Séance en hémicycle du 21 octobre 2008 à 11h00

Résumé de la séance

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  • comptable
  • juridiction

La séance

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La séance est ouverte à onze heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes (nos 13, 24).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la semaine dernière, l’Assemblée nationale a adopté, en deuxième lecture, le projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes que votre assemblée lui avait transmis le 5 juin 2008.

Ce texte, modifié, et dont seuls six articles sont encore en discussion, revient aujourd’hui devant vous pour une seconde lecture.

Tout d’abord, permettez-moi d’adresser mes remerciements à la commission des lois, tout particulièrement à son président et à son rapporteur, qui ont su réaliser un remarquable travail d’analyse dans des délais, je dois bien l’avouer, relativement courts.

Vous vous en souvenez, ce projet de loi tend à modifier en profondeur les procédures juridictionnelles devant les juridictions financières, afin de les mettre en conformité avec les évolutions de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Grâce à cette réforme, grâce à vous, la transparence, l’équité et l’impartialité des procédures seront renforcées ; les juridictions financières rendront leurs décisions plus rapidement. En bref, les droits des justiciables seront mieux reconnus, mieux respectés, sans qu’une quelconque atteinte soit portée à la nécessaire protection des finances publiques.

L’un des apports principaux du projet de loi est ainsi de séparer strictement les fonctions d’instruction, de poursuite et de jugement, tout en rapprochant, par souci de simplification, les procédures appliquées au jugement des comptables patents, c’est-à-dire les comptables de droit, et des gestionnaires de fait, c’est-à-dire ceux qui manient indûment les deniers publics.

Afin de sécuriser la procédure et de raccourcir les délais de jugement, le projet de loi vise également à supprimer une règle vieille de plus de deux cents ans, la règle dite « du double arrêt » : d’abord un arrêt provisoire ; ensuite, le comptable ayant été invité à faire part de ses observations, un arrêt définitif.

La première lecture dans les deux assemblées a permis d’enrichir et de préciser le texte. Elle a aussi révélé deux divergences sensibles entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

La première d’entre elles concernait la nouvelle procédure de décharge des comptables publics, la seconde le régime de la gestion de fait.

Toutefois, les amendements adoptés par l’Assemblée nationale en seconde lecture, sur l’initiative de son rapporteur, Éric Ciotti, sont, me semble-t-il, de nature à répondre aux préoccupations exprimées par votre assemblée au mois de juin.

Cette affirmation relève, non pas de la prophétie ou de l’incantation, mais du simple constat, puisque la commission des lois du Sénat a décidé, sur la proposition de son rapporteur – et je l’en remercie –, d’adopter le projet de loi tel qu’il lui avait été transmis, et à l’unanimité.

Par conséquent, ce texte, j’en suis persuadé, devrait recueillir l’assentiment de l’ensemble de la Haute Assemblée.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le constater, le projet de loi dont vous êtes saisis pour la seconde fois constitue un texte protecteur tant des droits des justiciables que de l’indépendance du juge des comptes et des finances publiques ; il répond aux évolutions de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

C’est pourquoi je compte sur le soutien de l’ensemble de la Haute Assemblée pour voter ce projet de loi, qui doit permettre de garantir à tous les justiciables l’application la plus complète des principes d’impartialité, de transparence, d’équité et de rapidité des décisions rendues.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes saisis en deuxième lecture du projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.

La plupart de ses dispositions recueillent un large consensus, qu’il s’agisse de la séparation stricte des fonctions d’instruction, de poursuite et de jugement, du renforcement du caractère contradictoire de la procédure, de la généralisation des audiences publiques, ou encore de la suppression du pouvoir de remise gracieuse reconnu au ministre chargé des comptes publics à l’égard des amendes infligées par les juridictions financières aux comptables publics ou aux gestionnaires de fait.

Telle est la raison pour laquelle seuls six articles restent en discussion après la deuxième lecture par l’Assemblée nationale, alors que le Sénat avait lui-même adopté sans modifications vingt-quatre des trente-quatre articles qui lui avaient été soumis en première lecture.

Telle est également la raison pour laquelle nous sommes saisis si rapidement de ce texte. Je m’efforcerai, à mon tour, d’être concis.

Au cours de la navette parlementaire, les principales discussions ont porté, d’une part, sur la procédure de décharge des comptables publics, prévue par le projet de loi initial, et, d’autre part, sur les dispositions relatives à la gestion de fait introduites par l’Assemblée nationale et par le Sénat.

Les solutions retenues par les députés en deuxième lecture me semblent constituer un compromis acceptable entre les positions exprimées par chacune des deux assemblées.

En conséquence, je vous indique d’ores et déjà que je vous proposerai d’adopter, sans modifications, les dispositions du projet de loi restant en discussion.

Alors que la réforme de la procédure de mise en jeu de la responsabilité des comptables publics et des gestionnaires de fait, pierre de touche du projet de loi, recueille un large consensus depuis le début de la navette, celle de la procédure de décharge des comptables publics constitue, paradoxalement, une pierre d’achoppement sur laquelle butent les tentatives d’amendement des parlementaires.

Permettez-moi de vous épargner le rappel de ces diverses tentatives, que vous trouverez dans mon rapport écrit, pour vous présenter la solution retenue par l’Assemblée nationale en deuxième lecture.

Tout d’abord, les comptes devront être examinés par un magistrat du siège chargé d’établir un rapport à fin de jugement. Sur la base de ce rapport, il appartiendra au représentant du ministère public de poursuivre ou non le comptable public.

En l’absence de poursuite, le comptable devra être déchargé de sa gestion par ordonnance du président de la formation de jugement ou d’un magistrat délégué à cette fin.

En cas de doute sur la régularité ou la sincérité des comptes, ce magistrat pourra demander un rapport complémentaire ; si, au vu de ce document, le ministère public persistait à ne relever aucune charge à l’encontre du comptable public, le magistrat du siège serait alors tenu de rendre l’ordonnance de décharge.

Cette solution présente l’inconvénient de rétablir une compétence liée du magistrat du siège à l’égard de celui du parquet, que le Sénat avait supprimée, au nom du principe de l’indépendance de la justice.

Elle possède, toutefois, plusieurs avantages.

Tout d’abord, il ne faut pas perdre de vue que cette compétence liée serait favorable au comptable public. Ensuite, la procédure serait plus rapide que celle que nous avions finalement retenue. Enfin, l’ordonnateur pourrait introduire un recours contre l’ordonnance de décharge, ce que le texte adopté par le Sénat en première lecture ne permettait malheureusement plus.

Cette solution n’est pas parfaite, loin s’en faut, mais elle constitue un compromis acceptable entre la volonté de l’Assemblée nationale de simplifier la procédure, celle du Gouvernement de conférer au ministère public le monopole de l’engagement des poursuites, et les tentatives de la commission des lois d’assurer le respect des principes de l’indépendance de la justice et du double degré de juridiction.

S’agissant de la gestion de fait, je rappelle qu’en première lecture l’Assemblée nationale avait inséré dans le projet de loi un article 16 bis, transférant au juge financier la compétence des assemblées délibérantes des collectivités territoriales pour apprécier l’utilité publique de dépenses ayant donné lieu à gestion de fait.

Le Sénat avait supprimé cet article pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales pourrait y faire obstacle.

Ensuite, les pouvoirs des juges financiers n’étaient pas suffisamment encadrés alors qu’ils devraient se limiter à l’appréciation de la régularité de la dépense. Or les élus locaux ont parfois l’impression désagréable – et ce n’est pas toujours qu’une impression ! – que les chambres régionales des comptes exercent un contrôle de l’opportunité de leurs dépenses, dans le cadre de leur mission d’examen de la gestion des collectivités territoriales.

