue scientifique britannique The Lancet, environ 23 millions de fausses couches se produisent chaque année dans le monde, soit 15 % du total des grossesses. Une femme sur dix est concernée. En France, 200 000 femmes sont confrontées à une ISG chaque année.

Le rapport appelait à prendre au sérieux les troubles liés à une fausse couche et recommandait que les femmes puissent bénéficier d'un suivi minimum, notamment d'un soutien psychologique pour le couple et de conseils avant des grossesses ultérieures.

Bien qu'elle soit dans la majorité des cas considérée comme bénigne sur le plan médical, une telle interruption de grossesse peut avoir des conséquences psychologiques et psychiques très importantes chez certaines femmes et leur partenaire, même à un stade précoce de la grossesse.

Cette dimension psychique reste sous-estimée en France, voire oubliée dans la prise en charge des fausses couches spontanées : bien entendu, les professionnels médicaux prennent en charge l'aspect purement médical de ces interruptions, mais ils sont peu formés au savoir-dire, ainsi qu'à l'annonce et à l'accompagnement des patientes.

Face à ce phénomène, des initiatives locales, que je salue, ont vu le jour pour accompagner les femmes et améliorer l'information. Ainsi, dans mon département de la Haute-Garonne, l'association L'école des parents et des éducateurs a élaboré un livret comportant notamment les coordonnées de personnes à contacter en cas de besoin : psychologues référents, associations spécialisées, groupes de parole, etc.

Le sujet dont nous nous saisissons aujourd'hui ne nécessite pas nécessairement de cadre contraignant : il devrait faire partie de la déontologie des professionnels médicaux.

Je me réjouis néanmoins des avancées sur ce sujet, encore trop tabou et invisibilisé. Il est désormais indispensable d'accompagner ces situations dans le cadre d'une approche globale, holistique, de la santé de la femme.

L'article 1er A de la proposition de loi crée un parcours, judicieusement rebaptisé « parcours interruption spontanée de grossesse » par notre rapporteur, que je remercie.

Ce parcours sera mis en place par les agences régionales de santé et associera médecins, sages-femmes et psychologues, afin de développer la formation des professionnels, d'améliorer l'orientation des femmes et de faciliter leur accès à un suivi psychologique.

Dans l'objectif de faciliter le suivi, nous avons déposé un amendement visant à permettre aux sages-femmes de traiter et d'administrer les médicaments nécessaires à une ISG et ainsi de prendre en charge de manière globale les femmes face à une fausse couche.

L'article 1er B du texte supprime le délai de carence applicable aux arrêts maladie consécutifs à une interruption spontanée de grossesse pour les assurées du régime général et assimilées, pour les agentes publiques et pour les assurées des régimes spéciaux.

Je salue le travail du rapporteur qui a élargi le bénéfice de cette disposition aux travailleurs indépendants. Madame la ministre, je me joins à son souhait de voir cette mesure également appliquée aux non-salariées agricoles, dans un souci d'égalité entre les femmes, quel que soit leur statut.

Mais nous pouvons aller plus loin : comme le groupe GEST, nous proposons de mettre en place un congé spécial de trois jours pour les femmes confrontées à une telle interruption de grossesse. Certaines femmes choisiront peut-être de ne pas y avoir recours de peur d'être discriminées sur leur lieu de travail, mais ce congé n'en demeure pas moins un droit nouveau pour les femmes. Elles auront ainsi le choix, notamment celui ne pas dépendre de leur médecin pour bénéficier d'un nécessaire temps de récupération.

Enfin, la proposition de loi améliore l'accompagnement psychologique des couples concernés, qui pourront être orientés vers MonParcoursPsy.

Si nous partageons l'ambition de cette mesure, nous pensons que sa portée risque d'être limitée, la psychiatrie restant le parent pauvre de la médecine. En outre, les consultations en ambulatoire dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy, mises en place depuis plus d'un an, n'ont bénéficié en 2022 qu'à 76 000 patientes.

Nous le savons, ce dispositif a été très mal accueilli par les psychologues. Moins de 10 % d'entre eux exerçant en libéral y ont adhéré. Ce nombre est très insuffisant au regard des besoins identifiés. Aussi, j'appelle le Gouvernement à retravailler ce dispositif en concertation avec les psychologues, afin de le rendre pleinement opérationnel.

Le groupe SER, profondément engagé dans la protection de la santé des femmes, qu'elle soit mentale ou physique, partage la volonté d'accompagner davantage les femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse, ainsi que leur partenaire. Il soutiendra donc cette proposition de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP. – Mmes Michelle Meunier et Brigitte Devésa applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier la députée Sandrine Josso à l'origine de cette proposition de loi visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une fausse couche, ainsi que notre rapporteur, Martin Lévrier.

Cette initiative parlementaire permet de lever un tabou sur les fausses couches vécues chaque année par 200 000 femmes dans notre pays, ce qui représente près de 15 % des grossesses. En répétant qu'une femme sur dix est confrontée à une interruption spontanée de grossesse, on permet à ces femmes de mettre fin à un sentiment d'isolement.

Cette première étape doit être assortie d'une meilleure information et d'un véritable accompagnement des femmes et de leur conjoint, comme le prévoit ce texte.

Nous souscrivons donc à l'instauration d'un parcours par les agences régionales de santé, qui associe les professionnels médicaux et les psychologues hospitaliers et libéraux, dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire, pour mieux accompagner les femmes et leur partenaire.

Il semble opportun de développer la formation des professionnels médicaux sur les conséquences psychologiques des interruptions spontanées de grossesse et d'améliorer le suivi médical de ces femmes.

Nous regrettons cependant de devoir attendre septembre 2024 pour que ce parcours soit mis en œuvre. De même, nous espérons que la suppression du délai de carence, qui est une très bonne chose, entrera en application bien avant le 1er janvier 2024.

L'extension par la commission des affaires sociales du Sénat de la suppression du délai de carence aux travailleurs indépendants est également très positive.

Enfin, nous avons de sérieux doutes sur la capacité de MonParcoursPsy à répondre à l'enjeu que constitue l'accompagnement psychologique des patientes et de leur partenaire, cet accompagnement étant pourtant au cœur de la proposition de loi.

Un an après son lancement, malgré l'opposition de la profession, son bilan est plus que mitigé. Considérant que ce dispositif n'est adapté ni aux réalités du métier ni aux besoins des patientes et des patients, seulement 7 % des psychologues se sont conventionnés pour s'inscrire sur la plateforme.

Toutes et tous dénoncent une tarification au rabais de cette prestation, une mise sous tutelle médicale, dans un contexte où l'accès direct est favorisé, un nombre de séances réduit et prédéterminé, contrairement à ce que doit être une approche thérapeutique.

De même se pose la question du devenir et de la prise en charge des patientes et des patients au-delà de ces huit séances, notamment pour les plus modestes d'entre eux.

Très fortement mobilisés depuis plus de deux ans contre MonParcoursPsy, les psychologues dénoncent un mépris total de leur profession et une forme d'ubérisation des soins. Notre groupe avait d'ailleurs voté contre l'article créant ce dispositif dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Cette vision comptable de la prise en charge de la santé mentale s'oppose à la fois à la réalité de la prise en charge globale des patientes et des patients, mais également à la situation économique des Françaises et des Français, dont près de 3 millions n'ont ni complémentaire santé ni aide à la complémentaire santé.

Madame la ministre, alors qu'un rapport vient d'être remis, notamment à Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, et qu'un audit est en cours dans le cadre du Printemps de l'évaluation, mené par les députés Sébastien Peytavie et Pierre Dharréville, pouvez-vous nous dire dans quelle mesure le Gouvernement tiendra compte des critiques émises sur ce dispositif ? Cette politique à l'égard des psychologues doit être repensée.

Cela étant, cette proposition de loi est un premier pas, que nous soutenons.

Je profite de l'occasion qui m'est donnée de m'exprimer pour souligner qu'il est urgent de revoir la rémunération des personnels de santé, notamment celle des sages-femmes. Alors que l'on confie à ces dernières, et à juste titre, de nouvelles prérogatives, elles ne bénéficient d'aucune reconnaissance financière.

En conclusion, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera la proposition de loi. J'espère, madame la ministre, que mes remarques critiques seront suivies de réponses positives.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi s’intéresse à un sujet qui touche une femme sur dix tout en étant presque tabou, à un événement qui a concerné une grossesse sur quatre l’an dernier, tout en étant très peu pris en charge.

Le constat est partagé : la fausse couche a été trop longtemps minimisée et l’accompagnement des couples doit être renforcé. Ce constat s’appuie notamment sur une étude du Lancet, qui décrit le silence et le manque d’empathie autour des fausses couches et qui demande une meilleure prise en charge des femmes non seulement sur le plan médical, mais aussi et surtout sur le plan psychologique.

En effet, l’arrêt spontané d’une grossesse peut être vécu comme un événement traumatique. Au-delà des douleurs et des éventuelles complications médicales, on constate chez certains couples une véritable souffrance liée au deuil d’une parentalité dans laquelle ils s’étaient projetés. Les taux d’anxiété et de dépression ont été mesurés : ils sont plus élevés chez les femmes et leur partenaire après un tel événement. Plus qu’une insuffisance de prise en charge, le professeur Frydman parle d’un « véritable vide juridique ».

Cette proposition de loi prévoit un parcours d’accompagnement médical et psychologique des femmes et de leur partenaire, compte tenu de l’implication croissante de ces derniers dans la grossesse des femmes et dans l’arrivée du bébé, ce que l’on ne peut que saluer. Cette mesure intégrée lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale nous paraît pertinente.

L’autre mesure essentielle de cette proposition de loi a été prise par le Gouvernement, dont nous saluons l’initiative. Le délai de carence lors des arrêts de travail liés à une interruption spontanée de grossesse sera ainsi supprimé.

De même, nous nous félicitons du travail conjoint réalisé par le rapporteur et le Gouvernement, qui devrait permettre, sous réserve de l’adoption d’un amendement, à toutes les femmes de bénéficier de cette mesure, quel que soit leur statut professionnel. Il s’agit d’une question d’équité et de justice.

Sur les jours de congé octroyés par certaines entreprises en cas de fausse couche, l’avis de notre groupe est mitigé. Si la mesure paraît intéressante, nous craignons qu’en n’incitant pas la patiente à consulter, la mesure n’éloigne le couple d’un parcours de soins dont il aurait besoin. Nous pensons en outre qu’elle s’écarte de l’esprit du texte. L’évaluation des expérimentations qui débutent permettra peut-être de lever ces doutes.

La possibilité pour les sages-femmes d’adresser des patients au dispositif MonParcoursPsy, avec à la clé le remboursement de huit séances chez un psychologue conventionné, va évidemment dans le bon sens. Mais le faible déploiement du dispositif fait douter de son efficience et ne permettra probablement pas de répondre à tous les besoins. En effet, à ce jour, moins de 10 % des psychologues en libéral ou en exercice mixte y participent.

Je sais que le Sénat n’est pas favorable aux demandes de rapport – et nous avons eu un large débat sur ce point en commission –, mais il est particulièrement justifié d’évaluer MonParcoursPsy et de le corriger si besoin, notamment parce que la proposition de loi repose en grande partie sur l’efficacité de ce dispositif.

Je défendrai donc, comme ma collègue Annick Billon, un amendement visant à inclure dans le rapport prévu l’an prochain sur MonParcoursPsy une évaluation de l’accessibilité du dispositif aux couples confrontés à une fausse couche.

Pour finir, je tenais à insister, madame la ministre, sur le volet de la prévention. Si les fausses couches sont le plus souvent consécutives à des anomalies génétiques de l’embryon, certains facteurs individuels sont associés à une augmentation du risque : l’âge des parents, un indice de masse corporelle (IMC) très bas ou très élevé, l’alcool, le tabac, le stress, le travail de nuit ou encore l’exposition aux pesticides. La Stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030 inclut la prévention de l’infertilité, mais on peut regretter que les fausses couches ne fassent pas l’objet d’une mention particulière.

Nous avons par ailleurs voté dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 la mise en place de rendez-vous de prévention à des âges clés de la vie, qui pourraient être une excellente occasion d’aborder le sujet auprès des personnes en âge en procréer.

Après toutes ces remarques, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – Mmes Michelle Meunier et Brigitte Devésa applaudissent également.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – Mmes Michelle Meunier et Brigitte Devésa applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Devesa

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ainsi que notre rapporteur nous l'a rappelé, 200 000 femmes sont concernées chaque année en France par une interruption spontanée de grossesse. C'est beaucoup ! En moyenne, une grossesse sur quatre se termine par une fausse couche. C'est un taux élevé.

Cet événement violent n'est pas vécu de la même manière par toutes les femmes : certaines le surmontent, quand d'autres le vivent comme un drame et sont profondément, et durablement, affectées.

L'éducation à la santé et l'accompagnement des couples jouent un grand rôle dans la perception qu'ont les femmes de leurs fausses couches et dans leurs potentielles séquelles psychologiques.

Chers collègues, résistons à la tentation de considérer toutes ces femmes courageuses comme des victimes ; regardons-les plutôt comme des patientes et donnons-leur les moyens de rebondir.

Je remercie notre collègue députée Sandrine Josso d'avoir inscrit à notre agenda politique le sujet de l'accompagnement des couples – et singulièrement des femmes – confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

Sa proposition de loi va dans le bon sens : elle facilite grandement l'accès des patientes à un suivi psychologique et améliore leur suivi médical.

À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a utilement amendé le texte en étendant aux femmes confrontées à une fausse couche le bénéfice d'indemnités journalières sans délai de carence pendant toute la durée de leur arrêt maladie.

Je salue également le travail de notre commission des affaires sociales, et en particulier celui du rapporteur Martin Lévrier, qui a notamment permis de renforcer l'information des couples sur l'interruption spontanée de grossesse et sur les dispositifs d'accompagnement disponibles.

L'information et l'éducation sont en effet la clé d'une approche apaisée de la fausse couche, très souvent naturelle et normale dans la vie d'une femme, bien que toujours difficile.

Chers collègues, ce texte, je le répète, va dans le bon sens. Le groupe Union Centriste y est donc favorable. Mais nous aurions souhaité pouvoir prendre plus de hauteur sur la problématique du parcours de santé des femmes enceintes, en particulier des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse.

Ce texte aurait gagné à s'articuler avec la proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, adoptée en commission mixte paritaire le 6 avril dernier. Dans certains territoires, nous manquons cruellement de gynécologues obstétriciens. Pourtant, sages-femmes et infirmiers en pratique avancée demeurent largement écartés de l'administration des soins, notamment des médicaments, aux femmes concernées par une fausse couche. Cette situation paradoxale contraint de nombreuses femmes à se rendre aux urgences, ce qui accroît d'autant la durée de leur prise en charge et son coût pour la société.

Mes chers collègues, apprenons à faire confiance aux professionnels de santé. Apprenons à faire confiance aux infirmiers en pratique avancée, qui mériteraient d'être plus impliqués dans le protocole d'accompagnement des couples concernés par une fausse couche. Apprenons à faire confiance aux sages-femmes, qui suivent déjà intégralement 40 % des grossesses et sont sans doute les mieux placées pour suivre les personnes en détresse.

Tel est le sens de l'amendement déposé par ma collègue Annick Jacquemet, dont je salue le travail.

Il ne nous faut pas seulement faire confiance, il nous faut nous aussi être dignes de confiance. Rendons-nous dignes de la confiance des professionnels de santé en ouvrant le débat sur la situation matérielle et économique des structures et du monde médical dans notre pays. Force est de constater que cette question est absente du texte examiné aujourd'hui.

Les efforts récents ne compensent pas les rationalisations du passé. Il faut avancer et soutenir notre système de santé. Il faut sortir de l'annualité budgétaire délétère et anticiper les changements induits par l'innovation en santé. Les avancées portées par l'industrie pharmaceutique ou celles des dispositifs médicaux doivent être prises en compte pour adapter notre système en temps voulu.

Au plan humain, les pédiatres et les sages-femmes nous ont prévenus : notre politique prénatale et postnatale souffre de la faible valorisation des personnels et des difficultés de recrutement qui en découlent.

Et pourtant de belles initiatives existent. Les maternités détentrices du label Initiative hôpital ami des bébés (IHAB) traitent avec la plus grande bienveillance les femmes et les jeunes mamans ; je pense par exemple à la maternité du centre hospitalier du Chinonais, dont la réputation est excellente et qui attire les futures mères bien au-delà de sa zone géographique.

À l'inverse, au cours des dernières années, des établissements de santé ont été contraints de concentrer l'activité des sages-femmes en salle de naissance, rognant sur l'accompagnement des patientes avant et après l'accouchement. Le nombre très élevé d'accouchements programmés et le taux important d'épisiotomies dans ces établissements doivent tous nous alerter.

De plus, par manque de moyens et de personnels, les hôpitaux sont parfois obligés de mettre en place des programmes de sortie ultra-précoce, moins de vingt-quatre heures après l'accouchement. C'est paradoxal : les parents sont presque suraccompagnés lors de la préparation à l'accouchement, mais une fois sortis de l'hôpital, c'est le néant !

Enfin, n'oublions pas que 13 départements sont dépourvus de gynécologues et que 77 départements se situent en dessous de la moyenne de 2, 6 gynécologues pour 100 000 femmes en âge de consulter.

Chers collègues, ne nous faisons pas d'illusions : l'accompagnement des patientes ne pourra être complet que si nous y mettons les moyens, en revalorisant notamment la filière des sages-femmes et en impliquant davantage ces dernières dans les protocoles de soins.

Nous devons reconnaître et rémunérer à leur juste valeur ces professionnels de santé, qui bénéficient d'une expérience exceptionnelle et d'une formation qualifiante.

En somme, nous appelons de nos vœux une vaste réflexion sur l'accompagnement et la prise en charge au sein de l'hôpital et par l'hôpital, madame la ministre.

