Intervention de Franck Menonville

Réunion du 16 mai 2023 à 16h00
Ferme france — Discussion générale

Photo de Franck MenonvilleFranck Menonville :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a dit Christiane Lambert, ancienne présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), lors du dernier salon de l'agriculture, notre agriculture dévisse.

En effet, depuis dix ans, notre balance commerciale ne cesse de se dégrader. Nous sommes l'un des seuls grands pays agricoles à voir ses parts de marché reculer depuis 2000. Nos capacités productives s'effritent. Certaines filières s'affaiblissent dangereusement.

Notre solde commercial a chuté, passant de 12 milliards d'euros en 2011 à 8 milliards d'euros en 2021. En matière d'exportations, nous sommes passés en vingt ans de la deuxième place à la cinquième place, alors que nos importations explosent : nous importons 2, 2 fois plus qu'en 2000. Près de 50 % de ce que nous consommons aujourd'hui est issu des importations, principalement intra-européennes.

La compétitivité de notre agriculture décline dangereusement. Il était urgent de réagir ; c'est toute l'ambition de ce texte, que notre groupe soutient pleinement.

Cette proposition de loi vise à réduire les contraintes qui pèsent sur notre agriculture et nos agriculteurs, à encourager l'innovation et à accompagner les transitions.

En effet, depuis vingt ans, nous privilégions les injonctions sociétales et environnementales sans intégrer la dimension de la compétitivité et de la performance. C'est une erreur de vouloir opposer investissement, innovation, santé publique et performance. Il faut, au contraire, combiner ces objectifs.

Cette proposition de loi est dense et technique. Je veux à cet égard saluer le travail de ses auteurs et de notre rapporteure Sophie Primas, qui a su l'enrichir et la compléter.

Je voudrais maintenant m'attarder sur plusieurs mécanismes du texte.

L'article 13 complète les missions de l'Anses, qui sera chargée d'établir, dans ses avis, une balance des bénéfices et des risques. Or, de fait, cette agence n'a, à ce stade, ni les moyens ni les compétences nécessaires pour exercer cette nouvelle mission. C'est pourquoi, comme Mme la rapporteure, j'ai déposé en commission un amendement tendant à octroyer au ministre de l'agriculture un droit de veto en la matière, amendement qui a été adopté. Cela permettra de suspendre une décision de l'Anses si la souveraineté alimentaire est en péril ou si aucune solution alternative n'est possible. Nous devons tirer les leçons de nos erreurs et éviter de répéter des précédents qui ont lourdement fragilisé des filières entières.

L'article 9 est un autre des points majeurs du texte. Le stockage du carbone est un enjeu essentiel. L'agriculture que nous bâtissons doit être porteuse de solutions permettant de lutter contre le réchauffement climatique ; le stockage du carbone en est une.

L'article 12 vise, quant à lui, à lutter contre les surtranspositions de normes européennes, en fixant un principe de non-surtransposition. Le Conseil d'État sera chargé d'identifier dans ses avis les surtranspositions, qui sont souvent source de distorsions de concurrence et fragilisent nos filières. Elles contribuent également à réduire l'attrait du métier et à exaspérer nos agriculteurs, qui croulent sous les injonctions contradictoires et sous des directives mal comprises et souvent déconnectées des réalités quotidiennes de leur métier. Il faut absolument redonner du sens !

Enfin, l'investissement est crucial. À ce titre, deux dispositifs sont proposés : le crédit d'impôt et le livret Agri. Il est impératif de soutenir l'investissement dans nos outils de transformation et, plus généralement, dans le secteur agroalimentaire pour restaurer notre force exportatrice et maintenir notre puissance agricole.

Nous devons à tout prix allier performance, innovation et durabilité des produits. Aucun de ces objectifs n'est à sacrifier ; il faut au contraire les combiner. Telle doit être l'agriculture d'aujourd'hui et de demain. La productivité n'est pas incompatible avec les objectifs environnementaux !

Faute de temps, je ne pourrai pas m'attarder sur la séparation du conseil et de la vente, séparation sur laquelle le texte revient. C'est une mesure que j'ai toujours jugée contre-productive et source de complexité et de désorganisation. Il est préférable, à mon sens, de renforcer l'exigence et la qualité du conseil pour nos agriculteurs.

Pour conclure, monsieur le ministre, je formule le vœu que ce travail transpartisan, qui vient à point nommé, devienne un élément constitutif de votre futur projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, dont nous soutenons l'initiative.

Laurent Duplomb l'a bien dit : n'ayons pas peur !

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