Enfin, le pouvoir du Parlement sur les gestions de fait concernant les deniers de l’État, qui s’exerce dans le cadre de la loi de règlement, n’était pas remis en cause.

Sur proposition de la commission des lois, le Sénat avait inséré un article 29 ter ayant pour objet de ramener à cinq ans la durée des délais de prescription de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics et des comptables de fait.

Les dispositions proposées s’inscrivaient dans le droit-fil des positions prises par notre assemblée, en 2000 et en 2001, sur l’initiative des membres du groupe socialiste. Elles répondaient à un objectif d’harmonisation avec la réduction à cinq ans du délai de droit commun de la prescription extinctive qui venait d’être opérée par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

Elles ne revenaient pas, comme j’ai pu le lire ou l’entendre dire, à empêcher de facto toute condamnation pour gestion de fait, car le rythme des contrôles des juridictions financières est le plus souvent triennal, voire quadriennal. En outre, les règles de prescription applicables aux infractions pénales qu’un gestionnaire de fait pourrait avoir commises seraient restées inchangées.

En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a accepté de maintenir la suppression de l’article 16 bis, mais elle a modifié l’article 29 ter pour n’en conserver que les dispositions réduisant de six ans à cinq ans le délai de prescription de l’action en responsabilité contre les comptables publics. Le délai de prescription de la gestion de fait resterait donc fixé à dix ans à compter des actes constitutifs de la gestion de fait.

Ce compromis me paraît acceptable.

Il me semble préférable, compte tenu de l’absence de consensus sur ces propositions de réforme, que les règles relatives à la gestion de fait fassent l’objet d’un examen d’ensemble dans le cadre de la réforme annoncée des missions des juridictions financières et des règles relatives à la responsabilité des gestionnaires publics.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter sans modification le projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.

Je vous rappelle, comme l’a déjà indiqué M. le secrétaire d’État, que ce texte a été adopté à l’unanimité par la commission des lois.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objectif de ce texte est d’adapter les procédures des juridictions financières aux exigences et aux principes de la Cour européenne des droits de l’homme afin de les mettre en conformité avec le paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit à un procès équitable.

La discussion en première lecture a principalement porté sur deux articles.

L’article 16 bis, introduit par l’Assemblée nationale, avait pour objet de supprimer la procédure de reconnaissance d’utilité publique par l’organe délibérant de la collectivité, ou de l’établissement concerné, des dépenses ayant donné lieu à gestion de fait. Nous étions favorables à l’adoption de cet article.

L’article 29 ter portait sur la question des délais de prescription de l’action en déclaration de gestion de fait. Nous avions précisé en séance que nous pourrions accepter le délai de dix ans que proposait le Gouvernement.

Dans le texte qui nous est soumis en deuxième lecture, l’article 16 bis a été supprimé, les dispositions qu’il prévoyait étant renvoyées à une réforme générale des juridictions financières, et l’article 29 ter a été amendé dans un sens que nous pouvons accepter. Le groupe socialiste estimait que ces deux articles étaient des cavaliers.

Dans ce contexte, le groupe socialiste a hésité entre l’abstention ou le vote conforme. Nous demeurerons attentifs aux évolutions à venir du rôle des magistrats financiers.

Par ailleurs, nous regrettons la procédure législative qui, une fois encore, a été utilisée pour parvenir à un texte conforme. On est loin de la revalorisation du Parlement !

Tout d’abord, on a assisté à un troc législatif, cette procédure de rationalisation des débats qui, malheureusement, tend à se répandre et qui consiste à parvenir à un accord négocié entre les deux rapporteurs du projet de loi et le Gouvernement. On fait ainsi fi de la discussion en séance publique et de la réunion de la commission mixte paritaire. Il s’agit d’une sorte de procédure d’urgence sans commission mixte paritaire.

Par ailleurs, il s’agissait « notamment d’adapter l’organisation des juridictions financières aux nouvelles exigences de la gestion publique ». On s’en serait douté, mais de quelles nouvelles exigences nous parle-t-on ?

Les principes et les modalités d’une prétendue concertation sur cette réforme ont été finalisés par cinq groupes de travail mis en place par la Cour des comptes, mais leurs conclusions sont demeurées secrètes. Elles ont été transmises par le Premier président de la Cour des comptes au Premier ministre à la fin du mois de juillet 2008.

Depuis l’été, nous n’avons eu aucune nouvelle de ce document alors que l’on nous avait indiqué, au mois de juin, que le texte de la réforme serait déposé sur le bureau des assemblées à l’automne, son examen étant prévu avant la fin de l’année 2008 et son application au début de 2009.

L’information du Parlement est, monsieur le secrétaire d’État, inexistante !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Je ne peux pas vous laisser dire cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

L’attitude est la même envers les personnels des chambres et les magistrats, qui craignent notamment un affaiblissement de leurs capacités de contrôle de la gestion des collectivités locales.

Vendredi dernier, le syndicat des magistrats des chambres régionales des comptes, qui s’est réuni en assemblée générale à l’École militaire, a indiqué qu’il n’avait aucune lisibilité sur l’avenir du contenu, des moyens et de l’organisation des missions.

Afin de relayer les inquiétudes des chambres régionales des comptes à propos de ce texte, j’indique, monsieur le secrétaire d’État, que, pour les socialistes, le texte à venir ne devra pas faire des chambres régionales des sections déconcentrées de la Cour des comptes, comme le Premier président en a l’idée depuis 1982.

Cette idée se traduit aujourd’hui, par exemple, par la multiplication des missions nouvelles de la Cour, qui déploie ses expertises à l’échelon international en contrôlant les commissariats aux comptes de huit organismes comme INTERPOL, l’Organisation internationale de police criminelle, l’UNESCO, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, l’OIF, l’Organisation internationale de la francophonie, EUMETSAT, l’Organisation européenne pour l’exploitation de satellites météorologiques, l’OACI, l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’ONU, l’Organisation des Nations unies, l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Tant mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Mais alors, qui remplira les missions traditionnelles…

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

La Cour des comptes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

…de la Cour si ses magistrats multiplient les records de participation aux contrôles internationaux ?

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Cela prouve qu’elle est bonne, qu’elle est reconnue !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Vous voulez dire que cela rapporte un peu d’argent à la Cour des Comptes ? Je pense, pour ma part, que sa mission première est quelque peu oubliée !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Pas du tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

En outre, la Cour des comptes fait également partie des collèges de commissaires aux comptes de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, et de l’OTAN, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord.

Qui remplira les missions traditionnelles de la Cour si ce ne sont les magistrats des chambres régionales, toujours plus sollicités pour participer aux enquêtes communes, dont nombre sont d’ailleurs abandonnées en cours d’instruction ?

Selon nous, les chambres régionales ne doivent pas être simplement des démembrements de la Cour des comptes – sans que leurs magistrats soient d’ailleurs assimilés à ceux de la Cour ! – elles doivent garder leur statut actuel.

Par ailleurs, il ne faut surtout pas que leur mission d’examen de la gestion des collectivités locales soit réduite, soit parce qu’on regrouperait les moyens, soit parce qu’on leur confierait d’autres missions chronophages ne leur permettant plus d’effectuer un tel examen.

La réforme, si réforme il y a – j’ose espérer qu’elle viendra bientôt en discussion –, devra permettre aux juridictions d’être plus utiles et de remplir pleinement leurs missions actuelles et nouvelles de certification des comptes des collectivités locales notamment.