Toutefois, le texte examiné aujourd'hui constitue indéniablement une avancée : le groupe Union Centriste le votera. §

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous remercie pour l'ensemble de vos interventions et je me réjouis de leur caractère transpartisan. Je salue Mme la députée Sandrine Josso, dont je n'avais pas vu la présence en tribune.

L'accompagnement prévu dans le texte est fondamental pour le droit des femmes et pour leur santé, quel que soit leur statut. Tel qu'il a été enrichi, ce texte concerne désormais toutes les femmes. Il permet aussi d'accompagner les couples, dans un moment difficile et douloureux.

Enfin, le texte prévoit une mesure de bientraitance : les femmes qui subiront une fausse couche, ou plutôt une interruption spontanée de grossesse, seront désormais indemnisées dès le premier jour.

Continuons nos travaux de manière aussi transpartisane.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Burgoa

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a le mérite de libérer la parole sur un événement aussi difficile que fréquent pour de nombreuses femmes.

Ce que l’on qualifie encore de « fausse couche » concerne en effet près de 15 % des grossesses et plus d’une femme sur dix y aurait été confrontée. Il s’agit d’un chiffre important, qui reste pourtant trop souvent tabou et qui, en 2023, ne devrait plus l’être.

Ce tabou masque souvent une blessure, mais il peut aussi être le marqueur d’un sentiment de culpabilité qui n’est pas acceptable.

Prenons alors le temps de rappeler que ces fausses couches sont en grande majorité consécutives à des anomalies génétiques de l’embryon, ces dernières faisant obstacle à la poursuite de la grossesse. La probabilité de leur survenue dépend d’ailleurs d’une multitude de facteurs qui peuvent, par exemple, être associés au géniteur.

L’âge de conception du premier enfant étant de plus en plus élevé dans notre société, il est important de s’emparer de ce sujet. J’ai suivi les auditions conduites par notre collègue rapporteur, Martin Lévrier, avec beaucoup d’intérêt, et je l’en remercie.

Aujourd’hui, les couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse, avant la vingt-deuxième semaine d’aménorrhée, ne bénéficient d’aucun dispositif, ce qui laisse penser qu’il s’agit d’un non-événement. Pourtant, les femmes concernées souffrent de saignements importants, de douleurs abdominales et parfois d’infections.

Si les conséquences restent souvent bénignes, il n’empêche que cet événement intervient subitement, alors que la femme qui en est victime peut être en train de faire une présentation ou d’assister à un rendez-vous, bref, être en plein travail. Et puis sa survenue soulève de nombreuses questions.

Il m’apparaît important de saluer ici l’accompagnement accordé par certaines entreprises françaises, qui octroient désormais des congés aux femmes ayant subi une interruption spontanée de grossesse.

Cet accompagnement mérite d’autant plus d’être salué que ces interruptions interviennent au cours des trois premiers mois de la grossesse, laquelle, très souvent, n’a pas encore été annoncée aux proches. C’est d’ailleurs ce non-dit qui participe à l’isolement des couples, leurs questions restant sans réponse. Et c’est ce même isolement qui est le terreau fertile de répercussions psychologiques.

En effet, un mois après l’interruption spontanée de leur grossesse, 24 % des femmes souffrent d’anxiété et 11 % de dépression.

L’article 1er A de la présente proposition de loi fait obligation aux agences régionales de santé de mettre en place un « parcours interruption spontanée de grossesse » associant médecins, sages-femmes et psychologues. Les objectifs de ce parcours sont le développement de la formation des professionnelles et l’amélioration du suivi psychologique et médical des patientes et de leur partenaire.

Ces dispositions ont évidemment été accueillies favorablement en commission, même si nous avons adopté deux amendements sur cet article : l’un vise à substituer à l’expression « fausse couche », souvent perçue comme stigmatisante, les termes « interruption spontanée de grossesse » ; l’autre à renforcer les objectifs d’information qui leur sont assignés. En effet, il est essentiel que toutes les femmes puissent recevoir des renseignements complets sur les dispositifs d’accompagnement disponibles.

L’article 1er favorise également l’accompagnement psychologique des couples en permettant aux sages-femmes d’adresser leurs patientes à un psychologue conventionné. Sur le principe, c’est une bonne chose, mais – disons-le – le dispositif MonParcoursPsy doit véritablement être amélioré, tant le déficit de professionnels est criant. Aujourd’hui, 93 % de la profession semble boycotter ce dispositif, dont certains dénoncent les conséquences délétères sur l’organisation des soins en santé mentale et sa propension à creuser les inégalités d’accès aux soins.

Quant à l’article 1er B, il prévoit la suppression du délai de carence applicable aux arrêts maladie liés à une interruption spontanée pour les assurées du régime général et assimilées, pour les agentes publiques et pour les assurées des régimes spéciaux. Le texte, et c’est une excellente chose, prévoit de desserrer les contraintes financières pesant sur les femmes concernées en permettant une indemnisation dès le premier jour d’arrêt.

Notre collègue rapporteur a déposé un amendement visant à en étendre le bénéfice de cette disposition aux indépendantes et invite le Gouvernement à faire de même pour les non-salariées agricoles afin, vous l’aurez compris, de l’étendre à toutes les assurées sociales, ce qui serait une mesure de justice que je soutiens. Je remercie Mme la ministre d’avoir déposé un amendement en ce sens.

Enfin, puisque je viens d’évoquer un vœu de notre rapporteur, permettez-moi de formuler également le mien !

J’ai rencontré des représentants de sages-femmes, qui m’ont interpellé sur le fait que leur profession peut bel et bien prescrire du misoprostol dans les cas – très souvent difficiles – d’interruptions volontaires de grossesse (IVG), mais qu’elle ne le peut pas dans les cas bien plus courants d’interruption spontanée. Les sages-femmes doivent alors réorienter leurs patientes vers les urgences, dont ce n’est pas le rôle, ce qui rend le parcours de soin de ces femmes plus difficile encore.

Aussi, une telle prescription relevant du domaine réglementaire, je vous invite, madame la ministre, à modifier le décret concerné afin de l’autoriser dans les cas d’interruption spontanée, jusqu’à neuf semaines d’aménorrhée.

Pour conclure, bien que cette proposition de loi ne règle pas toutes les difficultés, elle contient des avancées qu’il convient de soutenir ; c’est ce que le groupe Les Républicains fera en la votant.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Burgoa

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a le mérite de libérer la parole sur un événement aussi difficile que fréquent pour de nombreuses femmes.

Ce que l’on qualifie encore de « fausse couche » concerne en effet près de 15 % des grossesses et plus d’une femme sur dix y aurait été confrontée. Il s’agit d’un chiffre important, qui reste pourtant trop souvent tabou et qui, en 2023, ne devrait plus l’être.

Ce tabou masque souvent une blessure, mais il peut aussi être le marqueur d’un sentiment de culpabilité qui n’est pas acceptable.

Prenons alors le temps de rappeler que ces fausses couches sont en grande majorité consécutives à des anomalies génétiques de l’embryon, ces dernières faisant obstacle à la poursuite de la grossesse. La probabilité de leur survenue dépend d’ailleurs d’une multitude de facteurs qui peuvent, par exemple, être associés au géniteur.

L’âge de conception du premier enfant étant de plus en plus élevé dans notre société, il est important de s’emparer de ce sujet. J’ai suivi les auditions conduites par notre collègue rapporteur, Martin Lévrier, avec beaucoup d’intérêt, et je l’en remercie.

Aujourd’hui, les couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse, avant la vingt-deuxième semaine d’aménorrhée, ne bénéficient d’aucun dispositif, ce qui laisse penser qu’il s’agit d’un non-événement. Pourtant, les femmes concernées souffrent de saignements importants, de douleurs abdominales et parfois d’infections.

Si les conséquences restent souvent bénignes, il n’empêche que cet événement intervient subitement, alors que la femme qui en est victime peut être en train de faire une présentation ou d’assister à un rendez-vous, bref, être en plein travail. Et puis sa survenue soulève de nombreuses questions.

Il m’apparaît important de saluer ici l’accompagnement accordé par certaines entreprises françaises, qui octroient désormais des congés aux femmes ayant subi une interruption spontanée de grossesse.

Cet accompagnement mérite d’autant plus d’être salué que ces interruptions interviennent au cours des trois premiers mois de la grossesse, laquelle, très souvent, n’a pas encore été annoncée aux proches. C’est d’ailleurs ce non-dit qui participe à l’isolement des couples, leurs questions restant sans réponse. Et c’est ce même isolement qui est le terreau fertile de répercussions psychologiques.

En effet, un mois après l’interruption spontanée de leur grossesse, 24 % des femmes souffrent d’anxiété et 11 % de dépression.

L’article 1er A de la présente proposition de loi fait obligation aux agences régionales de santé de mettre en place un « parcours interruption spontanée de grossesse » associant médecins, sages-femmes et psychologues. Les objectifs de ce parcours sont le développement de la formation des professionnelles et l’amélioration du suivi psychologique et médical des patientes et de leur partenaire.

Ces dispositions ont évidemment été accueillies favorablement en commission, même si nous avons adopté deux amendements sur cet article : l’un vise à substituer à l’expression « fausse couche », souvent perçue comme stigmatisante, les termes « interruption spontanée de grossesse » ; l’autre à renforcer les objectifs d’information qui leur sont assignés. En effet, il est essentiel que toutes les femmes puissent recevoir des renseignements complets sur les dispositifs d’accompagnement disponibles.

L’article 1er favorise également l’accompagnement psychologique des couples en permettant aux sages-femmes d’adresser leurs patientes à un psychologue conventionné. Sur le principe, c’est une bonne chose, mais – disons-le – le dispositif MonParcoursPsy doit véritablement être amélioré, tant le déficit de professionnels est criant. Aujourd’hui, 93 % de la profession semble boycotter ce dispositif, dont certains dénoncent les conséquences délétères sur l’organisation des soins en santé mentale et sa propension à creuser les inégalités d’accès aux soins.

Quant à l’article 1er B, il prévoit la suppression du délai de carence applicable aux arrêts maladie liés à une interruption spontanée pour les assurées du régime général et assimilées, pour les agentes publiques et pour les assurées des régimes spéciaux. Le texte, et c’est une excellente chose, prévoit de desserrer les contraintes financières pesant sur les femmes concernées en permettant une indemnisation dès le premier jour d’arrêt.

Notre collègue rapporteur a déposé un amendement visant à en étendre le bénéfice de cette disposition aux indépendantes et invite le Gouvernement à faire de même pour les non-salariées agricoles afin, vous l’aurez compris, de l’étendre à toutes les assurées sociales, ce qui serait une mesure de justice que je soutiens. Je remercie Mme la ministre d’avoir déposé un amendement en ce sens.

Enfin, puisque je viens d’évoquer un vœu de notre rapporteur, permettez-moi de formuler également le mien !

J’ai rencontré des représentants de sages-femmes, qui m’ont interpellé sur le fait que leur profession peut bel et bien prescrire du misoprostol dans les cas – très souvent difficiles – d’interruptions volontaires de grossesse (IVG), mais qu’elle ne le peut pas dans les cas bien plus courants d’interruption spontanée. Les sages-femmes doivent alors réorienter leurs patientes vers les urgences, dont ce n’est pas le rôle, ce qui rend le parcours de soins de ces femmes plus difficile encore.

Aussi, une telle prescription relevant du domaine réglementaire, je vous invite, madame la ministre, à modifier le décret concerné afin de l’autoriser dans les cas d’interruption spontanée, jusqu’à neuf semaines d’aménorrhée.

Pour conclure, bien que cette proposition de loi ne règle pas toutes les difficultés, elle contient des avancées qu’il convient de soutenir ; c’est ce que le groupe Les Républicains fera en la votant.

Mme Colette Mélot applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.

La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq,

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, qui ne connaît pas au moins une femme ayant été confrontée à une fausse couche dans son entourage plus ou moins proche ? Pour cause, cet événement touche environ 200 000 femmes par an en France et concerne une grossesse sur quatre. Les interruptions spontanées de grossesse (ISG) sont donc des événements fréquents. Mais ce n’est pas parce qu’un événement est fréquent qu’il est banal pour la personne qui le vit.

Je tiens avant tout à saluer la qualité des échanges qui se sont tenus en commission sur un sujet aussi délicat. Comme cela a été rappelé au cours de l’examen du texte, une interruption spontanée de grossesse n’est pas nécessairement vécue comme un traumatisme ou une souffrance. C’est un point important qu’il est nécessaire de rappeler, ne serait-ce que pour éviter aux femmes qui ne le vivent pas comme un drame de se penser insensibles.

Certaines femmes vivent néanmoins un tel événement comme un choc, un traumatisme, voire comme la véritable perte d’un enfant dans lequel elles s’étaient projetées. Et quand il s’agit non pas d’une interruption spontanée de grossesse isolée, mais de la troisième ou de la quatrième, elle peut être vécue de façon particulièrement difficile.

Chaque femme vit donc cet événement différemment et d’une manière qui lui est propre. Il ne doit être ni banalisé ni dramatisé. Il doit simplement faire l’objet d’un accompagnement spécifique, adapté à la façon dont la femme qui y est confrontée le vit. C’est ce que tend à prévoir le présent texte, qui vise à permettre aux couples qui le vivraient comme un traumatisme d’être mieux accompagnés sur le plan psychologique, voire accompagnés tout court. Car s’il est un point commun à tous les différents vécus à la suite d’une ISG, c’est le tabou dont ils sont l’objet.

Combien de femmes font une fausse couche le lundi soir et retournent travailler le mardi matin, comme si de rien n’était ? Combien, parmi celles qui le vivent comme un drame, en parlent ensuite avec un psychologue ?

La mise en place d’un « parcours interruption spontanée de grossesse » par chaque ARS, telle que le prévoit le texte, constitue une première étape indispensable pour améliorer l’accompagnement des femmes sur ce sujet. Développer la coordination et la formation des médecins, des sages-femmes et des psychologues, ainsi que la bonne information des femmes sur ce sujet, est en effet primordial.

Le texte prévoit également la possibilité pour les sages-femmes d’adresser leurs patientes victimes d’une ISG, ainsi que leur partenaire, à un psychologue dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy. Les sages-femmes réalisent, pas toujours dans les meilleures conditions, un travail formidable, et sont au plus près des patientes. Cette mesure est une juste reconnaissance de leur rôle fondamental.

En commission s’est aussi posée la question de la création d’un congé spécial à la suite d’une ISG. Nous n’y sommes pas favorables, car il risquerait de conduire à la stigmatisation des femmes en entreprise. Nous pensons que la suppression du délai de carence dans le cadre d’un arrêt maladie faisant suite à une ISG, comme le prévoit le texte, représente déjà une avancée satisfaisante.

Enfin, n’oublions pas que l’essentiel de ce texte repose sur le dispositif MonParcoursPsy, dont l’efficacité est discutable, en raison du manque de professionnels volontaires. Il est donc essentiel de renforcer la participation des psychologues pour que ce dispositif soit efficace. Plus largement, c’est sur la santé mentale en général dans notre pays qu’il est urgent d’avancer.

Avant de conclure, j’insisterai sur le rôle que peuvent jouer, d’une part, l’éducation en milieu scolaire, notamment en matière sexuelle, laquelle n’est pas encore assez développée pour aider vraiment la jeunesse à se construire, et, d’autre part, la sensibilisation à la prévention – cette remarque est valable dans de nombreux domaines.

Notre groupe votera ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, qui ne connaît pas au moins une femme ayant été confrontée à une fausse couche dans son entourage plus ou moins proche ? Pour cause, cet événement touche environ 200 000 femmes par an en France et concerne une grossesse sur quatre. Les interruptions spontanées de grossesse (ISG) sont donc des événements fréquents. Mais ce n’est pas parce qu’un événement est fréquent qu’il est banal pour la personne qui le vit.

Je tiens avant tout à saluer la qualité des échanges qui se sont tenus en commission sur un sujet aussi délicat. Comme cela a été rappelé au cours de l’examen du texte, une interruption spontanée de grossesse n’est pas nécessairement vécue comme un traumatisme ou une souffrance. C’est un point important qu’il est nécessaire de rappeler, ne serait-ce que pour éviter aux femmes qui ne le vivent pas comme un drame de se penser insensibles.

Certaines femmes vivent néanmoins un tel événement comme un choc, un traumatisme, voire comme la véritable perte d’un enfant dans lequel elles s’étaient projetées. Et quand il s’agit non pas d’une interruption spontanée de grossesse isolée, mais de la troisième ou de la quatrième, elle peut être vécue de façon particulièrement difficile.

Chaque femme vit donc cet événement différemment et d’une manière qui lui est propre. Il ne doit être ni banalisé ni dramatisé. Il doit simplement faire l’objet d’un accompagnement spécifique, adapté à la façon dont la femme qui y est confrontée le vit. C’est ce que tend à prévoir le présent texte, qui vise à permettre aux couples qui le vivraient comme un traumatisme d’être mieux accompagnés sur le plan psychologique, voire accompagnés tout court. Car s’il est un point commun à tous les différents vécus à la suite d’une ISG, c’est le tabou dont ils sont l’objet.

Combien de femmes font une fausse couche le lundi soir et retournent travailler le mardi matin, comme si de rien n’était ? Combien, parmi celles qui le vivent comme un drame, en parlent ensuite avec un psychologue ?

La mise en place d’un « parcours interruption spontanée de grossesse » par chaque ARS, comme le prévoit le texte, constitue une première étape indispensable pour améliorer l’accompagnement des femmes sur ce sujet. Développer la coordination et la formation des médecins, des sages-femmes et des psychologues, ainsi que la bonne information des femmes sur ce sujet, est en effet primordial.

