Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi répond à un phénomène récent, mais dont les caractéristiques et l’ampleur en matière commerciale évoluent rapidement. Je tiens donc à saluer l’initiative de nos collègues députés et le travail de notre rapporteure, Amel Gacquerre.
Même si ce texte cible essentiellement les grands influenceurs, nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère du marketing digital pour tous qui voit apparaître, au-delà de la notoriété, de nano ou de micro-influenceurs, c’est-à-dire des jeunes gens appâtés par les facilités de l’outil et des gains et encore peu informés sur le cadre légal.
Depuis quelques années, les marques s’attachent les services d’apprentis influenceurs, dont les comptes sociaux totalisent seulement quelques centaines, voire quelques milliers d’abonnés sur TikTok ou Instagram.
Inscrits sur des plateformes comme Yoô, Hivency, ou Influence4you, ces apprentis influenceurs sont mis en relation avec des marques souhaitant valoriser leurs produits. Certains intermédiaires n’imposent aucun seuil de popularité : n’importe qui peut donc vanter les produits des marques sur ses réseaux sociaux, puis recevoir une commission sur les ventes induites.
Ces créateurs de contenus n’ont en général aucun contact avec la marque. Certains disent clairement qu’ils sont rémunérés ; d’autres présentent les produits comme s’ils les avaient choisis eux-mêmes et se livrent à de véritables éloges.
L’un des objectifs de ces plateformes de recrutement est de permettre aux entreprises d’enrôler très facilement des dizaines, voire des centaines d’influenceurs en faisant le minimum d’efforts. Certaines marques organisent ainsi des campagnes massifiées et automatisées.
Je cite un professionnel : « Les abonnés des “petits” influenceurs sont leur entourage direct ou les personnes qui se considèrent comme proches d’eux. Ils sont très efficaces pour générer des conversations et les transformer en achats. En revanche, pour faire découvrir un produit au plus grand nombre rapidement, les gros influenceurs demeurent préférables ».
Face au déploiement de ces stratégies commerciales évolutives, l’encadrement des pratiques est donc bel et bien un sujet d’actualité qui concerne non seulement les grands influenceurs, mais tout un chacun dans sa sphère privée.
Pour y parvenir, la répression des fraudes manque de moyens. Les scandales liés aux produits vantés se sont multipliés : dropshipping abusif, produits dangereux, placements financiers risqués, etc.
Le texte de la commission prévoit une définition plus précise de l’activité d’influence commerciale, un renforcement des pouvoirs de police administrative de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et une augmentation du montant des amendes.
Madame la ministre, le point faible reste les dix équivalents temps plein (ETP) consacrés à ce contrôle : c’est notoirement insuffisant au regard de l’ampleur de la tâche.
La présente proposition de loi érige un cadre plus clair et plus protecteur pour les consommateurs. Elle interdit la promotion de certains biens et services comme les produits financiers, encadre plus précisément le dropshipping et contient plusieurs dispositions visant à renforcer la vigilance et la responsabilité des consommateurs sur la nature des annonces promotionnelles.
Notre commission a supprimé d’autres propositions pour éviter des durcissements risquant de relancer des débats sur des sujets stabilisés comme les produits alimentaires ou le vin.
Enfin, ce texte sera complété par la prochaine transcription des textes européens, Digital Markets Act (DMA) et Digital Services Act (DSA). La commission a adopté un amendement visant à conditionner l’entrée en vigueur du présent texte à la réponse de la Commission européenne sur sa conformité au droit de l’Union.
Cette proposition de loi, que le groupe Union Centriste soutiendra, permet donc de renforcer le cadre de pratiques mouvantes. Mais la nature même des réseaux sociaux et de leurs usages nous conduira sans nul doute à revoir ces dispositifs à l’avenir.