Je veux toutefois rassurer les familles des victimes. Il leur appartiendra, sur la base de l’indemnisation obtenue dans le cadre du présent dispositif, de requérir, dans un deuxième temps, devant le juge, la réparation de leurs préjudices propres. Leur situation sera facilitée par les dispositions de ce projet de loi, qui permettent un examen plus rapide et plus juste du préjudice des victimes directes.
La procédure retenue a, me semble-t-il, laissé subsister quelques inquiétudes à l’issue des débats à l’Assemblée nationale, et ce sur trois points : les recours juridictionnels, les délais de réponse et les droits de la défense.
Une partie de ces craintes peuvent être apaisées par le rappel du droit commun, d’autres ont conduit la commission à adopter quelques modifications, certaines pour faciliter le travail du comité, notamment en termes de délais, d’autres, pour renforcer les droits de la défense.
En ce qui concerne ces derniers, nous avons souhaité poursuivre le travail entamé par nos collègues députés. Outre l’amendement prévoyant que le demandeur peut être assisté par la personne de son choix, notre commission a explicitement prévu que le décret d’application du texte doit fixer les modalités permettant le respect du contradictoire et des droits de la défense.
En matière de recours, la commission a également adopté un amendement tendant à rendre obligatoire la motivation de la décision du ministre en cas de rejet, afin que les motifs de fait et de droit soient connus du demandeur.
Au final, la commission n’a pas bouleversé le texte du Gouvernement ; elle l’a consolidé, en préservant l’équilibre et l’efficacité du dispositif tout en assurant sa sécurité juridique.
Mettre fin aux contentieux sur ce sujet aussi bien pour les victimes que pour l’État : voilà ce qu’ont été les préoccupations de la commission, la corde raide sur laquelle nous avons essayé de tracer son chemin.
Je dirai encore un mot sur la mise en œuvre du texte. Puisqu’il vous reviendra, monsieur le ministre, de prendre les décrets d’application, je souhaite attirer votre attention sur plusieurs points.
D’une part – mais ai-je besoin de le dire ? – le pluralisme doit présider au choix des cinq sièges réservés aux associations de victimes au sein de la commission consultative de suivi.
D’autre part, il vous appartiendra de valider la liste des cancers susceptibles d’être radio-induits qui seront pris en compte. Vous vous appuierez, avez-vous annoncé, sur les travaux de l’United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation, l’UNSCEAR. La loi vous y invite. Je me dois, quant à moi, de souligner que le groupe 3 de la liste de l’UNSCEAR comporte le myélome et le lymphome. C’est pour cette raison que le Radiation Exposure Compensation Act américain retient vingt et un cancers, dont ces deux maladies. Qu’en sera-t-il de la liste française, que vos services préparent ?
Cette loi peut faire date, permettre de solder ce contentieux, de tourner la page, dans l’honneur, des essais nucléaires « grandeur nature ». Pour cela, il faut s’en donner les moyens et rester ferme sur les principes.
Comme vous l’avez dit, la France a été grande dans ce défi scientifique, technologique et humain ; elle a été grande dans ce défi politique et stratégique. Elle doit désormais être grande dans sa volonté de réparer ses erreurs. Je crois que le Sénat peut, que le Sénat doit y contribuer.
Avant de conclure, je souhaite remercier les représentants des associations et les services de l’État qui ont participé à la préparation et à l’élaboration de ce texte et saluer l’ensemble des membres de la commission, tout particulièrement son président, qui ont été très assidus et se sont passionnés pour ce texte ô combien attendu, et tout à l’honneur de la France !