Le texte prévoit également la possibilité pour les sages-femmes d’adresser leurs patientes victimes d’une ISG, ainsi que leur partenaire, à un psychologue dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy. Les sages-femmes réalisent, pas toujours dans les meilleures conditions, un travail formidable, et sont au plus près des patientes. Cette mesure est une juste reconnaissance de leur rôle fondamental.

En commission s’est aussi posée la question de la création d’un congé spécial à la suite d’une ISG. Nous n’y sommes pas favorables, car il risquerait de conduire à la stigmatisation des femmes en entreprise. Nous pensons que la suppression du délai de carence dans le cadre d’un arrêt maladie faisant suite à une ISG, comme le prévoit le texte, représente déjà une avancée satisfaisante.

Enfin, n’oublions pas que l’essentiel de ce texte repose sur le dispositif MonParcoursPsy, dont l’efficacité est discutable, en raison du manque de professionnels volontaires. Il est donc essentiel de renforcer la participation des psychologues pour que ce dispositif soit efficace. Plus largement, c’est sur la santé mentale en général dans notre pays qu’il est urgent d’avancer.

Avant de conclure, j’insisterai sur le rôle que peuvent jouer, d’une part, l’éducation en milieu scolaire, notamment en matière sexuelle, laquelle n’est pas encore assez développée pour aider vraiment la jeunesse à se construire, et, d’autre part, la sensibilisation à la prévention – cette remarque est valable dans de nombreux domaines.

Notre groupe votera ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une fausse couche.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.

Photo de Raymonde Poncet Monge

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps pendant trois jours. » ; « J’étais haineuse, je détestais la planète entière. » ; « En sortant de chez le docteur, tout d’un coup, je me suis effondrée. » ; « Je vois toutes les copines, elles ont des bébés, tout va bien, qu’est-ce que j’ai fait de mal ? »

Ce sont là les témoignages de femmes qui ont vécu des fausses couches et qui se sont confiées à une équipe de chercheurs et de chercheuses autour de Natalène Séjourné.

Parfois, une fausse couche peut être extrêmement traumatisante pour la femme, du fait de la perte, certes, mais aussi parce qu’elle reste un non-dit et donc, de fait, un tabou.

Pourtant, les fausses couches existent bel et bien. En France, chaque année, 200 000 femmes en vivent une. Un quart des grossesses sont ainsi interrompues.

Quand, malgré ce tabou, on parle de ces fausses couches, elles sont présentées comme des échecs, des défauts. Dès lors, il est peu surprenant que seul un petit nombre de femmes osent en parler, même à leur famille, même à leurs amies les plus proches. Ce tabou étouffe les femmes qui ont fait une fausse couche et qui en souffrent. Il faut améliorer l’accompagnement de ces femmes et de leur partenaire qui en ont besoin.

C’est pourquoi cette proposition de loi est une étape importante. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires en est reconnaissant à la députée Sandrine Josso.

Monsieur le rapporteur, merci pour votre travail, qui améliore le texte à plusieurs égards. Nous apprécions que vous systématisiez l’expression « interruption spontanée de grossesse » et que vous souteniez le versement immédiat des indemnités journalières.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient évidemment cette proposition de loi et ne doute pas qu’elle trouvera un large soutien transpartisan.

Mélanie Vogel, à qui je prête ma voix le temps qu’elle retrouve la sienne, a suivi cette proposition de loi et souhaitait poser une question. Pourquoi ne permettons-nous pas à un couple de se reposer après une fausse couche, qui peut être traumatisante ? Pourquoi ne libérons-nous pas du temps pour que le couple engage un travail du deuil ?

Imaginez que vous ayez projeté d’avoir un enfant, et puis soudainement, rien. Les couples qui le souhaitent doivent avoir le temps de se poser et de se reposer.

D’autres pays reconnaissent déjà ce besoin : un congé spécial de trois jours après une fausse couche existe en Nouvelle-Zélande ; aux Philippines, les femmes bénéficient d’indemnités de maternité jusqu’à soixante jours en cas de fausse couche ; jusqu’à six semaines en Inde.

En France, la loi ne prévoit rien. Mais cela commence à changer : depuis quelques semaines, les salariées de la convention collective Syntec peuvent demander un congé spécial après une fausse couche.

À nous d’inscrire ce congé dans le droit du travail et de l’ouvrir à l’ensemble des salariées. À nous de permettre aux couples qui en ont besoin de se reposer quelques jours après une interruption spontanée de grossesse.

C’est pourquoi notre groupe demande la création d’un congé spécial de trois jours au bénéfice des couples. Il me semble que ce n’est pas trop demander.

Un tel congé serait bien évidemment non pas une obligation, mais une possibilité : il appartiendrait à la femme et à sa ou à son partenaire de décider de le prendre ou non. Il doit être ouvert au couple, je le précise, pour éviter tout risque de stigmatisation.

Pourquoi un tel congé ? Parce que le travail est une charge quand on est en deuil après une fausse couche, mais aussi parce que cette mesure serait une aide concrète après une fausse couche. Les autres mesures de ce texte n’en seront que plus efficaces.

Enfin, il est juste que le Gouvernement ait enfin accepté de verser les indemnités journalières dès le premier jour pour les femmes en incapacité de travailler après une fausse couche : nous l’en remercions.

Saisissons cette occasion pour faire reculer le tabou – grâce notamment au congé spécial – et permettre aux femmes de bénéficier d’une grande avancée.

Nous soutenons bien évidemment ce texte, mais nous vous proposons d’aller plus loin. C’est possible et nécessaire.

Photo de Pierre Laurent

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1 rectifié quinquies, présenté par Mmes Jacquemet et Guidez, MM. Canévet, Le Nay et Henno, Mmes Billon, Saint-Pé et Perrot, M. Longeot, Mme Gatel, M. Duffourg, Mme Sollogoub, MM. Détraigne et J.M. Arnaud, Mmes Doineau et Devésa et M. Chauvet, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 2122 -6…. – L'interruption spontanée de grossesse peut être traitée par un médecin ou une sage-femme, profession médicale à part entière, quel que soit le lieu où elle exerce.

La parole est à Mme Brigitte Devésa.

Photo de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Photo de Brigitte Devesa

Cet amendement vise à renforcer l'ambition de cette proposition de loi en permettant une prise en charge globale de l'interruption spontanée de grossesse par les sages-femmes.

Je rappelle que 40 % du suivi des grossesses est actuellement assuré par une sage-femme et que ce chiffre est en constante augmentation du fait de la démographie décroissante des gynécologues obstétriciens.

Les sages-femmes assurent déjà le suivi des grossesses physiologiques, le suivi gynécologique de prévention et les interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses et instrumentales.

Pourtant, lorsqu'une patiente présente une fausse couche, la sage-femme n'est pas habilitée à lui administrer les médicaments adéquats, car les textes n'ont pas évolué en même temps que ceux qui concernent l'IVG. Une sage-femme peut donc administrer les médicaments appropriés lorsque la patiente décide elle-même d'interrompre sa grossesse, dans le cas d'une IVG médicamenteuse, mais il n'est pas possible de le faire lorsqu'il s'agit d'une fausse couche, alors même que les médicaments sont identiques et à la disposition de la sage-femme.

Cette situation accroît l'angoisse des patientes, redirigées vers les urgences, et crée un surcoût pour la sécurité sociale.

S'il était adopté, cet amendement permettrait une meilleure prise en charge des personnes concernées par un professionnel de santé de leur choix qu'elles connaissent, lequel pourrait ensuite les recevoir plus facilement et surveiller leur état psychologique.

Photo de Pierre Laurent

L'amendement n° 4, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 2122 -6…. – L'interruption spontanée de grossesse peut être traitée par un médecin ou une sage-femme, quel que soit le lieu d'exercice.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Photo de Patricia Schillinger

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le corps des femmes et tout ce qui s’y rapporte sont encore trop souvent tabous. En nous saisissant de la question des femmes victimes de fausse couche, je me réjouis, avec le groupe RDPI, que notre chambre contribue à éclairer un non-dit.

Je tiens tout d’abord à saluer le travail de Sandrine Josso, auteure de cette proposition de loi, que je remercie de s’être saisie de ce sujet sensible et important.

Ce sujet est important, au regard du nombre de femmes concernées : environ 200 000 fausses couches sont dénombrées chaque année en France. Alors que l’on estime qu’une femme sur quatre y est confrontée au moins une fois au cours de sa vie, la fréquence de ce phénomène contraste avec le peu, voire l’absence, d’accompagnement proposé à ces femmes.

En effet, les interruptions spontanées de grossesse ne sont que rarement considérées comme un problème médicalement grave. Pourtant, entre 20 % et 55 % des femmes présentent des symptômes dépressifs après une fausse couche, tandis que 15 % connaissent un état de stress post-traumatique.

La douleur et le traumatisme induits par une fausse couche ne sont pas proportionnels à l’âge gestationnel. On peut, très tôt dans la grossesse, s’être projeté en tant que parent et s’être préparé à l’accueil d’un enfant. Lorsque tout s’arrête brutalement, c’est non pas de la grossesse qu’il faut faire le deuil, mais bien de cet enfant dont on préparait déjà la venue.

Bien sûr, en pareille situation, le ressenti de chacun peut différer, mais il est important de pouvoir proposer un accompagnement psychologique adapté aux femmes et à leur conjoint, dont la santé mentale peut être affectée par une interruption spontanée de grossesse. C’est ce que permet cette proposition de loi en habilitant les sages-femmes à adresser leurs patientes à un psychologue dans le cadre de MonParcoursPsy.

À l’issue de son passage en commission à l’Assemblée nationale, cette habilitation vaut désormais pour tout type de situation liée à la grossesse.

Autre apport de l’Assemblée nationale : l’extension, en cas de fausse couche, de cet accompagnement au ou à la partenaire de la patiente.

Ces deux améliorations vont dans le bon sens. Elles contribuent à la reconnaissance de la souffrance de ces femmes et de leur conjoint et à souligner le rôle capital des sages-femmes dans l’accompagnement de la grossesse.

Il y a un autre apport de l’Assemblée nationale que je tiens à saluer : la mise en place d’ici au mois de septembre 2024, par chaque agence régionale de santé, d’un parcours « interruption spontanée de grossesse ».

Notre rapporteur Martin Lévrier a tenu à renforcer les objectifs d’information dans le cadre de ce parcours et je ne peux que souscrire à cet objectif, tant cela est nécessaire pour prévenir le sentiment d’isolement et d’incompréhension auxquels ces femmes et leur partenaire font face et pour y répondre.

Je salue également la suppression du délai de carence pour l’indemnisation des arrêts de travail consécutifs à une interruption spontanée de grossesse, soutenue à l’Assemblée nationale par le Gouvernement. Son extension aux indépendants, grâce à notre rapporteur, mérite d’être soulignée : c’est un apport pertinent.

Les sénateurs du groupe RDPI voteront donc ce texte, porteur d’une avancée significative pour le droit des femmes, tout particulièrement pour leur droit à la santé. Je me réjouis du consensus transpartisan auquel l’examen de ce texte a donné lieu.

Photo de Laurence Cohen

Depuis des années, notre groupe demande à revaloriser le métier et les rémunérations des sages-femmes. La mobilisation de leurs organisations syndicales, que nous avons relayée régulièrement dans cet hémicycle, porte ses fruits puisque de nombreuses compétences supplémentaires leur sont dévolues, ce qui est une reconnaissance.

Néanmoins, nous regrettons, comme je l'ai indiqué en discussion générale, que l'addition de nouvelles compétences ne fasse pas l'objet, en parallèle, d'une revalorisation de leur rémunération. Nous espérons donc que des négociations salariales seront prochainement menées avec le ministère de la santé et que le numerus apertus en maïeutique sera relevé pour faire face aux besoins actuels et futurs.

En attendant, cet amendement, qui est proche de celui que vient de présenter ma collègue centriste, reprend une proposition de l'Union nationale et syndicale des sages-femmes (UNSSF) afin que l'interruption spontanée de grossesse soit traitée par la profession. Les sages-femmes ne doivent pas être limitées à un rôle de prescription de l'accompagnement psychologique : elles doivent véritablement prendre en charge dans leur globalité les fausses couches.

Cette prise en charge, comme cela a été souligné, s'inscrirait à la suite de l'accompagnement déjà existant du suivi des grossesses, du suivi gynécologique de prévention et des IVG médicamenteuses et instrumentales. Ainsi, les sages-femmes seraient habilitées à administrer les médicaments à la patiente confrontée à une fausse couche au même titre que dans les cas d'IVG médicamenteuses.

Tel est le sens de notre amendement, dont l'objet est quasi similaire aux deux autres que défendent des collègues d'autres groupes.

Photo de Pierre Laurent

L'amendement n° 14, présenté par Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 2122 -6…. – L'interruption spontanée de grossesse peut être traitée par un médecin ou une sage-femme.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Photo de Émilienne Poumirol

L'amendement du groupe SER va dans le même sens puisque nous aussi nous défendons depuis plusieurs années l'importance du rôle des sages-femmes, soulignant que ce métier est à caractère médical et non paramédical.

Nous avons aussi travaillé à la mise en place d'une sixième année d'études, qui était souhaitée par les sages-femmes pour disposer d'une formation complète. Vous savez que leur rôle actuel est celui de la prévention, avec une vision holistique de la santé des femmes.

Au-delà des situations liées aux fausses couches elles-mêmes, les sages-femmes sont amenées à assurer 40 % du suivi des grossesses. On ne peut que constater que ce taux est en augmentation : assurant le suivi des grossesses physiologiques, le suivi gynécologique de prévention et les IVG alors que la démographie gynéco-médicale ne fait que fondre à vue d'œil, leur rôle est de plus en plus important.

Il paraît donc contradictoire qu'une sage-femme ne puisse pas administrer pour une fausse couche spontanée les médicaments qu'elle a le droit de prescrire aux patientes qui décident d'interrompre elles-mêmes leur grossesse. Ce vide juridique a de lourdes conséquences sur le parcours de soins des intéressées puisque les sages-femmes sont obligées de les renvoyer vers des médecins, voire aux urgences.

Alors qu'un amendement vise à inclure dans le « parcours fausse couche » les infirmiers en pratique avancée exerçant au sein des services d'urgences, il serait contradictoire de le refuser aux sages-femmes. Cela ne fera que renforcer l'angoisse et la détresse des patientes concernées tout en imposant un examen médical supplémentaire, ce qui n'est pas bénéfique pour les comptes de la sécurité sociale.

Cet amendement répond à une forte demande des sages-femmes, qui paraît absolument justifiée. Il serait donc opportun d'aller dans cette direction.

Photo de Émilienne Poumirol

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objectif de renforcer la prise en charge médicale et psychologique des femmes et, le cas échéant, de leur partenaire, après une interruption spontanée de grossesse (ISG) survenue avant la vingt-deuxième semaine d’aménorrhée.

D’après un rapport de 2021 de la revue scientifique britannique The Lancet, environ 23 millions de fausses couches se produisent chaque année dans le monde, soit 15 % du total des grossesses. Une femme sur dix est concernée. En France, 200 000 femmes sont confrontées à une ISG chaque année.

Le rapport appelait à prendre au sérieux les troubles liés à une fausse couche et recommandait que les femmes puissent bénéficier d’un suivi minimum, notamment d’un soutien psychologique pour le couple et de conseils avant des grossesses ultérieures.

Bien qu’elle soit dans la majorité des cas considérée comme bénigne sur le plan médical, une telle interruption de grossesse peut avoir des conséquences psychologiques et psychiques très importantes chez certaines femmes et leur partenaire, même à un stade précoce de la grossesse.

Cette dimension psychique reste sous-estimée en France, voire oubliée dans la prise en charge des fausses couches spontanées : bien entendu, les professionnels médicaux prennent en charge l’aspect purement médical de ces interruptions, mais ils sont peu formés au savoir-dire, ainsi qu’à l’annonce et à l’accompagnement des patientes.

Face à ce phénomène, des initiatives locales, que je salue, ont vu le jour pour accompagner les femmes et améliorer l’information. Ainsi, dans mon département de la Haute-Garonne, l’association L’école des parents et des éducateurs a élaboré un livret comportant notamment les coordonnées de personnes à contacter en cas de besoin : psychologues référents, associations spécialisées, groupes de parole, etc.

Le sujet dont nous nous saisissons aujourd’hui ne nécessite pas nécessairement de cadre contraignant : il devrait faire partie de la déontologie des professionnels médicaux.

Je me réjouis néanmoins des avancées sur ce sujet, encore trop tabou et invisibilisé. Il est désormais indispensable d’accompagner ces situations dans le cadre d’une approche globale, holistique, de la santé de la femme.

L’article 1er A de la proposition de loi crée un parcours, judicieusement rebaptisé « parcours interruption spontanée de grossesse » par notre rapporteur, que je remercie.

Ce parcours sera mis en place par les agences régionales de santé et associera médecins, sages-femmes et psychologues, afin de développer la formation des professionnels, d’améliorer l’orientation des femmes et de faciliter leur accès à un suivi psychologique.

Dans l’objectif de faciliter le suivi, nous avons déposé un amendement visant à permettre aux sages-femmes de traiter et d’administrer les médicaments nécessaires à une ISG et ainsi de prendre en charge de manière globale les femmes face à une fausse couche.

L’article 1er B du texte supprime le délai de carence applicable aux arrêts maladie consécutifs à une interruption spontanée de grossesse pour les assurées du régime général et assimilées, pour les agentes publiques et pour les assurées des régimes spéciaux.

Je salue le travail du rapporteur qui a élargi le bénéfice de cette disposition aux travailleurs indépendants. Madame la ministre, je me joins à son souhait de voir cette mesure également appliquée aux non-salariées agricoles, dans un souci d’égalité entre les femmes, quel que soit leur statut.

