Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objectif de renforcer la prise en charge médicale et psychologique des femmes et, le cas échéant, de leur partenaire, après une interruption spontanée de grossesse (ISG) survenue avant la vingt-deuxième semaine d’aménorrhée.
D’après un rapport de 2021 de la revue scientifique britannique The Lancet, environ 23 millions de fausses couches se produisent chaque année dans le monde, soit 15 % du total des grossesses. Une femme sur dix est concernée. En France, 200 000 femmes sont confrontées à une ISG chaque année.
Le rapport appelait à prendre au sérieux les troubles liés à une fausse couche et recommandait que les femmes puissent bénéficier d’un suivi minimum, notamment d’un soutien psychologique pour le couple et de conseils avant des grossesses ultérieures.
Bien qu’elle soit dans la majorité des cas considérée comme bénigne sur le plan médical, une telle interruption de grossesse peut avoir des conséquences psychologiques et psychiques très importantes chez certaines femmes et leur partenaire, même à un stade précoce de la grossesse.
Cette dimension psychique reste sous-estimée en France, voire oubliée dans la prise en charge des fausses couches spontanées : bien entendu, les professionnels médicaux prennent en charge l’aspect purement médical de ces interruptions, mais ils sont peu formés au savoir-dire, ainsi qu’à l’annonce et à l’accompagnement des patientes.
Face à ce phénomène, des initiatives locales, que je salue, ont vu le jour pour accompagner les femmes et améliorer l’information. Ainsi, dans mon département de la Haute-Garonne, l’association L’école des parents et des éducateurs a élaboré un livret comportant notamment les coordonnées de personnes à contacter en cas de besoin : psychologues référents, associations spécialisées, groupes de parole, etc.
Le sujet dont nous nous saisissons aujourd’hui ne nécessite pas nécessairement de cadre contraignant : il devrait faire partie de la déontologie des professionnels médicaux.
Je me réjouis néanmoins des avancées sur ce sujet, encore trop tabou et invisibilisé. Il est désormais indispensable d’accompagner ces situations dans le cadre d’une approche globale, holistique, de la santé de la femme.
L’article 1er A de la proposition de loi crée un parcours, judicieusement rebaptisé « parcours interruption spontanée de grossesse » par notre rapporteur, que je remercie.
Ce parcours sera mis en place par les agences régionales de santé et associera médecins, sages-femmes et psychologues, afin de développer la formation des professionnels, d’améliorer l’orientation des femmes et de faciliter leur accès à un suivi psychologique.
Dans l’objectif de faciliter le suivi, nous avons déposé un amendement visant à permettre aux sages-femmes de traiter et d’administrer les médicaments nécessaires à une ISG et ainsi de prendre en charge de manière globale les femmes face à une fausse couche.
L’article 1er B du texte supprime le délai de carence applicable aux arrêts maladie consécutifs à une interruption spontanée de grossesse pour les assurées du régime général et assimilées, pour les agentes publiques et pour les assurées des régimes spéciaux.
Je salue le travail du rapporteur qui a élargi le bénéfice de cette disposition aux travailleurs indépendants. Madame la ministre, je me joins à son souhait de voir cette mesure également appliquée aux non-salariées agricoles, dans un souci d’égalité entre les femmes, quel que soit leur statut.
Mais nous pouvons aller plus loin : comme le groupe GEST, nous proposons de mettre en place un congé spécial de trois jours pour les femmes confrontées à une telle interruption de grossesse. Certaines femmes choisiront peut-être de ne pas y avoir recours de peur d’être discriminées sur leur lieu de travail, mais ce congé n’en demeure pas moins un droit nouveau pour les femmes. Elles auront ainsi le choix, notamment celui ne pas dépendre de leur médecin pour bénéficier d’un nécessaire temps de récupération.
Enfin, la proposition de loi améliore l’accompagnement psychologique des couples concernés, qui pourront être orientés vers MonParcoursPsy.
Si nous partageons l’ambition de cette mesure, nous pensons que sa portée risque d’être limitée, la psychiatrie restant le parent pauvre de la médecine. En outre, les consultations en ambulatoire dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy, mises en place depuis plus d’un an, n’ont bénéficié en 2022 qu’à 76 000 patientes.
Nous le savons, ce dispositif a été très mal accueilli par les psychologues. Moins de 10 % d’entre eux exerçant en libéral y ont adhéré. Ce nombre est très insuffisant au regard des besoins identifiés. Aussi, j’appelle le Gouvernement à retravailler ce dispositif en concertation avec les psychologues, afin de le rendre pleinement opérationnel.
Le groupe SER, profondément engagé dans la protection de la santé des femmes, qu’elle soit mentale ou physique, partage la volonté d’accompagner davantage les femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse, ainsi que leur partenaire. Il soutiendra donc cette proposition de loi.