Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la question de la provenance des œuvres d’art exposées dans les collections publiques est un sujet majeur pour les musées français. Elle appelle une profonde réflexion sur notre rapport à l’histoire, à la politique mémorielle et à la formation de notre patrimoine culturel. C’est un vaste débat de société qui nous engage collectivement !
Au cours des décennies précédentes, l’humain était au cœur de la politique française de réparation des spoliations. L’heure était au recueil des témoignages et des récits transmis par les ultimes témoins du passé : commissaires-priseurs, fonctionnaires, conservateurs de musée, marchands d’art.
Aujourd’hui, les biens culturels incarnent l’histoire et sont porteurs de mémoire pour les générations à venir. Nous, parlementaires, avons le devoir de participer à la formalisation de la politique française de restitution, grâce à ce projet de loi.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la déportation des Juifs de France s’est accompagnée du pillage méthodique de l’ensemble de leurs biens, notamment culturels.
Dès l’été 1940, de nombreux domiciles de familles juives ont été vidés – du sol au plafond –, de leur mobilier, de leurs œuvres d’art, de leurs instruments de musique. À Paris, première place mondiale du marché de l’art, pas moins de 40 000 appartements ont été pillés.
Les œuvres spoliées ont d’abord été stockées à l’ambassade d’Allemagne à Paris, puis au Louvre et, enfin, au musée du Jeu de Paume, à partir du mois de novembre 1940.
En France, on estime à 100 000 les œuvres volées ou vendues sous la contrainte, un nombre sans doute sous-évalué. Il est en effet calculé en s’appuyant sur les signalements réalisés après-guerre par les familles. Or toutes ne se sont pas manifestées.
Après la guerre, 60 000 de ces œuvres sont revenues en France, dont une grande partie a été rapidement restituée à ses propriétaires. Certains biens ont été vendus, tandis que d’autres ont été confiés aux musées français.
Oublié quelques années, le sujet de la restitution des œuvres spoliées est revenu sur le devant de la scène au milieu des années 1990.
Depuis une vingtaine d’années, le nombre de restitutions augmente peu à peu, à l’image de la Vierge à l ’ Enfant, de la Vierge de pitié et de la Scène de bataille : Siège de Carthage par Scipion Émilien, œuvres rendues au mois d’avril dernier à leurs ayants droit.
Malheureusement, certaines œuvres n’ont pas encore retrouvé leurs propriétaires et patientent dans les salles d’exposition de nos musées. C’est alors qu’interviennent les historiens spécialisés : leurs longues enquêtes sont le travail de toute une vie. Ils s’appuient sur un faisceau d’indices hétéroclites : archives nazies, services administratifs de l’État collaborateur, généalogistes, marques sur les œuvres elles-mêmes, descriptions par les familles lésées.
Je tiens à saluer la mémoire de Rose Valland, attachée de conservation à Paris pendant l’Occupation. Figure active de la Résistance, elle a pris de grands risques pour archiver l’ensemble des œuvres spoliées et conservées au musée du Jeu de Paume. Nous lui devons une grande partie des restitutions d’après-guerre.