Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, répondre à l'urgence, répondre à la crise, donner aux agriculteurs français les moyens de nous nourrir : tel est l'objectif premier de cette proposition de loi, un texte qui fait parler, un texte critiqué. Et pour cause, il traite de sujets majeurs, et pas seulement de l'agriculture.
Ce texte porte également sur notre relation à l'alimentation, à notre souveraineté alimentaire. Il nous conduit à nous interroger sur nos différents modèles agricoles, sur leur adaptation au changement climatique ou encore sur notre modèle de société, notamment sur la relation entre urbains et ruraux. Il est difficile, voire impossible, de trouver un consensus quand on aborde ces questions.
Le texte que nous examinons aujourd'hui est d'ailleurs un texte de compromis, qui s'appuie sur les constats sans appel que, avec mes collègues Laurent Duplomb et Pierre Louault, j'ai dressés dans le rapport que nous avons publié en septembre dernier.
Pour reprendre une célèbre expression, la ferme France brûle. Notre modèle agricole décline, notre marché est submergé par des importations de denrées qui ne sont pas conformes à nos exigences environnementales, sanitaires et sociales. Notre agriculture recule, nos agriculteurs ne parviennent plus à écouler leur production, à gagner leur vie tout simplement.
Ce texte, j'en conviens, est loin d'être parfait. J'ai d'ailleurs toujours fait part à mes collègues de mes réticences quant au volet relatif aux pesticides, notamment l'article 13. Ce texte vise cependant à stopper l'hémorragie, à contenir l'incendie, à trouver des solutions concrètes pour sortir la ferme France de la crise dans laquelle elle s'est engouffrée il y a plus de vingt ans.
La détresse des agriculteurs, leurs difficultés, je les connais, car j'y ai consacré une grande partie de ma vie professionnelle.
Mon département, la Dordogne, est un territoire rural et le rapport de la commission, tout comme cette proposition de loi, y ont été bien reçus. Les agriculteurs et nos concitoyens, notamment les plus modestes, comptent sur nous.
Ils n'achètent pas tous bio, ou alors moins qu'auparavant. Ce n'est pas une question de dogmatisme, c'est tout simplement qu'ils n'en ont pas les moyens. Difficile de consommer 100 % bio ou sous signe officiel de qualité quand on n'a qu'un Smic pour trois enfants... Alors, on se contente de produits importés, moins chers, mais de bien moindre qualité.
Être de gauche, c'est combattre les inégalités. Or la première d'entre elles, c'est le contenu de l'assiette. J'en suis convaincu, donner à nos agriculteurs les moyens de nourrir tous les Français, avec nos normes de qualité supérieure à celles de nos voisins, est un moyen concret de lutter contre ces inégalités et d'aller vers cette agriculture durable et relocalisée que j'appelle sincèrement de mes vœux. Poursuivre la stratégie actuelle d'importations massives, c'est contribuer à l'érosion progressive de notre souveraineté alimentaire.
Enfin, parce qu'il ne se limite pas aux questions de pesticides, ce texte parle de compétitivité, ainsi que d'innovation et d'adaptation au changement climatique. Nous souhaitons donner aux exploitations les moyens d'investir dans cette adaptation au changement et dans l'évolution des pratiques.
Je me réjouis donc qu'un diagnostic carbone figure dans cette proposition de loi. Il s'agit d'une première pierre pour le développement de ce dispositif, outil essentiel dans la transition des exploitations agricoles et point de départ utile pour la démarche de labellisation bas-carbone.
Ce texte est issu d'une initiative transpartisane. Il a le mérite de mettre les questions d'agriculture, notamment de souveraineté alimentaire, au cœur de nos débats, à l'aube de la grande loi agricole annoncée par le Gouvernement.