Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à améliorer l'encadrement des centres de santé, déposée en octobre 2022 par la présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, Fadila Khattabi, a été adoptée en deuxième lecture par les députés le 14 février dernier.
Je regrette que nous devions l'examiner à nouveau, car nous avions travaillé, en première lecture, dans un esprit consensuel, afin de permettre à l'Assemblée nationale de l'adopter définitivement.
Les députés ont certes adopté conformes trois articles relatifs à la prévention des conflits d'intérêts, à l'identification des professionnels de santé par un numéro personnel distinct de la structure et au régime de sanctions applicables. Ils ont également approuvé la suppression de deux articles dont les dispositions avaient, par cohérence, été transférées par le Sénat au sein d'autres articles de cette proposition de loi. Toutefois, huit articles restent en discussion, et les modifications apportées par les députés ne justifiaient guère de reporter l'adoption définitive de ce texte.
À l'article 1er, relatif aux procédures d'agrément, l'Assemblée nationale a ainsi choisi d'intégrer les activités orthoptiques au champ des activités soumises à l'agrément du directeur général de l'ARS, mais aussi de supprimer la possibilité pour les conseils départementaux de l'ordre de consulter les projets de santé.
Je me bornerai à constater que les activités orthoptiques sont a priori réalisées dans des centres ayant une activité ophtalmologique et que, loin de mettre à disposition les projets de santé de tous les centres, nous n'avions donné aux ordres qu'un droit de consultation, qui me paraissait légitime au regard de leurs missions.
Surtout, l'Assemblée nationale a introduit une disposition nouvelle concernant les modalités de réalisation de la visite de conformité, en prévoyant pour la personne mandatée la possibilité de ne pas annoncer son identité ni l'objet de sa visite.
Ces dispositions, qui auraient tout à fait pu relever d'un décret d'application, me semblent assez délicates à mettre en œuvre. En effet, comment la personne mandatée aura-t-elle accès à l'ensemble des éléments lui permettant de juger de la conformité du centre de santé ? Au-delà d'une simple observation sur les modalités d'accueil, la visite de conformité a bien pour objet d'apprécier les pratiques du centre et de ses praticiens et gestionnaires.
À l'article 1er bis A, relatif à la conservation des dossiers médicaux des patients et à leur transmission en cas de fermeture du centre de santé, si les députés ont préservé l'obligation de conservation dans des conditions garantissant la continuité de prise en charge des patients, ils ont privilégié, en cas de fermeture, une information des ordres à une transmission aux ARS des dossiers.
Nous avions introduit cet article en première lecture pour répondre à une préoccupation forte concernant le relais de prise en charge pour certains patients dont les dossiers médicaux manquaient à la fermeture du centre de santé, dont la reprise des soins a été largement compromise.
Pour ce qui concerne l'article 1er quater, relatif aux modalités transitoires applicables aux centres existants, l'Assemblée nationale s'est contentée de modifications rédactionnelles.
À l'article 2, les députés ont, pour l'essentiel, rétabli leur rédaction de première lecture, c'est-à-dire qu'ils ont réinscrit dans la loi les précisions relatives au fonctionnement du comité médical ou dentaire et à l'obligation pour le gestionnaire d'assurer la transparence du centre sur l'identité des professionnels de santé qui prennent en charge des patients.
Sans doute peut-on partager la crainte que le pouvoir réglementaire ne soit tenté d'amoindrir des obligations nouvelles dont nous souhaitons qu'elles améliorent la qualité des soins. Mais fallait-il pour autant rétablir la mention selon laquelle « le gestionnaire s'assure que le règlement intérieur de l'établissement prévoit le port d'un badge nominatif indiquant la fonction du professionnel de santé » ?
Les modifications touchent ici également au fond du dispositif, puisque le comité médical est rendu coresponsable de l'amélioration de la qualité des soins et de la formation continue du dispositif. Les contours d'une telle responsabilité ne sont pas plus clairs qu'en première lecture – raison pour laquelle nous l'avions retouchée – et devront de toute façon être précisés par le pouvoir réglementaire.
À l'article 4, les députés ont complété l'obligation de publicité des décisions de sanction financière en étendant ses effets au site internet des autorités sanitaires appropriées et en l'accompagnant d'une mise en demeure du gestionnaire de les publier sur le site du centre lui-même.
En outre, ils ont transformé en compétence liée ce qui n'était qu'une faculté offerte au directeur d'ARS, celle de refuser de délivrer le récépissé ou l'agrément pour l'ouverture d'un nouveau centre lorsque les membres de son instance dirigeante ont fait l'objet d'une mesure de suspension ou de fermeture.
L'article 7 a été complété par une disposition améliorant l'information des patients en cas de déconventionnement d'un centre par l'assurance maladie.
Enfin, les députés ont rétabli l'article 9, qui prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport sur les moyens des agences régionales de santé. Le rétablissement de cette demande de rapport constitue à mon sens l'exemple le plus frappant du caractère largement surmontable des désaccords exprimés à l'égard du texte que nous avions adopté.
Il me semble difficile de nier que la rédaction issue des travaux du Sénat en première lecture aurait pu, sans préjudice aucun pour la bonne application de la loi, être adoptée telle quelle par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission vous propose, dans l'intérêt des patients, de mettre fin à la navette parlementaire en préconisant l'adoption définitive de ce texte par le Sénat. C'est d'autant plus souhaitable qu'un nouveau signalement pour détournement de fonds publics d'un centre de santé a récemment fait la une. §