Intervention de Bernard Saugey

Réunion du 21 octobre 2008 à 11h00
Cour des comptes et chambres régionales des comptes — Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Bernard SaugeyBernard Saugey, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes saisis en deuxième lecture du projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.

La plupart de ses dispositions recueillent un large consensus, qu’il s’agisse de la séparation stricte des fonctions d’instruction, de poursuite et de jugement, du renforcement du caractère contradictoire de la procédure, de la généralisation des audiences publiques, ou encore de la suppression du pouvoir de remise gracieuse reconnu au ministre chargé des comptes publics à l’égard des amendes infligées par les juridictions financières aux comptables publics ou aux gestionnaires de fait.

Telle est la raison pour laquelle seuls six articles restent en discussion après la deuxième lecture par l’Assemblée nationale, alors que le Sénat avait lui-même adopté sans modifications vingt-quatre des trente-quatre articles qui lui avaient été soumis en première lecture.

Telle est également la raison pour laquelle nous sommes saisis si rapidement de ce texte. Je m’efforcerai, à mon tour, d’être concis.

Au cours de la navette parlementaire, les principales discussions ont porté, d’une part, sur la procédure de décharge des comptables publics, prévue par le projet de loi initial, et, d’autre part, sur les dispositions relatives à la gestion de fait introduites par l’Assemblée nationale et par le Sénat.

Les solutions retenues par les députés en deuxième lecture me semblent constituer un compromis acceptable entre les positions exprimées par chacune des deux assemblées.

En conséquence, je vous indique d’ores et déjà que je vous proposerai d’adopter, sans modifications, les dispositions du projet de loi restant en discussion.

Alors que la réforme de la procédure de mise en jeu de la responsabilité des comptables publics et des gestionnaires de fait, pierre de touche du projet de loi, recueille un large consensus depuis le début de la navette, celle de la procédure de décharge des comptables publics constitue, paradoxalement, une pierre d’achoppement sur laquelle butent les tentatives d’amendement des parlementaires.

Permettez-moi de vous épargner le rappel de ces diverses tentatives, que vous trouverez dans mon rapport écrit, pour vous présenter la solution retenue par l’Assemblée nationale en deuxième lecture.

Tout d’abord, les comptes devront être examinés par un magistrat du siège chargé d’établir un rapport à fin de jugement. Sur la base de ce rapport, il appartiendra au représentant du ministère public de poursuivre ou non le comptable public.

En l’absence de poursuite, le comptable devra être déchargé de sa gestion par ordonnance du président de la formation de jugement ou d’un magistrat délégué à cette fin.

En cas de doute sur la régularité ou la sincérité des comptes, ce magistrat pourra demander un rapport complémentaire ; si, au vu de ce document, le ministère public persistait à ne relever aucune charge à l’encontre du comptable public, le magistrat du siège serait alors tenu de rendre l’ordonnance de décharge.

Cette solution présente l’inconvénient de rétablir une compétence liée du magistrat du siège à l’égard de celui du parquet, que le Sénat avait supprimée, au nom du principe de l’indépendance de la justice.

Elle possède, toutefois, plusieurs avantages.

Tout d’abord, il ne faut pas perdre de vue que cette compétence liée serait favorable au comptable public. Ensuite, la procédure serait plus rapide que celle que nous avions finalement retenue. Enfin, l’ordonnateur pourrait introduire un recours contre l’ordonnance de décharge, ce que le texte adopté par le Sénat en première lecture ne permettait malheureusement plus.

Cette solution n’est pas parfaite, loin s’en faut, mais elle constitue un compromis acceptable entre la volonté de l’Assemblée nationale de simplifier la procédure, celle du Gouvernement de conférer au ministère public le monopole de l’engagement des poursuites, et les tentatives de la commission des lois d’assurer le respect des principes de l’indépendance de la justice et du double degré de juridiction.

S’agissant de la gestion de fait, je rappelle qu’en première lecture l’Assemblée nationale avait inséré dans le projet de loi un article 16 bis, transférant au juge financier la compétence des assemblées délibérantes des collectivités territoriales pour apprécier l’utilité publique de dépenses ayant donné lieu à gestion de fait.

Le Sénat avait supprimé cet article pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales pourrait y faire obstacle.

Ensuite, les pouvoirs des juges financiers n’étaient pas suffisamment encadrés alors qu’ils devraient se limiter à l’appréciation de la régularité de la dépense. Or les élus locaux ont parfois l’impression désagréable – et ce n’est pas toujours qu’une impression ! – que les chambres régionales des comptes exercent un contrôle de l’opportunité de leurs dépenses, dans le cadre de leur mission d’examen de la gestion des collectivités territoriales.

Enfin, le pouvoir du Parlement sur les gestions de fait concernant les deniers de l’État, qui s’exerce dans le cadre de la loi de règlement, n’était pas remis en cause.

Sur proposition de la commission des lois, le Sénat avait inséré un article 29 ter ayant pour objet de ramener à cinq ans la durée des délais de prescription de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics et des comptables de fait.

Les dispositions proposées s’inscrivaient dans le droit-fil des positions prises par notre assemblée, en 2000 et en 2001, sur l’initiative des membres du groupe socialiste. Elles répondaient à un objectif d’harmonisation avec la réduction à cinq ans du délai de droit commun de la prescription extinctive qui venait d’être opérée par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

Elles ne revenaient pas, comme j’ai pu le lire ou l’entendre dire, à empêcher de facto toute condamnation pour gestion de fait, car le rythme des contrôles des juridictions financières est le plus souvent triennal, voire quadriennal. En outre, les règles de prescription applicables aux infractions pénales qu’un gestionnaire de fait pourrait avoir commises seraient restées inchangées.

En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a accepté de maintenir la suppression de l’article 16 bis, mais elle a modifié l’article 29 ter pour n’en conserver que les dispositions réduisant de six ans à cinq ans le délai de prescription de l’action en responsabilité contre les comptables publics. Le délai de prescription de la gestion de fait resterait donc fixé à dix ans à compter des actes constitutifs de la gestion de fait.

Ce compromis me paraît acceptable.

Il me semble préférable, compte tenu de l’absence de consensus sur ces propositions de réforme, que les règles relatives à la gestion de fait fassent l’objet d’un examen d’ensemble dans le cadre de la réforme annoncée des missions des juridictions financières et des règles relatives à la responsabilité des gestionnaires publics.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter sans modification le projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.

Je vous rappelle, comme l’a déjà indiqué M. le secrétaire d’État, que ce texte a été adopté à l’unanimité par la commission des lois.

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