Intervention de Amel Gacquerre

Réunion du 9 mai 2023 à 14h30
Influenceurs sur les réseaux sociaux — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Amel GacquerreAmel Gacquerre, rapporteure :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, adoptée à l'unanimité par la commission des affaires économiques la semaine dernière, vise à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Cette proposition de loi est importante, car elle est très attendue par nos concitoyens. Grâce à une initiative parlementaire transpartisane, cette demande populaire a pris la forme d'une proposition de loi.

Je tiens ainsi à saluer les travaux des deux rapporteurs de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, MM. Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte, qui ont su collaborer pour aboutir à une initiative commune et concertée.

Les premiers travaux parlementaires, menés sur ce sujet nouveau pour les législateurs que nous sommes, vont dans le bon sens et méritent d'être confortés.

Ce sujet est nouveau, car c'est la première fois, en Europe, qu'une proposition de loi élaborée de façon transversale visant spécifiquement à réguler l'activité des influenceurs sera adoptée. Encore une fois, les parlementaires français sont à l'avant-garde de la régulation de l'économie numérique. Je ne vous apprends rien en rappelant que ce sujet attire tout particulièrement l'attention du Sénat et qu'il fait l'objet de nombreux travaux.

Ce sujet est nouveau, car ce secteur d'activité demeure peu documenté et mal connu des pouvoirs publics, même si les influenceurs et les réseaux sociaux font désormais partie du quotidien de nos concitoyens. Ainsi, selon les premières estimations à notre disposition, 150 000 personnes exerceraient l'activité d'influenceur en France, dont seulement 15 % d'entre elles à temps plein.

Ce sujet est nouveau également, car il pose la question de l'adaptation de notre droit national, ainsi que de nos outils de contrôle et de régulation, aux spécificités de l'économie numérique. Si notre droit est suffisamment souple et robuste pour s'adapter à cette nouvelle forme d'activité commerciale, nos outils de contrôle et de régulation méritent, quant à eux, d'être largement renforcés.

C'est dans cet esprit que j'ai abordé mes travaux au sein de la commission des affaires économiques, avec un seul objectif : mieux comprendre le secteur de l'influence commerciale, sans aucun préjugé, et adapter, en conséquence, la proposition de loi qui nous a été transmise, afin d'en améliorer la portée et l'effectivité.

Je tiens ainsi à remercier mes collègues, issus de toutes les travées de cet hémicycle – je tiens à le souligner –, que je ne manquerai pas de citer lors de l'examen de ce texte : ils ont contribué à l'élaboration de cette proposition de loi. Ils ont permis à la commission d'adopter un texte plus juste, plus ciblé et rééquilibré.

Pour définir ma feuille de route politique sur cette proposition de loi, je me suis posé trois questions principales. La première vise à déterminer si l'influence commerciale est une activité comme les autres.

Si la question peut sembler quelque peu provocatrice, il faut bien reconnaître un paradoxe : l'activité d'influence commerciale est désormais bien imbriquée au sein de notre économie, présentant des avantages certains pour les entreprises, mais nos concitoyens ont le sentiment que ce secteur demeure totalement dérégulé.

Les mauvaises pratiques de certains acteurs mal intentionnés masquent aujourd'hui la réalité d'un secteur en plein développement.

Les difficultés de régulation de l'influence commerciale par les pouvoirs publics sont réelles, tout d'abord, en raison de la hausse du nombre d'influenceurs, du volume de contenus publiés et du caractère de plus en plus éphémère de ces derniers – je parle notamment des stories, des lives, c'est-à-dire des publications instantanées ou en direct.

C'est pourquoi il est apparu indispensable d'adapter les missions des autorités de régulation, en renforçant par exemple les pouvoirs de police administrative de la DGCCRF, ou encore d'étendre la procédure de blocage judiciaire de l'Autorité des marchés financiers (AMF) aux promotions d'offres illicites.

Les difficultés de régulation sont réelles, ensuite, parce que de très nombreuses publications touchant un public français sont émises par des influenceurs français résidant en dehors de l'Union européenne, notamment aux Émirats arabes unis et aux États-Unis, alors même que leur notoriété s'est construite auprès de ce public.

Il m'a semblé indispensable de rattacher ces influenceurs à la proposition de loi que nous examinons, en maintenant le principe de soumission au droit français des contrats d'influence commerciale et en imposant à ces derniers de désigner un représentant légal établi sur le territoire de l'Union européenne, afin de faciliter la coopération avec les autorités administratives et judiciaires nationales.

Les travaux de la commission des affaires économiques ont permis de poser les premiers jalons d'un dispositif que je vous proposerai de conforter tout à l'heure.