J’ai toujours rêvé que les chambres régionales des comptes puissent constituer un appui pour les collectivités territoriales et leur donner quelques conseils, mais nous sommes loin, hélas ! de cet état d’esprit.

Des réponses de M. le secrétaire d’État sur cette réforme, à laquelle nous sommes particulièrement attachés, dépendra notre vote. J’espère qu’il va nous rassurer !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Je n’y manquerai pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’aborderai succinctement trois points.

Je commencerai par évoquer, monsieur le secrétaire d’État, la situation de la commune de Saint-Martin, en Guadeloupe, sur laquelle mon collègue René Dosière et moi-même vous avons interrogé.

Je vous donne acte de la lettre que vous nous avez adressée, dans laquelle vous nous faites part des interventions fortes des trésoriers-payeurs généraux. Je me permettrai toutefois d’observer, monsieur le secrétaire d’État, que vous ne nous tenez pas informés des réactions des préfets successifs au titre du contrôle de légalité et à qui la situation n’a pas dû échapper.

Ensuite, je souhaite revenir sur la question de l’article 16 bis, dont vient de parler excellemment mon collègue Jacques Mahéas. Il ne sera pas possible, monsieur le secrétaire d'État, de parler de cet article aujourd'hui puisqu’il a été supprimé. Je le regrette vraiment, comme je regrette la position du Sénat et celle de l’Assemblée nationale en deuxième lecture.

Permettez-moi de vous lire ce qu’a dit M. Charles de Courson à l’Assemblée nationale en première lecture : « Dans l’état actuel du droit, en cas de déclaration de gestion de fait, il existe une procédure de reconnaissance d’utilité publique à l’initiative de l’assemblée délibérante compétente. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

« Cette procédure présente de graves inconvénients ». Cela ne vous a pas échappé, monsieur Charasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ces inconvénients sont « une extrême lenteur ainsi qu’une certaine incohérence. En effet, si la délibération reconnaît l’utilité publique de la dépense, elle ne lie pas le juge financier. À l’inverse, si la délibération se prononce contre l’utilité publique, la décision s’impose au juge financier. On voit donc bien que cette procédure n’est pas satisfaisante. Le Gouvernement a beaucoup hésité entre la peaufiner et l’abandonner. Il l’a finalement abandonnée, peut-être à regret. Je pense que c’est dommage. »

René Dosière a brillamment expliqué en séance publique, mais aussi en commission que l’article 16 bis « avait pour objet d’éviter les situations inégalitaires au sein des collectivités territoriales, voire des règlements de comptes en cas de changement de majorité, le refus de voter une reconnaissance d’utilité publique pouvant constituer pour une nouvelle majorité le moyen d’obtenir des poursuites contre le gestionnaire de fait de la majorité précédente. »

Il ajoutait à juste titre : « Par ailleurs, l’argument de la libre administration des collectivités territoriales » – cher au rapporteur, M. Bernard Saugey – « n’est pas satisfaisant, dans la mesure où le texte voté par l’Assemblée nationale remplaçait les délibérations de reconnaissance d’utilité publique par la possibilité pour les collectivités territoriales de voter un avis. »

L’article 16 bis, introduit par l’Assemblée nationale, permettait aux collectivités territoriales de donner un avis. Ce qui n’allait pas, c’est que, dans un cas, le juge était libre de la décision qu’il prenait, dans l’autre, si la collectivité estimait que la dépense n’était pas d’utilité publique, le juge avait les mains liées et il était obligé de condamner le comptable. Cette disposition n’était pas satisfaisante.

D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, lorsque M. de Courson a défendu cet amendement à l’Assemblée nationale, vous avez déclaré : « L’argumentation de M. de Courson étant vraiment exceptionnelle, le Gouvernement, qui avait effectivement hésité, donne un avis favorable à son amendement. »

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

C’est vrai ! Il est exceptionnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas M. de Courson que vous avez trouvé exceptionnel – il l’est certainement

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Enfin, dans le rapport qu’il a consacré à ce projet de loi voilà quelques jours, le député Éric Ciotti écrivait : « La procédure ne constitue nullement une garantie pour le comptable de fait : si les dépenses sont déclarées d’utilité publique par la collectivité, cette décision ne contraint pas le juge des comptes à les valider, car il reste libre d’apprécier la réalité et la régularité des dépenses alléguées. À l’inverse, si l’organe délibérant refuse de reconnaître le caractère d’utilité publique des dépenses, le juge ne peut aller à l’encontre de cette décision. Il est alors à craindre que cette procédure ne soit mal utilisée dans le cadre d’une alternance politique. »

À travers les dispositions de l’article 16 bis, qui a été supprimé, je défends les droits des personnes.

Bien sûr, nous sommes tous très attachés aux droits des collectivités territoriales, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… et notamment au principe de leur libre administration, mais une majorité nouvelle ne doit pas pouvoir, en adoptant une simple délibération, provoquer automatiquement la condamnation de la personne qui hier était gestionnaire. Un problème de fond se pose ici.

M. Ciotti, après un certain nombre de considérations de circonstance – il fallait bien expliquer le « troc » auquel a fait allusion tout à l'heure Jacques Mahéas – écrit dans son rapport – un document que je lis toujours avec beaucoup d’intérêt, monsieur le président de la commission des lois –, à la page 20 : « Votre rapporteur veut bien admettre que cette question pourrait plus utilement être abordée dans le cadre d’une réflexion d’ensemble sur la responsabilité des gestionnaires publics ». Vous conviendrez, monsieur Garrec, qu’une telle formulation ne traduit pas un enthousiasme débordant !

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous vous engager sur l’inscription à l’ordre du jour du Parlement, dans des délais qui ne soient pas trop longs, d’un texte permettant cette « réflexion plus globale » ?

Dans ce cadre, vous paraît-il opportun de revenir sur la question que posait l’article 16 bis et qui n’est pas réglée de façon satisfaisante dans ce texte ?

En cet instant, je voudrais saluer une délégation venue d’Orléans et de Kairouan pour assister à cette séance. Compte tenu de la tradition de bienvenue qui est celle du Sénat, il aurait été dommage de ne pas évoquer leur présence dans les tribunes.

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur les chambres régionales des comptes. Lors de l’examen en première lecture de ce projet de loi, je vous ai posé trois questions. Vous avez bien voulu m’indiquer que vous ne disposiez pas encore de tous les éléments pour y répondre, mais vous avez sans doute pu prendre quelque information depuis lors.

Premièrement, le Gouvernement a-t-il l’intention d’accroître les compétences des chambres régionales des comptes ?

Vous m’aviez répondu en faisant état des compétences nouvelles qui seraient attribuées à la Cour des comptes. Toutefois, en ce qui concerne les chambres régionales, vous aviez seulement indiqué que leurs missions seraient adaptées, afin qu’elles puissent coopérer plus étroitement avec la Cour et mener conjointement avec elle certaines missions dans des délais abrégés.

L’évaluation des politiques publiques et la certification des comptes ont été évoquées, entre autres. Les chambres régionales des comptes se verront-elles confier des missions nouvelles ? Et si tel est le cas, lesquelles ?

Deuxièmement, vous savez, monsieur le secrétaire d'État, que le nombre des magistrats des chambres régionales des comptes n’a pas évolué depuis 1983. En effet, on dénombre aujourd'hui un total de 320 magistrats et 1100 personnels dans ces juridictions, comme il y a vingt-cinq ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Mais ils ne s’occupent plus des comptes des petites communes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Certes, monsieur Charasse, mais ils s’occupent de ceux des grandes communes – M. le président, qui est aussi maire de Marseille, y sera sensible –, des intercommunalités, des départements, des régions, des organismes de logement social, des hôpitaux et d’un certain nombre d’associations !

