Intervention de Daphné Ract-Madoux

Réunion du 3 mai 2023 à 15h00
Précarité énergétique — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Daphné Ract-MadouxDaphné Ract-Madoux :

Madame la présidente, mes chers collègues, sous l’influence conjuguée de la hausse du coût des matières premières et de l’inflation des prix de l’énergie, la précarité énergétique a atteint, en 2022, un niveau inédit.

Je tiens donc à remercier Rémi Cardon et nos collègues du groupe socialiste d’avoir mis en avant cette problématique essentielle pour notre avenir collectif.

La précarité énergétique, loin d’être uniquement liée aux frimas hivernaux, touche les Français les plus modestes en toutes saisons. Ainsi, un Français sur quatre déclarait avoir souffert du froid pendant au moins une journée complète au cours de l’hiver 2021-2022, tandis que 59 % des foyers interrogés en 2022 par l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) estimaient avoir souffert d’un excès de chaleur dans leur logement durant la période estivale.

Il est donc impératif de concevoir une rénovation énergétique globale pour l’ensemble des saisons.

Les Français ont su participer pleinement à l’effort national en matière de sobriété énergétique, mais la mise en place des boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité a été une réponse conjoncturelle salvatrice pour les ménages, nous pouvons tous le reconnaître.

Parallèlement, le Gouvernement lutte depuis des années structurellement contre ces phénomènes de précarité énergétique. La montée en puissance des différents dispositifs, tels que MaPrimeRénov’, doit être saluée ; cependant, des dysfonctionnements persistent, et il reste du travail à accomplir pour améliorer cet outil, le rendre plus opérationnel et massifier les actions de rénovation globale des logements.

En première ligne dans ce combat, les copropriétés ont été dotées d’un dispositif spécifique permettant de faciliter la rénovation collective. En 2022, un peu moins de 645 000 rénovations individuelles de logements ont été réalisées, et seulement 26 000 copropriétés ont été rénovées grâce à MaPrimeRénov’ Copropriétés.

Dans cette perspective, le relèvement des plafonds de ce dispositif, le 25 avril dernier, constitue un nouveau pas vers la massification de la rénovation énergétique. Néanmoins, s’il est encourageant, le bilan de cette dernière demeure perfectible. Sur les 670 000 rénovations déjà réalisées, 604 000 sont des rénovations monogestes, tandis que l’on ne compte que 65 000 rénovations globales.

Monsieur le ministre, nous devons faire plus, et nous serons à vos côtés pour relever ce défi.

Le succès de la lutte contre la précarité énergétique passera incontestablement par une meilleure reconnaissance du rôle joué par nos collectivités pour élaborer des solutions locales et adaptées aux réalités de nos territoires.

À ce titre, je salue les initiatives prises par le département de l’Essonne, notamment la Prime éco-logis 91. Cette aide forfaitaire, versée sous condition, permet aux propriétaires de financer des travaux induisant d’importants gains énergétiques.

Ce type de dispositif local contribue à diminuer le reste à charge et à renforcer les effets de levier en matière de financement des rénovations énergétiques, deux axes qui ont été identifiés par les travaux de la commission d’enquête sénatoriale. Pour autant, ce ne sont pas les seuls.

Pour agir plus efficacement localement, nous devrions également consolider et généraliser le modèle des agences locales de l’énergie et du climat (Alec), qui réalisent gratuitement des diagnostics énergétiques objectifs et indépendants, afin que chacun puisse bénéficier des meilleurs audits dans le cadre de son projet de rénovation.

Ces institutions ont fait leurs preuves, mais elles ne sont pas présentes partout. On compte aujourd’hui, par exemple, une Alec en région Normandie, dix en région Île-de-France et quarante sur l’ensemble de la France. Leur travail doit être mieux associé à celui que réalisent sur le terrain les accompagnateurs Rénov’.

Cessons d’agir en silos et bâtissons de nouvelles synergies afin de coupler plus efficacement diagnostic et rénovation énergétique.

Arrivant à contretemps et esquissant des solutions conjoncturelles qui détricotent les mesures mises en place par nos lois les plus récentes, cette proposition de loi soulève de bonnes questions, mais formule malheureusement de mauvaises réponses.

Je tiens à féliciter notre rapporteure, Dominique Estrosi Sassone, pour l’excellence de son travail, qui met en lumière les limites de ce texte. En effet, l’illusoire reste à charge zéro visé par les auteurs du texte n’est pas la seule préoccupation que nous devons avoir en matière de rénovation énergétique du logement. Si nous devons effectivement diminuer le reste à charge, il nous faut également impliquer et responsabiliser les propriétaires.

Alors que la commission d’enquête sur la rénovation énergétique mène des travaux approfondis dans l’optique, notamment, de l’examen prochain de la loi de programmation sur l’énergie et le climat, cette proposition de loi arrive à contretemps.

Avec Amel Gacquerre et les membres du groupe Union Centriste, je suis consciente que la précarité énergétique est une problématique fondamentale qu’il ne faut pas galvauder par des demi-mesures et de fausses promesses.

Nous suivrons donc notre rapporteure et nous ne voterons pas ce texte.

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