Intervention de Nathalie Delattre

Réunion du 16 mai 2023 à 9h30
Ouvertures de casinos — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Nathalie DelattreNathalie Delattre :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'implantation des casinos pourrait sembler un sujet anecdotique ou secondaire, voire, au regard des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens, marginal. Chacun, dans cet hémicycle, conviendra que l'actualité appelle peut-être d'autres priorités.

Toutefois, j'ai la conviction que nous aurions tort de nous désintéresser de cette proposition de loi. En effet, mon département, la Gironde, comptant six casinos, je mesure l'impact positif de la présence de ces établissements sur nos territoires.

Pour prendre l'exemple particulier du casino de Bordeaux, qui a ouvert il y a une vingtaine d'années, celui-ci représente un gain significatif pour la ville, puisqu'elle prélève directement une somme sur le produit des jeux de l'établissement, qui alimente notamment les lignes budgétaires consacrées aux politiques sociales.

Aussi, sans entrer encore dans les aspects juridiques, la question de l'implantation des casinos de jeu présente un intérêt économique certain pour les communes concernées. Notre pays compte un peu plus de 200 casinos, qui emploient plusieurs dizaines de milliers de personnes et contribuent au développement économique des espaces touristiques où ils sont implantés.

De ce point de vue, chacun s'accordera sur l'opportunité de cette proposition de loi. Pour ma part, je partage néanmoins certaines remarques que j'ai déjà pu entendre au sujet de ce texte : l'implantation d'un casino ne saurait être une solution pérenne pour répondre aux difficultés financières que rencontrent nos collectivités dans leur ensemble.

Il s'agit d'un problème global, qui mérite une réponse généralisée à l'ensemble des collectivités. Nous devons nous y pencher à l'occasion de l'examen du projet de loi, mais aussi lorsque nous cherchons des solutions pour dynamiser les politiques économiques de nos collectivités.

Par ailleurs, je suis plus circonspecte sur la dimension juridique du texte, notamment lorsque je lis la rédaction de l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure, qui fixe une liste de dérogations permettant l'ouverture de nouveaux casinos.

Actuellement, les communes déclarées villes d'eau, stations thermales ou balnéaires, ainsi que les villes principales d'agglomérations de plus de 500 000 habitants ayant des activités touristiques et culturelles particulières peuvent accueillir de tels établissements.

Cette proposition de loi vise à ajouter une nouvelle catégorie, très singulièrement liée aux événements hippiques. Si je veux bien admettre le lien existant entre le monde des paris et celui des jeux, nous comprenons surtout que cela permettrait d'inclure les communes d'Arnac-Pompadour et de Saumur, ainsi que, par l'assouplissement des critères en commission, une dizaine d'autres communes. Je puis d'ailleurs vous proposer d'autres communes girondines à ajouter si besoin !

Plutôt que d'élargir le dispositif d'autorisation par des critères si spécifiques qu'ils ne viseraient qu'une ou deux communes déjà bien identifiées, peut-être vaudrait-il mieux le repenser dans sa globalité, de sorte qu'il soit moins contraignant d'un point de vue législatif.

En outre, sans tomber dans une forme de moralisme excessif, je refuse de faire comme si le phénomène de la dépendance aux jeux n'avait rien de préoccupant. Une proposition de loi qui élargit les possibilités d'implantation des casinos ne peut s'affranchir de toute réflexion sur la promotion et le développement d'établissements de jeux de hasard et d'argent, en particulier à une époque où les paris sportifs en ligne posent de grandes difficultés, notamment parmi les jeunes générations.

Le législateur se doit de faire preuve de vigilance pour ne pas donner le sentiment qu'il accompagne favorablement ce développement inquiétant, au moment même où les casinos français ont connu, depuis le début de l'année, des baisses de fréquentation significatives par rapport à 2019, et même s'ils sont nombreux, à l'instar du casino de Bordeaux, à prendre en charge les addictions. Il est toujours bon de le répéter, et nous devons en faire une ligne de conduite.

Même si la situation semble s'arranger en 2023, la pandémie du covid a bouleversé les habitudes : de plus en plus de joueurs préfèrent désormais les jeux d'argent en ligne, malgré l'interdiction des jeux de hasard sur internet. Cela mériterait une étude d'impact approfondie, ce que ne permet pas la présente proposition de loi – c'est fort dommage !

Cela dit, le groupe RDSE reste, dans son ensemble, favorable à cette proposition de loi. §

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