Intervention de Monique de Marco

Réunion du 16 mai 2023 à 9h30
Ouvertures de casinos — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Monique de MarcoMonique de Marco :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre ordre du jour, à l'approche des élections sénatoriales, nous réserve, parfois, des surprises.

Cette proposition de loi comprend un article unique introduisant une sixième dérogation au principe d'interdiction générale des jeux d'argent et de hasard, qui reposerait sur l'existence d'une infrastructure et d'une activité équestre au sein d'une commune.

Une telle dérogation profiterait essentiellement à deux communes, dont l'une est située dans le département d'élection des auteurs de la proposition de loi… Outre l'opportunité de voter une telle loi six mois avant les élections sénatoriales, qui concerneront ce département, ce texte nous semble problématique sur plusieurs points.

Tout d'abord, la finalité de cette proposition de loi, par l'ajout de deux nouvelles conditions, est de permettre à deux villes d'implanter des casinos sur leur territoire. Nous le savons tous, et les auteurs de la proposition de loi le soulignent avec justesse, en raison des critères d'installation, l'implantation des casinos est très inégale sur notre territoire, avec de lourdes conséquences, car la présence d'un casino crée des emplois directs ou indirects et a des retombées touristiques positives.

Au-delà de l'argument de la création d'emplois, les communes où se trouve installé un casino bénéficient d'une manne financière certaine : ces presque 200 communes perçoivent en moyenne 1, 4 million d'euros chaque année au travers d'une taxe sur les produits des jeux. Ces ressources représentent jusqu'à 30 % du budget des villes concernées. La Gironde comptant six casinos, ces derniers représentent une manne financière non négligeable pour le département.

Nous entendons les besoins de la filière équine, et singulièrement, bien entendu, les difficultés que rencontrent les communes de Saumur et d'Arnac-Pompadour pour financer leurs activités et infrastructures équestres. Nous entendons aussi la petite musique issue des travaux de la commission, M. le rapporteur trouvant « nécessaire d'envisager une réflexion plus globale sur les critères permettant l'installation d'un casino dans une commune ».

Toutefois, nous ne pensons simplement pas que la solution envisagée pour remédier à ce problème, à savoir installer de nouveaux casinos, soit la bonne. Cet objectif de création d'emplois et cet espoir de revenus supplémentaires pour les communes et pour favoriser la filière équine ne sauraient cacher les problématiques liées aux casinos.

Notre groupe considère que la restriction d'implantation des casinos se justifie par des considérations de santé publique.

Les jeux d'argent et de hasard, donc les casinos, sont, comme l'a rappelé le rapporteur, régis par un principe de prohibition. Leur interdiction se justifie par des motifs d'intérêt général. Ainsi, l'article L. 320-2 du code de la sécurité intérieure dispose qu'ils « font l'objet d'un encadrement strict aux fins de prévenir les risques d'atteinte à l'ordre public et à l'ordre social, notamment en matière de protection de la santé et des mineurs ».

L'addiction aux jeux d'argent peut avoir des conséquences financières, psychologiques et familiales dramatiques pour les victimes. Selon le sociologue spécialisé Jean-Pierre Martignoni-Hutin, 48 000 personnes sont interdites de jeu en France, sans tenir compte de celles qui sont inscrites dans des dispositifs de régulation du jeu.

Selon SOS Joueurs, 79 % des victimes d'addiction au jeu sont endettées. Aussi, de grâce, évitons d'ouvrir une brèche pour la multiplication de ces établissements de jeu d'argent.

À nos yeux, ce texte ne présente que l'une des solutions envisageables pour la respiration financière des communes. Nous le répétons souvent, les baisses de la dotation globale de fonctionnement (DGF), la mainmise du préfet sur de trop nombreux financements, les restrictions de levier fiscal propre et la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) asphyxient les collectivités locales.

C'est bien là le cœur du problème de nos territoires : leurs capacités d'actions sont limitées. Or ce problème ne peut et ne doit être résolu qu'au travers de mesures structurelles, pérennes et adaptées à chaque territoire.

Nous souscrivons à l'ambition de redonner aux collectivités territoriales les moyens d'une plus grande autonomie financière, celle-ci étant mise à mal depuis plusieurs années. Au reste, plusieurs groupes du Sénat y travaillent. Le véritable enjeu réside là, et non dans l'ouverture des portes de nouveaux casinos de jeu.

Ce texte facilitant les installations de casinos ne constitue en rien une solution. Nous ne le voterons pas.

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