Mais nous pouvons aller plus loin : comme le groupe GEST, nous proposons de mettre en place un congé spécial de trois jours pour les femmes confrontées à une telle interruption de grossesse. Certaines femmes choisiront peut-être de ne pas y avoir recours de peur d’être discriminées sur leur lieu de travail, mais ce congé n’en demeure pas moins un droit nouveau pour les femmes. Elles auront ainsi le choix, notamment celui ne pas dépendre de leur médecin pour bénéficier d’un nécessaire temps de récupération.

Enfin, la proposition de loi améliore l’accompagnement psychologique des couples concernés, qui pourront être orientés vers MonParcoursPsy.

Si nous partageons l’ambition de cette mesure, nous pensons que sa portée risque d’être limitée, la psychiatrie restant le parent pauvre de la médecine. En outre, les consultations en ambulatoire dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy, mises en place depuis plus d’un an, n’ont bénéficié en 2022 qu’à 76 000 patientes.

Nous le savons, ce dispositif a été très mal accueilli par les psychologues. Moins de 10 % d’entre eux exerçant en libéral y ont adhéré. Ce nombre est très insuffisant au regard des besoins identifiés. Aussi, j’appelle le Gouvernement à retravailler ce dispositif en concertation avec les psychologues, afin de le rendre pleinement opérationnel.

Le groupe SER, profondément engagé dans la protection de la santé des femmes, qu’elle soit mentale ou physique, partage la volonté d’accompagner davantage les femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse, ainsi que leur partenaire. Il soutiendra donc cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objectif de renforcer la prise en charge médicale et psychologique des femmes et, le cas échéant, de leur partenaire, après une ISG survenue avant la vingt-deuxième semaine d’aménorrhée.

D’après un rapport de 2021 de la revue scientifique britannique The Lancet, environ 23 millions de fausses couches se produisent chaque année dans le monde, soit 15 % du total des grossesses. Une femme sur dix est concernée. En France, 200 000 femmes sont confrontées à une ISG chaque année.

Le rapport appelait à prendre au sérieux les troubles liés à une fausse couche et recommandait que les femmes puissent bénéficier d’un suivi minimum, notamment d’un soutien psychologique pour le couple et de conseils avant des grossesses ultérieures.

Bien qu’elle soit dans la majorité des cas considérée comme bénigne sur le plan médical, une telle interruption de grossesse peut avoir des conséquences psychologiques et psychiques très importantes chez certaines femmes et leur partenaire, même à un stade précoce de la grossesse.

Cette dimension psychique reste sous-estimée en France, voire oubliée dans la prise en charge des fausses couches spontanées : bien entendu, les professionnels médicaux prennent en charge l’aspect purement médical de ces interruptions, mais ils sont peu formés au savoir-dire, ainsi qu’à l’annonce et à l’accompagnement des patientes.

Face à ce phénomène, des initiatives locales, que je salue, ont vu le jour pour accompagner les femmes et améliorer l’information. Ainsi, dans mon département de la Haute-Garonne, l’association L’école des parents et des éducateurs a élaboré un livret comportant notamment les coordonnées de personnes à contacter en cas de besoin : psychologues référents, associations spécialisées, groupes de parole, etc.

Le sujet dont nous nous saisissons aujourd’hui ne nécessite pas nécessairement de cadre contraignant : il devrait faire partie de la déontologie des professionnels médicaux.

Je me réjouis néanmoins des avancées sur ce sujet, encore trop tabou et invisibilisé. Il est désormais indispensable d’accompagner ces situations dans le cadre d’une approche globale, holistique, de la santé de la femme.

L’article 1er A de la proposition de loi crée un parcours, judicieusement rebaptisé « parcours interruption spontanée de grossesse » par notre rapporteur, que je remercie.

Ce parcours sera mis en place par les agences régionales de santé et associera médecins, sages-femmes et psychologues, afin de développer la formation des professionnels, d’améliorer l’orientation des femmes et de faciliter leur accès à un suivi psychologique.

Dans l’objectif de faciliter le suivi, nous avons déposé un amendement visant à permettre aux sages-femmes de traiter et d’administrer les médicaments nécessaires à une ISG et ainsi de prendre en charge de manière globale les femmes face à une fausse couche.

L’article 1er B du texte supprime le délai de carence applicable aux arrêts maladie consécutifs à une interruption spontanée de grossesse pour les assurées du régime général et assimilées, pour les agentes publiques et pour les assurées des régimes spéciaux.

Je salue le travail du rapporteur qui a élargi le bénéfice de cette disposition aux travailleurs indépendants. Madame la ministre, je me joins à son souhait de voir cette mesure également appliquée aux non-salariées agricoles, dans un souci d’égalité entre les femmes, quel que soit leur statut.

Mais nous pouvons aller plus loin : comme le groupe GEST, nous proposons de mettre en place un congé spécial de trois jours pour les femmes confrontées à une telle interruption de grossesse. Certaines femmes choisiront peut-être de ne pas y avoir recours de peur d’être discriminées sur leur lieu de travail, mais ce congé n’en demeure pas moins un droit nouveau pour les femmes. Elles auront ainsi le choix, notamment celui ne pas dépendre de leur médecin pour bénéficier d’un nécessaire temps de récupération.

Enfin, la proposition de loi améliore l’accompagnement psychologique des couples concernés, qui pourront être orientés vers MonParcoursPsy.

Si nous partageons l’ambition de cette mesure, nous pensons que sa portée risque d’être limitée, la psychiatrie restant le parent pauvre de la médecine. En outre, les consultations en ambulatoire dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy, mises en place depuis plus d’un an, n’ont bénéficié en 2022 qu’à 76 000 patientes.

Nous le savons, ce dispositif a été très mal accueilli par les psychologues. Moins de 10 % d’entre eux exerçant en libéral y ont adhéré. Ce nombre est très insuffisant au regard des besoins identifiés. Aussi, j’appelle le Gouvernement à retravailler ce dispositif en concertation avec les psychologues, afin de le rendre pleinement opérationnel.

Le groupe SER, profondément engagé dans la protection de la santé des femmes, qu’elle soit mentale ou physique, partage la volonté d’accompagner davantage les femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse, ainsi que leur partenaire. Il soutiendra donc cette proposition de loi.

Photo de Martin Lévrier

Pour répéter ce que j'ai indiqué en commission, nous comprenons très bien l'intention des auteurs de valoriser les compétences des sages-femmes dans la prise en charge de la santé des femmes et de favoriser un meilleur accès aux soins. Évidemment, nous partageons tous cet objectif.

Pour autant, une telle extension doit, selon nous, faire l'objet d'une réflexion plus approfondie. Si les sages-femmes sont, depuis 2016, compétentes pour prendre en charge les IVG médicamenteuses, comme vous le souligniez, elles ne sont toutefois pas autorisées à pratiquer les interruptions de grossesse pour motif médical, conformément à l'article L. 2213-3 du code de la santé publique. De plus, elles ne sont autorisées à pratiquer des IVG instrumentales qu'à titre expérimental, après avoir suivi une formation théorique obligatoire ainsi qu'une formation pratique consistant en l'observation de trente actes d'IVG instrumentale et en la réalisation de trente autres.

Par ailleurs, les interruptions spontanées de grossesse trouvant souvent leur origine dans une anomalie embryonnaire ou dans des problèmes de santé de la mère, un diagnostic médical peut s'avérer nécessaire, ce que ne peut assurer une sage-femme.

Dans ces conditions, il semble précipité de légiférer sur ce point en ouvrant aux sages-femmes une compétence inconditionnelle à prendre en charge les interruptions spontanées de grossesse. Cette question mérite d'être approfondie à l'occasion d'un prochain texte afin d'établir les conditions dans lesquelles les sages-femmes pourront être davantage impliquées dans la prise en charge des patientes.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.

Photo de Laurence Cohen

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier la députée Sandrine Josso à l’origine de cette proposition de loi visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une fausse couche, ainsi que notre rapporteur, Martin Lévrier.

Cette initiative parlementaire permet de lever un tabou sur les fausses couches vécues chaque année par 200 000 femmes dans notre pays, ce qui représente près de 15 % des grossesses. En répétant qu’une femme sur dix est confrontée à une interruption spontanée de grossesse, on permet à ces femmes de mettre fin à un sentiment d’isolement.

Cette première étape doit être assortie d’une meilleure information et d’un véritable accompagnement des femmes et de leur conjoint, comme le prévoit ce texte.

Nous souscrivons donc à l’instauration d’un parcours par les agences régionales de santé, qui associe les professionnels médicaux et les psychologues hospitaliers et libéraux, dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire, pour mieux accompagner les femmes et leur partenaire.

Il semble opportun de développer la formation des professionnels médicaux sur les conséquences psychologiques des interruptions spontanées de grossesse et d’améliorer le suivi médical de ces femmes.

Nous regrettons cependant de devoir attendre septembre 2024 pour que ce parcours soit mis en œuvre. De même, nous espérons que la suppression du délai de carence, qui est une très bonne chose, entrera en application bien avant le 1er janvier 2024.

L’extension par la commission des affaires sociales du Sénat de la suppression du délai de carence aux travailleurs indépendants est également très positive.

Enfin, nous avons de sérieux doutes sur la capacité de MonParcoursPsy à répondre à l’enjeu que constitue l’accompagnement psychologique des patientes et de leur partenaire, cet accompagnement étant pourtant au cœur de la proposition de loi.

Un an après son lancement, malgré l’opposition de la profession, son bilan est plus que mitigé. Considérant que ce dispositif n’est adapté ni aux réalités du métier ni aux besoins des patientes et des patients, seulement 7 % des psychologues se sont conventionnés pour s’inscrire sur la plateforme.

Toutes et tous dénoncent une tarification au rabais de cette prestation, une mise sous tutelle médicale, dans un contexte où l’accès direct est favorisé, un nombre de séances réduit et prédéterminé, contrairement à ce que doit être une approche thérapeutique.

De même se pose la question du devenir et de la prise en charge des patientes et des patients au-delà de ces huit séances, notamment pour les plus modestes d’entre eux.

Très fortement mobilisés depuis plus de deux ans contre MonParcoursPsy, les psychologues dénoncent un mépris total de leur profession et une forme d’ubérisation des soins. Notre groupe avait d’ailleurs voté contre l’article créant ce dispositif dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Cette vision comptable de la prise en charge de la santé mentale s’oppose à la fois à la réalité de la prise en charge globale des patientes et des patients, mais également à la situation économique des Françaises et des Français, dont près de 3 millions n’ont ni complémentaire santé ni aide à la complémentaire santé.

Madame la ministre, alors qu’un rapport vient d’être remis, notamment à Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, et qu’un audit est en cours dans le cadre du Printemps de l’évaluation, mené par les députés Sébastien Peytavie et Pierre Dharréville, pouvez-vous nous dire dans quelle mesure le Gouvernement tiendra compte des critiques émises sur ce dispositif ? Cette politique à l’égard des psychologues doit être repensée.

Cela étant, cette proposition de loi est un premier pas, que nous soutenons.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer pour souligner qu’il est urgent de revoir la rémunération des personnels de santé, notamment celle des sages-femmes. Alors que l’on confie à ces dernières, et à juste titre, de nouvelles prérogatives, elles ne bénéficient d’aucune reconnaissance financière.

En conclusion, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera la proposition de loi. J’espère, madame la ministre, que mes remarques critiques seront suivies de réponses positives.

Isabelle Rome, ministre déléguée

Nous saluons bien sûr tout le travail effectué par les sages-femmes au quotidien ; je les salue particulièrement en cette veille de Journée internationale des sages-femmes. Je précise que leur statut a été revalorisé à l'occasion du Ségur de la santé puisqu'elles ont vu leurs revenus augmenter de 500 euros mensuels.

Néanmoins, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, ces amendements dépassent le champ des compétences des sages-femmes puisque les fausses couches peuvent être dues à des anomalies embryonnaires ou à des problèmes de santé de la mère. Je reprends le code de la santé publique : l'article L. 4151-3 indique très clairement qu'« en cas de pathologie maternelle, fœtale ou néonatale pendant la grossesse, […] la sage-femme doit faire appel à un médecin ».

Il faut rappeler que les interruptions spontanées de grossesse exposent les femmes à des risques importants ; à ce titre, ce domaine entre dans le champ des pathologies. Un médecin permet donc d'apporter des solutions.

Par ailleurs, j'apporterai quelques précisions à la suite de votre interpellation, monsieur le sénateur Burgoa. Je rappelle que le misoprostol bénéficie d'une autorisation de mise sur le marché uniquement pour les IVG médicamenteuses. Il n'est possible de le prescrire pour une fausse couche qu'au titre d'une procédure dérogatoire relevant de la recommandation temporaire d'utilisation (RTU), prescription ouverte, en l'état, aux seuls médecins. Cette restriction vise à réduire les risques pour les femmes, en particulier les risques hémorragiques.

Tout cela est fixé par un décret dont un peut envisager une révision. Il faut néanmoins mener un travail préalable approfondi, c'est-à-dire qu'il faut consulter l'ensemble des parties prenantes, notamment les autorités sanitaires, et envisager un complément de formation pour les sages-femmes.

Au vu de tous ces éléments, l'avis du Gouvernement est défavorable sur ces amendements.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Photo de Brigitte Devesa

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ainsi que notre rapporteur nous l’a rappelé, 200 000 femmes sont concernées chaque année en France par une interruption spontanée de grossesse. C’est beaucoup ! En moyenne, une grossesse sur quatre se termine par une fausse couche. C’est un taux élevé.

Cet événement violent n’est pas vécu de la même manière par toutes les femmes : certaines le surmontent, quand d’autres le vivent comme un drame et sont profondément, et durablement, affectées.

L’éducation à la santé et l’accompagnement des couples jouent un grand rôle dans la perception qu’ont les femmes de leurs fausses couches et dans leurs potentielles séquelles psychologiques.

Chers collègues, résistons à la tentation de considérer toutes ces femmes courageuses comme des victimes ; regardons-les plutôt comme des patientes et donnons-leur les moyens de rebondir.

Je remercie notre collègue députée Sandrine Josso d’avoir inscrit à notre agenda politique le sujet de l’accompagnement des couples – et singulièrement des femmes – confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

Sa proposition de loi va dans le bon sens : elle facilite grandement l’accès des patientes à un suivi psychologique et améliore leur suivi médical.

À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a utilement amendé le texte en étendant aux femmes confrontées à une fausse couche le bénéfice d’indemnités journalières sans délai de carence pendant toute la durée de leur arrêt maladie.

Je salue également le travail de notre commission des affaires sociales, et en particulier celui du rapporteur Martin Lévrier, qui a notamment permis de renforcer l’information des couples sur l’interruption spontanée de grossesse et sur les dispositifs d’accompagnement disponibles.

L’information et l’éducation sont en effet la clé d’une approche apaisée de la fausse couche, très souvent naturelle et normale dans la vie d’une femme, bien que toujours difficile.

Chers collègues, ce texte, je le répète, va dans le bon sens. Le groupe Union Centriste y est donc favorable. Mais nous aurions souhaité pouvoir prendre plus de hauteur sur la problématique du parcours de santé des femmes enceintes, en particulier des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse.

Ce texte aurait gagné à s’articuler avec la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, adoptée en commission mixte paritaire le 6 avril dernier. Dans certains territoires, nous manquons cruellement de gynécologues obstétriciens. Pourtant, sages-femmes et infirmiers en pratique avancée demeurent largement écartés de l’administration des soins, notamment des médicaments, aux femmes concernées par une fausse couche. Cette situation paradoxale contraint de nombreuses femmes à se rendre aux urgences, ce qui accroît d’autant la durée de leur prise en charge et son coût pour la société.

Mes chers collègues, apprenons à faire confiance aux professionnels de santé. Apprenons à faire confiance aux infirmiers en pratique avancée, qui mériteraient d’être plus impliqués dans le protocole d’accompagnement des couples concernés par une fausse couche. Apprenons à faire confiance aux sages-femmes, qui suivent déjà intégralement 40 % des grossesses et sont sans doute les mieux placées pour suivre les personnes en détresse.

Tel est le sens de l’amendement déposé par ma collègue Annick Jacquemet, dont je salue le travail.

Il ne nous faut pas seulement faire confiance, il nous faut nous aussi être dignes de confiance. Rendons-nous dignes de la confiance des professionnels de santé en ouvrant le débat sur la situation matérielle et économique des structures et du monde médical dans notre pays. Force est de constater que cette question est absente du texte examiné aujourd’hui.

Les efforts récents ne compensent pas les rationalisations du passé. Il faut avancer et soutenir notre système de santé. Il faut sortir de l’annualité budgétaire délétère et anticiper les changements induits par l’innovation en santé. Les avancées portées par l’industrie pharmaceutique ou celles des dispositifs médicaux doivent être prises en compte pour adapter notre système en temps voulu.

Au plan humain, les pédiatres et les sages-femmes nous ont prévenus : notre politique prénatale et postnatale souffre de la faible valorisation des personnels et des difficultés de recrutement qui en découlent.

Et pourtant de belles initiatives existent. Les maternités détentrices du label Initiative hôpital ami des bébés (IHAB) traitent avec la plus grande bienveillance les femmes et les jeunes mamans ; je pense par exemple à la maternité du centre hospitalier du Chinonais, dont la réputation est excellente et qui attire les futures mères bien au-delà de sa zone géographique.

À l’inverse, au cours des dernières années, des établissements de santé ont été contraints de concentrer l’activité des sages-femmes en salle de naissance, rognant sur l’accompagnement des patientes avant et après l’accouchement. Le nombre très élevé d’accouchements programmés et le taux important d’épisiotomies dans ces établissements doivent tous nous alerter.

De plus, par manque de moyens et de personnels, les hôpitaux sont parfois obligés de mettre en place des programmes de sortie ultra-précoce, moins de vingt-quatre heures après l’accouchement. C’est paradoxal : les parents sont presque suraccompagnés lors de la préparation à l’accouchement, mais une fois sortis de l’hôpital, c’est le néant !

