Intervention de Hervé Morin

Réunion du 14 octobre 2009 à 14h30
Victimes des essais nucléaires français — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Hervé Morin, ministre de la défense :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a treize ans, la France mettait fin aux essais nucléaires dans le Pacifique ; il y a treize ans, elle ratifiait le traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

Aujourd’hui, nous sommes réunis pour débattre d’un projet de loi qui doit permettre à notre pays de clore sereinement un chapitre de son histoire, en proposant une solution à des victimes qui ont vécu avec un profond sentiment d’injustice la douloureuse absence de réponse à leurs requêtes.

Ce sentiment d’injustice est d’autant plus profond que la plupart d’entre elles s’étaient engagées avec enthousiasme et fierté quand la France a pris la décision politique structurante de se doter d’une force de dissuasion indépendante.

En effet, cette décision fut prise, mesdames, messieurs les sénateurs, dans l’atmosphère tendue d’une époque de guerre froide. Elle fut prise avec la volonté farouche de permettre à la France de disposer d’une force nucléaire et de retrouver sa place au sein des grandes nations. Elle fut aussi dictée par un formidable élan vers l’avenir, soutenu par l’ambition collective de relever un immense défi.

Ce défi était d’abord scientifique : la France a procédé au total à 210 essais nucléaires au Sahara et en Polynésie.

Ce défi était ensuite national : toutes les majorités – je dis bien toutes –, sous la IVe et la Ve Républiques, ont soutenu cette politique, qui marquait une ambition retrouvée pour notre pays.

Enfin, ce défi était stratégique : c’est grâce à ces essais que la France peut garantir la protection de ses intérêts vitaux et jouer un rôle de premier plan aux côtés des autres membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies.

Dans ce long cheminement qui a conduit notre pays à entrer dans le concert des nations nucléaires, la communauté nationale s’est engagée sans mesurer ses efforts : je pense bien entendu à la population des atolls polynésiens ; je pense aussi aux 150 000 travailleurs, militaires et civils, qu’ils soient, pour ces derniers, métropolitains, Polynésiens ou Algériens, présents sur l’ensemble des sites. Naturellement, l’immense majorité d’entre eux n’ont subi aucun dommage, mais, pour répondre à ceux qui ont été exposés à des rayonnements ionisants, ainsi qu’aux populations civiles concernées, j’ai voulu, dès mon arrivée à l’Hôtel de Brienne, faire en sorte que la France assume ses responsabilités.

Tel est l’objet du projet de loi que j’ai la fierté de vous présenter aujourd’hui. Ce texte repose sur trois principes.

Le premier de ces principes, c’est la justice. Jusqu’à présent, le régime d’indemnisation n’était pas identique pour toutes les victimes – militaires, travailleurs civils, populations. Le système était donc lourd, coûteux et injuste, car il introduisait des différences selon le statut des victimes et selon les organes saisis. Le projet de loi vise à prendre toutes les victimes en compte, sans opérer de discrimination : personnels civils et militaires du ministère de la défense, personnels du Commissariat à l’énergie atomique et des entreprises présentes sur les sites, mais aussi populations civiles ayant été touchées par des retombées radioactives significatives. Toutes auront accès à un guichet unique : le comité d’indemnisation. Toutes seront indemnisés pour la totalité du préjudice subi, y compris le préjudice moral ou esthétique, et toutes selon le même régime d’indemnisation.

Le principe de justice nous a également conduits à ouvrir la possibilité aux ayants droit de présenter une demande de réparation par subrogation en cas de décès de la victime. Pour les victimes décédées avant la promulgation de la loi, nous avons même prévu un délai de cinq ans pour permettre aux ayants droit d’exercer cette action subrogatoire.

En revanche, comme je l’ai indiqué devant la commission, il ne saurait être question d’ouvrir le droit à l’indemnisation d’un préjudice propre des ayants droit. En effet, l’adoption d’un tel amendement serait contraire à l’esprit du texte, qui vise à indemniser les conséquences sanitaires des essais…

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