Pour démontrer à nos concitoyens que l'activité d'influence commerciale peut être une activité économique comme les autres, nous devons donc renforcer son contrôle, sa régulation et son encadrement.

Je me suis posé une deuxième question, celle de savoir si l'influence commerciale était un canal publicitaire comme les autres. Sur ce point, sans doute, le sujet sur lequel nous débattons n'est pas si nouveau : devons-nous appliquer aux influenceurs les mêmes règles, interdictions ou encadrements que ceux qui existent, par exemple, pour la télévision, la radio ou les plateformes de partage de vidéos ?

Contrairement aux idées largement exprimées ces derniers temps, l'activité d'influenceur n'est pas totalement dérégulée : toutes les règles existant aujourd'hui en matière de publicité et de promotion s'appliquent aux influenceurs. Nous devons le rappeler.

En revanche, il faut reconnaître que ces règles aujourd'hui sont inconnues, mal comprises ou mal respectées : inconnues et mal comprises, car il n'existe pas de formation, de diplôme ou de certification obligatoire pour devenir influenceur ou agent d'influenceur ; mal appliquées, car il existe aussi des abus intentionnels de la part de certains influenceurs, comme de certains annonceurs d'ailleurs.

Avant d'interdire et de sanctionner davantage, il me semble donc important de faire preuve de pédagogie à l'égard des acteurs du secteur et de clarifier les règles du jeu, afin d'accompagner un domaine qui doit encore se structurer.

C'est notamment pour cela que nous avons voté, en commission, l'affichage obligatoire de la mention unique « publicité » sur les publications commerciales des influenceurs.

Nous avons également voté l'affichage obligatoire de la mention « images virtuelles », afin d'anticiper les conséquences de l'intelligence artificielle sur la publicité en ligne et le marketing d'influence.

Dans tous les cas, les objectifs de ces mentions sont les mêmes : faire preuve de davantage de sincérité et de transparence à l'égard des internautes et des consommateurs.

Une fois le caractère commercial d'une publication clairement identifié, nous devons déterminer quelles promotions réalisées par les influenceurs méritent d'être autorisées, interdites ou encadrées.

La commission a donc souhaité rééquilibrer les dispositions votées qui concernent les secteurs de l'agroalimentaire, du commerce en ligne et des crypto-actifs. En effet, un durcissement excessif de ces dispositions risquerait d'avoir des effets de bord indésirables, par ricochet, sur le bon fonctionnement de notre économie ; un pan global qui ne doit pas être pénalisé par une proposition de loi visant spécifiquement l'influence commerciale.

L'influence commerciale est ainsi à la fois un canal publicitaire comme un autre et comportant des spécificités. Par conséquent, nous devons être prudents et ne pas adopter de dispositions trop contraignantes pour notre économie. Mais en même temps, nous devons être vigilants, au regard des conséquences spécifiques sur notre santé publique et notre jeunesse.

La troisième et dernière question que je me suis posée porte sur les dérives de l'influence commerciale.

Précisément, de quelles dérives parle-t-on ? Les objectifs de protection de la santé publique, de la jeunesse, des consommateurs et des épargnants me conduisent à penser que des interdictions promotionnelles supplémentaires et spécifiques sont tout à fait justifiées.

En matière de protection de la santé publique, outre l'interdiction de promotion de la chirurgie esthétique, la commission a souhaité interdire toute forme de promotion incitant, directement ou indirectement, à l'abstention thérapeutique, au profit de la consommation de biens ou de services présentés comme substituables, préférables ou comparables à un traitement médical. Au regard de la hausse des dérives sectaires sur les réseaux sociaux, c'est indispensable !

En matière de protection des enfants et des adolescents, la commission a également souhaité renforcer le régime d'information portant sur les promotions de jeux d'argent et de hasard, en obligeant les influenceurs à afficher un bandeau « Interdit aux moins de 18 ans ». Il s'agit ici de sensibiliser à la fois les internautes mineurs qui contourneraient les systèmes déclaratifs de vérification de l'âge, mais aussi leurs parents et leur famille.

Enfin, en matière de protection des consommateurs et des épargnants, la commission a souhaité être à l'écoute des collectifs de victimes et interdire la promotion d'abonnements à des pronostics sportifs : au regard des grands événements sportifs à venir, le risque d'arnaque est particulièrement élevé.

Voilà donc, mes chers collègues, notre feuille de route pour l'examen de cette proposition de loi. Vous l'aurez compris, l'objectif est non pas tant d'interdire l'influence commerciale que d'encadrer son développement, afin de ne sanctionner que les acteurs mal intentionnés qui décideraient, malgré cette proposition de loi, de ne pas respecter le cadre légal.

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