Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui de la compétitivité de la ferme France, quelques heures à peine après le sommet Choose France organisé à Versailles par le président Macron.
La terre de France, nos agriculteurs l'ont choisie ; ils la travaillent tous les jours. À l'instar des autres entrepreneurs auxquels s'adresse le chef de l'État, ils font chaque jour de la production et du négoce. Comme les autres chefs d'entreprise, ils font face à des obligations de rentabilité, à des problématiques de cours nationaux et internationaux, à des soucis de recrutement, à des galères administratives. Ce sont des businessmen farmers. Mais leurs clients, nationaux et internationaux, les consommateurs de leurs produits, eux, choisissent de moins en moins la France…
Très conscients de cette forme de décroissance, nos collègues Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou, à la suite de leur rapport d'information, nous proposent un texte aux mesures concrètes, opérationnelles, inspirées des difficultés identifiées dans les exploitations.
Les politiques publiques doivent d'urgence se décider à donner un cap à une reconquête stratégique nationale. N'attendons pas de devoir un jour réagricoliser la France, comme nous devons aujourd'hui essayer de la réindustrialiser. Espérons ne pas avoir à pleurer notre agriculture perdue comme nous pleurons notre industrie perdue.
Créer un haut-commissariat à la compétitivité agricole, lui donner des outils, du pouvoir et des moyens est un signe fort, à condition que ce ne soit pas un « machin » de plus ou une coquille vide.
Oui, la compétitivité agricole doit être surveillée avec la plus grande attention. Il ne faut pas se contenter de la constater a posteriori, ou plutôt d'en constater l'absence, à l'aune des disparitions d'exploitations ou des décapitalisations de cheptel.
Oui, nous devons éradiquer la surtransposition des normes, qui entravent, là comme ailleurs, le fonctionnement des entreprises. Ce qui est particulièrement grave en l'espèce, c'est que l'on demande à l'agriculture de s'adapter aux changements de l'environnement tout en l'enfermant dans un carcan rigide et chaque jour plus contraignant.
Depuis l'apparition de la vie sur terre, l'agriculture n'a cessé d'évoluer selon les besoins des hommes et le contexte naturel. Elle a suivi l'évolution du monde, poursuivant constamment sa mission nourricière. Si elle ne l'avait pas fait, l'homme aurait disparu.
En France, cependant, pour des raisons qui ne sont pas les bonnes, on enchaîne l'agriculture, on la ligote dans des injonctions contradictoires, prenant le risque insensé de l'affaiblir gravement.
Nous devons lui rendre la liberté d'évoluer, accorder plus de moyens à son soutien plutôt qu'à son contrôle et encourager massivement l'innovation, comme le prévoit cette proposition de loi.
Ce n'est pas le champ qui fait la moisson ; c'est le labour, dit justement un proverbe espagnol. Sanctuariser des parcelles agricoles n'est pas une fin en soi s'il n'y a pas de bras pour les exploiter. Il n'est pas inutile de rappeler ce prérequis face aux risques d'excès du « zéro artificialisation nette ».
La folie administrative, les surtranspositions malvenues, quoique pétries de bonnes intentions, mais aussi les distorsions de concurrence par rapport aux autres pays producteurs sont autant de vers qui rongent la ferme France.
Il faut, avec bon sens et de toute urgence, éradiquer les inepties, décréter un vrai plan de relance d'une production agricole compétitive et concurrentielle. La fiscalité est un vieil outil, qui sait souvent être efficace ; utilisons-la à bon escient.
La transmission des exploitations et le renouvellement des générations sont aussi des enjeux essentiels. De manière générale, une entreprise déficitaire ne trouve pas de repreneur : l'enjeu de prospérité et compétitivité en est donc d'autant plus vital.
Nous déplorons aussi qu'il soit aujourd'hui beaucoup plus facile de s'agrandir que de reprendre une exploitation. C'est une dérive dont nous risquons de faire très vite les frais.
Enfin, je souhaite vous faire partager ma réflexion sur la non-valorisation des apports de l'agriculture à notre société. Celle-ci doit s'adapter aux évolutions climatiques ; elle est chargée de notre souveraineté alimentaire ; elle s'inscrit désormais comme un producteur d'énergie ; c'est l'acteur essentiel de la décarbonation ; elle est dépositaire des enjeux de biodiversité… Il est temps de comprendre que l'on ne peut pas avoir tout pour rien ! §