Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, qui sommes-nous ? Juste des parlementaires : pas plus, pas moins.
Je voterai en faveur de ce texte, mais j’entends dans cet hémicycle des propos que je préférerais ne pas entendre : un texte pourrait être une « réparation » ou une « réconciliation ». Non ! La Shoah ne se répare pas, ne se réconcilie pas : elle ne relève pas du même domaine que le reste.
Ce texte va permettre de ne plus avoir besoin de loi d’espèce chaque fois que l’on veut procéder à une restitution. On estime que, en France, sans même parler du reste de l’Europe, entre 100 000 et 150 000 biens ont été spoliés.
Oui, il y avait les trains de Goering, le projet de musée de Linz d’Hitler, et ces œuvres d’art magnifiques qui se trouvaient chez des collectionneurs ou des galeristes. Cependant, beaucoup des œuvres concernées n’étaient pas nécessairement de renommée mondiale. Où sont-elles maintenant ? Certaines sont dans nos musées, mais beaucoup d’entre elles ont fini entre les mains de collaborateurs, de profiteurs de guerre, de personnes sans scrupules qui ont utilisé le régime nazi, la collaboration et le régime de Vichy pour s’approprier ces biens. Où en sommes-nous à cet égard ? C’est difficile à dire.
Il est vrai qu’il y a eu beaucoup de restitutions juste après la guerre. Après la Libération, l’occupation de l’Allemagne a permis la restitution de nombreux biens connus, reconnus, enregistrés par l’administration allemande.
Cependant, où sont les très nombreux biens moins connus ? Nous n’en savons rien, pour la plupart d’entre eux. Il faut naturellement, madame la ministre, trouver un texte qui permette au moins la restitution de ceux qui sont dans les musées ou dans les collections publiques.
J’évoquerai l’exemple de ce collectionneur viennois qui, sans en informer les autorités, détenait chez lui des centaines de tableaux spoliés, volés. On les a retrouvés non pas par hasard, certes, mais certainement pas parce qu’il les aurait lui-même déclarés.
Il me semble nécessaire d’avancer. Je vous remercie, madame la ministre, et je tiens également à remercier Mme Bouchoux pour son rapport, ainsi que mes collègues centristes pour leur travail ; pour autant, nous devons être extrêmement modestes. La Shoah ne peut pas être « réparée ». Il ne peut pas y avoir de « réconciliation ».
À mon sens, la restitution des biens ne constitue en rien une réconciliation des Français, car il n’y a pas de réconciliation possible s’agissant de ces événements. Je n’accepterais pas l’idée même qu’il puisse y en avoir une ; ce serait la négation de la République !
Rendre un tableau, ce n’est pas de la réparation ; c’est de la justice, et seulement de la justice. Un tableau qui a été spolié appartient à la famille à laquelle il a été spolié. La justice exige qu’on lui restitue le tableau.
En revanche, on ne peut pas réparer la déportation et le massacre d’une famille. Comment le pourrait-on ?
La restitution est un acte, non pas de réparation ou de réconciliation, mais de justice. J’estime qu’il faut être très clair sur ce point.
Je remercie la commission des travaux qui ont été menés sur l’analyse, le suivi et la possibilité d’accélérer un peu le système de restitution. Mais le véritable travail qu’il conviendrait d’accomplir est-il humainement faisable, madame la ministre ? Comment encourager – j’utilise un terme poli – les musées, privés ou publics, et les collectionneurs, privés ou publics, qui ont un doute sur l’origine d’un bien à se tourner vers les commissions compétentes pour en déterminer l’origine ?
Le conservateur d’un musée privé peut ne pas avoir très envie de restituer un bien. De fait, seule une enquête publique permettrait de retrouver les biens spoliés, et ce travail serait d’autant plus long que ces biens sont nombreux, sans compter que les héritiers étant parfois tous morts, certains biens ne seront jamais restitués aux familles.
Oui, il faut des textes. Il en faudra même sûrement d’autres. Oui, nous pouvons avancer. Mais ne parlons ni de réparation ni de réconciliation. La Shoah est irréductible à une réparation. Restituons, rendons la justice, mais n’oublions pas, mes chers collègues.