Au travers des interventions de mes collègues, nous avons clairement perçu une orientation assez pragmatique. En effet, compte tenu de la faiblesse de nos ressources naturelles propres, nous devons diversifier nos modes de production d’énergie tout en convergeant vers la sortie de notre dépendance aux énergies fossiles, condition indispensable à l’atteinte des objectifs de décarbonation, notamment dans les secteurs de l’industrie, du bâtiment et de la mobilité.
À ce titre, l’hydrogène est incontestablement un levier d’action. Toutefois, la singularité de ses caractéristiques se traduit par nombre de défis auxquels il nous faut répondre, sans perdre de vue qu’il n’y aura pas de « magie » hydrogène.
Le premier défi, c’est l’abondance de cet élément chimique, qui n’est toutefois pas accessible facilement. Les modes d’isolement de la molécule de dihydrogène ne sont en effet pas tous des plus vertueux.
Ainsi, la production de 1 million de tonnes d’hydrogène sur notre territoire, essentiellement par vaporeformage du méthane, engendre plus de 11 millions de tonnes de dioxyde de carbone. L’enjeu, bien identifié, est donc de parvenir à des modes de production neutres en CO2.
Tel est le deuxième défi auquel nous sommes confrontés : comment concilier les promesses intrinsèques de ce vecteur énergétique avec des réalités économiques et écologiques qui lui sont aujourd’hui encore assez défavorables ? Comme pour toute filière novatrice, les coûts de production de l’hydrogène bas-carbone, essentiellement par électrolyse de l’eau, sont encore élevés – jusqu’à 8 euros le kilogramme contre environ 2 euros pour l’hydrogène gris.
La marche est haute et l’équilibre ne pourra être atteint sans aides publiques importantes à l’investissement, surtout si l’on veut doubler le volume produit d’ici à 2028 à hauteur de 20 % de la production globale.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a bien identifié le sujet lors du précédent quinquennat. Néanmoins, plusieurs biais ont été soulignés au cours de ce débat.
D’abord, l’ambition : quand la France consacrait 100 millions d’euros pour sa stratégie hydrogène en 2018, notre voisin allemand mettait déjà 7 milliards d’euros sur la table, en affichant son ambition de devenir le leader dans ce domaine. Certes, je vous l’accorde, conscient d’être à la traîne, le Gouvernement a rectifié le tir en 2020 en proposant un nouveau plan doté de financements plus importants, mais sans couvrir entièrement les enjeux de la filière.
Je rappelle que le coût d’un électrolyseur a été divisé par quatre en l’espace de dix ans. Ce simple constat permet de prendre conscience de l’évolution très rapide du secteur, qui va de pair avec l’amélioration des performances en matière de rendement, point crucial pour la rentabilité de la filière hydrogène.
Les technologies évoluent aussi, en particulier l’électrolyse à haute température, avec des rendements deux à trois fois supérieurs aux autres technologies. Cela mérite, me semble-t-il, un soutien fort à la recherche pour accélérer les brevets et les innovations dans ce domaine.
Ensuite, le stockage, point faible de l’électricité, est évidemment un axe important du développement de l’hydrogène. Les batteries issues de l’industrie automobile seront bientôt associées en série et nous disposerons également de gigafactories produisant des batteries XXL, capables de stocker les surplus de production avant leur transformation par électrolyse.
Il reste à identifier les sources de production. Nous en avons beaucoup parlé ; il devrait y avoir un consensus assez large en la matière.
Le surplus de production des énergies renouvelables intermittentes peut devenir intéressant s’il est associé à la production d’hydrogène, se trouvant ainsi à disposition lors des pics de consommation – tout le monde en convient.
En revanche, et c’est très surprenant, le couplage au nucléaire est à ce jour absent des intentions gouvernementales. On ne trouve aucun mot à ce sujet dans les différents plans hydrogène