Intervention de Lucien Stanzione

Réunion du 23 mai 2023 à 14h30
Biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Lucien StanzioneLucien Stanzione :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c'est avec une émotion particulière que j'interviens sur ce sujet nous ramenant aux heures les plus sombres de notre histoire : la spoliation des biens juifs durant l'Occupation, mais également depuis 1933.

Nous nous apprêtons à examiner un projet de loi historique. Héritage volé, les biens concernés ont été arrachés et dispersés à travers le monde et leur inestimable valeur occultée par l'injustice.

Plus de quatre-vingts ans après, il est temps d'apaiser, de réparer, de rétablir l'équilibre et de redonner une voix à cette histoire confisquée. Ces biens culturels – œuvres d'art, livres ou instruments de musique – étaient autrefois en harmonie avec l'âme de leurs propriétaires, mais les nazis, avec le soutien de l'État français de l'époque, complice et acteur de ces exactions, ont procédé à des vols, des pillages, des confiscations abjectes, des saisies.

Sous le couvert de l'aryanisation, bercés par l'antisémitisme le plus radical, ils ont fait des lois du Reich et des rafles une occasion pour dépouiller les Juifs de ces trésors qui leur reviennent aujourd'hui de droit. Des familles entières ont été dépossédées, des communautés réduites au silence, des vies brisées… tout cela au nom de la discrimination et de la haine !

Nous nous souvenons tous des débats précédant l'adoption de la loi du 21 février 2022 relative à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites. Les parlementaires de tous bords avaient alors exprimé leur volonté de trouver une solution législative durable. Il est temps, mes chers collègues, de mettre fin à cette injustice persistante.

Nous devons simplifier la restitution et lever les barrières qui entravent ces retours légitimes. Les procédures complexes les avaient rendus difficiles ; la simplification des démarches, l'établissement de critères clairs, l'engagement de délais raisonnables, toutes ces mesures forment un message : nous reconnaissons votre souffrance, nous honorons votre histoire, nous rétablirons l'équité.

Le contexte juridique entourant les biens spoliés est actuellement un labyrinthe complexe. Dès 1943, plusieurs ordonnances ont été prises par le gouvernement de Londres pour prévoir la nullité des actes de spoliation. Un inventaire des biens en question a été dressé en 1949, mais il était incomplet. De nombreuses restitutions ont eu lieu à la suite de procédures de recherche.

Cependant, les œuvres concernées sont juridiquement enchaînées, inaliénables et imprescriptibles. Actuellement, deux moyens de restitution existent : une procédure de nullité de l'acte de spoliation devant les tribunaux judiciaires ou une décision du juge administratif ou judiciaire de restitution des biens classés MNR.

Le présent projet de loi propose d'introduire trois nouveaux articles dans le code du patrimoine pour faciliter ces retours. Le premier crée une dérogation de principe de l'inaliénabilité des biens publics ; le deuxième prévoit la nullité de plein droit des actes de spoliation ; enfin, le troisième instaure une procédure spécifique qui garantit des délais raccourcis et des critères clairs pour les demandes.

En simplifiant les procédures, nous guiderons ces biens vers leurs propriétaires légitimes. La restitution n'est pas un simple acte de justice ; c'est une réparation, une réconciliation, la reconnaissance de la valeur inestimable de ces biens pour la mémoire collective et pour les générations futures.

Nous ne pouvons pas changer le passé, mais nous pouvons agir pour corriger les torts commis et tisser un avenir de justice et de solidarité. Tel est notre devoir envers ceux qui ont été dépouillés, envers notre histoire et envers nous-mêmes. La restitution des biens spoliés aux Juifs est une étape cruciale vers la réconciliation, une étape de la construction d'un avenir dans lequel le passé n'est pas oublié, et les erreurs sont rectifiées. Il y va de notre devoir de mémoire.

Avant de conclure, je souhaite saluer le travail de la sénatrice Corinne Bouchoux, qui a rédigé un important rapport sur ces questions de restitution ; celui, ensuite, de notre collègue Catherine Morin-Desailly, qui, depuis des années, fait avancer cette question des biens spoliés ; celui, aussi, de Béatrice Gosselin, notre rapporteure, secondée par les services de la commission, avec qui j'ai participé à de très nombreuses auditions intéressantes.

Enfin, madame la ministre, merci de vous être saisie de cet important sujet. Ce projet de loi concerne aujourd'hui les biens spoliés. Demain viendra le tour des restes humains, et, dans un avenir que j'espère proche, celui des biens mal acquis, un projet sur lequel j'aurai plaisir à travailler sur le fond.

Mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra ce projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. Ensemble, œuvrons pour réparer ces injustices, pour que les trésors volés retrouvent leur place légitime et pour que la mémoire des victimes soit honorée.

Le temps est venu d'agir pour rendre justice à ceux qui ont été privés de tout.

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