Enfin, n’oublions pas que 13 départements sont dépourvus de gynécologues et que 77 départements se situent en dessous de la moyenne de 2, 6 gynécologues pour 100 000 femmes en âge de consulter.

Chers collègues, ne nous faisons pas d’illusions : l’accompagnement des patientes ne pourra être complet que si nous y mettons les moyens, en revalorisant notamment la filière des sages-femmes et en impliquant davantage ces dernières dans les protocoles de soins.

Nous devons reconnaître et rémunérer à leur juste valeur ces professionnels de santé, qui bénéficient d’une expérience exceptionnelle et d’une formation qualifiante.

En somme, nous appelons de nos vœux une vaste réflexion sur l’accompagnement et la prise en charge au sein de l’hôpital et par l’hôpital, madame la ministre.

Toutefois, le texte examiné aujourd’hui constitue indéniablement une avancée : le groupe Union Centriste le votera.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Devesa

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ainsi que notre rapporteur nous l’a rappelé, 200 000 femmes sont concernées chaque année en France par une interruption spontanée de grossesse. C’est beaucoup ! En moyenne, une grossesse sur quatre se termine par une fausse couche. C’est un taux élevé.

Cet événement violent n’est pas vécu de la même manière par toutes les femmes : certaines le surmontent, quand d’autres le vivent comme un drame et sont profondément, et durablement, affectées.

L’éducation à la santé et l’accompagnement des couples jouent un grand rôle dans la perception qu’ont les femmes de leurs fausses couches et dans leurs potentielles séquelles psychologiques.

Chers collègues, résistons à la tentation de considérer toutes ces femmes courageuses comme des victimes ; regardons-les plutôt comme des patientes et donnons-leur les moyens de rebondir.

Je remercie notre collègue députée Sandrine Josso d’avoir inscrit à notre agenda politique le sujet de l’accompagnement des couples – et singulièrement des femmes – confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

Sa proposition de loi va dans le bon sens : elle facilite grandement l’accès des patientes à un suivi psychologique et améliore leur suivi médical.

À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a utilement amendé le texte en étendant aux femmes confrontées à une fausse couche le bénéfice d’indemnités journalières sans délai de carence pendant toute la durée de leur arrêt maladie.

Je salue également le travail de notre commission des affaires sociales, et en particulier celui du rapporteur Martin Lévrier, qui a notamment permis de renforcer l’information des couples sur l’interruption spontanée de grossesse et sur les dispositifs d’accompagnement disponibles.

L’information et l’éducation sont en effet la clé d’une approche apaisée de la fausse couche, très souvent naturelle et normale dans la vie d’une femme, bien que toujours difficile.

Chers collègues, ce texte, je le répète, va dans le bon sens. Le groupe Union Centriste y est donc favorable. Mais nous aurions souhaité pouvoir prendre plus de hauteur sur la problématique du parcours de santé des femmes enceintes, en particulier des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse.

Ce texte aurait gagné à s’articuler avec la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, adoptée en commission mixte paritaire le 6 avril dernier. Dans certains territoires, nous manquons cruellement de gynécologues obstétriciens. Pourtant, sages-femmes et infirmiers en pratique avancée demeurent largement écartés de l’administration des soins, notamment des médicaments, aux femmes concernées par une fausse couche. Cette situation paradoxale contraint de nombreuses femmes à se rendre aux urgences, ce qui accroît d’autant la durée de leur prise en charge et son coût pour la société.

Mes chers collègues, apprenons à faire confiance aux professionnels de santé. Apprenons à faire confiance aux infirmiers en pratique avancée, qui mériteraient d’être plus impliqués dans le protocole d’accompagnement des couples concernés par une fausse couche. Apprenons à faire confiance aux sages-femmes, qui suivent déjà intégralement 40 % des grossesses et sont sans doute les mieux placées pour suivre les personnes en détresse.

Tel est le sens de l’amendement déposé par ma collègue Annick Jacquemet, dont je salue le travail.

Il ne nous faut pas seulement faire confiance, il nous faut nous aussi être dignes de confiance. Rendons-nous dignes de la confiance des professionnels de santé en ouvrant le débat sur la situation matérielle et économique des structures et du monde médical dans notre pays. Force est de constater que cette question est absente du texte examiné aujourd’hui.

Les efforts récents ne compensent pas les rationalisations du passé. Il faut avancer et soutenir notre système de santé. Il faut sortir de l’annualité budgétaire délétère et anticiper les changements induits par l’innovation en santé. Les avancées portées par l’industrie pharmaceutique ou celles des dispositifs médicaux doivent être prises en compte pour adapter notre système en temps voulu.

Sur le plan humain, les pédiatres et les sages-femmes nous ont prévenus : notre politique prénatale et postnatale souffre de la faible valorisation des personnels et des difficultés de recrutement qui en découlent.

Et pourtant de belles initiatives existent. Les maternités détentrices du label Initiative hôpital ami des bébés (IHAB) traitent avec la plus grande bienveillance les femmes et les jeunes mamans ; je pense par exemple à la maternité du centre hospitalier du Chinonais, dont la réputation est excellente et qui attire les futures mères bien au-delà de sa zone géographique.

À l’inverse, au cours des dernières années, des établissements de santé ont été contraints de concentrer l’activité des sages-femmes en salle de naissance, rognant sur l’accompagnement des patientes avant et après l’accouchement. Le nombre très élevé d’accouchements programmés et le taux important d’épisiotomies dans ces établissements doivent tous nous alerter.

De plus, par manque de moyens et de personnels, les hôpitaux sont parfois obligés de mettre en place des programmes de sortie ultra-précoce, moins de vingt-quatre heures après l’accouchement. C’est paradoxal : les parents sont presque suraccompagnés lors de la préparation à l’accouchement, mais une fois sortis de l’hôpital, c’est le néant !

Enfin, n’oublions pas que 13 départements sont dépourvus de gynécologues et que 77 départements se situent en dessous de la moyenne de 2, 6 gynécologues pour 100 000 femmes en âge de consulter.

Chers collègues, ne nous faisons pas d’illusions : l’accompagnement des patientes ne pourra être complet que si nous y mettons les moyens, en revalorisant notamment la filière des sages-femmes et en impliquant davantage ces dernières dans les protocoles de soins.

Nous devons reconnaître et rémunérer à leur juste valeur ces professionnels de santé, qui bénéficient d’une expérience exceptionnelle et d’une formation qualifiante.

En somme, nous appelons de nos vœux une vaste réflexion sur l’accompagnement et la prise en charge au sein de l’hôpital et par l’hôpital, madame la ministre.

Toutefois, le texte examiné aujourd’hui constitue indéniablement une avancée : le groupe Union Centriste le votera.

Photo de Raymonde Poncet Monge

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutiendra ces trois amendements, dans la continuité des batailles que nous menons, nous aussi, depuis des années pour la reconnaissance pleine et entière de la compétence médicale des sages-femmes.

Parmi les compétences de ces dernières, il y a, madame la ministre, le fait d'avoir les connaissances permettant de déterminer quand la grossesse physiologique ou la fausse couche nécessite un diagnostic médical. Cette capacité d'orientation fait partie de leur savoir : en cas de grossesse pathologique, les sages-femmes réorientent les patientes quand elles pensent que c'est nécessaire pour des raisons médicales. D'une certaine manière, vous niez ce savoir-là.

J'en profite pour indiquer que le référentiel métier des sages-femmes doit être repris parce que vous savez que, désormais, elles suivent une année d'études supérieures supplémentaire : leur parcours comprend un troisième cycle et la possibilité d'obtenir un doctorat en maïeutique. Puisque vous parliez de formation complémentaire, il conviendra de la prendre en compte, comme l'ensemble des années d'études.

En conclusion, si elle était refusée aux sages-femmes, il serait inadmissible, quoi qu'on en pense, d'accorder la compétence de mener une ISG aux infirmières en pratique avancée aux urgences. Peut-être en reparlerons-nous, mais ces dernières ont encore moins de légitimité au regard de leur formation. Si l'on refuse cette compétence aux sages-femmes, ce qui risque de se produire, il ne faut pas l'octroyer aux IPA aux urgences.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour explication de vote.

Photo de Brigitte Devesa

Monsieur le rapporteur, après avoir entendu vos explications, je retire cet amendement proposé par ma collègue Annick Jacquemet.

Isabelle Rome

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous remercie pour l’ensemble de vos interventions et je me réjouis de leur caractère transpartisan. Je salue Mme la députée Sandrine Josso, dont je n’avais pas vu la présence en tribune.

L’accompagnement prévu dans le texte est fondamental pour le droit des femmes et pour leur santé, quel que soit leur statut. Tel qu’il a été enrichi, ce texte concerne désormais toutes les femmes. Il permet aussi d’accompagner les couples, dans un moment difficile et douloureux.

Enfin, le texte prévoit une mesure de bientraitance : les femmes qui subiront une fausse couche, ou plutôt une interruption spontanée de grossesse, seront désormais indemnisées dès le premier jour.

Continuons nos travaux de manière aussi transpartisane.

Photo de Pierre Laurent

L'amendement n° 1 rectifié quinquies est retiré.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Photo de Émilienne Poumirol

Je ne retirerai pas l'amendement parce que j'ai un peu de mal à comprendre vos explications, monsieur le rapporteur.

Vous indiquez qu'une fausse couche spontanée qui relève de malformations embryonnaires est de nature pathologique. Nous sommes bien d'accord. Je rappelle d'ailleurs que les fausses couches spontanées liées à une anomalie chromosomique, souvent, ne sont même pas diagnostiquées, parce que très précoces, et sont considérées comme un simple retard de règles par la patiente, qui n'a même pas fait son propre diagnostic de grossesse.

Si la fausse couche spontanée est pathologique, relevant donc de la médecine, les sages-femmes – je répète ce qui vient d'être dit – ont toute la compétence nécessaire : leur activité est reconnue comme ayant un caractère médical et non paramédical, comme les infirmières en pratique avancée, soit dit en passant. Il faut tenir compte, comme l'a rappelé ma collègue Raymonde Poncet Monge, de la modification des maquettes de formation, cette dernière se faisant non plus en cinq ans, mais en six ans.

Je veux bien admettre qu'on n'accepte pas notre proposition aujourd'hui, puisque la commission semble être sur cette position, mais je crois qu'il est indispensable que cette compétence soit reconnue dès que la nouvelle maquette de formation des sages-femmes sera effective.

Photo de Laurence Rossignol

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Photo de Laurence Cohen

Nous maintiendrons aussi notre amendement. Les explications qui ont été données par le rapporteur sur la nécessité de travailler davantage à la question et, peut-être, si j'ai bien compris, d'examiner le sujet à l'occasion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) me laissent très dubitative.

Au sein de la commission des affaires sociales, nous sommes occupés depuis quelques semaines à travailler sur des propositions de loi qui abordent par petites touches certains aspects des questions de santé. Ces questions sont très importantes, je ne le nie pas, mais ce que nous attendons majoritairement à la commission, me semble-t-il, c'est une grande loi Santé.

Si on ne fait que réfléchir, renvoyer à une fois prochaine, attendre le meilleur moment pour légiférer, alors, de manière assez contradictoire, quelle est l'utilité d'examiner des propositions de loi dans l'attente du prochain PLFSS ou de la grande loi Santé qui nous a été promise depuis des lustres ?

Je tenais à le dire : je ne saisis pas la logique. Alors que mes deux collègues précédentes ont bien exprimé le fait que la profession de sage-femme est de nature non pas paramédicale, mais médicale, votre raisonnement est à géométrie variable : on attribue aux sages-femmes des prérogatives supplémentaires quand cela arrange le Gouvernement, puis, à un moment donné, on ne leur en donne plus, mais de manière extrêmement arbitraire.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Il est tout à fait clair, comme l'atteste le code de la santé publique, que la profession de sage-femme est une profession médicale. Néanmoins, malgré l'avis défavorable du Gouvernement, j'entends bien ce qui est avancé sur l'évolution de la profession, la formation des sages-femmes s'apprêtant à être encore plus approfondie. J'alerterai mon collègue François Braun sur la possible intégration de cette évolution dans une éventuelle révision du décret que j'ai évoqué à l'instant. Vous pouvez compter sur moi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je mets aux voix l'amendement n° 4.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 278 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Mes chers collègues, j'ai également été saisi d'une demande de scrutin public sur l'amendement n° 14. Puis-je considérer que le résultat du scrutin est identique au précédent ?

Marques d'assentiment.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L'amendement n° 10 rectifié bis, présenté par Mme Billon, M. Longeot, Mme Dindar, M. Détraigne, Mme Perrot, MM. Cadic, Le Nay et Cigolotti, Mme Doineau, M. Duffourg et Mmes Devésa et Saint-Pé, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

médicaux

insérer les mots :

, des infirmiers en pratique avancée exerçant au sein des services d'urgences

La parole est à Mme Annick Billon.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Cet amendement vise à inclure dans le « parcours interruption spontanée de grossesse » les infirmiers en pratique avancée exerçant au sein des services d'urgences. Ces derniers sont effectivement susceptibles de contribuer à l'accompagnement des patientes connaissant une fausse couche, car certaines femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse se présentent aux urgences sans être systématiquement orientées par la suite dans un service de maternité et gynécologie. Elles peuvent alors être amenées à être prises en charge par un IPA. Il est donc pertinent d'intégrer ces infirmiers au dispositif.

Cet amendement s'inscrit dans une tendance, qui s'est intensifiée ces dernières années au sein du système de santé français, à encourager les coopérations entre professionnels de santé.

Par ailleurs, j'ai eu l'occasion d'échanger avec le Conseil national de l'ordre des sages-femmes : il reconnaît l'intérêt d'associer ces professionnels au dispositif, compte tenu du contexte tendu du système de santé, dont nous sommes tous conscients.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Dans la mesure où les IPA exerçant au sein des services d'urgences sont moins directement impliqués dans la prise en charge des interruptions spontanées de grossesse, il a paru prématuré à la commission de se positionner sans études préalables pour leur inclusion dans les « parcours interruption spontanée de grossesse » devant être mis en place par les agences régionales de santé. La réflexion à ce sujet doit d'abord être approfondie.

Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté avec les amendements précédents, parce qu'ils n'ont pas le même sujet, cet amendement vise à inclure les IPA au sein des « parcours fausse couche », notamment pour qu'ils participent à l'information des patientes. Il ne les autorise en aucun cas à prescrire des médicaments ni à pratiquer une prise en charge.

Pour autant, la commission a émis là aussi un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Les IPA sont des professionnels qui peuvent s'appuyer sur une formation universitaire et qui sont en capacité de prescrire certains actes ou des arrêts de travail. Un arrêté du 25 octobre 2021 mentionne bien la « gynéco-obstétrique » comme motif de recours, mais uniquement pour la ménométrorragie, c'est-à-dire pour des saignements de l'utérus non causés par une tumeur, une infection ou une grossesse, ce qui ne couvre pas le champ des interruptions spontanées de grossesse.

Comme pour la profession de sage-femme, des travaux sont en cours pour la modification du champ des compétences des IPA. Ils sont conduits de manière globale et incluent une modification de la formation. Mon collègue François Braun ayant ouvert d'ores et déjà ce chantier, en l'état, je suis défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

J'ai entendu les arguments à la fois du rapporteur et de la ministre. On peut se satisfaire que le sujet de la santé féminine soit en débat cet après-midi dans l'hémicycle, alors que la délégation aux droits des femmes mène actuellement un travail en profondeur sur la santé des femmes au travail. Beaucoup de choses restent à faire, à identifier, en menant des études pour accroître nos connaissances. Je retire cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L'amendement n° 10 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mme Billon, M. Longeot, Mme Dindar, M. Détraigne, Mme Perrot, M. Cadic, Mme Férat, MM. Le Nay, Cigolotti et Duffourg, Mmes Devésa et Saint-Pé, M. Folliot et Mme de La Provôté, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre de ce parcours, un nouvel examen médical est obligatoirement proposé dans les quatre semaines suivant la survenue d'une interruption spontanée de grossesse. »

La parole est à Mme Annick Billon.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

L'article 1er A fait obligation aux ARS de mettre en place un « parcours interruption spontanée de grossesse » associant différents professionnels de santé. Il contient plusieurs objectifs de formation, d'orientation et d'amélioration de l'information, mais également de suivi psychologique et médical des patientes et de leur partenaire éventuel.

Cet amendement tend à préciser l'objectif d'amélioration du suivi médical dans ce parcours en indiquant que la patiente doit obligatoirement se voir proposer un nouvel examen dans les quatre semaines qui suivent l'interruption spontanée de grossesse.

Actuellement, à l'issue d'une fausse couche, et dans les cas nécessitant une prise en charge médicale, les femmes sont systématiquement revues en consultation selon les recommandations de bonnes pratiques du Collège national des gynécologues et obstétriciens français. Le nombre de rendez-vous est adapté à chaque situation, à l'appréciation du corps médical. Cet amendement vise à asseoir cette recommandation dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Je comprends tout à fait l'intention, mais les professionnels de santé prescrivent déjà un examen complémentaire lorsque cela paraît nécessaire compte tenu des recommandations des sociétés savantes et des données cliniques.

C'est pourquoi cet amendement nous paraît contraindre inutilement les praticiens, qui sont a priori les mieux placés pour juger si un nouvel examen est nécessaire. La commission a d'ailleurs, pour ces raisons, supprimé l'article 1er bis, qui comportait à l'origine cette obligation.

En conséquence, nous demandons le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Il est bien sûr nécessaire de renforcer la prise en charge des femmes qui subissent des fausses couches. En revanche, la loi n'est pas forcément le bon vecteur pour améliorer les pratiques professionnelles.

Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, madame Billon, que le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, dans ses recommandations, préconise la réalisation d'examens médicaux dans certaines situations, notamment lors de fausses couches à répétition, examens qui ne sauraient pour autant être imposés par la loi à l'ensemble des cas.

