Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a présenté mon collègue Rémi Féraud, avec lequel j’ai eu le plaisir de rédiger cette proposition de loi, le présent texte est une réponse cohérente à des inégalités territoriales et sociales qui fracturent de nombreux départements, territoires ruraux et zones urbaines défavorisées.
Le point de départ de notre réflexion sur cette proposition de loi fut un constat partagé : que ce soit à Paris ou dans nombre de nos départements – en particulier celui dont je suis élu, la Loire –, les institutions bancaires sont très éloignées de nos concitoyens.
C’est donc dans une volonté de répondre aux enjeux sociaux et économiques par des mesures concrètes que notre groupe a retenu ce texte pour l’ordre du jour qui lui est réservé aujourd’hui, avec la proposition de loi visant à résorber la précarité énergétique.
Le premier axe de ce texte-ci me tient particulièrement à cœur : il s’agit de répondre à la question de l’accessibilité bancaire.
Je m’étonne que, sur ce point, la droite sénatoriale, qui se positionne souvent comme la grande défenseure des territoires ruraux, ne soit pas plus intéressée par les propositions que nous formulons.
En effet, il existe bien – je pense qu’on pourra aisément le confirmer sur toutes nos travées – une désertification bancaire, qui se traduit par la fermeture des agences, points de contact essentiels pour les clients, mais aussi par l’abandon progressif de certains distributeurs automatiques.
Une nouvelle fois, cette désertification frappe les publics qui subissent déjà l’absence d’offre de soin de proximité, la fermeture des commerces communaux et le terrible recul des services publics dans les territoires.
En toute logique, le cumul de ces inégalités d’accès crée un profond sentiment de déclassement et d’abandon chez nos concitoyens.
Je pense donc sincèrement qu’en tant que membres de la chambre représentant les territoires, il est de notre devoir d’anticiper et de répondre à cette problématique.
À ce sujet, monsieur le rapporteur, lors de nos échanges, dont je tiens à souligner la courtoisie, vous avez affirmé qu’une grande majorité des Français se trouvent à moins de quinze minutes d’un distributeur automatique de billets.
Nos départements respectifs n’étant pas très éloignés, je pense que vous reconnaîtrez facilement que ces déplacements peuvent facilement varier en fonction des territoires et qu’ils peuvent en outre être rendus difficiles à certaines périodes de l’année.
Je pense aussi qu’il ne faut pas oublier l’ensemble des publics qui n’ont pas les moyens de se déplacer, que ce soit pour des raisons de santé ou du fait de l’absence d’accès à des moyens de transport.
C’est pourquoi nous proposons l’intégration d’une composante territoriale dans les missions du groupe La Poste ; ce dispositif vise à anticiper et à garantir cette présence bancaire sur l’ensemble des territoires.
Parler du maintien des distributeurs automatiques, c’est logiquement aborder la question de l’argent liquide et de sa place dans notre société.
C’est un sujet paradoxal : la demande sociale est forte, mais la réglementation a aussi été renforcée pour empêcher certaines dérives. Toutefois, la réalité de nos territoires doit également guider notre action. Or il est certain que les paiements en espèces sont au cœur de nombreuses interactions à l’échelle locale ; je pense particulièrement à l’ensemble des événements associatifs.
Ainsi, par ce texte, nous avons souhaité réellement poser la question du maintien d’un système de paiement qui, tout en se montrant inclusif, permette, en toute liberté, le règlement en liquide d’achats de la vie quotidienne.
Dans notre travail de réflexion sur ce texte, nous avons logiquement analysé l’ensemble des dispositifs qui permettent l’accès à l’argent liquide.
Les points relais chez des commerçants et le dispositif Allô facteur sont intéressants à ce titre, mais ils sont, de l’aveu même des représentants de La Banque postale, très peu connus et donc très peu utilisés.
Garantir le maintien des DAB dans les territoires, tout en démocratisant ces autres dispositifs d’accès, reste donc pleinement pertinent.
Pour financer cette nouvelle mission, nous proposons la création d’un fonds dédié, alimenté en partie par une contribution des établissements bancaires versée en cas de fermeture d’un DAB. Ici, le principe politique est clair, comme le message aux banques : vous faites le choix de quitter un territoire défavorisé : très bien, c’est votre choix, mais vous allez devoir participer pour que l’offre de services aux habitants du territoire concerné soit maintenue.
Alors que les nouvelles missions confiées au groupe La Poste sont en permanence sous-compensées, dans une logique purement libérale, nous proposons ici un dispositif cohérent.
Nous avons aussi souhaité, en deuxième axe de cette proposition de loi, proposer des solutions concrètes pour renforcer l’accompagnement et la protection des plus précaires dans leurs relations toujours particulières avec les établissements bancaires.
Sur ces articles, je salue les échanges que nous avons eus avec le rapporteur. Ils permettront, je l’espère, d’obtenir des avancées lors des débats que nous aurons dans quelques instants.
Face à la complexité des démarches administratives, le renforcement de l’inclusion bancaire doit être une priorité, pour ne laisser aucun citoyen en difficulté financière sur le bord de la route.
C’est pourquoi nous avons proposé des mesures très concrètes, en commençant par l’adaptation des offres spécifiques dans un contexte de crise du pouvoir d’achat et d’augmentation des dépenses courantes, pour l’alimentation et l’énergie notamment.
À ce sujet, rappelons que, dans le baromètre mensuel de l’inclusion financière, publié le 13 avril dernier, la Banque de France a relevé une hausse de 20 % des inscriptions au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers depuis le début de l’année 2023.
De plus, alors que près de 17 % de la population souffre d’illectronisme, le canal numérique ne peut pas être la seule voie d’échanges entre une banque et ses clients. Le renforcement de l’information en agence est donc indispensable : c’est ce que nous proposons à l’article 3.
Alors que La Banque postale prend en charge près de 1, 6 million de clients jugés fragiles, soit 47 % de ce public, la proposition de loi a également pour objet d’interpeller les autres établissements bancaires et de leur demander de renforcer leurs efforts, que ce soit en matière d’information ou par les offres proposées.
Seules des sanctions pécuniaires pourront contraindre les acteurs économiques du secteur à agir en faveur de ces publics ; c’est l’objet de l’article 7.
Mes chers collègues, vous le voyez, nous vous proposons un texte avec des mesures très concrètes et répondant à de réelles préoccupations des habitants de nos territoires ruraux et urbains.
Je souhaite que l’examen du texte nous permette d’aboutir à une rédaction ambitieuse, dans l’intérêt de nos concitoyens, en commençant par les plus défavorisés.
Je salue une nouvelle fois mon collègue Rémi Féraud pour le travail réalisé en commun sur ce texte.