Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, assainir notre système de santé est un impératif.
Comme je l’ai répété devant les représentants des professionnels, les élus et toutes les parties prenantes, qui étaient réunis la semaine dernière au ministère pour une rencontre plénière du Conseil national de la refondation (CNR) en santé, on ne construit bien que sur des bases saines et solides et on n’avance bien qu’en suivant des principes fermement établis.
Nous sommes déterminés à mener, et à réussir, toutes les réformes permettant de replacer l’éthique au cœur de notre système. Cela passe par la régulation des dérives, la juste utilisation des deniers publics et la lutte contre la fraude et contre la financiarisation excessive de certaines pratiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de vous retrouver aujourd’hui, pour, je l’espère, adopter définitivement un texte important en ce sens, qui a déjà été, par trois fois, voté unanimement à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Je tiens tout d’abord à avoir un mot pour la présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, la députée Fadila Khattabi, que je remercie d’avoir été à l’initiative de cette proposition de loi, puis de l’avoir défendue.
Je salue également le travail conjoint et constructif des commissions des deux assemblées, notamment celui des sénateurs et de leur rapporteur, Jean Sol, pour façonner un texte cohérent et efficace. En effet, il est important que cette loi soit adoptée et entre en vigueur rapidement. Le développement soutenu des centres de santé, principalement des centres optiques et dentaires, qui sont visés par le texte, nous l’impose.
Les chiffres ont été rappelés à de multiples reprises au cours des débats. On compte actuellement près de mille centres dentaires sur le territoire français. Leur nombre a progressé de 60 % en l’espace de cinq ans. La tendance est similaire pour les centres de soins ophtalmologiques.
Je le rappelle, l’objectif de cette loi n’est en aucun cas de s’attaquer au modèle des centres de santé ni de jeter l’opprobre sur les professionnels qui y exercent et qui fournissent, pour la très grande majorité d’entre eux, un travail de qualité au service de leurs patients et d’un meilleur accès à la santé de tous.
Les centres de santé – ce sont les héritiers des premiers dispensaires municipaux dans les villes ouvrières de la banlieue parisienne, qui ont vu le jour dans les années 1920 –, qu’ils soient urbains, ruraux ou situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, sont reconnus par nombre de nos concitoyens comme des lieux leur permettant d’accéder facilement et rapidement à des soins.
Près de 2 500 structures rassemblent 38 000 professionnels à travers le pays. Leur présence au cœur des territoires répond à l’objectif de responsabilité populationnelle qui nous est cher.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous en conviendrez, réguler, c’est non pas empêcher, mais protéger. Il s’agit d’accompagner le déploiement d’un mode d’exercice collectif de la médecine qui corresponde aux aspirations des professionnels de santé et qui soit utile à nos concitoyens, mais aussi de garantir aux opérateurs fiables que l’État s’assure de la qualité et de la sécurité des soins et de protéger les Français contre des dérives inacceptables, qui mettent en danger notre santé et décrédibilisent tout un modèle.
Ces dérives, si elles sont minoritaires, n’en sont pas moins extrêmement graves. Certaines affaires emblématiques ont suscité un émoi légitime dans la société. Je pense notamment aux scandales Proxidentaire et Dentexia, qui ont mérité les chefs d’accusation de « violences volontaires » et de « mutilations », certains patients souffrant désormais d’infirmités permanentes.
Les abus peuvent donc être physiques, mais aussi financiers, à coups de surfacturations, de surtraitements et de multifacturations. Outre leur coût pour la sécurité sociale, ces pratiques tarifaires frauduleuses sont d’autant plus choquantes que ces centres de santé ont généralement abusé de la confiance de patients précaires, qui voyaient en eux une solution à leurs problèmes de santé.
Atteintes dans leur intégrité physique et escroquées, les victimes subissent une double peine. Je refuse que des investisseurs malhonnêtes capitalisent sur les difficultés d’accès aux soins de nos concitoyens les plus vulnérables.
L’ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé a permis, sans attendre, de premières avancées concrètes pour contrôler davantage les conditions d’ouverture et de fonctionnement de ces centres.
De plus, nous avons consolidé l’arsenal de notre système de santé en matière de lutte contre la fraude sociale, de manière à pouvoir déconventionner beaucoup plus rapidement les centres où sont constatées des infractions graves.
D’autres mesures ont également été étudiées dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
L’union des différentes forces de contrôle nous permettra d’être plus efficaces. Ainsi, au mois de novembre dernier, dix centres de santé dentaires ont fait l’objet, dans dix régions, d’une mission d’inspection-contrôle conjointe des agences régionales de santé (ARS), des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), des services d’inspection du travail et des services fiscaux, avec l’aide de la mission interministérielle de coordination antifraude (Micaf).
L’adoption de cette proposition de loi est l’occasion d’avancer encore et d’ancrer ces mesures, afin de toujours mieux sécuriser les prises en charge et d’assurer la qualité des soins à tous nos concitoyens. Aussi, pour sécuriser le développement des centres de santé, nous proposons des mesures concertées, nécessaires et équilibrées.
Tout d’abord, la logique d’agrément renforce la démarche de projet de santé, autour de laquelle doivent être construits les centres de santé dentaires et ophtalmologiques. L’agrément, envisagé à l’échelon régional, permet également d’inscrire les structures dans un projet territorial plus large, défini localement par les agences régionales de santé, avec les acteurs locaux.
Ensuite, nous garantissons la qualité des soins, grâce à la transmission, puis à la vérification, dans le dossier de demande d’agrément comme à chaque nouvelle embauche, des diplômes et des contrats de travail des chirurgiens-dentistes, des assistants dentaires, des ophtalmologistes et des orthoptistes.
Par ailleurs, nous ne transigeons pas avec la sincérité de la gestion financière, en entérinant l’obligation de certification des comptes par un commissaire et leur transmission aux ARS. De même, nous nous donnons les moyens de procéder plus largement à des contrôles et à des vérifications, notamment au cours de la première année, puisque l’agrément délivré ne deviendra définitif qu’à l’issue d’une période de douze mois.
Nous renforçons également les sanctions, grâce à des amendes pouvant atteindre 500 000 euros, en complément d’éventuelles sanctions pénales pour les cas les plus graves.
Enfin, nous prévenons les récidives, en ce sens qu’un gérant malhonnête ne pourra plus, après la fermeture de son centre, en ouvrir un autre dans une région différente. Un répertoire national recensera toutes les décisions de suspension ou de fermeture et sera à la disposition de tous les services de l’État et des organismes de sécurité sociale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis déterminé à assainir notre système de santé et à prendre toutes les dispositions nécessaires pour lutter contre les dérives éthiques et financières qui mettent en péril notre modèle social.
En osant nous attaquer à l’intérim dérégulé et en plafonnant les rémunérations des praticiens intérimaires, nous n’avons pas fait autre chose. Cette mesure n’a pas été facile à mettre en œuvre, j’en conviens, mais elle était absolument nécessaire.
De nouvelles échéances législatives nous réuniront bientôt pour débattre de l’interdiction de la pratique de l’intérim en début de carrière, pour sécuriser l’entrée dans la vie professionnelle des jeunes soignants.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il ne me reste plus qu’à vous remercier, une fois encore, de votre investissement et du travail que vous avez fourni sur ce texte. Je vous invite à le voter unanimement, une dernière fois, afin d’assurer un développement éthique des centres de santé, au service d’un accès à des soins adaptés et de qualité pour chacun de nos concitoyens.