Quelles sont, monsieur le secrétaire d'État, les intentions du Gouvernement quant aux effectifs des magistrats et des personnels des chambres régionales des comptes ?

Troisièmement, vous savez qu’il existe aujourd'hui une chambre régionale des comptes par région. Or nous avons entendu parler de projets qui viseraient à en réduire le nombre, ce qui ne serait pas forcément très judicieux. Imaginez des magistrats et des personnels des chambres régionales des comptes obligés de faire d’incessants et coûteux déplacements ! Je ne crois pas que ce serait une manifestation de bonne administration.

Par conséquent, le Gouvernement entend-il réduire le nombre de chambres régionales des comptes ou est-il attaché, comme c’est le cas du groupe socialiste, à l’existence d’une chambre par région ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, des réponses que vous pourrez m’apporter.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Tout d'abord, je remercie le rapporteur de la commission des lois, M. Bernard Saugey, d’avoir beaucoup contribué par son travail à l’amélioration de ce texte et d’avoir bien voulu rappeler tout à l'heure la nécessité de mettre le droit français en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme contestant le caractère équitable pour le justiciable des procédures juridictionnelles actuelles et critiquant leur longueur excessive.

Pour autant, la réforme des missions juridictionnelles de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes ne constitue qu’un préliminaire – soyez rassurés, mesdames, messieurs les sénateurs –, à la réforme d’ensemble des juridictions financières qui a été annoncée par le Président de la République lors de la séance solennelle organisée à l’occasion du bicentenaire de la Cour des comptes, le 5 novembre 2007.

Monsieur Sueur, permettez-moi de m’associer à votre salut à la délégation venue d’Orléans et de Kairouan.

Je comprends votre attachement à la position qu’avait défendue M. de Courson à l’Assemblée nationale, d’une manière exceptionnelle

Sourires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

, à travers un amendement relatif à la reconnaissance d’utilité publique. Cette disposition avait été adoptée en première lecture à l’unanimité des députés, puis supprimée au Sénat !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Je prends acte du vote des assemblées, mais le Gouvernement ne peut s’y substituer. D'ailleurs, si tel était le cas, vous me le reprocheriez, monsieur Sueur.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Toutefois, je tiens à vous le faire observer, si cette disposition était adoptée, les règles seraient différentes pour les comptabilités de fait qui relèvent des collectivités territoriales et pour celles qui ressortissent à l’État, ces dernières continuant à être autorisées rétroactivement dans le cadre de la loi de règlement.

Il semble donc sage, au-delà des débats internes des assemblées, de laisser le dispositif législatif en l’état. Cette question complexe fera ultérieurement l’objet d’un examen approfondi dans le cadre de la réforme annoncée des juridictions financières et de celle, déjà engagée, de la modernisation des modes de la responsabilité des gestionnaires publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Très bien ! Espérons que cela se fera rapidement !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Monsieur Mahéas, en ce qui concerne cette réforme plus large et à venir des institutions financières, je souhaite vous livrer quelques éléments, que nous avions d'ailleurs déjà évoqués en première lecture au Sénat.

La certification des comptes des collectivités territoriales sera opérée sous la responsabilité de la Cour des comptes. La Cour de discipline budgétaire et financière sera transformée en instance d’appel relativement aux décisions prises par les juridictions financières qui concernent la responsabilité des gestionnaires. Une adaptation de l’organisation de l’ensemble des juridictions financières sera prévue afin de prendre en charge ces nouvelles missions et d’assurer la fonction d’évaluation qu’exercera la Cour.

Monsieur Mahéas, vous avez évoqué le rôle international joué par la Cour des comptes. Je pense qu’il est plutôt valorisant, flatteur et rassurant de savoir que cette institution française se trouve chargée de certifier de nombreux comptes à travers le monde. Si la Cour des comptes était recalée dans tous les contrôles internationaux, je ne serais pas rassuré sur son niveau !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Sans doute, mais cela exige un plus grand nombre de magistrats !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

La Cour des comptes fait face à toutes ses missions, et elle le fait bien.

Le chef de l’État a également confirmé la nécessité d’adapter l’organisation des juridictions financières. À cette fin, il a approuvé la proposition que lui a présentée le Premier président de la Cour des comptes et qui consiste à procéder à une large concertation préalable au sein des juridictions financières.

Cette concertation a été lancée par Philippe Séguin entre la mi-avril et la mi-juillet derniers. Une centaine de personnes ont travaillé au sein de groupes de travail sur les sujets qui suscitaient des interrogations, comme les questions de compétences, d’organisation et de statut, les sujets liés au maillage du territoire, auxquels vous fait avez écho, mesdames, messieurs les sénateurs, les nouvelles responsabilités des gestionnaires ou encore l’évaluation des politiques publiques.

L’ensemble de ces travaux ainsi que les comptes rendus du comité de suivi ont été transmis dans le courant du mois de juillet dernier au Premier ministre. Ils se trouvent actuellement en cours d’expertise et ils serviront de base pour la traduction des orientations définies par le Président de la République, de la façon la plus cohérente et la plus techniquement adaptée.

En parallèle, le Premier président a mené à la Cour des comptes, de juin à septembre derniers, une série de rencontres avec les directeurs et les délégués généraux de huit des principales associations d’élus, afin que ces derniers puissent disposer de l’information la plus complète sur cette réforme.

Ce qui est certain, pour l’instant, c’est que les propositions du Premier président ne sont pas définitivement figées. Il appartiendra donc au Gouvernement de décider l’orientation qu’il souhaite adopter dans les mois à venir.

En ce qui concerne les effectifs, je vais vous faire une réponse qui, j’en suis sûr, vous comblera d’aise : les effectifs seront adaptés au périmètre des nouvelles missions des juridictions actuellement en cours d’arbitrage.

Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il faut féliciter l’auteur de cette phrase !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Je vous remercie, monsieur Sueur, de me reconnaître une certaine capacité à formuler une réponse adaptée.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Monsieur Charasse, vous savez bien que nous avons les mêmes conceptions en la matière !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

M. Michel Charasse. Et encore, on ne dit pas tout !

Sourires

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je vous remercie de me mettre en difficulté devant la Haute Assemblée !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Quant à la date de l’examen du texte portant cette réforme, je ne puis sincèrement vous la donner. Nous avons discuté de cette question lors de la Conférence des présidents de la semaine dernière. Sincèrement, je ne crois pas possible de prévoir un tel examen avant Noël : en raison de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances, entre autres, nous ne pourrons inscrire quelque texte supplémentaire que ce soit avant la fin de l’année. Toutefois, au premier semestre 2009, un tel examen sera tout à fait le bienvenu, me semble-t-il.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Et le nombre des chambres régionales des comptes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Je rappelle qu’aux termes de l’article 42, alinéa 10 du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de lois, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

Nous passons à la discussion des articles.

L'article L. 131-12 du même code est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « à la collectivité » sont remplacés par les mots : « à l'État, à la collectivité territoriale, au groupement d'intérêt public » ;

2° Le second alinéa est ainsi rédigé :

« Les amendes sont assimilées aux débets des comptables publics en ce qui concerne les modes de recouvrement et de poursuite. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en tant qu’ancien praticien de ce sujet, je voudrais me réjouir des dispositions sur lesquelles les assemblées sont parvenues à un accord en ce qui concerne l’article 9, et en particulier de la manière dont on met un terme à une anomalie.

