Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme de stabilité, objet du présent débat, confirme la tendance du Gouvernement à creuser son sillon néolibéral. Il s'inscrit en effet dans la droite ligne du projet de loi de programmation des finances publiques que le Parlement a refusé d'adopter en novembre 2022.
Le président du Haut Conseil des finances publiques n'a d'ailleurs pas manqué de s'émouvoir, dès janvier 2023, du fait que la France demeure dépourvue de ce texte crucial prévu par la Constitution. En effet, comment concevoir des politiques publiques sans anticiper un plafond global de dépenses de l'État sur le périmètre de la norme de dépense et des plafonds de dépenses par mission ?
Saisi par le Gouvernement du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) portant réforme des retraites, le Haut Conseil a d'ailleurs relevé que l'absence d'adoption du projet de loi de programmation des finances publiques ne lui permettait pas de vérifier la cohérence des prévisions des finances publiques des textes financiers avec la loi de programmation.
Cette loi de programmation, rejetée par les assemblées, s'inscrivait elle-même, comme il se doit, dans la droite ligne du programme de stabilité soumis par l'exécutif en avril 2022 aux institutions européennes qui, rappelons-le, ne tiennent pas le stylo du Gouvernement.
Or que trouvait-on dans le programme de stabilité d'avril 2022 ? Un projet de réforme des retraites avancé par l'exécutif français pour répondre à des objectifs macroéconomiques. Selon le scénario retenu, le recul de l'âge de départ à la retraite devait d'abord accroître le taux d'emploi des Français en favorisant l'emploi des seniors. Il n'y était donc pas question de sauver le système de retraite !
Nous avons amplement démontré, lors des débats sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, l'absurdité de cette démarche, qui conduira à déporter les dépenses vers d'autres branches de la sécurité sociale.
Elle conduira le Gouvernement à l'échec concernant le deuxième objectif affiché : la réduction du déficit de l'État. Celle-ci n'est pas poursuivie sérieusement, comme en témoignent les baisses d'impôts consenties aux plus riches et aux grandes entreprises. Au cours de la dernière décennie, l'exécutif a ainsi organisé la perte annoncée de 372 milliards d'euros de recettes, soit une moyenne annuelle de 37 milliards d'euros par an. Ces chiffres sont à rapprocher de l'hypothétique déficit de 13, 5 milliards d'euros du système de retraite annoncé en 2030 que le Gouvernement prétend chercher à prévenir.
Dans le même temps, les économies découlant du report de l'âge légal de la retraite à 64 ans sont espérées à 8 milliards d'euros en 2027, soit le strict montant du cadeau fiscal que constitue la suppression de la CVAE. Pour mémoire, le Fonds monétaire international (FMI) a lui-même signalé en octobre 2022 à la France que ces baisses d'impôts n'étaient pas opportunes.
Néanmoins, le Gouvernement s'entête, agissant ainsi en cohérence avec une ligne politique identifiable depuis longtemps, notamment au travers de la stratégie retenue pour gérer la dette liée à la crise du covid-19. Le Gouvernement n'a-t-il pas fait endosser celle-ci à la protection sociale par le biais de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), alors même que le « quoi qu'il en coûte » n'a pas été une politique sociale, mais bien une politique économique ?
À Sciences Po Paris, le mois dernier, d'éminents spécialistes ont déploré l'inscription de la réforme des retraites dans le cadre d'une politique macroéconomique. Il a été redit à cette occasion qu'une réforme des retraites reflétait un projet de société et ne pouvait donc constituer une variable d'ajustement de la réduction des déficits.
Ne nous y trompons pas : un arbitrage a été effectué par le Gouvernement, qui a décidé de sacrifier deux ans de la vie des Français les plus vulnérables en faveur de la baisse de la dépense publique, plutôt que d'agir pour préserver et accroître la ressource.
Les collectivités sont d'ailleurs également concernées par ce refroidissement annoncé de la dépense publique ainsi que par la menace d'un retour de la contractualisation. Mais il s'agit là d'un autre sujet…
Le Gouvernement paie aujourd'hui ses choix dans la rue, mais les Français les paient encore davantage et de bien des manières : par une crise démocratique dangereuse pour la Nation, par une crise sociale, ainsi que par la dégradation de la note de la France pour l'emprunt sur les marchés financiers.
Monsieur le ministre, quand tirerez-vous les conclusions de la crise dans laquelle nous a plongés votre gouvernement ?