Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 10 mai 2006 à 22h00
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information — Vote sur l'ensemble

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

À l'issue de l'examen par le Sénat du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins, je tiens à insister sur l'objectif que nous avons toujours cherché à atteindre tout au long de ce débat : affirmer la priorité du droit d'auteur dans un contexte de mutation technologique. C'est la raison pour laquelle je réitère notre regret que le débat n'ait pas été plus approfondi.

La complexité du texte et la technicité des sujets qui ont été abordés nous ont sans doute privés d'une réflexion de fond sur un enjeu de société et d'avenir, à savoir l'accès et la diffusion des oeuvres sur Internet, la mise en place de nouveaux systèmes économiques permettant de proposer une offre légale et des espaces nouveaux à tous les créateurs.

Aussi ce projet de loi est-il un texte de transition, une étape. Nous serons conduits à revoir notre cadre législatif dans un délai relativement court compte tenu des évolutions majeures que cette question représente pour nos sociétés dans le cadre d'une mondialisation croissante.

Nous ne pouvons que regretter encore une fois que le Gouvernement ait déclaré l'urgence sur ce projet de loi, car les débats au sein de notre assemblée ont clairement montré que la navette parlementaire aurait été utile pour améliorer les dispositions essentielles du texte et arriver au meilleur équilibre possible.

Notre plus grande satisfaction est de voir le texte réaffirmer la primauté du droit d'auteur, principale source de la création artistique.

L'examen par le Sénat aura également permis d'améliorer le régime des exceptions au droit d'auteur. Nous nous réjouissons de voir enfin reconnu l'exception pédagogique en faveur de l'enseignement et de la recherche, même s'il faudra nous montrer vigilants sur la dotation budgétaire allouée aux universités, qui devront payer la rémunération forfaitaire.

Le texte adopté par le Sénat reprend également les garanties apportées par l'Assemblée nationale concernant l'exception pour copie privée. Même si nous avons exprimé nos inquiétudes sur la rémunération pour copie privée, laquelle est menacée par la systématisation des mesures techniques de protection, il nous semble que cette exception essentielle est garantie pour les usagers.

Nous avons un autre motif de satisfaction : la rédaction du texte se trouve sensiblement améliorée par la lecture au Sénat. Il faut saluer le bon travail de la commission des affaires culturelles et de son rapporteur.

Cependant, les discussions au sein de la Haute Assemblée ne nous ont pas permis d'aborder plusieurs enjeux essentiels, et nous restons perplexes sur plusieurs dispositions.

La principale est bien sûr l'interopérabilité. Nous avons essayé de sauvegarder les avancées de l'Assemblée nationale, qui avait affirmé clairement le principe de l'interopérabilité en lui conférant un cadre.

Même si plusieurs de nos amendements ont été adoptés, nous pensons que le texte issu du Sénat n'assure pas suffisamment la garantie de ce principe, qui a été renvoyée à l'Autorité de régulation. Nous espérons que la commission mixte paritaire permettra d'améliorer cet aspect du texte en revenant au plus près de la rédaction que l'Assemblée nationale a adoptée à l'unanimité.

La création de l'Autorité de régulation, qui remplace le collège des médiateurs, nous laisse également perplexe. Nous ne sommes pas totalement satisfaits par cette nouvelle autorité administrative indépendante, dont les missions sont très étendues. Nous avons exprimé nos doutes sur les coûts induits par cette nouvelle instance et sur son rôle en matière d'interopérabilité. Je regrette que nous n'ayons pas eu davantage de précisions sur les coûts.

Enfin, nous sommes perplexes sur le système de sanctions prévu par le projet de loi et nous sommes fermement opposés aux amendements pénalisant les éditeurs de logiciels menaçant directement l'activité des logiciels libres.

En outre, nous sommes déçus par l'absence de débats de fond et d'avenir dans notre assemblée. Il est en effet regrettable que nous n'ayons pu réfléchir aux questions qui se poseront dans un avenir très proche. Certains d'entre nous ont évoqué des pistes de réflexion sur les nouvelles sources de financement de la création artistique. Cependant, nous aurions aimé recueillir le point de vue d'un plus grand nombre de nos collègues.

La révolution numérique ne doit pas seulement être appréhendée comme une menace pour les industries culturelles. Elle peut aussi être une chance de développement. Il est dommage que nous remettions ces débats essentiels à une date ultérieure alors que de véritables pistes de réflexion auraient pu davantage être abordées dans cet hémicycle.

Le groupe UC-UDF, déçu qu'un débat plus approfondi n'ait pu se dérouler, ne pourra voter le projet de loi tel qu'il ressort de l'examen par le Sénat. Ainsi, les sénateurs du groupe centristes s'abstiendront et resteront vigilants sur les conclusions de la commission mixte paritaire.

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