Lorsque j’exerçais des fonctions antérieures, certainement « coupables », monsieur le secrétaire d'État – c’est ce qu’on dit toujours dans ce cas-là –, j’avais été choqué des propositions de mes services me demandant de remettre des amendes qui avaient été prononcées par les juridictions financières et qui constituent tout de même des condamnations. J’avais pris à l’époque la décision de refuser de me prononcer sur ces remises et de solliciter la grâce du Président de la République, puisqu’il me paraissait que, s'agissant d’amendes, seul le Président de la République pouvait agir dans ce domaine. Pendant les quatre ans et demi où je suis resté à Bercy, il l’a fait effectivement.

Quand je suis parti, les mauvaises habitudes – ou les traditions, comme vous voudrez – ont sans doute été reprises. Aussi, je suis heureux, monsieur le rapporteur, que cette fois-ci les choses soient claires : lorsqu’il y a amende, le ministre ne peut plus agir.

Toutefois, il doit être entendu, monsieur le secrétaire d'État, que l’exercice du droit de grâce du Président de la République s’applique à toutes les peines infligées par toutes les juridictions, et pas seulement les juridictions de l’ordre judiciaire, donc y compris à celles-ci. qui émanent des juridictions financières

D’ailleurs, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ayant étendu l’ensemble des droits, notamment le droit de la défense, à l’ensemble des juridictions, il y a lieu de considérer que toutes relèvent de la même règle de procédure et que tous les condamnés ont les mêmes droits.

Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que vous appeliez l’attention de M. Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur le fait que, dans un certain nombre de cas, si cela lui paraît poser un problème ou relever d’une mesure de bienveillance, il ne doit pas hésiter à saisir le Président de la République, de même que les condamnés pourront toujours le saisir eux-mêmes.

En tout cas, comme les archives du ministère des finances sont bien tenues, on trouvera des centaines de cas annotés entre 1988 et 1992 par le Président François Mitterrand : « oui », « non », « la moitié », etc.

Seconde observation : le pouvoir du ministre reste entier en ce qui concerne les débets.

Cela pose un problème parce qu’il s’agit aussi de décisions juridictionnelles, et le fait que l’autorité exécutive puisse remettre en cause une décision juridictionnelle est quelque peu choquant, même si ce ne sont pas des décisions pénales. Les condamnations à un débet sont après tout des décisions quasiment « civiles » puisque l’on ordonne à un comptable qu’il devra procéder à tel ou tel remboursement.

Je souhaiterais – peut-être la Cour des comptes pourrait-elle, en ce domaine, faire quelques suggestions – que les remises de débets relèvent désormais de règles assez précises. Pour le moment, chaque direction de ministère ou chaque sous-service a ses propres règles, qui résultent, d’ailleurs, quelquefois, d’accords plus ou moins corporatistes internes à la maison – je n’irai pas jusqu’à dire d’accords syndicaux – et peuvent aboutir à des anomalies assez curieuses.

Ainsi, la direction générale des impôts me proposait toujours, lorsque des valeurs avaient été volées dans un bureau de tabac, que le buraliste ne les ait pas convenablement enfermées ou qu’il ait pris toutes les précautions, de lui faire dans tous les cas une remise de 50 % alors que la situation n’est pas la même entre celui qui a fait son devoir et celui qui ne l’a pas fait !

J’avais estimé que cette comédie avait assez duré. Je m’étais rendu compte que cet accord avait été conclu à la suite d’une négociation professionnelle au cours de laquelle il avait été décidé de couper la poire en deux pour tout le monde, afin que celui qui fait bien son travail et celui qui le fait mal soient soumis au même régime.

Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que vous disiez à M. Woerth qu’il conviendrait de parvenir à établir des règles assez précises – la Cour des comptes pourrait sans doute l’y aider –, sans, bien entendu, enlever tout pouvoir d’appréciation au ministre – il doit tout de même exercer cette responsabilité puisque la loi la lui donne – et cesser de régler les problèmes en fonction d’une espèce de barème syndical tout à fait inadapté en l’espèce.

Telles sont les observations que je voulais faire sur cet article 9, qui me convient parfaitement, à la condition toutefois que des règles cohérentes et logiques soient mises en œuvre en ce qui concerne les remises de débets.

L'article 9 est adopté.

Le titre IV du livre Ier du code des juridictions financières est complété par un chapitre II ainsi rédigé :

« CHAPITRE II

« Dispositions relatives aux activités juridictionnelles

« Art. L. 142-1. - I. - Les rapports d'examen des comptes à fin de jugement ou ceux contenant des faits soit susceptibles de conduire à une condamnation à l'amende, soit présomptifs de gestion de fait sont communiqués au représentant du ministère public près la Cour des comptes.

« II. - Lorsque le ministère public ne relève aucune charge à l'égard d'un comptable public, il transmet ses conclusions au président de la formation de jugement ou à son délégué. Celui-ci peut demander un rapport complémentaire. Lorsque le ministère public ne relève aucune charge après communication de ce dernier, le président de la formation de jugement ou son délégué rend une ordonnance déchargeant le comptable de sa gestion.

« Si aucune charge ne subsiste à l'encontre du comptable public au titre de ses gestions successives et s'il a cessé ses fonctions, quitus lui est donné dans les mêmes conditions.

« III. - Lorsque le ministère public relève, dans les rapports mentionnés au I ou au vu des autres informations dont il dispose, un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, ou présomptif de gestion de fait, il saisit la formation de jugement.

« La procédure est contradictoire. À leur demande, le comptable et l'ordonnateur ont accès au dossier.

« Les débats ont lieu en audience publique. Toutefois, le président de la formation de jugement peut, à titre exceptionnel et après avis du ministère public, décider que l'audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public si la sauvegarde de l'ordre public ou le respect de l'intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi l'exige.

« Le délibéré des juges est secret. Le magistrat chargé de l'instruction et le représentant du ministère public n'y assistent pas.

« La cour statue par un arrêt rendu en formation collégiale.

« IV. - Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. ». –

Adopté.

Le chapitre II du titre IV de la première partie du livre II du même code est ainsi rédigé :

« CHAPITRE II

« Dispositions relatives aux activités juridictionnelles

« Art. L. 242-1. - I. - Les rapports d'examen des comptes à fin de jugement ou ceux contenant des faits soit susceptibles de conduire à une condamnation à l'amende, soit présomptifs de gestion de fait sont communiqués au représentant du ministère public près la chambre régionale des comptes.

« II. - Lorsque le ministère public ne relève aucune charge à l'égard d'un comptable public, il transmet ses conclusions au président de la formation de jugement ou à son délégué. Celui-ci peut demander un rapport complémentaire. Lorsque le ministère public ne relève aucune charge après communication de ce dernier, le président de la formation de jugement ou son délégué rend une ordonnance déchargeant le comptable de sa gestion.

« Si aucune charge ne subsiste à l'encontre du comptable public au titre de ses gestions successives et s'il a cessé ses fonctions, quitus lui est donné dans les mêmes conditions.

« III. - Lorsque le ministère public relève, dans les rapports mentionnés au I ou au vu des autres informations dont il dispose, un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, ou présomptif de gestion de fait, il saisit la formation de jugement.

« La procédure est contradictoire. À leur demande, le comptable et l'ordonnateur ont accès au dossier.

« Les débats ont lieu en audience publique. Toutefois, le président de la formation de jugement peut, à titre exceptionnel et après avis du ministère public, décider que l'audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public si la sauvegarde de l'ordre public ou le respect de l'intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi l'exige.

« Le délibéré des juges est secret. Le magistrat chargé de l'instruction et le représentant du ministère public n'y assistent pas.

