Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 23 mai 2023 à 14h30
Ferme france — Vote sur l'ensemble

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, nous avons achevé tard dans la nuit l’examen de cette proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, sur laquelle nous sommes invités à nous prononcer cette après-midi.

Du rapport de l’automne dernier à aujourd’hui, le chemin parcouru est positif. Aujourd’hui, nous nous accordons sur la nécessité de ne pas céder à l’opposition stérile entre les différents modèles, à la condamnation en bloc de la stratégie de montée en gamme ou à la caricature d’une agriculture dite « productiviste », car nous en sommes loin en France.

Le défi que doit relever notre modèle agricole n’est pas anodin : il s’agit de restaurer la puissance agricole de la France que plusieurs décennies de déclin ont abîmée, alors que la planète entière subit d’ores et déjà les conséquences du dérèglement climatique. L’adaptation à ce dernier et aux évolutions de la disponibilité de la ressource en eau, le renouvellement des générations et la préservation de notre souveraineté alimentaire sont trois priorités qui se rejoignent et qui sont chacune vitales pour notre agriculture.

Le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, autour duquel les concertations se déroulent encore, sera une nouvelle occasion d’aborder ces sujets, sur lesquels il nous faudra trouver un consensus.

De nombreux producteurs français ont fait le choix du bio ou d’une production sous signe de qualité, synonyme de valeur ajoutée, de prix plus rémunérateurs et de conquêtes de nouveaux marchés.

Les jeunes agriculteurs, installés ou en devenir, ont souvent la volonté de participer aux changements de paradigme que nous connaissons. Nous devons les accompagner, car leur réussite sera la nôtre.

Tel est le sens de l’annonce, faite par le ministre la semaine dernière, du renforcement du plan de soutien à l’agriculture biologique au travers de la mobilisation de 60 millions d’euros pour résoudre les difficultés urgentes, d’une nouvelle campagne de communication et, surtout, de l’engagement de l’État de respecter, d’ici à la fin de l’année, l’objectif de 50 % de produits sous signe de qualité et durables et d’un minimum de 20 % de produits biologiques servis en restauration collective, dans chaque établissement relevant de sa responsabilité.

Sur ce dernier point, nous saluons la volonté d’exemplarité de l’État.

Pour autant, il n’est pas question de ne traiter et de n’accompagner que l’agriculture biologique. Tous les agriculteurs ont à cœur leur métier et la volonté de nourrir les Français du mieux qu’ils le peuvent.

C’est pour les soutenir que nous souhaitons les accompagner dans leur adaptation et leur anticipation des conséquences du dérèglement climatique.

Notre objectif est clair : poser des bases durables à la puissance agricole et à la souveraineté alimentaire de la France au XXIe siècle.

Tel est le sens de notre engagement aux côtés du Gouvernement depuis six ans et de notre action en faveur d’un engagement rapide des transitions nécessaires, de façon pragmatique et efficace.

Sur le fond de la proposition de loi, nous sommes convaincus que certains de ses articles pourront être intégrés au projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles.

Ainsi en est-il de l’article 9, qui permet une meilleure reconnaissance des externalités positives de l’agriculture en matière de stockage du carbone et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ou encore de l’article 16, qui renforce les projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) et y introduit une concertation, concourant de cette façon à la nécessaire création de consensus en matière de gestion de l’eau.

Par ailleurs, je me réjouis de la version finale de l’article 8 de la proposition de loi, qui concerne l’épandage de produits phytopharmaceutiques par des drones. En effet, je rappelle que le dispositif, proposé par Mme le rapporteur, est très bien cadré. Ainsi, seules les surfaces agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 % et l’agriculture de précision peuvent profiter de cette expérimentation.

En outre, une évaluation par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) est toujours prévue et peut déboucher sur l’accord d’une dérogation pour cinq ans, offrant potentiellement une décennie à la filière pour exploiter les possibilités de cette technologie en matière de réduction d’usage de produits phytosanitaires.

Nous avons trouvé un équilibre qui permet de préserver l’innovation, au service de la transition comme de la compétitivité de notre agriculture.

Cependant, des points de blocage subsistent, par exemple l’article 15. Nous considérons comme primordial d’adapter à la fois nos modes de production et l’aménagement de nos territoires aux conséquences du dérèglement climatique sur la disponibilité de l’eau.

Les ouvrages de stockage de l’eau auront une importance majeure pour remplir ces deux objectifs, tout comme la réutilisation d’eaux non conventionnelles et l’adaptation des systèmes de production.

Toutefois, chaque projet est différent et chaque territoire doit s’organiser. Ainsi, la déclaration d’intérêt général majeur, prévue à l’article 15 de la proposition de loi, nous paraît disproportionnée, de même qu’elle nous semble fermer la porte à la concertation locale.

Sur un autre plan, nous pourrions également évoquer les mesures liées au travail et à la fiscalité, qui, en dépit de leur intérêt et, pour certaines d’entre elles, de leur pertinence, relèvent des lois de finances ou d’une loi Travail.

Je pense, en particulier, à la pérennisation du dispositif des travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE), à laquelle nous sommes attachés, afin d’offrir aux agriculteurs une meilleure visibilité sur un outil qui fonctionne.

Mes chers collègues, si cette proposition de loi ouvre des débats, que nous aurons de nouveau lors de l’examen du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, ainsi que des projets de loi Travail et de finances, elle pose également des questions qui renvoient à notre rapport à l’agriculture et à la nature.

La compétitivité de l’agriculture n’est pas un gros mot ; la préservation de l’environnement, non plus. La souveraineté alimentaire de demain nécessitera que nous ayons pris, aujourd’hui, les décisions qui préserveront les qualités de nos sols, de nos savoir-faire et de nos produits.

Le groupe RDPI adopte une position de liberté individuelle de vote sur ce texte.

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