Oui, les travaux de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation thermique sont nécessaires – je salue d’ailleurs mes collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires de leur initiative et des propositions qu’ils ne manqueront pas de formuler dans les prochains mois –, mais l’un n’empêche pas l’autre.
Face à l’urgence, l’immobilisme n’est plus de mise. On ne peut pas se contenter de fixer des objectifs toujours plus ambitieux sans se donner les moyens de les atteindre.
À cet égard, l’exemple du Grenelle de l’environnement est particulièrement parlant : si les objectifs de rénovation énergétique fixés en 2008 avaient été tenus, la France économiserait déjà l’équivalent de ses importations de gaz russe, et des millions de personnes seraient sorties de la précarité énergétique.
Le logement est, après les transports, le secteur le plus énergivore. Il représenterait 18 % des émissions de gaz à effet de serre en France. C’est d’ailleurs le premier poste de dépenses des ménages. Pourtant, les efforts pour adapter nos logements aux nouveaux défis du siècle restent insuffisants.
L’été, les épisodes caniculaires s’enchaînent à un rythme de plus en plus soutenu. Pour les foyers les plus chanceux, disposant d’une climatisation, il en résulte une consommation d’énergie accrue pour refroidir les logements. Pour les autres, les températures grimpent très vite dans les habitations, faute d’une isolation efficiente.
L’hiver, les six millions de passoires thermiques que compte notre pays ne permettent pas à leurs occupants de vivre dignement, qui plus est dans un contexte d’envolée des prix de l’énergie. Les foyers les plus fragiles sont confrontés à un choix cornélien : se priver ou s’endetter pour se chauffer. Et que dire des maladies induites, comme la bronchite chronique ou l’asthme ?
Nous sommes donc confrontés à plusieurs enjeux essentiels : tout d’abord, un enjeu social, car il convient de réduire les dépenses énergétiques des ménages et d’accroître leur confort ; ensuite, un enjeu de santé publique ; enfin, un enjeu environnemental, car la France doit respecter les engagements climatiques pris lors de la conclusion des accords de Paris.
Un certain nombre d’avancées ont certes été obtenues au cours des dernières années, mais les résultats ne sont pas à la hauteur et beaucoup reste à faire.
D’ailleurs, selon la Cour des comptes, pour 700 000 subventions débloquées en 2021 au titre de MaPrimeRénov’, le nombre de logements sortis de la catégorie des passoires thermiques, qui avait été initialement annoncé à 80 000 par le Gouvernement, a été ramené à 2 500. À ce rythme-là, il faudra plus de 2 000 ans pour rénover les six millions de passoires thermiques de France…
Vous le savez : à l’urgence climatique s’est ajoutée, avec une inflation délirante, l’urgence économique. Pas plus tard qu’hier, lors d’une table ronde, les représentants de la fondation Abbé-Pierre nous rappelaient que tous les indicateurs de rénovation globale étaient en baisse en 2022.
Mes chers collègues, nous dressons tous un certain nombre de constats, issus des remontées de terrain comme des auditions que nous avons menées conjointement ici même, au Sénat, mais trop peu de personnes s’engagent dans un parcours de rénovation globale et performante.
Les raisons de la non-massification des rénovations globales et performantes sont multiples. Des moyens ont été engagés : l’Agence nationale de l’habitat (Anah) a distribué plus de 3, 4 milliards d’euros en 2022. Pourtant, les freins sont encore trop nombreux ! Les voici : c’est le reste à charge, qui s’élève à environ 35 000 euros pour les rénovations de pavillon ; c’est aussi le fait que près de la moitié des ménages résidant dans une passoire thermique ont des revenus compris entre 988 euros et 1 267 euros par personne !
Mes chers collègues, combien de rapports alarmants faudra-t-il publier avant que l’on ne s’attaque à la précarité énergétique et au mal-logement des plus modestes ?
Notre proposition vise non pas à créer de nouveaux dispositifs ou de nouvelles normes, mais à réaffecter au bon endroit les moyens dont nous disposons et à cibler prioritairement les personnes qui ne vivent pas actuellement dans la dignité, comme le montrent nombre de rapports. Ainsi, nous pourrions éradiquer les passoires en 2030, plutôt qu’en 4020 !
Mes chers collègues, il y a urgence à changer de cap et à revoir le pilotage de la politique de rénovation énergétique, dans un contexte où les tarifs de l’énergie sont toujours plus élevés. Il y a urgence, car les logements les plus énergivores vont disparaître du marché de la location, faute de rénovation.
La crise du logement ne frappera pas que les grandes villes. Les ménages qui s’imposent les plus grandes restrictions habitent dans les communes rurales et les bourgs de moins de 20 000 habitants.
En cumulant l’interdiction progressive des passoires thermiques et les effets de l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN), nos communes rurales risquent de voir se multiplier des éléphants blancs d’un nouveau type et de devenir ainsi des musées à ciel ouvert de l’habitat d’antan.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, il est urgent d’agir, et cela sans forcément attendre la nouvelle feuille de route du Gouvernement !
Bien sûr, la révision de la stratégie française sur l’énergie et le climat doit être l’occasion de clarifier, dans les mois prochains, les priorités de notre pays, d’établir une stratégie de rénovation des logements et de lutte contre la précarité énergétique plus performante et plus ambitieuse. Mais cela ne nous donne pas le luxe de perdre encore plus de temps, car, sur le terrain, cela ne fonctionne pas bien, les remontées en attestent.
Je pense à ce couple de retraités de mon département, la Somme, qui a engagé des travaux de rénovation globale de leur logement. À l’heure où je m’adresse à vous, les travaux sont terminés depuis plusieurs mois. Malheureusement ce couple n’a toujours pas reçu la subvention MaPrimeRénov’.