Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le développement de l’économie numérique et des réseaux sociaux a donné naissance à des phénomènes encore inimaginables voilà quelques années.
Parmi ceux-ci, l’émergence de célébrités documentant leur vie jour et nuit, mise à la disposition du public sur toutes les plateformes possibles. Mais, entre deux selfies à la plage et un post sur une recette de cuisine, le public est également exposé à des contenus bien moins innocents et désintéressés : placement de produits, jeux-concours, promotion rémunérée de produits et de services…
Ces pratiques, qui constituent le principal moyen de rémunération de ceux que l’on appelle désormais des influenceurs, ne sont malheureusement pas toujours réalisées dans la plus grande transparence. Ce flou ainsi que certaines pratiques à la légalité ou à la morale douteuses s’expliquent par la relative nouveauté de ce secteur d’activité, qui profite d’un défaut de régulation spécifique, bien que les règles de droit commun lui soient applicables.
Durant le seul premier trimestre 2023, sur cinquante contrôles effectués par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, 60 % ont donné lieu à des constats d’infractions ayant conduit à dix-huit injonctions de cesser des pratiques illicites et à seize procès-verbaux pénaux.
Il devenait urgent d’agir. Il n’est que de penser aux scandales liés à la promotion d’actes médicaux réalisés en dehors de tout cadre médical et faisant courir des risques importants aux victimes.
L’objet de cette proposition de loi est donc de rétablir un peu d’ordre dans ce qui est devenu un véritable Far West, où certains influenceurs s’apparentent à des charlatans vendant remèdes miracles, entre autres arnaques.
Ce texte donne enfin une définition légale de la notion d’influenceur commercial par voie électronique, supprimant ainsi un flou trop longtemps exploité par des personnes mal intentionnées.
Dans un même objectif de clarté et de transparence, l’obligation faite aux influenceurs d’afficher clairement le caractère commercial d’une opération permettra d’éviter des dérives et toute confusion dans l’esprit du public.
La nature particulière de ce dernier appelle d’ailleurs à une vigilance accrue. En effet, les mineurs représentent une part importante, voire parfois majoritaire du public des influenceurs. Père d’un petit Pierre, bientôt âgé de 10 ans, je parle d’expérience. La naïveté et l’insouciance enfantines doivent être protégées face aux personnes qui veulent en abuser pour leur profit personnel. L’article 5 répond à cette exigence et je m’en félicite.
Cette proposition de loi accomplit un travail nécessaire de réglementation d’un secteur qui en a besoin tout en laissant aux acteurs une liberté d’action suffisante pour ne pas freiner l’activité économique. Les influenceurs qui violent la loi ne pourront plus se prévaloir d’un flou législatif et la commission a eu raison d’ajouter des sanctions dissuasives à l’encontre des récidivistes.
Enfin, n’oublions pas les acteurs majeurs de l’influence en ligne que sont les plateformes, relais sans lesquels les influenceurs n’existeraient pas. Leur responsabilité sur les contenus qu’elles hébergent devra faire l’objet d’un examen rigoureux à l’occasion du prochain projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique annoncé par le Gouvernement.
Pour le meilleur, mais trop souvent pour le pire, l’influence sur internet est un secteur émergent en pleine expansion, probablement destiné à perdurer. Une réglementation juste et intelligente est la fondation solide sur laquelle un secteur peut se bâtir et prospérer.
Ce texte ne mettra certainement pas en place l’ultime réglementation en la matière, mais il en constitue la première pierre robuste et nécessaire au bénéfice non seulement des consommateurs, mais aussi des influenceurs respectueux de la loi.