D'une certaine manière, l'accompagnement est déjà mis en place par le « parcours interruption spontanée de grossesse » présent dans cette proposition de loi. Il ne paraît pas opportun d'obliger les professionnels médicaux à pratiquer ces examens complémentaires : c'est à eux qu'il appartiendra de juger. Voilà pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Je vous remercie, monsieur le rapporteur et madame la ministre, de vos explications. Actuellement, nous raisonnons par rapport à différentes professions sans tenir compte de leur disponibilité. Dans son rapport Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l'égalité, la délégation aux droits des femmes a montré que 77 départements comptaient un nombre de gynécologues se situant en deçà de la moyenne nationale, alors qu'ils permettent un accès à la prévention et à un suivi médical normal pour toutes les femmes et les jeunes filles. Treize départements étaient dépourvus de gynécologues médicaux.

J'entends vos positions, mais, dans cette situation compliquée pour l'accès aux soins, il nous faut porter une attention particulière à la situation des femmes. Je retire cet amendement, qui nous aura permis d'évoquer le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L'amendement n° 8 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 21, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Après l'article L. 1413-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1413-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1413 -1 -…. – L'agence prend toutes les mesures nécessaires pour développer l'information la plus large possible sur les interruptions spontanées de grossesse. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Une des personnes auditionnées sur cette proposition de loi déclarait : « L'information est le premier soin. »

Cet amendement vise donc à confier à Santé publique France et aux agences régionales de santé la mission de diffuser l'information la plus large possible sur les fausses couches. En effet, la question des pertes de grossesse précoces reste taboue en France – nous l'avons vu : à tout le moins, elle est tue – et tant les couples que les femmes seules y sont souvent peu préparés. Il est donc nécessaire d'améliorer l'information sur ce sujet, de l'actualiser annuellement et de la transmettre à un maximum de personnes.

Plus les femmes et les couples seront informés des pertes de grossesse précoces, moins ces pertes seront vécues de façon isolée et solitaire ; l'objectif de l'information est de lever progressivement le non-dit et le tabou.

De plus, cette approche permet de ne pas infantiliser les femmes, en leur fournissant les informations nécessaires sur leur corps et sur ce qu'elles traversent.

Les règles de recevabilité financière des amendements nous ont contraintes ; nous aurions souhaité proposer la création d'un livret à destination du public, diffusé par l'entremise des professionnels de santé susceptibles de recevoir les femmes enceintes, ainsi que la mise en place d'un numéro vert destiné à répondre aux interrogations, face aux différents symptômes, des femmes présentant des signes de perte de grossesse précoce, à les rassurer et à les aiguiller. On traduirait ainsi plusieurs des propositions pertinentes formulées dans une tribune par le collectif « Fausse couche, vrai vécu ».

À ce propos, monsieur le rapporteur, vous avez évoqué l'information, dans la discussion générale, comme un chantier « futur », aux côtés de deux autres ; pour ma part, je pense que l'épithète est de trop. Comme l'information est le premier soin, il faut d'ores et déjà la faire figurer dans cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Santé publique France a déjà pour mission d'assurer « le développement de la prévention et de l'éducation pour la santé ». Cette agence peut donc sans difficulté s'autosaisir de toute question en cette matière.

De plus, les parcours mis en place par les agences régionales de santé auront aussi pour fonction de systématiser l'information des patientes. Nous avons d'ailleurs renforcé, en commission, les objectifs d'information assignés à ces parcours.

Enfin, il est à nos yeux plus pertinent que l'information soit préparée à l'échelon local, afin notamment de pouvoir aiguiller les patientes dans leur parcours.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Bien sûr, l'information est nécessaire ; simplement, elle existe déjà : elle figure notamment sur le site ameli.fr de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), où l'on peut trouver des précisions sur la définition, les causes et les symptômes des fausses couches, mais aussi un certain nombre de conseils, en particulier celui de s'adresser à un médecin. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Je précise néanmoins que tout ce qui pourra être fait pour améliorer l'information le sera, notamment à l'échelle locale, mais aussi au travers de l'action de mon ministère et du ministère de la santé. Nous pourrons travailler avec l'ensemble des professionnels de terrain, ainsi qu'avec les directions régionales et les délégations départementales aux droits des femmes et à l'égalité, pour améliorer tout ce qui se fait en matière d'information et de livrets. On pourra le faire aussi sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Mon groupe soutient l'amendement de nos collègues écologistes. Effectivement, le premier soin, c'est l'information. Vous dites qu'on peut aller sur le site ameli.fr, madame la ministre, mais connaissez-vous beaucoup de gens qui vont spontanément consulter ce site pour obtenir des éléments de compréhension ? L'information est essentielle ! J'ai cité dans la discussion générale une association de Haute-Garonne qui délivre cette information, sous la forme d'un petit carnet précis remis aux femmes. Eh bien, si une association peut le faire, j'imagine que ce sera encore plus facile pour une ARS ou Santé publique France !

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er A est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L'amendement n° 7 rectifié bis, présenté par Mme Billon, M. Longeot, Mme Dindar, M. Détraigne, Mme Perrot, M. Cadic, Mme Férat, M. Le Nay, Mme Doineau, M. Duffourg, Mme Saint-Pé, M. Folliot et Mme de La Provôté, est ainsi libellé :

Après l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa de l'article L. 2122-1 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le professionnel de santé l'informe également des risques liés à la grossesse, notamment en matière de fausse couche, ainsi que des moyens de les prévenir et de l'accompagnement dont elle pourra bénéficier en cas d'interruption spontanée de grossesse. »

La parole est à Mme Annick Billon.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Cet amendement vise à renforcer l'information relative aux fausses couches. Environ une grossesse sur quatre trouve une telle fin ; une femme sur dix fait une fausse couche dans sa vie. Au vu de ces statistiques très élevées et du nombre important de femmes concernées, pourquoi attendre que la fausse couche survienne pour en parler ?

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui vise à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une fausse couche ; l'ensemble de ses articles porte sur l'« après ». Ces dispositifs sont nécessaires, mais qu'en est-il de l'information et de la prévention qui peuvent être offertes en amont de chaque grossesse ? Notre objectif est véritablement d'accentuer l'accent mis sur l'information, sur l'existence d'un risque ; ainsi, on offrira une prise en charge spécifique pour toutes ces femmes et tous ces couples.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Le constat de l'insuffisance de l'information relative aux interruptions spontanées de grossesse est flagrant, nous sommes tous d'accord sur ce point. Il existe divers canaux pour le corriger : sur mon initiative, les objectifs d'information assignés aux « parcours interruption spontanée de grossesse » ont ainsi été étendus et précisés en commission.

Toutefois, instaurer une obligation générale et absolue de mentionner les risques liés à la grossesse et, notamment, l'interruption spontanée de grossesse dans le cadre de l'entretien prénatal n'est pas apparu adéquat à la commission, eu égard à la diversité des situations et des vécus des femmes enceintes.

La commission a ainsi estimé qu'il revenait au professionnel de santé de déterminer librement s'il était opportun de mentionner ces risques dans le cadre de l'entretien prénatal, en fonction de sa patiente.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

On en revient toujours à la nécessité de l'information. En revanche, le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement, puisque tout professionnel de santé peut informer la femme, dès le début de sa grossesse, des risques associés à celle-ci. En outre, cet entretien prénatal a lieu lors du quatrième mois de grossesse, quand le risque de fausse couche est déjà réduit. L'information doit être donnée un peu plus tôt. Pour toutes ces raisons, l'avis du Gouvernement sur cet amendement est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Au vu des deux avis défavorables que cet amendement a reçus, je vais le retirer, même si l'information des femmes enceintes et la formation des équipes médicales restent des sujets essentiels.

Je tiens à rappeler à cette occasion, puisque c'est vous qui représentez le Gouvernement devant nous cet après-midi, madame la ministre, et comme j'ai pu constater la présence de nombreux jeunes dans nos tribunes, que la loi impose déjà que soit délivrée dans les établissements scolaires une éducation à la sexualité. Or cette loi n'est pas appliquée : comme peut en témoigner votre collègue ministre de l'éducation nationale, qui en a la responsabilité, moins de 10 % des trois séances annuelles d'éducation à la sexualité sont assurées. Il reste donc beaucoup de travail à faire sur ces sujets.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L'amendement n° 7 rectifié bis est retiré.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Je tiens à ce propos à rappeler – même si vous le savez, madame Billon – que le ministre de l'éducation nationale et moi-même nous sommes pleinement emparés de ce sujet de l'éducation à la sexualité. Vous avez raison de rappeler que les dispositions de la loi du 4 juillet 2001 qui imposent trois séances d'éducation à la sexualité tout au long du parcours scolaire sont peu appliquées – dans seulement 15 % des établissements scolaires.

C'est pourquoi nous avons fait figurer cette mesure dans le plan « Toutes et tous égaux » que j'ai présenté en Conseil des ministres le 8 mars dernier. Ainsi, on pourra la rendre pleinement effective, selon deux axes : le contenu de ces séances et leur mise en œuvre.

Depuis lors, nous avons entamé un large travail entre ministères concernés, mais aussi avec les associations, pour faire en sorte que l'ossature soit bonne et que le ministère de l'éducation nationale maîtrise pleinement cette éducation à la sexualité. Le plan « Toutes et tous égaux » prévoit aussi la publication de données quantitatives qui amélioreront la visibilité de l'application de cette loi, car l'on sait bien que, comme j'aime souvent à le dire, ce qu'on ne compte pas ne compte pas ! Il faudra en tout cas bien suivre la stricte application de ces dispositions.

Je voulais rappeler cet engagement et notre détermination à offrir cette éducation à la sexualité, qui, comme vous l'avez rappelé, est absolument fondamentale.

I. – Après l'article L. 323-1-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 323-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 323 -1 -2. – Par dérogation au premier alinéa de l'article L. 323-1, en cas de constat d'une incapacité de travail faisant suite à une interruption spontanée de grossesse ayant eu lieu avant la vingt-deuxième semaine d'aménorrhée, l'indemnité journalière prévue à l'article L. 321-1 est accordée sans délai. »

II. – Le II de l'article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° Au congé de maladie faisant suite à une interruption spontanée de grossesse ayant eu lieu avant la vingt-deuxième semaine d'aménorrhée. »

II bis

III. – Les I et II du présent article sont applicables aux arrêts de travail prescrits à compter d'une date prévue par décret, et au plus tard du 1er janvier 2024.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L'amendement n° 16 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Après l'alinéa 5

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le cinquième alinéa de l'article L. 732-4 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les indemnités journalières sont servies à l'expiration d'un délai de carence aux assurés ayant une durée minimale d'affiliation dans le régime. La durée d'indemnisation est plafonnée.

« Par dérogation à l'alinéa précédent, l'indemnité journalière versée à l'assuré pour la première incapacité de continuer ou de reprendre le travail est accordée sans délai en cas :

« 1° De décès de son enfant âgé de moins de vingt-cinq ans ou de décès d'une personne âgée de moins de vingt-cinq ans dont l'assuré a la charge effective et permanente, dans un délai de treize semaines à compter de cette date ;

« 2° De constat d'une incapacité de travail faisant suite à une interruption spontanée de grossesse ayant eu lieu avant la vingt-deuxième semaine d'aménorrhée. » ;

2° Après la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 781-21, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, en cas de constat d'une incapacité de travail faisant suite à une interruption spontanée de grossesse ayant eu lieu avant la vingt-deuxième semaine d'aménorrhée, l'indemnité journalière est accordée sans délai. »

II. – Alinéa 6

Remplacer les mots :

et II

par les mots :

à III

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Cet amendement vise à étendre explicitement la suppression du jour de carence en cas de fausse couche aux travailleuses non-salariées agricoles.

Le souhait du Gouvernement est évidemment que la suppression du délai de carence puisse bénéficier à toutes les femmes, sans distinction. Je me réjouis de l'adoption en commission d'un amendement tendant à étendre le bénéfice de cette mesure aux travailleuses indépendantes, comme mon collègue François Braun en avait pris l'engagement.

De la même manière, et comme vous nous y avez invités, monsieur le rapporteur, l'amendement que je vous présente vise à étendre aux femmes non-salariées agricoles cette suppression du jour de carence en cas d'arrêt de travail prescrit à la suite d'une interruption spontanée de grossesse, par le biais d'une modification du code rural et de la pêche maritime.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

En commission, comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, nous avons étendu aux travailleuses indépendantes le bénéfice de la levée du délai de carence pour les arrêts de travail consécutifs à une interruption spontanée de grossesse ; nous avons aussi signalé au Gouvernement que le bénéfice de ce dispositif devait encore être étendu aux non-salariées agricoles. Vous nous avez entendus ; en témoigne cet amendement, sur lequel la commission a bien évidemment émis un avis très favorable !

L'amendement est adopté.

L'article 1 er B est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l'article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° L'article L. 3142-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« … ° Pour la survenue d'une interruption spontanée de grossesse pour la mère et pour le père et, le cas échéant, pour le conjoint ou la personne vivant maritalement avec la mère ou la personne liée à elle par un pacte civil de solidarité. » ;

2° Après le 6° de l'article L. 3142-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« … ° Trois jours pour la survenue d'une interruption spontanée de grossesse. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Bien qu'il s'agisse, le plus souvent, d'une expérience traumatisante, et alors même qu'on estime – cela a déjà été rappelé – qu'une femme sur dix a vécu une fausse couche, ce traumatisme reste aujourd'hui, malgré tout, un véritable tabou en France.

Pour les futurs parents, cette épreuve est souvent un drame silencieux dont les douleurs sont vécues dans l'ombre. Nous l'avons dit, un mois après l'interruption spontanée de leur grossesse, 24 % des femmes souffrent d'une anxiété modérée à sévère ; 11 % d'entre elles, d'une dépression. S'il ne faut ni généraliser les douleurs ni dramatiser les expériences, il n'en demeure pas moins nécessaire d'informer et d'accompagner les couples, et en particulier les femmes ; je pense que cela fait l'unanimité sur nos travées.

L'accompagnement psychologique est un premier pas ; nous proposons de lui associer l'ouverture d'un congé spécifique de trois jours pour la survenue d'une fausse couche, à destination de la mère ou des parents concernés.

Ce congé serait un moyen de reconnaître officiellement la perte engendrée par une fausse couche et les conséquences psychologiques pour les personnes traversant cette épreuve.

L'article L. 3142-1 du code du travail donne droit, dans sa rédaction actuelle, à un congé pour les mariages, les naissances, le décès d'un proche, mais aussi l'annonce de la survenue d'un handicap, d'une pathologie chronique ou d'un cancer chez un enfant. Y ajouter un congé en cas de survenue d'une fausse couche nous paraît donc possible, utile et nécessaire.

Dans la mesure où ce congé serait ouvert autant pour la femme que pour son ou sa partenaire, il ne créerait pas de risque de discrimination pour les femmes, mais permettrait d'offrir aux personnes affectées un peu de temps pour s'en remettre, physiquement sinon mentalement.

Enfin, ce congé favoriserait l'avancée vers une plus grande égalité au sein du couple et une déconstruction des rôles et des tâches, en permettant au conjoint, quel que soit son genre ou son statut, de s'impliquer tout au long des événements liés à la grossesse et de se sentir directement concerné dans les hauts comme dans les bas, si je puis m'exprimer ainsi. Tel est le sens de notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L'amendement n° 17 rectifié, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Après l'article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° L'article L. 3142-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Pour la survenue d'une interruption spontanée de grossesse au sein de son couple. » ;

2° Après le 6° de l'article L. 3142-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Trois jours pour la survenue d'une interruption spontanée de grossesse au sein de son couple. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Je défends cet amendement au nom de ma collègue Mélanie Vogel, qui n'a toujours pas retrouvé sa voix…

Plusieurs questions doivent être posées. Une fausse couche est-elle une maladie ? Non. A-t-on le droit de se poser et de se reposer après une fausse couche ? Oui, tout à fait, parce qu'une fausse couche est parfois traumatisante, même si ce n'est pas systématique. Pourtant, aujourd'hui, en France, une femme qui a subi une fausse couche doit prétendre être malade si elle veut se reposer, car elle n'a qu'une option : l'arrêt maladie. Cette fausse assimilation de la fausse couche à une maladie constitue une barrière pour les femmes, alors que certaines auraient besoin, tout simplement, de se reposer après cet événement qui peut être extrêmement bouleversant. Il ne faudrait pas qu'elles aient à mentir en déclarant être malades : elles ne le sont pas, non plus que leur partenaire : elles ont simplement besoin de temps face à cet événement.

Dès lors, pour alléger la charge qui pèse sur elles, il suffirait de créer un congé spécial en cas de fausse couche, qu'elles prendraient si elles le souhaitent, bien sûr. La femme pourrait demander ce congé spécial plutôt que de devoir prétendre être malade ; son ou sa partenaire pourrait tout autant en bénéficier, ce qui permettrait par ailleurs, comme l'a relevé Laurence Cohen, de déconstruire les rôles, parce que lui aussi est affecté par cet événement.

En la matière, comme je l'ai rappelé en discussion générale, d'autres pays, y compris des pays européens, ont de l'avance sur nous. Depuis peu, un tel congé figure aussi dans une convention collective en France, la convention Syntec.

Nous proposons donc de modifier la loi pour permettre à toutes les femmes salariées de demander ce congé spécial après une fausse couche. Nous pensons que c'est important pour lever ce non-dit, afin que les femmes qui veulent le dire ne soient pas obligées de passer par un faux arrêt maladie.

Il faut laisser aux femmes, ainsi qu'à leur partenaire, le choix d'y avoir recours ou non. Notre amendement, comme celui qu'a défendu Laurence Cohen, vise donc à créer un congé spécial de trois jours pour les personnes et les couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L'amendement n° 15 rectifié, présenté par Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° L'article L. 3142-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Pour la survenue d'une interruption spontanée de grossesse. » ;

2° Après le 6° de l'article L. 3142-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Trois jours pour la survenue d'une interruption spontanée de grossesse. »

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Notre amendement a bien sûr le même objet que ceux que viennent de défendre mes collègues. Nous considérons en effet qu'il y a urgence à « dépathologiser » la fausse couche et à la reconnaître à son juste titre : ce n'est pas une maladie au sens propre du terme, sauf cas exceptionnel, mais une perte.

