Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd’hui sur l’initiative de notre collègue André Gattolin et du groupe RDPI braque, à raison, le projecteur sur l’un des drames les plus terribles vécus par les enfants d’Ukraine au cours de la guerre déclenchée par la Fédération de Russie contre ce pays.
Les transferts forcés massifs et les déportations d’enfants ukrainiens vers la Russie constituent un crime injustifiable, que la proposition de résolution que nous avons adoptée nous appelle, très justement, à condamner.
Bien que les chiffres en la matière ne soient pas totalement établis, il est en effet avéré que ces transferts forcés, totalement contraires au droit international et aux conventions, sont massifs.
Combien d’enfants ukrainiens sont-ils concernés parmi les centaines de milliers déplacés par la guerre ? Nous ne le savons pas exactement. Selon un système de collecte de données géré par le gouvernement ukrainien, 16 000 enfants auraient été transférés de force vers la Russie avant la fin du mois de février. L’ONG américaine Conflict Observatory recense, de son côté, 6 000 enfants et l’ONG Human Rights Watch évoque plusieurs milliers d’enfants.
Il est donc manifeste que les transports forcés sont massifs et violent gravement le droit humanitaire international. Ils constituent au minimum un crime de guerre, comme l’a d’ailleurs souligné l’ONU dans son rapport publié à la mi-mars.
Les constatations déjà établies montrent comment la Russie inscrit ces transferts forcés dans son projet d’annexion ultranationaliste des territoires occupés en tentant de russifier l’identité et l’avenir de ses enfants, déniant ainsi leurs droits, leur histoire familiale et le droit international.
L’auteur de la proposition de résolution insiste à juste titre sur la nécessité d’identifier, de documenter et de recenser tous les cas de transfert forcé et de déportation d’enfants, afin de se donner les moyens d’enrayer ce sinistre projet et d’en condamner les responsables.
Le crime qui frappe ces enfants n’est malheureusement que l’une des nombreuses facettes des drames que provoque cette guerre dans la vie et pour l’avenir des enfants ukrainiens qui vivent dans les territoires visés par le conflit.
L’Unicef dénonce en permanence les multiples ravages dont sont victimes les enfants à cause des guerres. Près de 250 millions d’enfants dans le monde grandissent en zone de conflit et 125 millions sont directement touchés par les violences de tous ordres, comme en témoigne la situation actuelle en Ukraine.
Les enlèvements de masse visant les enfants font partie des nouvelles tendances inquiétantes relevées par l’Unicef dans les conflits. S’y ajoutent la situation des déplacés et des réfugiés, la perte des parents, la destruction des maisons familiales, les violences sexuelles, les blessures, dues notamment aux bombardements en zones peuplées, la déscolarisation, l’errance en cas de perte de la famille, la malnutrition, les maladies. Voilà ce que vivent les enfants dans les zones de guerre en Ukraine !
Le plus terrible, c’est que ces maux et traumatismes vécus affectent non seulement le présent de ces enfants – tel sera le cas tant que durera cette guerre –, mais aussi toute leur vie future. Les arracher à leur pays et à leur famille est une violence de plus, que le projet politique de Poutine rend plus insupportable encore.
Les transferts forcés d’enfants ukrainiens sont le miroir grossissant, et particulièrement inhumain, de toutes les blessures psychiques qu’impose la guerre aux enfants d’Ukraine ; les enfants en sont victimes lors de toutes les guerres, car ils sont toujours extrêmement vulnérables en raison de leur âge et de leur dépendance aux adultes.
Il y a déjà plusieurs mois, en août 2022, la directrice générale de l’Unicef, Catherine Russell, lançait déjà un cri d’alarme sur cette situation, en déclarant : « La quasi-totalité des enfants en Ukraine vivent des événements traumatisants et ceux qui ont fui courent un risque élevé d’être séparés de leur famille et d’être victimes de violence, de maltraitance, d’exploitation sexuelle et de traite des êtres humains. » Nous savons que la Russie exploite honteusement cette détresse au travers des transferts forcés.
Notre débat d’aujourd’hui nous invite à entendre l’appel formulé par la même Catherine Russell en conclusion de la déclaration précitée : « L’Unicef appelle par conséquent à un cessez-le-feu immédiat en Ukraine et à la protection de tous les enfants. Si les enfants en Ukraine ont un besoin immédiat de sécurité, de stabilité, d’accès sans danger à l’éducation, de services de protection de l’enfance et de soins psychosociaux, c’est de paix dont ils ont besoin par-dessus tout. »
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a soutenu, pour toutes ces raisons, la proposition de résolution déposée au Sénat, et se réjouit de l’initiative prise par nos collègues du groupe RDPI de proposer un débat sur ce sujet.