Intervention de Guillaume Chevrollier

Réunion du 16 mai 2023 à 16h00
Ferme france — Discussion générale

Photo de Guillaume ChevrollierGuillaume Chevrollier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi qui, je le souhaite vivement, fera date pour la compétitivité de notre agriculture et notre souveraineté alimentaire. Je tiens d'ailleurs à saluer ici le travail de ses trois auteurs : Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou.

Issue d'un excellent rapport d'information sur la compétitivité de la ferme France, adopté au mois de septembre 2022 par la commission des affaires économiques, cette proposition de loi transpartisane vise à inverser le déclin de notre puissance agricole.

Le Sénat alerte le Gouvernement à ce sujet depuis plusieurs années. La situation est véritablement alarmante : la France importe plus de produits alimentaires qu'elle n'en exporte, et la concurrence européenne et internationale lui a fait perdre des parts de marché très importantes.

Comme le pointent très justement nos collègues, nous nous sommes repliés sur une production de denrées haut de gamme qui fait, certes, la fierté de la France, mais qui n'est pas suffisamment rémunératrice pour nos agriculteurs. Beaucoup de nos concitoyens, notamment les plus modestes, se trouvent ainsi contraints de consommer des produits importés, sans même évoquer la restauration hors domicile. Ce n'est plus concevable.

Nous connaissons les causes de cette perte dramatique de compétitivité : surrèglementation, charges excessives, productivité faible, coût de la main-d'œuvre, fiscalité trop lourde, manque d'investissements, prix élevés... Ce à quoi s'ajoutent aujourd'hui la crise des prix de l'énergie et l'inflation.

Or la pandémie de covid-19 et la guerre en Ukraine ne nous ont que trop bien rappelé l'importance géostratégique de la souveraineté alimentaire. Il est grand temps de réagir et de rendre du souffle à l'agriculture française dans son ensemble, notamment par des investissements d'avenir et des innovations en matière de transition des pratiques agricoles. C'est l'esprit de cette proposition de loi.

Le texte, composé de vingt-six articles, a plusieurs objectifs : assouplir le cadre normatif, lutter contre les surtranspositions, améliorer le cadre fiscal pour susciter l'investissement, encourager l'innovation pour la productivité et accompagner l'agriculture dans sa transition écologique. Mme la rapporteure Sophie Primas, dont je salue également le travail, y a ajouté des dispositions visant à alléger les charges pesant sur les agriculteurs et à préserver davantage l'agriculture française des distorsions de concurrence européenne et internationale.

La ligne d'horizon de ce texte reste le triptyque que nous défendons ardemment au Sénat : bien manger, prix abordables pour le consommateur français, juste rémunération des agriculteurs.

Parmi les mesures phares, la création d'un haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires françaises auprès du ministre de l'agriculture et la mise en œuvre d'un plan quinquennal vont permettre de définir de véritables objectifs agricoles avec de vrais responsables.

La rapporteure a également introduit une disposition permettant au ministre de l'agriculture de suspendre à nouveau une décision technique du directeur général de l'Anses.

Par ailleurs, le fonds de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficulté et l'augmentation des plafonds de la déduction pour épargne de précaution viendront soulager les producteurs, notamment les éleveurs en difficulté.

Enfin, dans la mesure où l'accompagnement de nos agriculteurs face au dérèglement climatique est crucial – je pense notamment au défi du partage de l'eau –, au risque de perdre encore en compétitivité, ce texte rend possible la réalisation d'un diagnostic carbone et de performance agronomique des sols pour les structures agricoles, cofinancé par l'État.

Le rôle de l'agriculture dans notre transition écologique est – faut-il le rappeler ? – décisif. À ce titre, il est nécessaire de donner à nos agriculteurs les moyens d'agir encore plus pour la préservation de la biodiversité, notamment de notre bocage.

En somme, au travers cette proposition de loi, il s'agit d'être cohérent : si nous voulons défendre notre puissance agricole et retrouver notre souveraineté alimentaire, il faut nous en donner les moyens. Ne soyons pas naïfs, sans compétitivité nouvelle, nous ne parviendrons ni à rendre leur pleine attractivité et une rémunération juste aux métiers agricoles ni à enrayer l'érosion du potentiel de production que nous constatons dans nos territoires. En Mayenne, par exemple, entre 2010 et 2020, nous avons perdu plus de 1 000 fermes. Dans le même temps, le nombre de chefs d'exploitation a diminué de 17 %.

Ne perdons pas de temps et saisissons l'occasion que nous offre cette proposition de loi ambitieuse pour construire une agriculture française forte, dynamique et durable.

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