Monsieur le ministre, je vous l’ai déjà dit hier lors de votre audition par la commission des finances sur les reports de crédits, je vous le redis ici, aujourd’hui : vous n’avez pas respecté la dernière loi voulue par votre majorité, sur laquelle nous nous sommes accordés, pour que ce pacte de stabilité nous soit bien adressé quinze jours avant qu’il ne soit transmis à Bruxelles, et ce afin que nous puissions en discuter. Là, vous transmettez à Bruxelles et vous venez ensuite, comme l’a très justement fait remarquer, lui aussi avec beaucoup de brio, mon collègue Christian Bilhac, à une « causerie ».
Ce n’est pourtant pas le sujet ! Le sujet, c’est bien la trajectoire des finances publiques, donc les impôts des Français et leur utilisation. C’est d’ailleurs le rôle même – et majeur – du Parlement que d’en discuter.
Monsieur le ministre, vous avez même le toupet d’insérer dans ce programme de stabilité un chapitre relatif à la gouvernance, précisant que tous les organismes de gouvernance sont bien là, oubliant par là même l’absence de vote sur le programme pluriannuel des finances publiques – cette loi n’a en effet pas été votée –, oubliant par là même aussi de respecter la loi organique relative aux lois de finances qui constitue le socle de cette bonne gouvernance. Ce n’est pas très bien.
Pour ce qui relève de la macroéconomie, monsieur le ministre, le rapporteur général de la commission des finances a été disert et a souligné à quel point vous ne reteniez que les hypothèses optimistes. Loin de fixer une trajectoire moyenne normale, vous êtes « au top » sur tout : optimiste sur la croissance, très optimiste sur l’inflation – le Haut Conseil des finances publiques le dit et le répète –, très optimiste aussi sur les taux d’intérêt.
En fin de compte, tout va bien. Comme tout va bien, à la fin, par miracle, par magie, nous réussissons à passer en dessous des 3 %, parce que c’est la volonté qui préside actuellement à la discussion qui a lieu à Bruxelles sur la révision du parc de stabilité et de ses règles. En d’autres termes, on y arrive, parce que nous savons bien que la précédente loi de programmation des finances publiques ne permettait pas d’être dans les clous. C’était d’ailleurs déjà un peu de la magie.
Et comme la magie ne vient jamais seule, voilà le miracle : nous sommes en dessous des 3 %, parce que les collectivités territoriales dégageront un excédent de 0, 5 %, ce qui est une première historique.
À la fin, toute l’amélioration de notre trajectoire de croissance repose sur nos finances locales, qui s’améliorent de 0, 5 % du PIB, après 0, 3 % l’an dernier. Si nous étions, comme d’habitude, à plus ou moins 0, 1 % du PIB, nous n’atteindrions pas les 3 %. C’est là qu’il y a peut-être mystification… Vous dites que le Gouvernement fera un effort supplémentaire ; mais, monsieur le ministre, on part de plus haut ! Il y a 40 milliards d’euros de plus depuis la dernière loi de programmation des finances publiques – que nous n’avons pas votée, je le rappelle. Évidemment, c’est plus facile…
Puis, comment comptez-vous les recettes ponctuelles, les one-off ? Ce sont elles qui nous ont permis de passer au travers des mailles du filet à Bruxelles. Nous les avons beaucoup utilisées, mais ce sont des fusils à un coup. On ne voit plus bien comment nous allons faire des économies structurelles – d’ailleurs, le solde structurel ne s’améliore pas.
Il y a une bonne technique budgétaire, qui consiste à expliquer dans son programme que, s’il faut encore s’attendre à une dégradation dans l’année à venir, il y aura ensuite un rétablissement vigoureux. Mais nous ne sommes pas dupes : quand la situation se dégrade, elle se dégrade.
J’en viens enfin à la dette, qui est au cœur du sujet. Nous émettons aujourd’hui 135 milliards d’euros de dette en plus sur les marchés. C’est énorme, d’autant que la BCE a arrêté sa politique de quantitative easing (QE) et n’achète plus nos titres. Et vous avez aussi soutenu le plan REPowerEU, ce qui nous charge de 550 milliards d’euros de dette supplémentaire.
Tout cela pose un problème de soutenabilité : à ce niveau d’endettement, la dette nous coûtera de plus en plus cher. Comme disait Oscar Wilde, « On ne meurt pas de ses dettes, on meurt de ne plus pouvoir en faire. » Et Pierre Mendès France de souligner : « Un pays qui s’abandonne à la dette est un pays qui s’abandonne. » Pour ma part, je ne veux pas, comme le disait un bon auteur qui nous manque, que notre dette soit « dilatée comme jamais » !