Certes, des femmes préféreront bénéficier d'un congé maladie par souhait de ne pas révéler leur grossesse ; cela peut évidemment se comprendre, dans la mesure où le projet d'enfant est, aujourd'hui encore, source de discrimination dans le monde de l'entreprise. Mais nous croyons qu'il est indispensable de leur laisser le choix de prendre ce congé de trois jours que nous proposons d'instaurer, au titre non pas de la maladie, mais d'un accident de la vie. L'instauration d'un congé pour fausse couche permettra aux patientes qui le souhaitent de ne pas dépendre de leur médecin pour avoir accès au congé.

On l'a dit et répété, les fausses couches peuvent être vécues comme traumatisantes, ou en tout cas avoir des conséquences psychologiques lourdes. Dès lors, proposer un congé spécifique pour fausse couche, c'est être à la hauteur de la douleur physique et psychologique liée à l'échec du projet d'enfant ; créer ce congé, c'est créer un droit automatique qui n'a pas à être négocié, qui peut être choisi ou écarté, mais qui représente une liberté et une protection pour les femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Au contraire de l'arrêt maladie sans jour de carence prévu par le texte, ces amendements visent tous trois à instaurer un congé pour événement familial d'au moins trois jours ; comme il serait financé par l'employeur, celui-ci serait informé des motifs de l'arrêt de travail.

Seul le champ des bénéficiaires distingue les dispositifs de ces amendements. L'amendement n° 15 rectifié, de Mme Poumirol, l'ouvre aux femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse ; l'amendement n° 17 rectifié, de Mme Vogel, également aux couples dans la même situation ; l'amendement n° 3 rectifié, de Mme Cohen, au père, à la mère et à l'éventuel partenaire de la mère.

Or révéler son interruption spontanée de grossesse à son employeur pourrait, bien malheureusement, exposer les personnes qui y sont confrontées à des discriminations supplémentaires, pour raisons familiales, en dévoilant un désir réel ou supposé de parentalité. La commission a exprimé sa préoccupation pour l'égalité professionnelle, qui passe ici par la garantie de la discrétion professionnelle, comme l'ont révélé les auditions que nous avons conduites.

En ce sens, il nous apparaît précipité de généraliser ce congé dès aujourd'hui. Attendons, avant de trancher ce débat, d'avoir un bilan de l'instauration d'un tel congé dans certaines branches professionnelles, à l'image de la branche Syntec, qui applique, ce que je salue, ce congé automatique depuis le 1er mai.

C'est pour ces raisons que la commission, qui avait déjà rejeté un amendement similaire lors de son examen du texte, a émis un avis défavorable sur ces amendements.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Bien sûr, vivre une interruption spontanée de grossesse est une épreuve pour la femme et pour le couple, une épreuve qui peut susciter un temps d'arrêt de travail.

Il n'est pas opportun de figer la durée de cet arrêt de travail, car elle doit s'adapter aux besoins de chaque femme, mais aussi être fixée en fonction de l'évaluation qu'en fait le professionnel médical qui le prescrit.

C'est pour mieux prendre en compte ces situations qu'un régime d'indemnisation spécifique figure dans le présent texte, qui prévoit une indemnisation totale, sans perte, de cet arrêt de travail.

Autre élément important de la proposition de loi : sa rédaction garantit la confidentialité vis-à-vis de l'employeur. Celui-ci n'aura donc pas à connaître le motif pour lequel la femme est arrêtée. Il s'agit d'un enjeu particulièrement important en matière d'égalité professionnelle : la femme doit rester libre d'informer son employeur d'une grossesse en cours ou d'un projet de grossesse, quand elle le choisit.

En complément de ce nouveau dispositif légal, les partenaires sociaux peuvent, par accord collectif, marquer leur volonté de contribuer au développement d'un environnement de travail permettant une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Ils ont un rôle à jouer en tant qu'acteurs clés de cette conciliation.

On constate aussi que les entreprises investissent davantage les thèmes de la parentalité et des aidants. Il faut saluer ces initiatives et faire confiance aux partenaires sociaux.

Pour l'ensemble de ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Bien entendu, le congé que nous proposons n'est pas obligatoire.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous dites qu'il faut évaluer les effets de ce congé dans la branche Syntec. Je veux à ce propos rappeler que, dans les entreprises, les femmes déclarent en général leur grossesse dès la fin du troisième mois afin de bénéficier de la réduction du temps de travail – d'une heure par jour, ou d'une journée toutes les deux semaines – qui leur est offerte par le droit du travail.

Pour une fois, je vais faire comme Mme Gruny, je vais parler de mon expérience professionnelle : j'ai dirigé une association où travaillaient essentiellement des femmes, puisqu'elle regroupait des aides à domicile et des aides-soignantes. Or 100 % des femmes avaient recours à ce droit et déclaraient leur grossesse ; personne ne renonçait à cette réduction du temps de travail par crainte de subir une discrimination.

Alors, monsieur le rapporteur, si vous voulez faire une bonne évaluation, vous n'avez pas besoin d'attendre les résultats de la branche Syntec, où ce congé n'est offert qu'à partir de ce mois-ci ; évaluez plutôt le recours à la réduction du temps de travail pour les femmes après le troisième mois de grossesse.

Ce que nous proposons n'est ni obligatoire ni exclusif d'un arrêt maladie. Si elles veulent, s'il y a des interrogations médicales, ces personnes pourront d'ailleurs prendre plus que trois jours de congé. Mais c'est important.

Avec Mme Cohen, nous disons que ce congé doit être offert au couple. Aujourd'hui, le ou la partenaire de la femme victime d'une fausse couche ne peut pas aller voir le médecin et obtenir un arrêt à ce titre. Le congé maladie est individuel, mais un tel événement affecte le couple. Nous proposons donc un congé spécial pour le couple, de nature tout à fait différente.

Il ne faut pas prendre de retard sur de telles choses ; vous savez, mes chers collègues, rien n'empêche une idée dont le temps est venu. Le temps est venu d'un tel congé, nous prendrons du retard si nous ne l'adoptons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Merci, monsieur le rapporteur, madame la ministre, pour vos explications, mais je trouve qu'il y a un paradoxe.

Si l'on examine aujourd'hui ce texte, c'est parce que l'on considère qu'il faut faire en sorte que la fausse couche ne soit plus un tabou ; il faut accompagner les femmes qui subissent ce traumatisme, mais aussi, au-delà de ces femmes, le couple, la famille, parce qu'on sait que cet événement affecte tout le monde.

Pourtant, au moment de l'examen de ces amendements, on recule, on se récrie : les femmes vont devoir révéler le motif de leur congé, elles vont s'en trouver discriminées. Je ne comprends pas bien : actuellement, comme je l'ai rappelé dans ma présentation de l'amendement, l'article L. 3142-1 du code du travail donne déjà droit à un congé pour mariage, naissance, décès, ou survenue d'un handicap, d'une pathologie chronique ou d'un cancer chez un enfant. Pour tout cela, il n'y aurait pas de honte, pas de sujet tabou, mais pour une fausse couche, si !

Je pense quand même, mes chers collègues, qu'on marche un peu sur la tête. Il faudrait parfois réfléchir à essayer d'aller un peu plus loin. Si vous avez vraiment peur des conséquences que notre proposition pourrait avoir, alors, faisons comme souvent dans cet hémicycle : tentons une expérimentation !

Un dernier argument : le congé que nous proposons n'est pas une obligation ; c'est un droit. Chacun et chacune pourrait le prendre ou non. On ne peut pas être timoré face à de tels amendements ; j'encourage donc notre assemblée à les voter.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 279 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L'amendement n° 23, présenté par M. Lévrier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 1225-4-2, il est inséré un article L. 1225-4-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1225 -4 - – Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée pendant les dix semaines suivant une interruption spontanée de grossesse médicalement constatée ayant eu lieu entre la quatorzième et la vingt-et-unième semaine d'aménorrhée incluses.

« Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'interruption spontanée de grossesse. » ;

2° À l'article L. 1225-6, après la référence : « L. 1225-4 », est insérée la référence : «, L. 1225-4-… ».

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Le présent amendement vise à créer une protection de dix semaines contre le licenciement à destination des salariées confrontées à une fausse couche tardive, c'est-à-dire à une interruption spontanée de grossesse entre la 14e et la 21e semaine d'aménorrhée incluses, soit moins de 1 % des grossesses. Cette protection ne couvrirait pas les cas de force majeure ou de faute grave de la salariée.

Compte tenu des répercussions psychologiques qui peuvent survenir à la suite de la perte d'un fœtus après la quatorzième semaine d'aménorrhée, ainsi que des discriminations associées au désir réel ou supposé de parentalité qu'elle peut révéler à l'employeur, une telle protection apparaît justifiée.

L'adoption de cet amendement permettra également de rapprocher le droit applicable aux fausses couches tardives de celui qui régit de nombreuses situations ayant trait à la grossesse ou à la perte d'un fœtus pour lesquelles la loi prévoit déjà des protections contre le licenciement : grossesse, naissance récente, congé maternité, ou encore perte de grossesse après la 22e semaine.

Il revient donc bien ici à la loi de compléter les protections existantes afin de limiter les effets de seuil : aujourd'hui, une grossesse arrêtée à 22 semaines d'aménorrhée moins un jour ne donne lieu à aucune protection, alors qu'une interruption de grossesse à compter de la 22e semaine donne droit à une protection pour 26 semaines au minimum. Une telle différence de traitement apparaît disproportionnée par rapport à la différence de situation dont elle découle.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, qui vise à mieux protéger la femme confrontée à une fausse couche tardive, c'est-à-dire une interruption de grossesse dans une période particulièrement éprouvante, en instituant une protection contre le licenciement de cette salariée au cours des dix semaines suivant cet événement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er B.

L'amendement n° 22, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 312-16 du code de l'éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elles sensibilisent également aux risques liés à la grossesse, notamment en matière de fausse couche, ainsi qu'aux moyens de les prévenir. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Cet amendement vise à intégrer les sujets de la grossesse et des risques associés – notamment en matière de fausse couche – aux cours d'éducation à la santé sexuelle et reproductive. Il est en effet primordial de sensibiliser les élèves à ces sujets.

Dans une tribune, le collectif « Fausse couche, vrai vécu » soulignait : « Subir un arrêt naturel de grossesse […], c'est recevoir des injonctions à aller de l'avant (″Au moins, tu sais que ça fonctionne !″, ″Ce sera pour la prochaine fois.″) […]. C'est s'apercevoir que personne n'a appris à accueillir une telle annonce. »

Les femmes sont parfois rendues responsables des pertes de grossesse précoces qu'elles subissent, à coups d'idées préconçues, au travers de phrases telles que : « Tu étais stressée » ; « Tu aurais dû te reposer » ; « Tu n'étais pas prête » ; « Mais qu'as-tu fait ? » ; « Tu le voulais vraiment ? »…

L'association dénonce le manque d'information à l'école et de vulgarisation scientifique, responsable de la culpabilisation des femmes qui subissent une perte de grossesse précoce, autant que du passage sous silence de cet événement – et, nous venons de le voir, cela ne va pas s'améliorer.

Ainsi, l'association appelle à intégrer aux cours d'éducation à la sexualité, dès le collège, un enseignement sur les arrêts naturels de grossesse, leurs causes et leurs manifestations concrètes et corporelles.

J'ai bien compris que seulement 10 % des trois séances d'éducation à la sexualité prévues annuellement sont dispensées dans la pratique. Nous ne demandons pas pour autant que la durée de cet enseignement soit réduite à une demi-journée au lieu de trois. S'il faut tenir compte de l'offre, nous devons faire en sorte que ces trois séances soient dispensées au cours du cycle scolaire et qu'elles intègrent cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Je partage pleinement le constat qui sous-tend cet amendement : l'information et la sensibilisation autour des interruptions spontanées de grossesse sont largement insuffisantes.

J'estime également nécessaire de mieux intégrer les interruptions spontanées de grossesse dans le tronc commun de connaissances dispensées dans l'enseignement secondaire – les auditions que nous avons menées l'ont bien montré.

Toutefois, le moyen retenu par les auteures de cet amendement n'est pas apparu le plus adéquat aux yeux de la commission.

En effet, les séances d'éducation à la sexualité, dont le programme – déjà particulièrement chargé – inclut la sexualité, les violences sexistes et sexuelles et les mutilations sexuelles, n'ont pas été pensées pour englober, au surplus, les divers aspects de la grossesse.

L'objet de ces séances est de former les élèves, dans une approche moins académique, à la découverte de la vie sexuelle, que tous ne peuvent pas sereinement aborder à la maison.

L'interruption spontanée de grossesse gagnerait plutôt à faire l'objet d'une formation académique, intégrée dans les programmes de sciences de la vie et de la terre au collège, puis au lycée. Une telle formation, plus rigoureuse scientifiquement, semble mieux à même de répondre aux idées préconçues inexactes qu'évoque le collectif « Fausse couche, vrai vécu » dans sa tribune.

Les programmes scolaires relevant du domaine réglementaire, il appartiendra au ministre de l'éducation nationale de saisir le Conseil supérieur des programmes pour étudier l'opportunité de renforcer la place qui y est consacrée aux interruptions spontanées de grossesse.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Je me suis déjà exprimée au sujet de l'éducation à la sexualité. Je précise que la rédaction actuelle de l'article L. 312-16 du code de l'éducation promeut déjà une approche globale bienveillante de la sexualité, quel que soit le sujet – santé sexuelle, reproduction, etc. – et inclut, de fait, les risques liés à la grossesse.

Comme je l'ai indiqué, nous travaillons à rendre plus effective l'éducation à la sexualité.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Madame la ministre, comme vous l'aviez fait plus tôt en réponse à Annick Billon, vous affirmez votre volonté de modifier et de mettre en œuvre le programme de l'éducation à la sexualité, mais je vous rappelle qu'il s'agit d'un apprentissage relatif à la vie sexuelle, mais aussi reproductive.

Dans ce cadre, la grossesse, menée à terme ou non, fait partie de cet enseignement. Sans trop en faire sur les interruptions spontanées de grossesses – nous nous adressons à des adolescents et des adolescentes –, je crois que la question doit être abordée.

Ce que nous vous vous demandons, madame la ministre, c'est que le ministère de l'éducation nationale fasse tout pour que l'ensemble des adolescents, et non seulement 10 % d'entre eux, profitent de cette formation, laquelle doit être aussi bienveillante et large que possible et intégrer tous les thèmes à la fois de la sexualité et de la reproduction.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

J'abonde dans le sens de ma collègue : il s'agit d'éducation sexuelle et reproductive. Nous ne sommes donc pas hors sujet, monsieur le rapporteur.

Madame la ministre, vous estimez que cet amendement est satisfait ; j'ai été tentée de vous croire et de le retirer, mais je le maintiendrai toutefois en espérant que, s'il n'est pas adopté, vous ayez en effet raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Je comprends l'argumentaire de Raymonde Poncet Monge, auquel Mme la ministre a déjà répondu, mais j'abonderai dans le sens de celle-ci et du rapporteur : à quoi bon ajouter des contenus à des programmes qui ne sont actuellement pas dispensés ?

Une vraie réflexion doit être menée, non seulement pour que ces cours à la sexualité soient réellement dispensés au sein des établissements scolaires, mais aussi sur le fond des contenus enseignés. Pour avoir rédigé, avec plusieurs autres collègues, un rapport sur l'industrie de la pornographie, je m'interroge sur l'intérêt d'enseigner la reproduction alors qu'un enfant sur trois de moins de douze ans et deux enfants sur trois de moins de quinze ans ont été exposés à des images pornographiques.

Madame la ministre, il est urgent de revoir à la fois le contenu et le nombre de séances d'éducation à la sexualité. Aussi, je suivrai les avis du rapporteur et de la ministre en ne votant pas cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

(Non modifié)

Le I de l'article L. 162-58 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le 2° est ainsi modifié :

a) Après la seconde occurrence du mot : « médecin », sont insérés les mots : « ou une sage-femme » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « En cas d'interruption spontanée de grossesse, le partenaire de la patiente peut également faire l'objet d'un adressage par la sage-femme. » ;

2° Au dernier alinéa, après le mot : « médecins », il est inséré le mot : «, sages-femmes ».

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L'amendement n° 6, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

le

insérer les mots :

ou la

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

L'interruption spontanée de grossesse affecte en premier lieu les femmes, mais aussi leur partenaire, voire toute la cellule familiale.

En effet, les études montrent que 20 % à 55 % des femmes ayant subi une fausse couche présentent un syndrome dépressif, 15 % d'entre elles développant même un véritable stress post-traumatique, et que 17 % de leurs partenaires présentent également un syndrome dépressif.

Les couples doivent donc être systématiquement informés de la possibilité de bénéficier d'un soutien psychologique pris en charge par la sécurité sociale, comme le prévoit l'article 1er.

Notre amendement précise la rédaction de cet article pour rappeler la diversité des couples en mentionnant simplement « le ou la » partenaire. C'est d'ailleurs en ces termes que le ministre de la santé s'est exprimé devant les députés le 8 mars dernier, déclarant : « Grâce à cette future loi, les sages-femmes seront désormais habilitées, dans tout type de situation liée à la grossesse, à adresser leurs patientes à ce dispositif d'accompagnement psychologique. S'il s'agit d'une fausse couche, le ou la partenaire de la patiente pourra également en bénéficier, toujours par l'intermédiaire de la sage-femme. »

Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec le ministre de la santé – c'est à noter.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. C'est un scoop !

