Le texte qui nous est soumis est l’aboutissement de très nombreux travaux. Les initiatives des associations de vétérans, notamment l’Association des vétérans des essais nucléaires, et celles de leurs familles, les propositions de loi - donc des textes d’initiative parlementaire -, le travail remarquable du Médiateur de la République sur ce sujet, tous ces efforts mais surtout la volonté de l’État et la vôtre, monsieur le ministre, ont permis d’élaborer un texte équilibré.
Tout d’abord, il met fin à la disparité des régimes d’indemnisation en unifiant la procédure quels que soient la nationalité, le rôle ou la profession du demandeur. En soi, c’est déjà un grand progrès.
Ensuite, il crée un seul comité d’indemnisation spécifique et indépendant pour l’ensemble des victimes.
Mais c’est l’inversion de la charge de la preuve qui est l’innovation majeure de ce projet de loi : les demandeurs devront seulement attester avoir été dans les zones potentiellement contaminées et avoir contracté une maladie radio-induite.
Enfin, le dispositif permet une réparation intégrale, point sur lequel vous avez, à juste titre, insisté, monsieur le ministre. C’est une condition de la justice et de la reconnaissance que ce texte vise à concrétiser.
La procédure accélérée était nécessaire pour les victimes, mais l’urgence ne signifie pas la précipitation. Nous devons veiller à donner à ce texte toute sa portée. Comme l’indiquait M. le rapporteur, les modifications introduites par l’Assemblée nationale s’inscrivent dans cette démarche.
Je pense notamment à la modification de la liste des pathologies visées et des zones susceptibles d’avoir été exposées aux rayonnements ; au meilleur encadrement de la procédure ; au renforcement des droits des demandeurs, en particulier en matière de délais et de respect du principe du contradictoire.
Je pense également au meilleur suivi de l’application de la loi. La pleine association des associations de victimes, notamment au sein de la commission consultative de suivi, est très opportune.
En ce qui concerne les quelques points qui ont fait débat en commission, il me semble – mais je serai attentif à nos échanges – que la création d’un comité composé de personnalités indépendantes avec un financement assis sur un programme du ministère de la défense n’a pas lieu d’être remise en cause.
Tout d’abord, et contrairement à l’indemnisation des victimes de l’amiante, qui a pris très longtemps, il n’y a qu’un seul responsable des dommages créés : le ministère de la défense.
Deuxièmement, sans préjuger les résultats de l’examen du comité d’indemnisation, le nombre de demandeurs est limité.
Le dispositif proposé devrait donc permettre de répondre efficacement et rapidement aux demandes sans passer par la création d’un fonds spécifique.
Comme l’a dit M. le rapporteur, la nomination des experts médicaux qui examineront les dossiers des victimes conjointement par les ministres chargés de la défense et de la santé, sur proposition du Haut Conseil de la santé publique, est une garantie d’indépendance satisfaisante.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a apporté des améliorations bienvenues au texte.
Le principe selon lequel le demandeur pourra être accompagné de la personne de son choix, notamment d’un représentant d’une association de victimes, en fait partie.
La rédaction de l’article 4, issue des travaux de la commission, prévoit que, si la victime remplit les conditions de l’indemnisation, elle bénéficie d’une présomption de causalité, sauf si le comité, compte tenu des caractéristiques de la maladie et des conditions d’exposition, estime que le risque attribuable aux essais nucléaires est négligeable. Cette rédaction est cohérente avec les articles 1er et 3. Elle me semble claire et équilibrée.
Globalement, ce texte vise à mettre en œuvre un dispositif d’indemnisation efficace et rapide. La France se grandit en réparant cet oubli aujourd'hui.
Pour conclure, j’aimerais à nouveau saluer la mobilisation des associations de vétérans et de victimes, les initiatives parlementaires et le travail du Médiateur de la République. J’aimerais également saluer votre engagement fort sur ce dossier, monsieur le ministre. Vous vous êtes investi, avant même d’occuper vos fonctions, pour réparer l’oubli inacceptable qui a longtemps été réservé aux victimes. Je tenais à le souligner !
J’aimerais en outre saluer le signal qui est envoyé par le ministère de la défense avec ce projet de loi : aujourd’hui, celle que l’on appelait peut-être à tort « la grande muette » reconnaît haut et fort que, en agissant pour la France, elle a non seulement meurtri ceux qui l’ont servie, mais aussi des populations civiles.
La démarche que le ministère avait initiée en 2006 en publiant l’ouvrage intitulé La dimension radiologique des essais nucléaires français en Polynésie a mis fin à un tabou et à une opacité qui n’avaient que trop duré. Le discours sur la prétendue innocuité des essais a blessé les victimes, qui ont toujours exigé une juste réparation ainsi que le rétablissement de la vérité.
Ce geste de reconnaissance honore votre ministère et la France. Il est le signe d’une évolution pérenne vers une défense professionnalisée, modernisée, plus ouverte et plus transparente, seule à même de garantir l’adhésion du pays.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de l’Union centriste soutiendra ce projet de loi.