Intervention de Rémi Féraud

Réunion du 3 mai 2023 à 15h00
Accessibilité et inclusion bancaires — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Photo de Rémi FéraudRémi Féraud :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec Jean-Claude Tissot et mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, nous présentons aujourd’hui une proposition de loi de progrès social. Elle s’inscrit dans la lignée d’autres travaux menés au Sénat sur l’accessibilité bancaire, notamment sur proposition de notre groupe. Le travail parlementaire a déjà participé récemment à l’obtention de réels progrès, par exemple en matière d’accession à l’assurance emprunteur.

L’examen de cette proposition intervient alors que nous sortons de la crise sanitaire et que nous sommes entrés dans une période inflationniste dont les conséquences économiques et sociales dramatiques se font durement sentir chez nos concitoyens les plus modestes. Nous souhaitons donc poursuivre le travail entrepris par le Sénat.

Il intervient alors qu’en parallèle le secteur bancaire a affiché des bénéfices record ces deux dernières années, ce que la remontée des taux d’intérêt décidée par la Banque centrale européenne conforte.

Il intervient alors que l’association de consommateurs UFC-Que Choisir tire régulièrement la sonnette d’alarme sur le montant des frais bancaires appliqués en France. Un prélèvement refusé coûte par exemple 20 euros à la personne concernée ; c’est dix-sept fois plus qu’en Allemagne et huit fois plus qu’en Italie.

Il intervient alors que le « bouclier bancaire » voulu par Bruno Le Maire pour l’année 2023, s’il permet de limiter globalement à 2 % la hausse des frais bancaires, ne suffira pas à protéger vraiment les personnes les plus fragiles, qui sont aussi celles qui se voient infliger le plus de pénalités en raison de leurs difficultés financières récurrentes.

Il intervient enfin alors que le phénomène général de désertification rurale s’intensifie dans nos territoires et que la question de l’accès aux liquidités, problème qui risque de s’accentuer, en fait partie.

C’est pourquoi notre proposition de loi vise, d’une part, à répondre aux enjeux de renforcement de l’égalité territoriale dans notre pays et, d’autre part, à améliorer le pouvoir d’achat de nos concitoyens, notamment ceux qui sont en situation de fragilité financière, durement touchés en ces temps d’inflation.

Pour remplir ces objectifs, la proposition de loi repose sur deux volets.

D’abord, l’accessibilité bancaire, alors que nombre de nos concitoyens ont aujourd’hui un rapport dégradé avec l’institution bancaire, que ce soit pour des raisons territoriales ou sociales ou l’addition des deux. L’un des objectifs principaux est d’assurer un maintien sur l’ensemble du territoire de systèmes de retrait d’argent qui permettent à toutes et tous d’effectuer leurs achats de la vie quotidienne en liquide s’ils le souhaitent.

Ensuite, l’inclusion bancaire, en apportant des modifications législatives qui améliorent les dispositifs actuels à destination des personnes les plus fragiles. Ce public fragile représente aujourd’hui, pour les établissements concernés, une part beaucoup trop importante des recettes générées par les frais bancaires. C’est une injustice que nous devons corriger.

J’en viens à la question de l’accessibilité territoriale. Les deux premiers articles visent à inclure une composante territoriale dans la mission de service public de La Poste. Alors que les distributeurs automatiques de billets (DAB) ont tendance à disparaître et que ce phénomène risque fort de s’accélérer, il faut agir maintenant.

Il devient de plus en plus difficile de retirer de l’argent liquide dans certains territoires, notamment ruraux, ce qui pose des difficultés pour les achats du quotidien. Nous le constatons à travers les témoignages de nombreux élus locaux. Les autres solutions qui se mettent en place ne suffisent pas, selon nous, à répondre à cet enjeu.

Certes, notre proposition pourrait paraître inutile dès lors que, selon la Banque de France, 99 % des Français se trouvent à moins de quinze minutes en voiture d’un DAB. Cela étant, tout le monde n’a pas de voiture, il faut compter le coût de l’essence et, surtout, il faut anticiper sur la disparition programmée de DAB.

Avec la très forte diminution de la circulation des espèces, il apparaît que nous sommes certainement proches d’un point de bascule.

Avec notre proposition de loi, nous cherchons à maintenir un accès aisé et égal aux espèces sur tout le territoire, en confiant une nouvelle mission de service public à La Poste avec un financement qui, s’il n’est sans doute pas parfait, a la vertu de ne pas reposer sur l’État et d’être réparti équitablement entre tous les établissements bancaires.

Cette logique de prévention, face à la disparition d’un trop grand nombre de DAB et leur mauvaise répartition sur le territoire, présente un véritable intérêt, tout comme, d’ailleurs, l’article 7 de notre texte, qui rend obligatoires les sanctions pécuniaires en cas de non-respect de la législation en matière de droit au compte et d’offre spécifique.

Le monde bancaire se dit toujours prêt à faire des efforts, mais il n’accepte jamais aucune sanction pécuniaire. Il faut donc renforcer le principe de responsabilité.

J’en viens à l’accessibilité sociale. Nous proposons dans les articles 3 et 4 de renforcer l’information que les établissements bancaires sont dans l’obligation de fournir, d’une part, et de rendre proportionnels aux revenus les plafonds spécifiques correspondant aux offres de crédit proposées aux personnes les plus fragiles, d’autre part.

Dans le même sens, l’article 5 concerne la question des découverts ; son adoption constituerait une autre façon de limiter les frais bancaires pour les personnes en fragilité financière. En effet, comment accepter que ces frais contribuent eux-mêmes à aggraver la situation des personnes modestes, qui se retrouvent, parfois pour de faibles montants, à découvert et sanctionnés pour cela ?

L’objectif de l’article 6 de notre texte est de réduire la part des frais bancaires payés par les Français les plus fragiles dans l’ensemble des frais bancaires prélevés dans notre pays. Nous souhaitons ainsi intégrer, dans l’offre spécifique, des tarifs adaptés de frais bancaires, alors que ces frais ont tendance à entraîner les personnes concernées dans une spirale infernale, même si des progrès ont été réalisés ces dernières années.

Nos propositions nous semblent de nature à apporter plus de protection et d’équité.

Je tiens enfin à saluer l’esprit constructif du rapporteur. Nous souhaitons travailler dans le même état d’esprit : tout ce qui permettra d’améliorer l’accessibilité bancaire territoriale ou sociale est utile. Nous serons donc ouverts aux propositions de la commission dès lors qu’elles auront le même objectif.

Nous espérons que cette proposition de loi sera adoptée par le Sénat sans être trop dénaturée ou réduite dans sa portée.

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