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Mme Laurence Cohen. Aussi, je pense que Martin Lévrier ne peut que me suivre !

M. le rapporteur rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Les couples de femmes doivent, bien évidemment, être accompagnés, au même titre que les couples hétérosexuels. Toutefois, dans le code de la santé publique, les notions de « partenaire » et de « conjoint » sont systématiquement utilisées au masculin pour viser les deux sexes.

Pour résumer, les mots français sont masculins ou féminins, mais ne sont pas genrés en tant que tels ; ils sont simplement neutres.

Mmes Laurence Cohen et Émilienne Poumirol protestent.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Il est très clair que ce texte s'applique à tous les couples, y compris ceux de même sexe. Aussi, si cette précision vous semble nécessaire, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L'amendement n° 18, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les zones mentionnées au 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique, les séances peuvent être réalisées à distance par vidéotransmission si l'adressage prévu au 2° s'est effectué dans le contexte d'une interruption spontanée de grossesse. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Il s'agit d'un amendement de Mélanie Vogel.

Faciliter l'accompagnement psychologique après une fausse couche constitue une avancée que nous saluons. Toutefois, un point nous interroge : comment garantir que les femmes confrontées à une fausse couche puissent s'entretenir, effectivement et rapidement, avec un ou une psychologue ? À quoi sert ce droit s'il est impossible d'obtenir un rendez-vous dans les mois qui suivent ?

Alors que la proposition de loi élargit l'adressage aux maïeuticiens en cas de fausse couche, rien n'est prévu pour s'assurer que des psychologues soient bien disponibles pour accompagner le couple. Jusqu'au rendez-vous avec le maïeuticien, la femme reste donc seule, et la proposition de loi n'améliore guère la situation.

En effet, les psychologues manquent cruellement dans certaines régions, ou ne participent pas au dispositif MonParcoursPsy, comme l'a très bien expliqué Laurence Cohen. Selon l'édition 2020 de l'Atlas de la santé mentale en France, c'est dans les territoires qui manquent également d'autres professionnels de santé, notamment de médecins, que l'on déplore une faible présence des psychologues.

L'un des leviers pour améliorer l'efficacité de ce dispositif est donc de faciliter la prise de rendez-vous. Dans la rédaction actuelle du dispositif, la première des huit séances d'accompagnement psychologique doit obligatoirement se tenir en présentiel – les autres rendez-vous pouvant être réalisés en visioconférence. Cette condition doit être remplie pour que les sept autres consultations soient remboursées.

Or si nous défendons en général le principe des rendez-vous en présentiel, il nous faut tenir compte de la réalité de l'offre : là où il y a peu de psychologues, cette condition contribue à allonger le délai d'attente, voire conduit au non-recours. La réalité de la situation nous invite à laisser le choix aux femmes et à leur partenaire qui habitent dans un désert médical, où un accès à un psychologue est difficile.

C'est pourquoi nous demandons de rembourser l'accompagnement psychologique dans un désert médical, même si la première séance s'est tenue en visioconférence.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Le code de la santé publique permet déjà la réalisation des séances par vidéotransmission, à l'exception de la première séance, qui est consacrée à un entretien d'évaluation. Il me semble que cette mesure permet un équilibre pertinent entre accès aux soins et qualité de l'accompagnement psychologique.

De plus, il ne paraît pas souhaitable de prévoir des règles différentes en la matière, selon que le trouble psychologique est consécutif à une interruption spontanée de grossesse ou non.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Je suis en principe très prudente en ce qui concerne la téléconsultation. Nous en avons beaucoup parlé lors de l'examen du PLFSS, et je reste persuadée qu'il faut contrôler ce mode de consultation pour éviter d'aller vers une médecine à deux vitesses, avec des médecins que l'on verrait de temps en temps par vidéotransmission, pour prétendument répondre aux besoins des déserts médicaux. Il existe un risque de marchandisation, que nous constatons d'ailleurs déjà.

Les zones blanches en matière de médecins généralistes sont pourtant une réalité, sans parler des gynécologues. Pour ce qui est des psychologues, nous savons que la santé mentale est le parent pauvre de notre médecine – la situation est dramatique.

Aussi, je soutiens cet amendement du groupe écologiste pour que, exceptionnellement, les personnes vivant dans un désert médical puissent avoir accès rapidement à un psychologue. Si, en théorie, la première consultation doit se tenir en présentiel, déroger à cette règle peut, dans quelques cas précis, répondre à des situations d'urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Je voterai en faveur de cet amendement. Je suis beaucoup moins réticente que ma collègue à la télémédecine.

Je comprends la position du rapporteur en défaveur des mesures différenciées, aussi suis-je favorable à ouvrir à chacun le recours à la téléconsultation.

L'adoption de cet amendement faciliterait l'accès à un psychologue. Or l'accès à la santé mentale est très compliqué dans notre pays. Aussi, je ne vois pas d'opposition à adopter cet amendement de Mme Vogel.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Mes chers collègues, nous devons avoir achevé l'examen de ce texte à seize heures dix. Aussi, je vous invite à faire preuve de la concision nécessaire pour y parvenir.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 2 rectifié est présenté par Mme Guillotin, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

L'amendement n° 13 rectifié bis est présenté par Mme Billon, M. Longeot, Mme Dindar, M. Détraigne, Mme Perrot, MM. Cadic et Le Nay, Mme Doineau, M. Duffourg et Mme Devésa.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au II de l'article 79 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, après les mots : « présent article », sont insérés les mots : «, qui évalue également l'accessibilité du dispositif pour les couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse, ».

La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l'amendement n° 2 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Le dispositif MonParcoursPsy a été lancé le 5 avril 2022 pour lutter contre les effets psychiques de la crise sanitaire. Un an plus tard, nous ne pouvons que constater que le bilan est plus que mitigé : seulement 90 000 patients ont bénéficié du dispositif et moins de 10 % des psychologues libéraux ont adhéré au système, 93 % environ le refusant, pour de multiples raisons.

L'objectif de cette proposition de loi est bien de garantir aux femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse un suivi médical, mais surtout un suivi psychologique, qui repose en grande partie sur l'efficience de MonParcoursPsy.

Je sais que la commission des affaires sociales est défavorable aux demandes de rapport, mais je crains que nous ne passions à côté des objectifs que nous visons au travers de cette proposition de loi.

C'est pourquoi j'avais à l'origine déposé un amendement tendant à demander la réalisation d'un rapport sur l'accessibilité du dispositif. Toutefois, je l'ai modifié, à la suite de nos discussions en commission, pour me conformer à la tradition sénatoriale.

Ainsi, j'ai repris la rédaction de l'amendement n° 13 rectifié bis, déposé par Annick Billon, qui complète le contenu du rapport déjà prévu sur MonParcoursPsy, qui doit être remis l'an prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l'amendement n° 13 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Je remercie ma collègue Véronique Guillotin d'avoir corrigé son amendement pour le rendre identique au mien. Mon amendement est donc défendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Je remercie ma collègue Véronique Guillotin d'avoir fait évoluer la rédaction de son amendement vers une extension du rapport déjà prévu.

Comme ils ne constituent donc pas une demande de rapport, la commission émet un avis favorable sur ces amendements identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Mme Laurence Cohen. C'est votre premier avis favorable !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. Pour que les choses soient claires, ce que vous souhaitez, madame Billon, c'est bien que cette évaluation soit intégrée à celle, globale, de MonParcoursPsy ?

M. Annick Billon le confirme.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Dans ce cas, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 19, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Avant le dernier alinéa de l'article L. 2122-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Au titre de la surveillance médicale de la grossesse mentionnée au premier alinéa, le médecin ou la sage-femme sollicité par une femme confrontée à une interruption spontanée de grossesse réalise un entretien interruption spontanée de grossesse qui a notamment pour objectifs de l'informer des possibilités d'accompagnement psychologique, de traitement ainsi que de leurs implications et de leurs effets secondaires potentiels. En cas de traitement médical, la patiente se voit proposer de suivre celui-ci dans un établissement de santé adapté. Un nouvel examen médical est obligatoirement proposé au cours des quatre semaines suivant la prise en charge de l'interruption spontanée de grossesse. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Cet amendement de Mélanie Vogel vise à rétablir l'article 1er bis, car, comme souvent, il y a un léger décalage entre les paroles et les actes…

Nous pourrions penser que nous avons tous pris conscience de l'importance de lever le non-dit et de consacrer des mesures fortes pour accompagner les couples confrontés à une interruption de grossesse. Pourtant, nous empêchons souvent des avancées qui amélioreraient l'accompagnement des femmes et de leur partenaire.

Cet amendement vise à créer un parcours de soins spécifique complet pour les femmes qui ont subi une fausse couche. En effet, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souhaite que les professionnels de santé qui sont sollicités par une femme confrontée à une fausse couche lui accordent un entretien.

Cet entretien permettrait de répondre aux questions de la patiente et d'évoquer avec elle les traitements médicaux envisageables. Il serait aussi l'occasion d'évoquer la possibilité d'un accompagnement psychologique – pour rappel, il s'agit précisément de la mesure phare de cette proposition de loi.

Par ailleurs, nous proposons que, si des traitements sont administrés dans un autre établissement médical, les mêmes professionnels de santé continuent de suivre la patiente.

Enfin, ce parcours de soins spécifique comprendrait un examen médical complémentaire, qui serait réalisé quatre semaines plus tard. Cet examen peut être refusé par la patiente, mais il doit lui être proposé de manière systématique.

Il s'agirait donc de poser les conditions minimales d'un tel parcours, car la pratique a montré que la prise en charge reste trop souvent rudimentaire et que les médecins se contentent parfois – pour ne pas dire souvent – d'un laconique – je cite – : « La prochaine fois sera la bonne ! »

Pour marquer une réelle avancée sur la question, je vous appelle à adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L'amendement n° 5, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Avant le dernier alinéa de l'article L. 2122-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Au titre de la surveillance médicale de la grossesse mentionnée au premier alinéa du présent article, le médecin ou la sage-femme sollicité par une femme victime d'une interruption spontanée de grossesse doit, dès la première consultation, informer celle-ci des possibilités de traitement, ainsi que de leurs implications et effets secondaires potentiels. En cas de traitement médical, la patiente se voit proposer de suivre celui-ci dans un établissement de santé adapté. Un nouvel examen médical est obligatoirement proposé dans les quatre semaines suivant la prise en charge d'une interruption spontanée de grossesse. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Cet amendement quasi identique reprend la rédaction de l'article 1er bis adopté par l'Assemblée nationale en séance publique. Sans entrer dans le détail du contenu de cet article, la commission des affaires sociales du Sénat a estimé que l'obligation d'information s'appliquait déjà aux professionnels de santé.

Or force est de constater que, si cette obligation existe, elle n'est pas respectée par certains professionnels de santé. Dès lors, le rapporteur doit soit proposer de renforcer les sanctions en cas de non-respect de leur obligation, soit soutenir notre amendement visant à spécifier l'obligation d'information des professionnels de santé – eh oui, il faut être logique, mon cher collègue rapporteur !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Enfin, en ce qui concerne la prise en charge dans un établissement de santé et la réalisation d'examens complémentaires, nous estimons que la commission n'a refusé ces mesures qu'en raison de leur coût, à la faveur d'une vision comptable de la santé, en contradiction avec les recommandations de bonne pratique des sociétés savantes.

En tout état de cause, nous proposons, par cet amendement, d'améliorer la reconnaissance de l'interruption spontanée de grossesse et de garantir une prise en charge médicale adéquate des femmes qui en sont victimes.

Il s'agit donc réellement d'un amendement d'amélioration, qui prend en considération le travail de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

L'article 1er bis a été supprimé par la commission, parce qu'il contraignait inutilement les professionnels de santé impliqués dans la prise en charge des interruptions de grossesse. Comme je l'ai souligné, ces derniers sont déjà soumis à d'importantes obligations d'information des patients consacrées par la loi de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Leur exercice est encadré par de nombreuses règles déontologiques. Enfin, les professionnels prescrivent déjà des examens complémentaires, lorsque cela apparaît nécessaire, conformément aux préconisations des sociétés savantes.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Mme Laurence Cohen. C'est très partisan, monsieur le rapporteur !

Mme la présidente de la commission des affaires sociales et M. le rapporteur font un signe de dénégation.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Le Gouvernement émet également un avis défavorable, je m'en suis déjà un peu expliquée.

La nécessité d'information par les professionnels médicaux existe déjà et il est également possible de préconiser une aide psychologique prise en charge par l'assurance maladie, ce qui permet aux sages-femmes d'orienter les patientes à tout moment. Par ailleurs, il relève des bonnes pratiques professionnelles de proposer à la patiente un suivi, dès que cela se révèle nécessaire.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L'amendement n° 20, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Article 1er ter

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'extension de l'assurance maternité définie à l'article L. 160-9 du code de la sécurité sociale à l'ensemble des frais relatifs ou non à la grossesse, à son interruption, à l'accouchement et à ses suites, dès les premières semaines d'aménorrhée.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Cet amendement vise à rétablir l'article 1er ter, qui a été supprimé par un amendement du rapporteur en commission des affaires sociales, pour des questions de coût, comme je l'ai entendu tout à l'heure. Au moins, c'est dit !

Même si nous connaissons le sort qui sera réservé à cet amendement d'appel, nous demandons un rapport sur la possibilité d'extension de l'assurance maternité dès les premières semaines d'aménorrhée, c'est-à-dire dès le constat de la grossesse, et non à partir du sixième mois seulement, comme c'est le cas actuellement.

En effet, faire bénéficier de l'assurance maternité, qui permet la prise en charge de 100 % des frais médicaux, à partir du sixième mois de grossesse seulement, c'est nier que, s'il y a une « fausse couche », la grossesse a bien existé et doit être prise en charge par la sécurité sociale.

C'est aussi moins protéger la femme enceinte puisqu'avant six mois de grossesse tout arrêt, hors fausse couche, on l'a vu aujourd'hui, devenant un simple arrêt maladie, occasionne des jours de perte de salaire, alors que le droit du travail reconnaît que, dès le quatrième mois de grossesse, la femme doit bénéficier d'une protection, à savoir la réduction du temps de travail. Dire qu'avant trois mois une femme n'est pas enceinte revient à invisibiliser cette perte.

Selon Judith Aquien, dans son ouvrage intitulé Trois mois sous silence: Le tabou de la condition des femmes en début de grossesse, le début de la grossesse est la période qui fait l'objet du moins de prise en charge en matière de soins et de réflexion : « Alors que le début de grossesse est marqué par l'insécurité d'un corps qui met tout en place pour accueillir la vie, rien ne doit transparaître de l'état des femmes : elles sont invitées à prendre sur elles, au travail comme à la maison, et à taire ce qu'elles endurent. »

Une grossesse qui n'engendre pas de naissance est toutefois une grossesse. C'est pourquoi cet amendement a pour objet la remise d'un rapport sur la possibilité d'étendre l'assurance maternité.

Marques d'impatience sur les travé es du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Votre temps de parole est écoulé, ma chère collègue. Je faisais preuve de bienveillance…

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Sans surprise, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

La couverture maladie des risques associés à la maternité intervient dès le début de la grossesse. Elle permet de prendre en charge les examens médicaux obligatoires dans le cadre du suivi de grossesse, notamment en cas de grossesse pathologique ou de pathologie fœtale.

Dans la pratique, il serait impossible d'étendre cette prise en charge par la maternité avant même la déclaration de grossesse, qui doit intervenir avant la fin du troisième mois. C'est dans le cadre du premier examen prénatal que le professionnel de santé – médecin généraliste, gynécologue ou sage-femme – procède à la déclaration de grossesse et la signale à la caisse primaire d'assurance maladie compétente. À partir de cette information, la caisse déclenche la prise en charge au titre de la maternité.

Il semble nécessaire de maintenir le partage entre prise en charge du risque maladie et prise en charge du risque maternité.

L'amendement n'est pas adopté.

(Suppression maintenue)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Le groupe Union Centriste votera ce texte.

J'avais déposé un certain nombre d'amendements qui ont été retirés et qui n'ont donc pas eu la chance de recueillir, comme l'amendement du Gouvernement, un avis favorable de la commission. Je continue de m'interroger sur l'opportunité de légiférer systématiquement : certaines dispositions me paraissent relever sans équivoque du domaine réglementaire ou de bonnes pratiques. Il me semblait important de le signaler.

J'ajoute que l'accès aux soins et la santé des femmes ne seront pas une réalité tant qu'il n'y aura pas de praticiens en nombre suffisant. Dans les territoires, les élus sont confrontés à des fermetures de maternité ; c'est notamment le cas aux Sables-d'Olonne. À quoi sert de légiférer sans qu'existent les moyens nécessaires dans les territoires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Il ne faut pas voter les projets de loi de financement de la sécurité sociale, alors !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 280 :

Le Sénat a adopté à l'unanimité.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Isabelle Rome, ministre déléguée

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de ce vote à l'unanimité et transpartisan et je vous en remercie.

L'adoption de cette proposition de loi permet une avancée nouvelle pour les droits des femmes. Une fois de plus, nous voyons que nous pouvons nous réunir sur des questions importantes pour la santé des femmes et pour l'accompagnement des couples.

Qui plus est, ce texte s'inscrit pleinement dans le cadre du plan lancé le 8 mars dernier sous l'égide de la Première ministre Élisabeth Borne. Celui-ci comporte quatre axes, dont l'un concerne la santé des femmes. Oui, nous faisons bien de la santé des femmes l'un des axes majeurs de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Je vous remercie une nouvelle fois de cette unanimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 9 mai 2023 :

À quatorze heures trente et le soir :

Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé (texte de la commission n° 510, 2022-2023) ;

Deuxième lecture de la proposition de loi visant à améliorer l'encadrement des centres de santé (texte de la commission n° 567, 2022-2023) ;

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (texte de la commission n° 563, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à seize heures cinq.

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