Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi bienvenue, visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.
Ce texte répond, en effet, à une réelle nécessité de structuration et de régulation de ce secteur en pleine expansion, afin de mieux définir les contours et les enjeux de ces nouveaux métiers issus des réseaux sociaux.
Des youtubeurs aux streamers de Twitch, en passant par Instagram et TikTok, on compte en France 150 000 créateurs de contenus.
Selon l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), « il s'agit d'une filière qui peut être créative, inventive, mais dans laquelle la place proéminente de la publicité et de la consommation nous oblige à agir pour enfin créer un cadre légal, car l'autorégulation des acteurs ne suffit pas, et l'audience est souvent constituée d'un public jeune et influençable, qu'il faut protéger. »
Parmi ces influenceurs, une part certaine d'entre eux ne respecte pas la législation en vigueur en matière de publicité, souvent par méconnaissance des règles existantes, et une minorité utilise leur notoriété pour tromper le consommateur, avec des pratiques qui peuvent être dévastatrices, notamment en matière de santé publique.
Certains exemples sont atterrants. C'est pourquoi il convient d'agir pour permettre un développement responsable de cette filière, adapté à la réalité économique, et de poser un cadre de référence pour protéger les influenceurs comme les consommateurs.
Cette proposition de loi tend, tout d'abord, à inscrire la définition d'influenceur commercial dans le code de la consommation : il s'agit là d'une première pierre, et cette définition devra nécessairement être adaptée compte tenu de l'évolution constante du secteur. Nous défendrons un amendement pour mieux ajuster cette définition.
Nous soutenons les autres points importants de ce texte sur l'encadrement et l'interdiction de certaines promotions, bien qu'ils n'aillent pas assez loin à notre goût, sur la contractualisation entre l'influenceur, son agent et l'annonceur, sur la régulation des plateformes numériques et sur l'aspect éducatif.
Si la commission a enrichi certains aspects de la proposition de loi, en adoptant, par exemple, l'interdiction de la vente et de l'offre promotionnelle d'un produit, en échange d'une inscription à une formation professionnelle, ou l'encadrement de la promotion de contrats d'abonnement, ses propositions restent en deçà de nos souhaits sur d'autres plans.
Nous estimons qu'il faudrait être bien plus exigeant sur les interdictions de promotion et ajouter d'autres catégories de produits qui n'ont clairement pas leur place dans des discours publicitaires à destination du jeune public. Je pense, en particulier, aux produits amincissants, pharmaceutiques ou alimentaires, aux boissons trop riches en sucre, en sel ou en matières grasses, ou encore aux jeux d'argent et de hasard.
La commission a également acté quelques reculs dommageables, qui mettent à mal l'ambition, somme toute mesurée, de la proposition de loi initiale. Je pense principalement aux dispositions supprimées visant à mieux encadrer la promotion des produits alimentaires, particulièrement néfastes pour la santé.
Nous constatons que, là aussi, le dogme de la croissance économique et la défense de l'industrie agroalimentaire passent avant la santé nutritionnelle de nos enfants ! À l'heure où les maladies liées à la malbouffe atteignent des niveaux records – rappelons que la France compte quatre millions de diabétiques et que 47 % des Français sont en surpoids, dont 17 % d'obèses –, nous ne pouvons pas nous passer d'une ambition plus forte sur ce sujet.
J'en viens à l'autre enjeu essentiel que soulève ce texte : le renforcement des moyens, budgétaires et humains, de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Cette année encore, ce débat devra avoir lieu dans le cadre de l'examen du prochain projet de loi de finances. Si les moyens de contrôle ne sont pas là, nos vœux d'encadrement du secteur resteront pieux.
Acte est donné, cette année, du vote favorable de la droite sénatoriale sur les amendements renforçant drastiquement les crédits affectés à la mise en œuvre de leurs missions, toujours plus nombreuses. Nous saurons vous le rappeler !
Les quinze agents destinés à former une « brigade de l'influence commerciale », annoncée récemment par le ministre de l'économie, ne seront clairement pas suffisants.
Pour conclure, ce texte aurait pu être plus ambitieux, notamment pour interdire la publicité de davantage de produits et de pratiques dont la nocivité est connue, surtout pour les publics les plus vulnérables.
Devrons-nous encore longtemps sacrifier la santé des publics les plus fragiles au nom de la sacro-sainte croissance économique ? La collectivité devra-t-elle encore longtemps assumer les coûts exponentiels du traitement du diabète et des maladies cardio-vasculaires ? La surconsommation a encore de beaux jours devant elle ! En 2023, c'est pour le moins désolant.
Malgré tout, ce texte acte des avancées sur de nombreux points, c'est pourquoi nous le voterons.