« IV. - Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Puisque M. Sueur a abordé ce sujet, je tiens à rappeler, en ce qui concerne les procédures devant les chambres régionales des comptes, en particulier la question de la certification des comptes des collectivités territoriales, que, lorsque nous avons examiné ici le projet de loi organique relative aux lois de finances, un amendement avait été présenté, par le groupe socialiste, visant à étendre les règles de l’État aux collectivités territoriales. Il a été rejeté ; n’en parlons plus !

Cependant, l’Association des maires de France considère que, pour l’instant, la certification par les chambres régionales des comptes est prématurée, dans la mesure où il faut attendre trois ou quatre ans d’expérience de la certification des comptes de l’État et que, surtout, des règles doivent, là aussi, être fixées, le décret de 1962 sur la comptabilité publique étant obsolète ! Or il comporte un certain nombre de dispositions relatives aux pouvoirs de la Cour des comptes devenues caduques avec la LOLF. On ne peut pas laisser la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes engager des procédures de certification sans leur dire le champ de la certification, comment elles doivent certifier, ni préciser ce qu’elles ont le droit de faire ou de ne pas faire.

Pour l’instant, en l’absence de textes précis, la Cour des comptes a fait pour le mieux. En effet, actuellement, son œuvre de certification, si je puis dire, n’est pas encadrée. S’engager dans un processus de certification qui va jusqu’à donner à la Cour des comptes le pouvoir de certifier les comptes d’autorités indépendantes en vertu de la séparation des pouvoirs me pose, je dois le dire, un certain problème.

Je considère par conséquent que, pour les collectivités locales, c’est prématuré. L’Association des maires de France a insisté sur le fait qu’il était, dans cette affaire, urgent d’attendre, ce qui veut dire, non pas qu’il ne faudra pas le faire un jour, mais qu’il convient que les règles établies pour l’État soient clairement définies par le pouvoir exécutif.

L'article 21 est adopté.

Le code des juridictions financières est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa de l'article L. 256-1, les mots : « ayant demandé à être auditionnées en application des articles L. 231-3, L. 231-12 ou L. 241-14 » sont remplacés par les mots : « avisées d'une audience publique, entendues en application de l'article L. 243-6 » et, après les mots : « elles peuvent », sont insérés les mots : «, sur décision du président de la chambre, » ;

2° À la fin des articles L. 253-2, L. 262-32 et L. 272-33, les mots : « prescrits par les règlements » sont remplacés par les mots : « fixés par décret en Conseil d'État » ;

3° Aux articles L. 253-3, L. 272-34 et au premier alinéa de l'article L. 262-33, les mots : «, à titre provisoire ou définitif, » sont supprimés ;

4° Le premier alinéa des articles L. 253-4 et L. 272-35 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La chambre territoriale des comptes juge les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait. Elle n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf ceux qu'elle a déclarés comptables de fait.

« Les personnes que la chambre territoriale des comptes a déclarées comptables de fait sont tenues de lui produire leurs comptes dans le délai qu'elle leur impartit. » ;

5° L'article L. 262-34 est ainsi rédigé :

« Art. L. 262-34. - La chambre territoriale des comptes juge les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait. Elle n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf ceux qu'elle a déclarés comptables de fait.

« Les personnes que la chambre territoriale des comptes a déclarées comptables de fait sont tenues de lui produire leurs comptes dans le délai qu'elle leur impartit. » ;

6° À la fin du second alinéa des articles L. 253-4, L. 262-33 et L. 272-35, les mots : « ou s'en saisit d'office » sont supprimés ;

7° Au second alinéa des articles L. 262-37 et L. 272-60, après les mots : « son droit d'évocation et », sont insérés les mots : «, sur réquisition du ministère public, » ;

8° Les articles L. 262-38 et L. 272-36 sont ainsi modifiés :

a) Après le mot : « comptables », sont insérés les mots : « publics et les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait » ;

b) Les mots : « et dans les réponses aux injonctions qui ont été formulées à leur encontre » sont supprimés ;

9° Le second alinéa des articles L. 262-54 et L. 272-52 est supprimé ;

10° Après l'article L. 262-54, il est inséré un article L. 262-54-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 262-54-1. - I. - Les rapports d'examen des comptes à fin de jugement ou ceux contenant des faits soit susceptibles de conduire à une condamnation à l'amende, soit présomptifs de gestion de fait sont communiqués au représentant du ministère public près la chambre territoriale des comptes.

« II. - Lorsque le ministère public ne relève aucune charge à l'égard d'un comptable public, il transmet ses conclusions au président de la formation de jugement ou à son délégué. Celui-ci peut demander un rapport complémentaire. Lorsque le ministère public ne relève aucune charge après communication de ce dernier, le président de la formation de jugement ou son délégué rend une ordonnance déchargeant le comptable de sa gestion.

« Si aucune charge ne subsiste à l'encontre du comptable public au titre de ses gestions successives et s'il a cessé ses fonctions, quitus lui est donné dans les mêmes conditions.

« III. - Lorsque le ministère public relève, dans les rapports mentionnés au I ou au vu des autres informations dont il dispose, un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, ou présomptif de gestion de fait, il saisit la formation de jugement.

« La procédure est contradictoire. À leur demande, le comptable et l'ordonnateur ont accès au dossier.

« Les débats ont lieu en audience publique. Toutefois, le président de la formation de jugement peut, à titre exceptionnel et après avis du ministère public, décider que l'audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public si la sauvegarde de l'ordre public ou le respect de l'intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi l'exige.

« Le délibéré des juges est secret. Le magistrat chargé de l'instruction et le représentant du ministère public n'y assistent pas.

« IV. - Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. » ;

11° Après l'article L. 272-52, il est inséré un article L. 272-52-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 272-52-1. - I. - Les rapports d'examen des comptes à fin de jugement ou ceux contenant des faits soit susceptibles de conduire à une condamnation à l'amende, soit présomptifs de gestion de fait sont communiqués au représentant du ministère public près la chambre territoriale des comptes.

« II. - Lorsque le ministère public ne relève aucune charge à l'égard d'un comptable public, il transmet ses conclusions au président de la formation de jugement ou à son délégué. Celui-ci peut demander un rapport complémentaire. Lorsque le ministère public ne relève aucune charge après communication de ce dernier, le président de la formation de jugement ou son délégué rend une ordonnance déchargeant le comptable de sa gestion.

« Si aucune charge ne subsiste à l'encontre du comptable public au titre de ses gestions successives et s'il a cessé ses fonctions, quitus lui est donné dans les mêmes conditions.

« III. - Lorsque le ministère public relève, dans les rapports mentionnés au I ou au vu des autres informations dont il dispose, un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, ou présomptif de gestion de fait, il saisit la formation de jugement.

« La procédure est contradictoire. À leur demande, le comptable et l'ordonnateur ont accès au dossier.

« Les débats ont lieu en audience publique. Toutefois, le président de la formation de jugement peut, à titre exceptionnel et après avis du ministère public, décider que l'audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public si la sauvegarde de l'ordre public ou le respect de l'intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi l'exige.

« Le délibéré des juges est secret. Le magistrat chargé de l'instruction et le représentant du ministère public n'y assistent pas.

