Intervention de Sophie Primas

Réunion du 16 mai 2023 à 16h00
Ferme france — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, rapporteur :

Aujourd'hui, cette proposition de loi transpartisane, faisant suite au rapport sur la compétitivité de la ferme France, entend définir les caractéristiques essentielles de l'agriculture de demain : compétitive, durable, sobre en intrants et attractive pour les jeunes arrivants.

Stockage et partage de l'eau, incitation à l'innovation, baisse des charges, lutte contre les surtranspositions, formation continue des agriculteurs, adaptation au changement climatique… Ses 26 articles, enrichis en commission, abordent des sujets fondamentaux pour l'avenir de notre agriculture.

L'enjeu de ce texte, c'est la place de notre agriculture en Europe et dans le monde, sa résilience et son rôle face au changement climatique, sa capacité à renouveler ses exploitants.

Mes chers collègues, je vous présente aujourd'hui un texte cosigné par plus de la moitié de cet hémicycle, amélioré en commission et qui, je l'espère, saura susciter un débat sans caricature ni opposition stérile entre deux types d'agriculture supposés irréconciliables.

Les auditions ont d'ailleurs souligné combien, dans sa très grande majorité, le monde agricole, ses filières comme ses organisations représentatives, souhaitait voir assumée la thématique de la compétitivité. Ce thème, nous le déclinons en trois axes.

Le premier axe porte sur la lutte contre les distorsions de concurrence, véritable fléau pour la compétitivité de notre agriculture. Les surtranspositions sont vécues douloureusement par nos agriculteurs quand ils doivent se plier à des exigences toujours plus grandes qui n'existent pas ailleurs, et notamment chez nos principaux concurrents européens.

La commission a ainsi enrichi les prérogatives du Haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agro-alimentaire instauré par ce texte pour faire office de guichet unique des problématiques des filières. Il pourra être saisi et rendre des avis publics au sujet des normes et des surtranspositions. Loin de se substituer à vous, monsieur le ministre, il sera votre meilleur allié !

À propos de surtranspositions, je souhaiterais m'attarder sur le très commenté article 13, relatif à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Changeons-nous les missions de l'Anses ? À l'issue du passage en commission, la réponse est « non ». Remettons nous en cause le travail ou l'impartialité de l'Anses ? Non plus.

Nous donnons simplement au ministre de l'agriculture ce qu'il semble réclamer depuis quelque temps, c'est-à-dire la possibilité de faire réaliser, sur des cas particuliers, une balance bénéficies-risques de la décision, et de pouvoir suspendre temporairement une décision d'interdiction de l'Anses lorsque celle-ci n'est pas synchronisée avec les autres États membres, qu'il n'existe pas de solution de substitution ou qu'il y a des risques avérés pour la pérennité des productions agricoles ou d'outils agro-alimentaires, qui mettraient en péril notre souveraineté alimentaire.

C'est pour vous, monsieur le ministre, le meilleur moyen de pousser la recherche fondamentale et appliquée sur les productions en péril tout en incitant l'Union européenne à prendre des décisions communes à tous les agriculteurs européens afin d'assurer l'équité concurrentielle et la sécurité sanitaire en Europe. À cet égard, je pense que la commission a trouvé un juste équilibre.

Le deuxième grand axe de la proposition de loi de nos collègues est de modérer les charges de nos agriculteurs, pour que leur revenu ne soit plus la variable d'ajustement de la compétitivité : déduction pour épargne de précaution, pérennisation du dispositif « travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi » (TO-DE), exclusion des entreprises à production saisonnière du bonus-malus sont autant de sujets importants que nous aborderons dans la discussion, puisque la commission les a rendus budgétairement abordables.

Enfin, le troisième et dernier grand axe de cette proposition de loi est d'encourager le renouvellement des pratiques et l'innovation, afin d'accompagner l'agriculture dans sa nécessaire adaptation.

Deux dispositifs encouragent et accompagnent l'investissement : un crédit d'impôt d'une durée de trois ans vise à soutenir les investissements dans les secteurs les plus intensifs en main-d'œuvre ; la création d'un livret Agri aura la double vertu de resserrer les liens entre les Français et leur agriculture et d'orienter l'épargne vers les investissements agricoles, y compris l'acquisition du foncier pour les jeunes agriculteurs.

Par ailleurs, trois dispositions concernant l'usage de l'eau ont été adoptées et améliorées par la commission. Nous aurons sans doute l'occasion d'aborder cette problématique d'actualité, qui concerne un facteur majeur de compétitivité.

Enfin, je souhaite évoquer l'autorisation de l'usage de drones pour la pulvérisation aérienne de précision.

Il ne s'agit évidemment pas d'autoriser la pulvérisation tous azimuts par des avions ou des hélicoptères : c'est une mesure nécessaire si l'on veut encourager et accompagner l'innovation, faire de réels progrès dans la baisse des intrants et susciter des vocations parmi les plus jeunes. L'article 8 ressort donc de son passage en commission sous la forme d'une expérimentation limitée aux terrains agricoles en pente et à l'agriculture de précision. Nous sommes loin des caricatures qui ont été faites !

Je le répète, c'est par la recherche, l'investissement et l'accès à l'innovation de tous les agriculteurs que nous assurerons la résilience de notre agriculture et l'attractivité de ses métiers.

Je n'ai pu être exhaustive, tant les 26 articles ouvrent des champs diversifiés. Je suis certaine que notre discussion en séance sera riche, si elle sait éviter les effets de manche.

Pour conclure, je tiens à redire avec force que notre agriculture n'attira pas les jeunes arrivants si elle demeure enserrée dans un carcan de normes toujours plus nombreuses et complexes les unes que les autres ; si l'on étouffe la production et l'innovation par l'application irraisonnée d'un principe de précaution devenu principe d'inaction ; si l'on continue à pointer du doigt une profession qui pourtant change, évolue, innove et dont les pratiques, répétons-le, sont déjà parmi les plus vertueuses du monde ; enfin, et c'est peut-être le plus important, si l'on ne permet pas une juste rémunération des agriculteurs.

Les agriculteurs ont une noble mission : nourrir nos concitoyens et d'une partie de la planète, afin d'assurer les grands équilibres géopolitiques, en étant totalement acteurs, mais aussi bénéficiaires, de la lutte contre le changement climatique.

Il est nécessaire et vital pour la Nation de les soutenir, de considérer toutes leurs missions et de les rémunérer dignement.

Monsieur le ministre, soyez assuré que ces thématiques continueront d'être portées par le Sénat à l'occasion des prochaines échéances agricoles.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion