La publicité a également considérablement évolué depuis l’époque de la loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite loi Évin, ou de celle relative à l’emploi de la langue française, dite loi Toubon, qui régulaient des annonceurs et des médias dont la publicité était le premier métier.
Aujourd’hui, n’importe quel individu croit pouvoir vendre ce qu’il veut, comme il le veut, depuis l’endroit qu’il veut. C’est bien cela qui pose un problème et qui suscite cette demande populaire en faveur d’une meilleure régulation et d’un meilleur encadrement.
J’en veux pour preuve le succès de la consultation publique que Bruno Le Maire et moi-même avons menée à Bercy sur le sujet, mais également l’abondance des témoignages de ces femmes et de ces hommes faisant part, spontanément, des abus et des escroqueries, parfois très graves, dont ils ont été victimes. Nos concitoyens sont exposés à de graves dangers, qui ne sont pas uniquement d’ordre financier, alors que le rapport individuel créé par internet démultiplie les possibilités et complexifie les moyens de contrôle.
Certes, les services de l’État sont à l’œuvre depuis que les pratiques des influenceurs se sont multipliées voilà plusieurs années. Ainsi, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a déjà eu l’occasion de rappeler à l’ordre les contrevenants. Elle rendra bientôt publics les noms de ceux – une trentaine à ce jour – qui se sont livrés à des pratiques commerciales trompeuses.
Pour autant, force est de le reconnaître, les nouvelles facilités offertes par les réseaux sociaux requièrent – et même imposent – que notre droit soit doté de nouveaux outils, de la même façon que, par le passé, le législateur a modifié son arsenal juridique pour adapter l’encadrement de la publicité aux nouveaux médias qu’étaient alors la radio ou la télévision.
Cette proposition de loi est née dans ce contexte. Je veux saluer ici le travail remarquable des parlementaires : tout d’abord, celui des députés qui se sont saisis de ce sujet, de façon transpartisane, à l’Assemblée nationale ; ensuite, celui des sénateurs, dont la rigueur a déjà permis en commission de lever quelques doutes et de corriger des imperfections.
J’ai à cœur d’achever avec vous ce travail aujourd’hui, dans le même esprit de dialogue et de concertation qui nous guide depuis décembre dernier, avec le lancement par Bruno Le Maire de la consultation publique qui a recueilli les avis de plus de 400 professionnels et de près de 20 000 de nos concitoyens, et même depuis bien avant, au regard de la persévérance avec laquelle les services de l’État – je salue de nouveau l’action de la DGCCRF – surveillent ce phénomène.
Nous sommes parvenus dans ce texte à une définition équilibrée et plus claire de ce que doit être l’influence commerciale, à savoir une pratique commerciale devant respecter aussi bien les principes généraux du commerce que l’encadrement de la promotion de certains biens et services.
Nous prévoyons ainsi des règles spécifiques en matière de chirurgie et de médecine esthétique, compte tenu de leur danger immédiat et irréversible sur la santé humaine.
Nous aboutissons également à un nécessaire rappel des droits et des devoirs s’appliquant à ceux qui exercent cette influence commerciale, au même titre – strictement – qu’à l’ensemble des émetteurs, ainsi que des canaux de promotion et de publicité, et à des sanctions dédiées et adaptées à ce cadre spécifique.
Qui dit droits et devoirs s’appliquant à tous, donc aux influenceurs, dit aussi que ce qui ne s’appliquerait qu’à eux constituerait une rupture d’égalité difficilement justifiable. Nous devons ainsi veiller collectivement à ne pas créer une publicité à deux vitesses, si je puis dire, avec des règles très – voire exagérément – strictes, qui ne s’appliqueraient qu’aux influenceurs.
C’est une ligne à laquelle le Gouvernement tient, non par rigidité dogmatique, mais au contraire par pragmatisme : tout le monde – vous, moi, les influenceurs, les annonceurs, les consommateurs – veut un cadre juridique clair et fort, donc à l’abri de toute contestation litigieuse.
Nous sommes ici pour adapter la protection du consommateur aux nouvelles formes de l’influence commerciale, non pas pour interdire les nouvelles formes de cette influence commerciale ; nous ne créons pas des entraves, nous posons un cadre. En découleront ensuite les outils qui seront à notre disposition et sur lesquels, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez apporté des précisions nécessaires.
Il s’agit, tout d’abord, des outils légaux, comme les contrats écrits entre les annonceurs et les influenceurs, ainsi qu’entre les agences et les influenceurs, dont le Gouvernement demandera avec vous la systématisation.
Il s’agit, ensuite, des outils d’accompagnement, comme le guide de bonne conduite des influenceurs, présenté voilà quelques semaines par Bruno Le Maire et qui sera actualisé à l’issue du vote de la proposition de loi.
Durant cette lecture, le Gouvernement proposera quelques modifications qui semblent répondre au besoin de clarté et surtout de solidité que nous partageons tous, à l’aune du règlement relatif à un marché unique des services numériques, le Digital Services Act (DSA), qui prévoit une meilleure régulation des réseaux sociaux et des activités qu’ils engendrent.
J’indiquais, en préambule, que nos débats étaient particulièrement suivis par les plus jeunes.
Je souhaite précisément conclure en rappelant que cette proposition de loi ne doit pas être prise pour ce qu’elle n’est pas : ce n’est pas une proposition de loi pour ou contre la publicité, pour ou contre les jeunes, ni un texte qui définirait ce qui serait moral ou ce qui ne le serait pas. C’est une proposition de loi économique, au service d’un métier naissant, exercé par des personnes qui ont à cœur, pour l’immense majorité d’entre elles, de bien faire leur travail.
Parce que nous voulons soutenir leur métier, nous soutiendrons cette proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.