« IV. - Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. » ;

12° À la première phrase de l'article L. 254-4, la référence : « L. 241-15 » est remplacée par les références : « L. 241-9, L. 242-1 et L. 243-1 à L. 243-6 » ;

13° À la première phrase de l'article L. 254-5, les références : « L. 243-1 à L. 243-4 » sont remplacées par les références : « L. 245-1 à L. 245-4 » ;

14° Aux articles L. 262-56 et L. 272-54, les mots : « tout jugement prononcé à titre définitif » sont remplacés par les mots : « toute décision juridictionnelle rendue » ;

15° Au début des articles L. 262-57 et L. 272-55, les mots : « Un jugement prononcé à titre définitif peut être révisé par la chambre territoriale des comptes » sont remplacés par les mots : « Une décision juridictionnelle peut être révisée par la chambre territoriale des comptes qui l'a rendue » ;

16° Aux articles L. 262-58 et L. 272-56, les mots : « des jugements » sont remplacés par les mots : « des décisions juridictionnelles ». –

Adopté.

I. - L'article 60 de la loi de finances pour 1963 (n° 63-156 du 23 février 1963) est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa du IV, les mots : « le ministre de l'économie et des finances ou » sont remplacés par les mots : « le ministre chargé du budget ou » ;

2° Le dernier alinéa du IV est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « provisoire » est supprimé ;

b) À la seconde phrase, le mot : « définitive » et le mot : « réputé » sont supprimés ;

Supprimé ;

4° Le VI est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après les mots : « est mise en jeu », sont insérés les mots : « par le ministre dont il relève, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le ministère public près le juge des comptes requiert l'instruction d'une charge à l'égard du comptable public, ce dernier a la faculté de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale soit au montant de la perte de recette subie, de la dépense irrégulièrement payée, de l'indemnité versée de son fait à un autre organisme public ou à un tiers, de la rétribution d'un commis d'office par l'organisme public intéressé, soit, dans le cas où il en tient la comptabilité matière, à la valeur du bien manquant. » ;

5° Le premier alinéa du VII est ainsi rédigé :

« Le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est mise en jeu par le ministre dont il relève ou le ministre chargé du budget et qui n'a pas versé la somme prévue au VI peut être constitué en débet par l'émission à son encontre d'un titre ayant force exécutoire. » ;

6° Au dernier alinéa du XI, après les mots : « fait l'objet », sont insérés les mots : « pour les mêmes opérations ».

II. - Non modifié. –

Adopté.

I. - Supprimé.

II. - Non modifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je regrette qu’en ce qui concerne la durée de la prescription, – mais c’est plutôt l’Assemblée nationale qui y incite que le Sénat – on distingue les délais selon que l’on est comptable de fait ou que l’on est comptable public.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Cette disposition ne vivra pas, selon moi, très longtemps ; très vite seront relevées des anomalies dans les traitements réservés à un comptable public et à un comptable de fait. Ainsi, la prescription pour un comptable public voleur sera de cinq ans, mais, pour un comptable de fait, elle sera de six ans. De tels cas ne se rencontrent pas tous les jours, mais ils existent. Lorsque j’étais ministre, j’ai révoqué une trentaine de fonctionnaires qui détournaient de l’argent public. Sur 150 000 agents dans l’ensemble de la France, l’administration des finances est l’une des plus honnêtes du monde et ce n’est certes pas grand-chose, mais il n’empêche que des comportements de « fermiers généraux », cela existe parfois.

Je prédis une vie assez courte à cette disposition, tant les anomalies résultant de l’inégalité de traitement apparaîtront très vite insupportables et vexatoires, notamment pour les élus locaux, puisque ce sont eux qui sont visés.

J’en ai vu assez, car, jusqu’à présent, il y a toujours eu un parallélisme absolu : un comptable de fait a toujours été considéré comme un comptable public et inversement.

Or, c’est la première fois que l’on fait une distinction. Il faudrait dire à nos collègues députés d’arrêter de s’en prendre systématiquement toujours aux mêmes pour des raisons d’une morale douteuse !

M. le rapporteur sourit.

L'article 29 ter est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi que nous venons d’examiner contribue à la modernisation des procédures devant les juridictions financières et permet notamment de prendre en compte les observations faites par la Cour européenne des droits de l’homme, qui, à plusieurs reprises, a contesté le caractère équitable pour le justiciable de ces procédures et critiqué leur longueur excessive.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Plusieurs procédures juridictionnelles avaient déjà été adaptées en interne par la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes, mais l’adoption définitive de ce projet de loi, qui a fait l’objet d’un large consensus entre les deux assemblées, va désormais conférer une base légale à ces évolutions et devrait mettre un terme à certaines critiques redondantes.

Certes – je pense particulièrement aux dispositions relatives aux gestions de fait que vient d’évoquer M. Charasse et pour lesquelles le délai de prescription reste fixé à dix ans à compter des actes constitutifs de celles-ci, contrairement à la volonté initiale de la plupart des membres de notre assemblée – les ordonnateurs trouveront toujours matière à critique dans les observations faites par le juge financier.

Il n’est jamais agréable pour qui que ce soit, élu ou non, de voir des critiques émises sur sa gestion et nous n’empêcherons jamais – c’est bien naturel – un ordonnateur de se féliciter des observations faites sur la gestion de son prédécesseur et de dénoncer des remarques de « pure opportunité » à propos des observations faites sur sa propre gestion.

En tout état de cause, la liberté de gestion de l’ordonnateur liée au principe de libre administration des collectivités locales doit être nécessairement équilibrée par le contrôle de l’utilisation régulière des fonds publics, ce qui est le cas.

Les dispositions de ce projet de loi, qui séparent notamment de manière plus stricte les fonctions d’instruction, de poursuites et de jugement, qui renforcent le caractère contradictoire de la procédure et généralisent les audiences publiques, ne sont certes pas parfaites, mais sont sans aucun doute de nature à mieux garantir les droits des « justiciables » et à faire enfin entrer des procédures héritées du xixe siècle dans le xxie siècle.

Le groupe de l’Union centriste ne peut que s’en réjouir et votera donc pour ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Le projet de loi sur lequel nous devons nous prononcer aujourd’hui nous amène, nous, membres du groupe communiste républicain et citoyen, à formuler plusieurs remarques.

Évidemment elles ne portent pas sur la nécessaire mise en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Celle-ci avait critiqué la procédure juridictionnelle appliquée devant la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes, estimant qu’elle était inéquitable pour le justiciable et d’une longueur excessive.

Avec ce projet de loi, nous nous mettons en conformité avec les exigences et les principes de la Cour européenne des droits de l’homme. Ce n’est donc pas cette adaptation des procédures juridictionnelles nationales à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui appelle des remarques particulières de notre part.

De même, je dois faire part de ma satisfaction de la suppression du premier paragraphe de l’article 29, qui réduisait de dix à cinq ans le délai de prescription en matière de gestion de fait.

Cet article, introduit par le Sénat en première lecture sur l’initiative du rapporteur, au prétexte d’harmoniser les délais de prescription avec le nouveau délai de cinq ans adopté en matière civile aux termes de la loi du 17 juin 2008, aurait conduit à une quasi-disparition des procédures de gestion de fait.

Le rapporteur de l’Assemblée nationale lui-même avait fait part de ses doutes sur l’opportunité de cet article.

C’est donc une critique plus sur le contexte que sur le texte lui-même qui nous conduira à ne pas voter en sa faveur.

Comme nous l’avions déjà souligné lors de la première lecture, il est fortement regrettable que ce projet de loi soit totalement déconnecté de la réforme des juridictions financières, annoncée depuis le 5 novembre 2007 par le Président de la République, date à laquelle il a demandé à M. Philippe Seguin de rédiger un rapport sur une réforme d’ampleur de ces juridictions.

Bien que le rapport ait été remis au Président de la République le 6 février 2008, nous ne connaissons toujours pas la teneur exacte des propositions qui seront faites sur l’évolution de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.

