Intervention de Elsa Schalck

Réunion du 10 mai 2023 à 15h00
Respect du droit à l'image des enfants — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Elsa SchalckElsa Schalck :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la protection des mineurs dans un univers numérique devenu omniprésent constitue un défi majeur pour notre société. Il s’agit d’un enjeu à la fois pour les familles, en premier lieu les parents, et pour les institutions, en matière d’éducation et de santé publique.

À l’heure où les réseaux sociaux inondent notre quotidien, plus de 300 millions de photos y étant diffusées chaque jour, et où le like est devenu une valeur de référence, le phénomène de surexposition sur internet est une réalité. Cette réalité présente de multiples dangers, souvent pas ou peu connus des parents et toujours largement sous-estimés.

Il convient de rappeler que diffuser une photo, donc la rendre publique, au vu et au su de tous, revient à s’exposer au risque qu’elle soit détournée, notamment s’il s’agit d’une photo d’enfant. Les fins de ces détournements d’images sont malheureusement nombreuses et dramatiques : harcèlement – c’est devenu un véritable fléau dans nos écoles –, exploitation commerciale, usurpation d’identité, pédocriminalité…

Je rappelle que la moitié des images qui se trouvent sur les sites pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents. Par ailleurs, en moyenne, avant l’âge de 13 ans un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne, et un tiers des enfants ont une existence sur internet avant même d’être nés.

Ces chiffres expliquent les nombreuses initiatives législatives sur ce sujet et je partage les propos de plusieurs intervenants qui m’ont précédé : il est dommage qu’elles soient examinées de manière séparée.

Pour ce qui concerne le texte qui nous intéresse aujourd’hui, je salue le travail de mon collègue alsacien Bruno Studer, qui s’était déjà mobilisé en déposant et en faisant adopter, en 2020, une proposition de loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne.

Notre droit interne et notre droit européen consacrent et protègent le droit à la vie privée. Toutefois, les textes ne concernent pas spécifiquement la vie privée des mineurs, dont la vulnérabilité doit être prise en considération. Au reste, l’examen de la jurisprudence nous démontre que cette question est déjà soumise aux juridictions, notamment en cas de conflit entre les parents.

Je salue le travail mené par la commission des lois, en particulier par notre collègue rapporteure Valérie Boyer, dont je sais l’engagement de longue date sur le sujet. Comme l’a indiqué cette dernière, la vocation de ce texte est avant tout pédagogique, afin de sensibiliser, informer et alerter les parents sur les dangers que peut présenter un tel affichage de leur enfant.

Les parents appartenant de plus en plus à une génération du tout-numérique, le partage des photos peut leur paraître anodin tant cet acte est simple et quotidien. Pourtant, un tel acte peut avoir des conséquences durables, dont nous ne mesurons pas encore pleinement la portée – il n’y a qu’à voir les questions que pose l’intelligence artificielle quant à l’exploitation et au détournement des images.

Alors oui, cette proposition de loi vaut davantage pour sa dimension pédagogique que pour son réel apport juridique. Mais voyons en ce texte une première étape, car sans pédagogie, sans explication et sans information, aucune politique publique ne peut être efficace. C’est d’autant plus vrai que les parents sont les premiers éducateurs des enfants.

Cette proposition de loi appelle donc à une prise de conscience collective : au regard de l’ampleur du défi que constitue le respect de la vie privée à l’heure des réseaux sociaux, il appartient au Gouvernement de mener une véritable politique publique en la matière.

En ce sens, je partage l’avis de notre rapporteure, dont le travail a également permis de formuler des recommandations que je salue, notamment la création d’une page dans le carnet de santé sur l’exposition aux écrans.

Par une approche constructive du texte, la commission a choisi d’intégrer la notion de vie privée à la définition de l’autorité parentale. À cet égard, je me réjouis du retour à la rédaction initiale du texte de la proposition de loi. Cette référence explicite à la vie privée met en lumière cet enjeu, même si nous savons que son respect incombe déjà aux parents dans le cadre de l’autorité parentale.

De même, j’approuve la suppression par la commission de l’article 2, puisque le droit à l’image est d’ores et déjà exercé en commun par les deux parents, ainsi que la suppression de l’article 4, qui ouvrait une délégation forcée de l’exercice du droit à l’image, qui peut être jugée inefficace au regard de ce que peut d’ores et déjà décider le juge des enfants dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative.

Par ailleurs, la réécriture de l’article 3 de manière à inscrire dans la loi que la diffusion de contenus relatifs à la vie privée d’un enfant nécessite l’accord des deux parents évitera des interprétations multiples sur la notion d’acte usuel.

Enfin, l’article 5 permet à la Cnil d’agir en référé en cas d’atteinte aux droits des mineurs. Je salue cet ajout de la part de notre rapporteure et de la commission. En effet, il paraît important qu’une autorité comme la Cnil puisse solliciter le blocage d’un site internet qui ne répondrait pas aux demandes d’effacement.

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