Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 10 mai 2006 à 22h00
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information — Vote sur l'ensemble, amendements 14 1991

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

Nous arrivons au terme d'un débat complexe, qui s'est finalement déroulé dans un esprit de réel sérieux. Il faut dire que la passion des débats à l'Assemblée nationale était à la mesure de l'impréparation du Gouvernement sur ce projet de loi.

Comme nous l'avons amplement souligné lors de la discussion, nous étions prêts à approuver une transposition de directive a minima protégeant les droits d'auteur et les droits voisins, si elle était réalisée dans un esprit de concertation et de pédagogie. Au lieu de cela, nous nous sommes embarqués dans six mois d'une navette parlementaire ubuesque avec, en prime, une déclaration d'urgence tardive sur un texte déposé depuis près de trois ans.

Sous prétexte d'assurer la protection numérique de la propriété littéraire et artistique, le Gouvernement a proposé un projet de loi initial extrêmement répressif, assimilant le téléchargement illicite d'oeuvres et d'objets protégés à de la contrefaçon, alors qu'un tel comportement relève généralement de pratiques spontanées d'internautes désireux d'accéder à des contenus culturels multiples et variés.

Une telle provocation n'a pas manqué de mettre le feu aux poudres. Par le biais de très nombreux amendements, les députés ont relayé de manière souvent improvisée les préoccupations de toutes les parties au débat. Et vous n'avez rien trouvé de mieux, monsieur le ministre, que de retirer purement et simplement les dispositions en question, au lieu de laisser à la navette parlementaire le soin de faire son oeuvre.

C'est donc dans un contexte d'hostilité déclarée que le Sénat s'est trouvé saisi du projet de loi. Il a dû trouver une voie pour relayer les préoccupations tant de l'industrie culturelle et des ayants droit que des internautes, des éditeurs de logiciels et des industries concernées, et ce dans un cadre dépassant désormais la simple transposition de la directive puisque certaines questions primordiales comme celle de l'interopérabilité ayant été soulevées, il convenait de les régler au mieux.

Par leurs interventions et leurs amendements, les sénateurs socialistes ont donc souhaité contribuer au débat en maintenant un équilibre entre protection et développement de la création, d'une part, et droit d'accès à la culture, d'autre part.

Force est de constater que nos amendements n'ont trouvé que peu d'écho auprès de la Haute Assemblée : seuls deux d'entre eux ont été adoptés. Le premier tendait à garantir le respect de la directive du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur et modifiant le code de la propriété intellectuelle sur l'exception de décompilation dans le cadre de la protection des mesures techniques. Le second avait pour objet de prévoir les conditions de mise en oeuvre d'une plateforme de téléchargement publique.

Le texte issu du Sénat ne peut pas nous satisfaire pleinement. Nous ne pouvons pas cautionner la nouvelle Autorité de régulation des mesures techniques, voulue par M. le rapporteur. Celle-ci constitue une nouvelle instance de régulation aux compétences beaucoup trop larges pour un secteur dont on ne maîtrise pas encore l'évolution. Nous regrettons que le collège de médiateurs, dans une formation élargie mais avec des compétences maintenues - c'est la formule que nous souhaitions -, n'ait pas été préféré.

Certes, les sanctions figurant dans le projet de loi initial ont été davantage graduées en fonction de la nature de la faute, mais rien ne nous assure qu'elles trouveront une application effective ni qu'elles seront réellement dissuasives pour les internautes peu soucieux des droits d'auteur.

Nous aurions aimé que certaines de nos propositions - je pense notamment à celle relative à la garantie de la chronologie des médias dans les modalités de la mise en oeuvre de l'exception pour copie privée dans le cadre numérique - soient retenues.

Vous comprendrez donc que nous ne pouvons pas cautionner ce texte, sur lequel le Gouvernement et le Sénat n'ont pas fait preuve d'une ouverture d'esprit suffisante. Le groupe socialiste votera donc contre ce projet de loi.

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