Nous savons pourtant qu’il est question d’un regroupement des chambres régionales des comptes au sein de nouvelles entités interrégionales, qui seraient au nombre de six ou de huit.

Nous sommes donc légitimement inquiets, comme le sont également les magistrats.

Cette évolution est évidemment à rapprocher de la révision générale des politiques publiques, qui conduit déjà le Gouvernement à effectuer des coupes franches dans les effectifs de la fonction publique.

Il est donc aisé d’imaginer que le regroupement des chambres régionales des comptes et la réduction de leurs effectifs se situent dans la logique de la révision générale des politiques publiques. Notre inquiétude rejoint celle des magistrats et des personnels qui, si cette réforme devait aboutir, auront à traiter plus de dossiers avec moins de moyens.

Enfin, faut-il voir un lien entre la création d’entités interrégionales et la reconfiguration des circonscriptions administratives ? Rien ne nous permet de l’exclure.

Par conséquent, les diverses remarques et interrogations que je viens de formuler sur le contexte du projet de loi nous conduiront à nous abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Pour nous, membres du groupe socialiste, ce projet de loi est conforme à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Nous hésitions par conséquent, comme je l’ai dit, entre nous abstenir ou voter conforme.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez répondu à un certain nombre de nos interrogations d’une façon intéressante, quoique vague. Nous aurions souhaité que vous en disiez davantage, car nous ne saurions nous satisfaire de phrases prononcées sous la contrainte, ou glissées sur le papier sous forme de litotes.

Vous avez évoqué, avec raison, l’aura dont bénéficie la Cour des comptes. En effet, contrôler huit organisations internationales, voire plus, est flatteur. C’est aussi « flatteur » pour le budget, dans la mesure où cela suppose une participation financière.

Cela étant, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi d’élargir la discussion et de faire une suggestion, tout en espérant ne pas lancer un pavé dans la mare. Vous serez sans doute d’accord avec moi pour dire que, dans notre République, dès qu’il y a un pouvoir établi, la règle veut qu’il soit instauré un contre-pouvoir. Par ailleurs, nous sommes tous ici des Européens convaincus. Peut-être ne voyez-vous pas où je veux en venir, et ma proposition va sans doute vous faire sourire, mais, selon moi, il serait souhaitable que la Cour des comptes puisse elle-même être contrôlée §et, par là même, travailler en corrélation avec une cour européenne.

Cette dernière jouerait un rôle d’arbitre, en reconnaissant, notamment, le travail très important induit par les missions de contrôle de certains organismes internationaux. De cette façon, monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement serait conduit soit à augmenter le nombre de magistrats, soit à admettre leur difficulté d’assurer, à effectifs constants, un certain nombre de contrôles intéressant des collectivités territoriales ou des sociétés HLM.

Voilà la proposition que je souhaitais vous présenter. Elle permet d’assurer une collaboration au niveau européen, d’instaurer un contre-pouvoir au pouvoir existant et de nous faire bénéficier d’un arbitrage intéressant.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe UMP partage les objectifs visés dans le texte, qui vont au-delà des exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et apportent une modernisation indispensable aux procédures mises en œuvre devant les juridictions financières.

Ce projet de loi permet de garantir à tous les justiciables l’application la plus complète des principes d’impartialité, de transparence, d’équité et de rapidité des décisions rendues. Il place ainsi la France à l’abri de nouvelles condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme. Je me félicite de ce que nos collègues députés aient décidé de suivre notre avis en ce qui concerne le maintien de la procédure de la reconnaissance d’utilité publique des dépenses ayant donné lieu à une gestion de fait.

La suppression de cette procédure, envisagée en première lecture à l’Assemblée nationale, portait atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, et il revenait très justement à notre assemblée de le défendre.

Comme l’a justement souligné notre rapporteur, M. Bernard Saugey, il est préférable que les règles relatives à la gestion de fait fassent l’objet d’un examen dans le cadre de la réforme annoncée des missions des juridictions financières et des règles relatives à la responsabilité des gestionnaires publics.

Pour l'ensemble de ces raisons, et sous réserve de ces observations, le groupe UMP adoptera ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le secrétaire d'État, au terme de ce débat, je tiens à apporter une précision et à souligner une grande imprécision dans vos propos

Tout d’abord, comme l’a rappelé notre collègue Jacques Mahéas, nous avons hésité entre nous abstenir et voter pour le texte. Nous allons finalement le voter, après avoir bien noté l’engagement précis que vous avez pris de revenir sur le dispositif prévu à l'article 16 bis, qui, nous sommes nombreux à le penser, pose problème. Vous nous avez donné l’assurance qu’un texte de loi, plus « ample », serait inscrit à l’ordre du jour du Parlement au début de l’année 2009. À l’évidence, monsieur le secrétaire d'État, il s’agit là d’une promesse importante du Gouvernement. Pour autant, j’ai le souvenir que vous aviez déjà pris vous-même quelques engagements à propos d’un autre texte voté à l’unanimité par le Sénat. J’en accepte donc l’augure, mais vous pourrez compter sur notre bienveillante vigilance, eu égard à l’importance des sujets dont il est question.

Ensuite, je voudrais souligner une grande imprécision dans vos propos – laquelle n’aura échappé à personne ! – en ce qui concerne les chambres régionales des comptes.

Permettez-moi avant tout de vous poser de nouveau les trois questions précises que j’ai déjà soulevées devant vous, après avoir rencontré longuement les représentants des magistrats et des personnels de la chambre régionale des comptes de la région dont je suis l’élu.

Premièrement, les chambres régionales des comptes se verront-elles attribuer de nouvelles compétences ?

Deuxièmement, comment les effectifs évolueront-ils ? Quelles sont les idées du Gouvernement sur la question ?

Troisièmement, le Gouvernement a-t-il l’intention de maintenir une chambre régionale des comptes dans chaque région ?

Monsieur le secrétaire d'État, je dois vous le dire, il faudra que vous adressiez des félicitations au collaborateur ou à la collaboratrice de votre cabinet qui a « ciselé » – elle mérite, à mon sens, un diplôme d’ébénisterie ! – une phrase d’une langue de bois remarquable. Vous avez atteint des sommets en la matière !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Très franchement, il serait, me semble-t-il, préférable que le Gouvernement en finisse avec de telles imprécisions, qu’il puisse faire part, le plus tôt possible, de ses intentions et engager une concertation avec les magistrats et les personnels concernés à propos de l’avenir des chambres régionales des comptes.

Il est totalement irréaliste d’imaginer des chambres régionales des comptes dont le champ d’intervention couvrirait dix, voire douze, départements. Non seulement cela les éloignerait des collectivités, mais, en plus, elles connaîtraient de très grandes difficultés de fonctionnement.

Je le rappelle, les chambres régionales des comptes ont été créées en 1982, sous l’impulsion de Gaston Defferre, que je tiens à citer, ici, devant vous, monsieur le président. Il estimait qu’elles étaient le pendant nécessaire de la décentralisation, contrairement, d’ailleurs, à la position soutenue à l’époque par M. Philippe Séguin.

Les chambres régionales des comptes bénéficient d’une architecture solide, qui a fait ses preuves. Par conséquent, je le répète, le Gouvernement doit véritablement rassurer les personnels et les magistrats et, à tout le moins, faire part de ses intentions à cet égard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Monsieur Sueur, que de fois, lorsque j’étais jeune conseiller municipal de Marseille, n’ai-je entendu Gaston Defferre dire qu’il fallait supprimer le contrôle a priori.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Nous, élus locaux, savons que, pour ce qui est du contrôle a posteriori, rien ne nous est épargné !

Murmures sur plusieurs travées

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est définitivement adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.