Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de saluer à mon tour le présent texte au nom du groupe Union Centriste et de féliciter notre rapporteure, Béatrice Gosselin, pour son travail remarquable sur le sujet.
Comme cela a été souligné à plusieurs reprises en commission, le Sénat peut s'enorgueillir d'avoir a été moteur en la matière ; je tiens à vous faire part, en particulier, de la satisfaction de notre groupe Union Centriste : Nicolas About a porté le premier texte de loi sur la restitution des restes humains, à savoir la loi du 6 mars 2002 relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman à l'Afrique du Sud, concernant la fameuse Vénus hottentote.
Dans la même veine, Catherine Morin-Desailly a été à l'origine de la loi du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections.
J'en viens plus spécifiquement des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations antisémites dans le contexte du nazisme. Corinne Bouchoux a initié le débat en 2013. Nous sommes désormais en 2023, et il a fallu dix ans pour qu'un gouvernement se saisisse pleinement de la question. Les esprits les plus critiques se demanderont pourquoi nous avons tant attendu, tandis que d'autres souligneront qu'il vaut mieux tard que jamais.
Certes, la loi du 21 février 2022 a permis à la France de restituer quatorze œuvres des collections nationales, et une œuvre d'une collection municipale, spoliées ou acquises dans des conditions troubles, aux ayants droit de leurs propriétaires, victimes de persécutions antisémites.
Cependant, pour réaliser un inventaire global et mener une véritable politique de restitution et de réparation, les lois d'espèce ne suffisent plus. Il est établi depuis longtemps que la mise en place d'un cadre global s'impose. Tel est l'objet du présent texte. Nous ne pouvons que nous en féliciter, d'autant plus que le mécanisme qu'il instaure est pertinent.
Sans trop entrer dans le détail, relevons qu'il permet aux détenteurs des biens restituables de prendre l'initiative de la restitution – auparavant, une telle démarche ne pouvait être engagée que sur l'initiative des ayants droit – et soumet alors leur sortie des collections à l'avis préalable de la CIVS.
Nous approuvons l'analyse de notre rapporteure selon laquelle le caractère simple de cet avis ne vide pas ipso facto le dispositif de sa substance. Il est probable que, la plupart du temps, l'avis de la CIVS sera suivi. Pour autant, dans la suite de nos travaux, il nous faudra trancher la question de ce qui se passera lorsqu'il ne le sera pas.
Nous apprécions la flexibilité de ce texte, qui permet que les différentes options de compensation de la spoliation, autre que la restitution pure et simple, soient discutées entre la collectivité et la personne spoliée ou ses héritiers.
Si ce cadre apparaît comme général au regard des lois d'espèce, il demeure néanmoins spécifiquement établi pour les spoliations antisémites. Une question se pose donc. Fallait-il un cadre plus global concernant toutes les restitutions ? Notre première inclination allait dans ce sens et la proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques, que le Sénat a adoptée le 10 janvier 2022, ne portait pas sur les spoliations antisémites, mais regroupait les restitutions coloniales et celles de restes humains.
Un autre choix a finalement été fait par le Gouvernement : ce projet de loi est le premier d'un train de trois textes qui nous seront successivement présentés. Il concerne les spoliations antisémites, une nouvelle proposition de loi de Catherine Morin-Desailly s'attachera aux restes humains, et un troisième texte sera dédié aux restitutions coloniales.
Pourquoi pas ? Nous comprenons l'intérêt mémoriel et politique de ce choix : il s'agit d'éviter tout amalgame et de respecter l'importance et la singularité de chaque situation.
Néanmoins, il serait préférable que les excellents principes qui irriguent le texte qui nous est soumis aujourd'hui imprègnent également les deux autres ; le groupe Union Centriste y veillera.
Pour autant, vous l'aurez sans doute compris, nous voterons en faveur de ce texte.