Pour ma part, j'essaie toujours, dans le débat public, d'écouter mes contradicteurs, considérant qu'il y a peut-être des choses dont il faut tenir compte. Je ne vous fais pas grief, monsieur Labbé, de penser ce que vous pensez, car je ne crois pas que votre seule motivation soit d'être en désaccord avec le Gouvernement. Souffrez que l'inverse soit vrai, et que je puisse défendre des positions avec lesquelles vous pouvez ne pas être d'accord, mais qu'il ne faut pas refuser d'écouter par principe.
Essayez donc d'écouter notre position sur la productivité ! Vous me trouverez toujours sur le chemin d'une agriculture française souveraine. Vous me trouverez aussi toujours sur le chemin du refus des démagogies, d'où qu'elles viennent. Et il y en a partout ! Certains vous disent « y'a qu'à, faut qu'on » et qu'il faut donner des injonctions aux agriculteurs quand d'autres préconisent de les laisser faire et de continuer comme avant. Vous ne me trouverez sur aucun de ces deux chemins.
En effet, selon moi, ce serait une erreur de dire aux agriculteurs que les contraintes climatiques ne sont pas puissantes. Ce serait une erreur de ne pas dire aux agriculteurs que nous avons intérêt à décarboner notre agriculture. Quatre degrés de plus, c'est le drame absolu pour nos agriculteurs. Nous avons donc besoin de penser des systèmes plus résilients. J'essaie de trouver un équilibre sur chaque point du texte, afin de faire en sorte que nous ne tombions ni d'un côté ni de l'autre. Et ce n'est pas du « en même temps » !
Je ne me satisferais pas d'une situation ne nous permettant pas d'exercer nos prérogatives de souveraineté. Je ne me satisfais pas que plus de 50 % des fruits et légumes consommés en France ne viennent pas de France. Nous avons besoin de regagner en compétitivité et en souveraineté, en posant la question de l'accès à l'eau.
Dire aux agriculteurs que rien ne changera, c'est une autre position démagogique à laquelle je me refuse. Tenir de tels propos, c'est confortable quand on s'exprime à la tribune. Mais cela conduit à la disparition de la souveraineté agricole française. Si nous ne répondons pas à la question de la résilience du système, nous perdrons en souveraineté.
J'étais voilà peu dans les Pyrénées-Orientales. Je dois pouvoir répondre à la contrainte sans dire aux agriculteurs qu'il suffit de changer de modèle. Nous devrons accompagner des gens qui font de la vigne, de l'arboriculture, de l'élevage et un peu de maraîchage, loin des caricatures de l'agriculture que vous qualifiez parfois d'« industrielle » ! La résilience, ce n'est pas la disparition de l'agriculture. Il s'agit de savoir comment nous continuons à exercer nos prérogatives de souveraineté sous les contraintes climatiques.
Il faut décrire les contraintes et trouver les solutions. Nous le devons aux agriculteurs, il convient d'avoir un débat apaisé sur ces questions. Nous n'avons aucun intérêt à ce que la société se dresse contre les agriculteurs ou à ce que les agriculteurs soient dressés contre une partie de la société. Nous avons besoin de construire un tel débat. J'écoute en effet le témoignage de nombreux agriculteurs qui, tous les jours, ont le sentiment de ne pas être compris, qu'il s'agisse de leurs contraintes ou de leurs pratiques. Nous avons donc besoin de décrire les pratiques agricoles sans les caricaturer. Nous rendrions un service non seulement aux agriculteurs et à l'agriculture, mais aussi aux transitions que nous serons amenés à mettre en œuvre. §