Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ainsi que notre rapporteur nous l’a rappelé, 200 000 femmes sont concernées chaque année en France par une interruption spontanée de grossesse. C’est beaucoup ! En moyenne, une grossesse sur quatre se termine par une fausse couche. C’est un taux élevé.
Cet événement violent n’est pas vécu de la même manière par toutes les femmes : certaines le surmontent, quand d’autres le vivent comme un drame et sont profondément, et durablement, affectées.
L’éducation à la santé et l’accompagnement des couples jouent un grand rôle dans la perception qu’ont les femmes de leurs fausses couches et dans leurs potentielles séquelles psychologiques.
Chers collègues, résistons à la tentation de considérer toutes ces femmes courageuses comme des victimes ; regardons-les plutôt comme des patientes et donnons-leur les moyens de rebondir.
Je remercie notre collègue députée Sandrine Josso d’avoir inscrit à notre agenda politique le sujet de l’accompagnement des couples – et singulièrement des femmes – confrontés à une interruption spontanée de grossesse.
Sa proposition de loi va dans le bon sens : elle facilite grandement l’accès des patientes à un suivi psychologique et améliore leur suivi médical.
À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a utilement amendé le texte en étendant aux femmes confrontées à une fausse couche le bénéfice d’indemnités journalières sans délai de carence pendant toute la durée de leur arrêt maladie.
Je salue également le travail de notre commission des affaires sociales, et en particulier celui du rapporteur Martin Lévrier, qui a notamment permis de renforcer l’information des couples sur l’interruption spontanée de grossesse et sur les dispositifs d’accompagnement disponibles.
L’information et l’éducation sont en effet la clé d’une approche apaisée de la fausse couche, très souvent naturelle et normale dans la vie d’une femme, bien que toujours difficile.
Chers collègues, ce texte, je le répète, va dans le bon sens. Le groupe Union Centriste y est donc favorable. Mais nous aurions souhaité pouvoir prendre plus de hauteur sur la problématique du parcours de santé des femmes enceintes, en particulier des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse.
Ce texte aurait gagné à s’articuler avec la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, adoptée en commission mixte paritaire le 6 avril dernier. Dans certains territoires, nous manquons cruellement de gynécologues obstétriciens. Pourtant, sages-femmes et infirmiers en pratique avancée demeurent largement écartés de l’administration des soins, notamment des médicaments, aux femmes concernées par une fausse couche. Cette situation paradoxale contraint de nombreuses femmes à se rendre aux urgences, ce qui accroît d’autant la durée de leur prise en charge et son coût pour la société.
Mes chers collègues, apprenons à faire confiance aux professionnels de santé. Apprenons à faire confiance aux infirmiers en pratique avancée, qui mériteraient d’être plus impliqués dans le protocole d’accompagnement des couples concernés par une fausse couche. Apprenons à faire confiance aux sages-femmes, qui suivent déjà intégralement 40 % des grossesses et sont sans doute les mieux placées pour suivre les personnes en détresse.
Tel est le sens de l’amendement déposé par ma collègue Annick Jacquemet, dont je salue le travail.
Il ne nous faut pas seulement faire confiance, il nous faut nous aussi être dignes de confiance. Rendons-nous dignes de la confiance des professionnels de santé en ouvrant le débat sur la situation matérielle et économique des structures et du monde médical dans notre pays. Force est de constater que cette question est absente du texte examiné aujourd’hui.
Les efforts récents ne compensent pas les rationalisations du passé. Il faut avancer et soutenir notre système de santé. Il faut sortir de l’annualité budgétaire délétère et anticiper les changements induits par l’innovation en santé. Les avancées portées par l’industrie pharmaceutique ou celles des dispositifs médicaux doivent être prises en compte pour adapter notre système en temps voulu.
Au plan humain, les pédiatres et les sages-femmes nous ont prévenus : notre politique prénatale et postnatale souffre de la faible valorisation des personnels et des difficultés de recrutement qui en découlent.
Et pourtant de belles initiatives existent. Les maternités détentrices du label Initiative hôpital ami des bébés (IHAB) traitent avec la plus grande bienveillance les femmes et les jeunes mamans ; je pense par exemple à la maternité du centre hospitalier du Chinonais, dont la réputation est excellente et qui attire les futures mères bien au-delà de sa zone géographique.
À l’inverse, au cours des dernières années, des établissements de santé ont été contraints de concentrer l’activité des sages-femmes en salle de naissance, rognant sur l’accompagnement des patientes avant et après l’accouchement. Le nombre très élevé d’accouchements programmés et le taux important d’épisiotomies dans ces établissements doivent tous nous alerter.
De plus, par manque de moyens et de personnels, les hôpitaux sont parfois obligés de mettre en place des programmes de sortie ultra-précoce, moins de vingt-quatre heures après l’accouchement. C’est paradoxal : les parents sont presque suraccompagnés lors de la préparation à l’accouchement, mais une fois sortis de l’hôpital, c’est le néant !
Enfin, n’oublions pas que 13 départements sont dépourvus de gynécologues et que 77 départements se situent en dessous de la moyenne de 2, 6 gynécologues pour 100 000 femmes en âge de consulter.
Chers collègues, ne nous faisons pas d’illusions : l’accompagnement des patientes ne pourra être complet que si nous y mettons les moyens, en revalorisant notamment la filière des sages-femmes et en impliquant davantage ces dernières dans les protocoles de soins.
Nous devons reconnaître et rémunérer à leur juste valeur ces professionnels de santé, qui bénéficient d’une expérience exceptionnelle et d’une formation qualifiante.
En somme, nous appelons de nos vœux une vaste réflexion sur l’accompagnement et la prise en charge au sein de l’hôpital et par l’hôpital, madame la ministre.
Toutefois, le texte examiné aujourd’hui constitue indéniablement une avancée : le groupe Union Centriste le votera.